La Tarasque
171 pages
Français

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La Tarasque , livre ebook

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Description

Après le décès du notaire de Fontvieille, mêlé depuis longtemps à de sordides opérations immobilières, sa veuve se voit confrontée à un de ses anciens clercs, une jeune femme qui s’est muée en maître chanteur.


Champion de sauts d’obstacles et redoutable séducteur, le cavalier Christian Aurel va se changer, pour elle, en un redoutable chevalier, prêt à tout pour protéger l’honneur de la veuve et de sa fille orpheline.


En plein pays des Alpilles, au milieu des chevauchées campagnardes, séduction, politique et machiavélisme se mêlent en une course contre la montre...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 03 août 2023
Nombre de lectures 0
EAN13 9782383515845
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0067€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
 
 
 
 
 
 
 
La SAS 2C4L — NOMBRE7, ainsi que tous les prestataires de production participant à la réalisation de cet ouvrage ne sauraient être tenus pour responsables de quelque manière que ce soit, du contenu en général, de la portée du contenu du texte, ni de la teneur de certains propos en particulier, contenus dans cet ouvrage ni dans quelque ouvrage qu’ils produisent à la demande et pour le compte d’un auteur ou d’un éditeur tiers, qui en endosse la pleine et entière responsabilité.
Titre
Emmanuel Cruvelier
La Tarasque
 
Quand il s’agit de tromperie,
De duperie, de volerie,
Il est toujours bon, sur ma foi,
D’avoir les femmes avec soi.
Et sans elles, les toutes belles,
On ne fait jamais rien de bien !
G. Bizet, Carmen, acte II.
I
Deux semaines après la mort du notaire Bertrand Ruffiac, lorsque les larmes du deuil furent séchées et que l’écho des condoléances, sincères ou de circonstances, se fut évanoui au milieu des forêts de pins et des taillis d’oliviers, sa veuve, Marie-Virginie Ruffiac, reçut la visite de l’un des clercs de l’étude, Serena Moyal…
Bertrand Ruffiac avait trouvé la mort dans un accident de voiture alors qu’il rentrait d’un rendez-vous professionnel en compagnie de son principal clerc, laissant derrière lui son épouse soulagée d’une vie conjugale qui s’en allait en lambeaux et une fille éplorée, qui avait été pendant de longues années la spectatrice désespérée et impuissante des déchirements parentaux. La nouvelle de l’accident était parvenue aux portes de la villa Ruffiac aux dernières heures de la journée, lorsque, les heures s’avançant, le soir s’était changé en crépuscule et que l’inquiétude de ne pas voir rentrer son époux absent commençait à s’emparer de Marie-Virginie Ruffiac, portée par la gendarmerie fontvieilloise, noire messagère des nouvelles fatales. La malheureuse femme, déjà transie dans l’angoisse de la veille d’un mari retardataire, avait immédiatement vu s’étaler devant elle le spectre sanglant d’un accident, sans même s’imaginer que son époux eût pu être appréhendé au malheur d’une malversation financière ou d’un écart professionnel : ce n’était pas qu’elle professât une confiance absolue dans la probité de son époux, mais elle avait été immédiatement habitée de l’une de ces intuitions que les femmes, qu’elles soient épouses ou mères, portent en elles, et qui les guident vers les drames avant même que ceux-ci n’aient signalé leur présence. L’annonce macabre était tombée, telle une chape de plomb fondant sans bruit sur un ménage sans histoire, mais laissant retentir sous les ramures élevées, entre les arbustes entrelacés et par-dessus les hautes herbes peuplées de fleurs assaillies par le vol léger des papillons de jour et le chant des cigales qui se baignaient encore dans la chaleur d’un soleil aux splendeurs de cuivre, le hurlement sinistre d’un clairon de douleur, tranché net au petit malheur d’une odeur de sang. Madame Ruffiac avait chancelé, puis elle s’était rapidement reprise face aux pandores venus lui signifier l’arrachement de son époux aux joies terrestres.
Refusant de voir la carcasse du véhicule, fracassé en contrebas d’une route de Provence, Marie-Virginie et sa fille s’étaient raccrochées à la dernière image du défunt, endormi dans son costume sombre sous le suaire immaculé d’un cercueil sans fioritures. L’été avait été chaud, les derniers jours du mois d’août avaient été marqués par une canicule qui avait brusquement disparu, laissant derrière elle la trace des fatigues qu’elle avait imprimées sur les hommes et sur les bêtes, et la chaleur s’était abattue sur elles le jour des funérailles, oppressant les deux femmes dans leurs tailleurs et leurs chapeaux à voiles noirs derrière lesquels elles dissimulaient des regards qui ne voulaient pas embrasser une assistance qui leur était d’autant plus pénible qu’elles y devinaient toutes les commères à l’affût du moindre détail.
Les obsèques de Maître Ruffiac avaient vu ses confrères, pérorant silencieusement au milieu des notables de Fontvieille, parader dans leurs costumes sombres et présenter à la famille des condoléances d’autant plus sincères qu’ils se réjouissaient, eux aussi, en silence de la disparition de cette brebis galeuse du notariat français : si ses confrères les plus proches géographiquement se réjouissaient en secret de récupérer la clientèle d’une étude brusquement tombée en déshérence, ceux qui conservaient les derniers vestiges de la déontologie notariale se rassuraient de voir cet embarrassant confrère désormais relégué au rayon des mauvais souvenirs. Sa fille s’était indignée à voix basse de ces lamentations qui sentaient le soufre, se rassurant de la dignité dans laquelle se drapait sa mère, qui n’avait pas succombé à ces grands jeux de larmes qui ne servent qu’à manipuler l’assistance :
« Je me souviens encore de la vieille Madame Aurel, la grand-mère du champion équestre, avait dit la jeune femme à son compagnon, au retour de l’enterrement… C’était il y a douze ans. J’étais bien petite, certes, mais cela m’avait marquée, d’autant que j’ai souvent entendu mon père en parler… Deux jours après la mort de son pauvre mari, elle hurlait encore dans l’église, comme une Magdeleine éplorée, alors qu’elle n’avait jamais tenu à lui que pour son portefeuille… Les hurlements d’enterrement ne sont souvent que des chagrins mondains, et le vrai deuil se porte en soi, dans son cœur, dans ses regrets…
— Le chagrin peut aller et venir… On se calme un moment puis, au moment de voir l’époux partir dans sa boîte en bois pour aller au cimetière, l’émotion revient, comme une blessure qui s’ouvre !
— De la part de certains, oui… mais pas de sa part à elle, non ! Mon pauvre papa est à présent dans son éternité, et je ne sais ce qu’il y trouvera, ce que Dieu lui réserve… En tout cas, maman a su rester digne : c’est le moins qu’elle puisse faire ! »
Les commérages n’avaient pas tardé à jaillir, roulant comme une avalanche de ragots drapée dans son nuage de costumes sombres et se répandant dans les rues de la ville, avant de s’insinuer dans les salons et les cuisines où, aux petits soupers des convivialités familiales, la bonne bourgeoisie se délectait des évènements du jour. Les commentaires de la cérémonie avaient gonflé comme une vague de fond, jaillie des profondeurs de la foule, avant de retomber et de se briser, aux heures tièdes de la soirée, dans la douceur des verres de pastis et des orangeades d’été, ou dans l’odeur des gratins de pâtes ou des tians d’aubergines qui cuisaient dans les fours.
« Voilà une veuve bien soulagée…
— Oui, ce pauvre notaire ne laissera pas trop de regrets… du moins, pas parmi les honnêtes gens !
— Il n’avait pas que des défauts… et c’est vrai qu’il a, indirectement et à sa manière, rendu quelques services à la commune…
— Ah, il est certain que si on voit les choses sous cet angle-là… »
« Heureusement que toutes ses conquêtes féminines ne sont pas venues : à elles seules, elles auraient rempli toute l’église !
— Oui, cette pauvre Marie-Virginie va enfin cesser de porter les cornes !
— Il est vrai qu’elle en a bavé, la pauvre femme ! Enfin, elle est jeune… elle pourra sans doute refaire sa vie… »
« Un qui va être malheureux, maintenant, c’est le maire, croyez-moi !
— Oui… mais je dis aussi que maintenant que le pauvre Ruffiac n’est plus là, peut-être que les choses marcheront un peu plus droit dans la commune !
— C’est sûr qu’à eux deux… ils étaient les deux jambes de toutes les magouilles ! Maintenant que Ruffiac est dans son éternité, les magouilles ne marcheront plus que d’une patte… et à marcher ainsi sur une patte, on finit dans les roubines !
— Dans la roubine ? Oui, sans doute pour le maire, ce bandit ! Mais pour Ruffiac… ce sera la roubine de l’Enfer, je vous dis ! »
« Vous avez vu sa fille ? La pauvre petite était effondrée…
— Heureusement pour elle qu’elle vit loin de Fontvieille. Elle n’a pas dû subir ce qu’a subi sa mère…
— Elle a trouvé un joli garçon… Dommage qu’il ne soit pas de chez nous, tiens !
— Oui, une fille de notaire, c’est une jolie dot ! Surtout quand on a un père comme Ruffiac ! Mais j’ai dans l’idée que sa dot ne doit pas sentir très bon.
— Qu’importe ! À Lyon, ils n’en connaîtront pas l’odeur, de la fortune du notaire ! »
Le clerc Éric Gignoleau n’avait, en revanche, suscité aucune émotion : aussi délétère personnage qu’il n’était mauvais juriste, grand bellâtre promenant autour de lui un regard orgueilleux, affichant une courtoisie empressée mais dépourvue d’intégrité, il ne laissait aucun regret derrière lui ; c’était un être prétentieux, d’une politesse qui aurait pu constituer une qualité s’il n’avait pas porté sur lui l’antipathie qu’il dégageait naturellement auprès de ceux qu’il côtoyait, incapable d’articuler une phrase sans asséner une violence verbale qui caractérisait le mépris hautain dans lequel il tenait toute personne humaine. Marie-Virginie ne s’était guère souciée du clerc de son époux - dont l’épouse elle-même avait enseveli son deuil dans un cimetière du Limousin en fuyant une société provençale dont elle n’avait jamais goûté l’exubérance, partageant avec son époux la répugnance des populations méridionales - et avait été la seule à recevoir les condoléances attristées des représentants de la Chambre des Notaires des Bouches-du-Rhône, ainsi que des autres professions qui gravitaient autour d’eux comme des vautours se réjouissant en silence du décès d’un homme dont les ambitions personnelles leur étaient devenues odieuses. Éric Gignoleau n’était qu’un clerc, et les notaires titulaires n’avaient accordé aucune importance à sa dépouille, à laquelle les clercs de l’étude Ruffiac avaient accordé le soupir de soulagement d’une joie non dissimulée à être enfin débarrassés de son arrogance et de la dérisoire tutelle de son incompétence.
Ils n’avaient donc été plus qu’une poignée de personnes à se regrouper au cimetière de Fontvieille, devant la large fosse qui recueillait depuis trois générati

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