Lady Yatagan

Marion D'Oelsnitz

Description

2035, Fresnes: à cinquante ans, Noémi Kalistos bénéficie d’une remise de peine et retrouve sa liberté après quinze ans d’incarcération. 2010, Paris: Gabrielle, une stagiaire du journal où Noémi est rédactrice, sera témoin de l’engrenage qui les a précipités dans sa chute, elle et son amant photographe Djafar. Une Grecque chrétienne orthodoxe et un musulman traditionnaliste d’origine turque. Un couple impossible. La marionnette de fanatiques transformée en monstre, un homme mort en héros… Autour de l’antagonisme historique gréco-turc, Marion D’Oelsnitz renverse les clichés du genre et assemble un puzzle tragique mêlant romance, suspense et politique. Tout en flash-back et confessions intimes, elle nous plonge dans un tourbillon de vingt-cinq ans de passions et d’actualité bouillonnante.

Informations

• Publié par: publibook
• Nombre de lectures: 16
• EAN13: 9782748356656
• Langue: Français

Extrait

Lady Yatagan

Marion D’Oelsnitz Lady Yatagan

Publibook

Retrouvez notre catalogue sur le site des Éditions Publibook : http://www.publibook.com Ce texte publié par les Éditions Publibook est protégé par les lois et traités internationaux relatifs aux droits d’auteur. Son impression sur papier est strictement réservée à l’acquéreur et limitée à son usage personnel. Toute autre reproduction ou copie, par quelque procédé que ce soit, constituerait une contrefaçon et serait passible des sanctions prévues par les textes susvisés et notamment le Code français de la propriété intellectuelle et les conventions internationales en vigueur sur la protection des droits d’auteur. Éditions Publibook 14, rue des Volontaires 75015 PARIS France Tél. : [phone] IDDN.FR.010.0115256.000.R.P.2010.030.31500 Cet ouvrage a fait l’objet d’une première publication aux Éditions Publibook en 2010.

À Tristan.

Fresnes 2035

Prologue

L’air est léger, incroyablement pur. Elle inspire, ferme les yeux. Une brise au goût de sorbet pénètre dans sa bouche, écarte ses côtes, souffle dans ses poumons, oxygène ses sens, la perfuse. Elle marche. Sa valise à roulettes à bout de bras, moulée dans une jupe à plis comme on n’en fait plus, chaussée d’escarpins qui attendaient ce jour de gloire pour sortir du placard, elle quitte la centrale. A part son sac à main dont le portefeuille contient quelques centaines d’euros gagnés à l’atelier d’emballage, elle emporte seulement ce qui est nécessaire à qui va faire peau neuve : un jean, des chaussures troquées contre ses vieux baskets, quelques t-shirts, du linge, des affaires de toilette,Belle du seigneurd’Albert Cohen, trois CD de jazz, les gymnopédies d’Erik Satie, une BD, une bible de poche. Et tout contre sa peau, une lettre qu’elle a réussi à cacher pendant toutes ces années, signée Djafar. Tout à l’heure, la porte de sa cellule s’est ouverte sur le sourire épanoui du gardien : en route, ma belle ! Bonheur d’entendre pour la dernière fois ses clés tintinnabuler. Longer menton haut, les couloirs, la salle de sport, la cantine, traverser la cour et le jardin jusqu’au sentier qui mène à la maison de la directrice. Laquelle, rencontrée une fois en quinze ans, l’a accueillie hier dans son bureau et gratifiée d’une poignée de main en l’appelant par son prénom. Elle a ensuite passé le sas, digne comme une reine, et atteint l’allée qui mène à la grande porte de fer. Tout à sa

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triomphale sortie, elle en a oublié de saluer les matons qui, goguenards, la regardaient passer. Libre ! Elle prononce ce mot encore et encore, le goûte, le murmure, le chante, le sifflote, le mâchonne, le roule sous la langue. Elle voudrait s’en imprégner, s’en nourrir, s’en repaître, s’en gaver. Après toutes ces années d’emmurement, ce seul mot la galvanise. Dorénavant, elle ne supportera aucune attache, aucun frein, aucune contrainte, aucun lien. Son seul amour aura pour nom Liberté. Une allégresse qui n’a pas cessé, du jour où son avocat lui a donné à lire la récente décision du tribunal : « Attendu que Madame Kalistos Noémi, 50 ans, de nationalité française, née à Hydra, île grecque, de Kalistos Yannis et de Prodis Maria, a reconnu la gravité des faits perpétrés par elle le 2 septembre 2020, qu’elle ne conteste pas sa condamnation ni la durée de sa peine, qu’elle a montré un grand regret de son acte, que cet acte, de par sa nature et compte tenu des circonstances, ne risque pas d’être réitéré, que sa conduite vis-à-vis de ses gardiens et de ses codétenus a été, depuis son incarcération, exemplaire, en conséquence de quoi Madame Kalistos Noémi est qualifiée pour une mise en liberté conditionnelle. Cette remise de peine a été décidée, vu que la demanderesse peut bénéficier d’un logement, d’un travail et d’un environnement solidaire. Signé : le Juge d’Application des Peines de Paris. » Marcher, s’étirer, se déhancher, se contorsionner, s’époumoner, arpenter l’asphalte à grands coups de jambes, courir ! Tout son être est à la fête : son torse, ses hanches, ses fémurs, ses bras, ses mains qui tirent sa valise à roulettes. Depuis son incarcération, elle n’a connu du reste du monde que l’hôpital de la Salpêtrière, et encore : accompagnée d’un garde-chiourme et d’un chauffeur de panier à salade ! Aujourd’hui, elle a gagné la sortie d’un pas si alerte que le portier lui a manifesté de la sympathie : il a fait le geste de lui ouvrir les bras, avant de se tourner

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