Le Bonheur, Papa, le bonheur...
174 pages
Français

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Le Bonheur, Papa, le bonheur... , livre ebook

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Description

« Il vivait la certitude qu'il avait laissé Mike dans l'avion... que cette partie de lui-même ne foulerait jamais le sol de son enfance... S'était-il débarrassé de ses démons ? Il ne le savait pas encore, mais un espoir fou l'habitait : récupérer son enfance, faire la jonction sans solution de continuité, retrouver tout comme avant... Rêve insensé ! Rêve de gosse ! » Issu d'une modeste famille de prolétaires marseillais, Mikhail est parti faire carrière aux États-Unis. Fort de son succès, cet entrepreneur prospère imbu de sa supériorité a renié les idéaux politiques des siens. Jusqu'au jour où un coup de téléphone le rappelle à son passé enfoui. Il se replonge dans ses souvenirs et accepte de retourner au chevet de son père mourant. L'émotion le saisit lors des retrouvailles avec ses proches et en particulier avec son petit frère. Au terme d'un long cheminement, il apprend à vaincre ses angoisses pour se réconcilier avec ses origines et ainsi, avec lui-même. Michel Regaire compose une émouvante histoire de famille où l'amour filial est pétri de contradictions.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 13 avril 2018
Nombre de lectures 6
EAN13 9782342160598
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0075€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le Bonheur, Papa, le bonheur...
Michel Regaire
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Le Bonheur, Papa, le bonheur...

Toutes les recherches ont été entreprises afin d’identifier les ayants droit. Les erreurs ou omissions éventuelles signalées à l’éditeur seront rectifiées lors des prochaines éditions.
 
 
À mon père, Marius Regaire
À ma mère, Mireille Regaire
À mon frère, Patrick Regaire, que j’aime
Mais aussi
À ceux que j’aime…
Pour ceux que j’aime
Que j’aime
Que j’aime
 
 
Les cons
Confortablement assis, à l’arrière du taxi, il venait de s’allumer un cigare ; il rentrait à l’hôtel et les boulevards de Los Angeles, qui défilaient devant lui, n’attiraient plus son attention.
Depuis quinze ans qu’il était arrivé en Amérique, de son Marseille natal, que de chemin parcouru.
Le matin, debout devant sa glace, il savait qu’il avait réussi. Il était désormais au-dessus du panier. Il était devenu le surhomme dont il avait, dès son enfance, rêvé… Il l’avait eu, son bonheur… Le bonheur de ne plus être là, à baver devant ceux qui ont tout alors que, toi, tu rames, ne serait-ce que pour survivre ! Le bonheur de pouvoir tout prendre, tout ce qu’on veut… et des choses… et des êtres qui se donnent à toi avant que tu ne le demandes… Le bonheur de pouvoir jouir de la vie sans entraves, parce qu’on te la donne, sur un plateau d’or au moindre de tes caprices. Il était devenu celui qui A ; devant lequel la populace n’a qu’envie, que ressentiments.
 
Maintenant, quand une entreprise avait des problèmes de gestion, on faisait appel à la compétence de Mike, en robotique, et on était sûr de retrouver un profil de croissance, car Mike résolvait la quadrature du cercle et leur présentait, clefs en main, leur futur… avec généreux émoluments à l’appui.
 
Mike, c’était lui… Oh ! Pas tout à fait… initialement, il s’appelait Mikhaïl… une idée de son père qui aurait même voulu le déclarer Mikhaïl Alexandrovitch (vous savez, comme Bakounine) mais l’employé municipal avait refusé pour référence trop évidente à l’étranger, alors, on en était resté à Mikhaïl… Après, il y avait eu Rosa (Luxembourg), et puis Fiodor (Dostoïevski), mais lui, c’était Petit Bout, comme sa sœur l’avait surnommé.
 
Papa a raté sa patrie…
 
Petit sourire moqueur derrière le cigare… Et à voix basse, pour lui-même :
 
— Les cons, il suffit de leur montrer qu’on a les couilles qu’ils n’ont jamais eues. Et puis, minaudant sur son siège :
— Messieurs, vous êtes le moteur du développement mondial. Avec les solutions que je vous apporte, vous serez bien loin au-dessus de tous ceux qui ne pourront plus vous suivre.
Il se mit à rire fortement, alertant le chauffeur.
— Vous désirez, Monsieur ?
— Mais, dites-moi, est-ce que je vous ai sonné ?
— Oh ! Pardon
Il détestait tous ces petits cons qui se croyaient tout permis.
M’enfin ! Qu’est-ce qu’il croit, ce con-là ! Qu’on a gardé les cochons ensemble !
 
Et puis, il s’enfonça de nouveau dans sa rêverie.
Oui, il avait sacrément cravaché pour en arriver là, pour se sortir du lot, pour émerger de cette demi-misère dans laquelle leur père ne pouvait pas les extraire.
Dès le lycée, il avait été sûr qu’il les écraserait… TOUS… Tous ces merdeux qui, durant toute son enfance, lui avaient fait miroiter une appartenance sociale que son origine familiale ne pouvait qu’envier.
Et maintenant, quand son subconscient faisait remonter des visages devant lesquels il avait dû tant de fois s’écraser, il rigolait bien, il rigolait fort, il rigolait de rage… En y pensant, il eut même une érection… LA PUISSANCE !!!
Nouveau rire… mais, cette fois, main pleine de tendresse qui caresse Prosper à travers le pantalon.
 
 
Mon père… Quel gâchis !
 
Papa travaillait à la réparation navale… et le port comporte ses propres classes sociales. Les seigneurs, ce sont les dockers. Puis, juste au dessous, ce sont les travailleurs de l’extérieur. Après, il n’y a que de la merde ; il y a ceux qui réparent les machines… et puis, au dessous encore, il y a ceux qui s’occupent des installations annexes, comme les chambres froides sur tous ces cargos qui, en ce temps, transportaient les denrées périssables en provenance du Maghreb, ou plus loin, de l’Afrique (comme les bananiers, par exemple). Eh bien, Papa, il travaillait dans les frigos !!!
Mike pensait qu’avec la perte des colonies tous ces chantiers avaient dû progressivement disparaître… mais des parias, il devait toujours en rester !
Mon pauvre con à moi, est-il resté à travailler sur le port ?
 
 
Son père avait toujours cru au bonheur… Le bonheur, c’était sa religion à lui… le bonheur familial, le bonheur solidaire… le drapeau rouge, et quelquefois le drapeau noir… la lutte ensemble ; toujours ensemble… Tous ensemble ! Tous ensemble ! Oueh ! Oueh !
— La classe ouvrière est toujours exploitée ! Mais souvenez-vous, camarades, que sans les travailleurs, les patrons, ce n’est plus que de la merde ! Tous en grève ; on va les affamer.
 
Tu parles ! Ce sont les prolos qui se trouvaient affamés ; le capital a toujours gagné la guerre…
Son père ne l’avait jamais compris… Lui, si… et tout jeune. Dès qu’il était rentré au Lycée Thiers et qu’il s’était frotté à ceux dont le papa avait les leviers de commande, c’est-à-dire les sous. Son père à lui, il se crevait à la tâche… certains soirs, il était tellement fatigué que Maman devait le faire manger à la cuiller et, dans l’entrebâillement de la porte de la chambre, il y avait un mioche qui pleurait doucement.
Et tout ça pour apporter juste de quoi… pardon, pour permettre à ses enfants d’acquérir une éducation qui les ferait grimper dans l’échelle sociale.
Libertaire ! Le portrait de Bakounine.
Bakounine  ! Mon cul !
Libertaire ! Pour faire pousser des enfants qui seront à leur tour les prochains exploités : Rosa ? Petit Bout ?
Libertaire ! Un sanglot dans sa tête… Merde, depuis combien de temps cela ne lui était plus arrivé.
Non, Papa, j’ai choisi une autre voie. Si je t’ai laissé tombé, c’est parce que j’étais sûr d’avoir raison : Papa, regarde, Papa, regarde-moi, c’est moi maintenant le bourgeois, c’est moi maintenant le seigneur. Et la populace, eh bien… je l’encule !!!
 
Mike se reprend… il se met de nouveau à rire.
Putain, pourquoi faut-il que je pense à ça maintenant… cela faisait des lustres.
 
Il venait de gagner une grande bataille et il y avait mis le paquet ! D’abord dans son apparence, il se savait latin : cheveux geais, yeux sombres, taille cambrée, corps parfaitement entretenu, bite généreuse et généreusement mise en scène dans des pantalons tout juste un peu trop cintrés… pour montrer qu’on en a, quoi ! Et puis sa tenue :
Non, je ne suis pas un Chicano ; je viens de la vieille Europe… et donc je porte un costume trois-pièces taillé sur mesure, anthracite ; avec le gilet du même fond mais finement rayé caramel, sur une chemise en soie du même ton caramel. Et autour du cou, non, pas une cravate mais un foulard moiré d’or, retenu à la scout par un manchon plaqué d’onyx, sur lequel sont enchâssées trois pierres de soleil… Aux pieds, j’a des baskets châtaigne, mais « de collection », must be in, isn’t it ! Bien sûr, ma pochette est parfaitement coordonnée…
Et puis son sourire carnassier, ses yeux pétillants, sa confiance inébranlable, son culot pour tout emporter. Tout cela formait un mec à la fois angoissant et qui attirait comme un aimant… et tout cela parfaitement maîtrisé.
 
Bien sûr, aujourd’hui, il avait parlé perte de salaire, licenciements, compression de la variable la plus ajustable, la masse salariale pour augmenter ce qui les intéresse : Le profil, et cela devant un rêveur qui n’était là que parce qu’il était planqué par la fortune familiale
Je me demande si ce n’était pas une pédale.
Et satisfait de sa réflexion, il remet Prosper à sa place.
 
 
Sur la lutte des classes, il avait tout compris :
Le capital avait su déplacer le curseur ; l’opposition n’était plus entre le patron et les travailleurs, pour la simple raison que le patron était devenu impalpable, évanescent ; il avait délégué la pression aux quelques cons qui bavaient devant les fausses risettes qu’on leur distribuait ; ces quelques cons, c’était les contremaîtres, les chefs de bureau, les chefs de rayon, les directeurs des ressources humaines. Comme c’est bien dit !!! Tous ces petits trembleurs qui ne bandaient qu’en opprimant les autres.
 
Mais il y avait mieux encore !
Le capital avait réussi à placer ces enfumeurs à la tête de partis politiques, les sociolibéraux.
Le capital avait réussi à placer les enfumeurs à la tête de syndicats ; les syndicats réformistes comme il les appelle en Europe.
Mais attention, plus fort encore : ce qui montre la capacité d’illusion de la pensée dominante, les intellectuels, les bobos, les pseudo-gauche petits fours – chantilly qui refondent le monde autour d’une tasse de thé prise sur Les Champs-Élysées, qui avaient la prétention d’excuser de nouvelles formes d’asservissement comme le transhumanisme par exemple… et il y en aura d’autres ! Fukuyama a disserté sur la fin de l’histoire… en fait, sur la défaite des gens de peu.
 
Satisfait, il arbora un sourire béat :
Tous enculés ! TOUS enculés ! Oueh ! Oueh !
 
 
Sûr, lui, il était libre ; bougrement libre ; il ne s’était jamais embarrassé d’une relation durable qui aurait pu retarder sa réussite. Il avait toujours su baiser avec des demi-putes, voire des putes enti

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