Le dernier vivant
450 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Le dernier vivant , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
450 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Paul Féval (1816-1887)



"À la fin de la première partie, nous avons laissé Geoffroy de Rœux aux prises avec le dossier de Lucien Thibaut. Le dernier numéro du dossier était un permis de communiquer avec Jeanne Péry, accusée du meurtre d’Albert de Rochecotte, – permis accordé à Lucien en qualité de défenseur.


Au début de cette nouvelle série, qui donnera au lecteur la solution de toutes les énigmes posées par le dossier de Lucien, parmi lesquelles nous rappelons l’affaire des ciseaux, « le codicille », et le mystère qui enveloppe les rapports de la marquise Olympe de Chambray avec M. Louaisot, nous laissons la parole à Geoffroy de Rœux, selon la forme adoptée dans notre récit."



suite de : Première partie - "Les ciseaux de l'accusée".

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 0
EAN13 9782374638171
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0019€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le dernier vivant
 
Deuxième partie
 
 
Paul Féval
 
 
Novembre 2020
Stéphane le Mat
La Gibecière à Mots
ISBN : 978-2-37463-817-1
Couverture : pastel de STEPH'
lagibeciereamots@sfr.fr
N° 817
DEUXIÈME PARTIE
Le défenseur de sa femme
 
À la fin de la première partie, nous avons laissé Geoffroy de Rœux aux prises avec le dossier de Lucien Thibaut. Le dernier numéro du dossier était un permis de communiquer avec Jeanne Péry, accusée du meurtre d’Albert de Rochecotte, – permis accordé à Lucien en qualité de défenseur.
Au début de cette nouvelle série, qui donnera au lecteur la solution de toutes les énigmes posées par le dossier de Lucien, parmi lesquelles nous rappelons l’affaire des ciseaux, « le codicille », et le mystère qui enveloppe les rapports de la marquise Olympe de Chambray avec M. Louaisot, nous laissons la parole à Geoffroy de Rœux, selon la forme adoptée dans notre récit.
R ÉCIT DE G EOFFROY
 
I
J.-B.-M. (Calvaire !)
 
Je ne lisais plus. Mes yeux restaient fixés sur le petit carré de papier qui portait l’estampille de la Conciergerie. Et mes yeux étaient mouillés.
Se peut-il qu’un laissez-passer libellé selon la formule morne des actes de cette sorte, produise ainsi une profonde, une enthousiaste émotion !
Mon âme vibrait, je puis le dire, pendant que je lisais le dernier mot, écrit sur ce pauvre carton :
Défenseur !
Une fois, Lucien me l’avait dit dans le lyrisme de sa tendresse si belle. Il m’avait dit : « Rien n’est pour moi au-dessus de cette fable splendide : Orphée allant chercher sa femme aux enfers ! »
Aussi comme cette grande fable nous fait rire à gorge déployée, nous, le siècle contempteur des géants, nous les impuissants et les railleurs, nous, les pitres de la décadence !
Et Lucien avait ajouté :
« Ma femme était dans l’enfer, je suis allé l’y chercher. »
À l’heure où il m’avait dit cela, je ne l’avais pas compris, mais je comprenais, maintenant.
Le mari de l’accusée était le défenseur de l’accusée.
Du bord où marche l’homme d’honneur, il se penchait, devant tous et sous le soleil, vers le gouffre où l’infamie se débat dans le sombre. Sa main s’y plongeait, frémissante d’orgueil généreux ; il y cherchait, il y trouvait une main déshonorée et il la ramenait à lui, criant à la foule :
« Je suis le mari de cette femme, et je suis son défenseur ! »
C’est grand, le mariage, allez, les petits ont beau rire !
Et c’est grand aussi l’œuvre d’avocat, quoi que fassent certains avocats.
Y eût-il, autour de ces deux nobles choses, plus de misères grotesques qu’on n’y en amoncelle à plaisir : j’entends les avocats et les maris eux-mêmes, collaborateurs de toutes les comédies, ces deux choses seraient grandes encore, parmi ce que le monde garde de plus grand.
J’étais avec Lucien. Je le connaissais si bien depuis vingt-quatre heures ! Je voyais battre à nu son excellent cœur si naïf et si brave ! Je devinais quelle allégresse avait rempli tout son être en lisant ce mot défenseur à la suite de son nom.
Pour certains, il y a de profondes jouissances dans le sacrifice, mais pour Lucien, ce n’était pas cela.
Lucien ne sacrifiait rien.
L’héroïsme s’exhalait de son amour comme le souffle sort de nos poitrines. Il vivait de tendresse. Pour employer son expression qui, pour nous, serait prétentieuse, mais qui devenait si juste entre ses lèvres : « Jeanne était son âme. »
Je n’eus pas le temps de poursuivre plus loin ma lecture. Au moment où j’allais prendre le numéro suivant, mon domestique Guzman rentra. Il venait me rendre compte des deux commissions que je lui avais données.
Mme la marquise de Chambray me faisait dire qu’elle m’attendrait, selon mon désir, ce soir, à huit heures.
Ce devait être la fameuse femme de chambre Louette qui avait transmis cette réponse, du moins je crus la reconnaître à la description que m’en fit Guzman.
Quant à Mme la baronne de Frénoy, Guzman l’avait vue elle-même.
C’était, au dire de Guzman, une forte femme très brune, au teint presque gris et aux yeux brillants, pris en quelque sorte dans un réseau de rides. Il me sembla que je la revoyais. C’était une créole. Les créoles sont souvent jolies dans leur jeunesse.
Mais l’âge les masque d’une étrange façon.
Mme de Frénoy, veuve de Rochecotte, avait fait entrer Guzman dans sa chambre à coucher, où elle était étendue sur un canapé.
– Pas belle, pas belle, me dit Guzman. Des rides faites avec de la peau de serpent, des cheveux gris de fer et des yeux taillés à pointes, comme les cristaux de lustres. Et tout ça dans du lait, car elle est entourée de mousseline blanche. Elle m’a dit du premier coup :
– Dites donc, là-bas, vous, ce gamin de Geoffroy aurait bien pu venir lui-même et tout de suite. Je lui ai assez donné de fessées quand il faisait le méchant, – et des dîners aussi, les jours de sortie. Mon pauvre Albert avait de bien mauvais sujets pour amis.
Guzman n’était pas sans éprouver un certain plaisir à me rapporter ces paroles.
– La demoiselle de compagnie, reprit-il, la même qui est venue ici ce matin chercher la réponse de monsieur, pauvre diablesse, a voulu mettre son nez à la porte ; Mme la baronne lui a dit d’aller voir à ses affaires et qu’elle était curieuse comme une pie. J’aimerais mieux être bourreau que demoiselle de compagnie, ça, c’est sûr. Mme la baronne m’a donc continué :
– Vous direz à M. Geoffroy de Rœux que je pleure toujours mon fils Albert, le jour et la nuit. C’est en automne qu’il aurait eu ses trente ans. Je suis obligée de partir parce qu’on m’a invitée en vendanges, mais je compte sur M. de Rœux pour se mettre à la recherche de cette drôlesse de Fanchette. On l’a laissée partir. La justice est une bête. M. de Rœux nous doit bien ça à mon fils et à moi. L’autre ami de mon fils, l’avocat Thibaut, s’est mis du côté de la coquine. Il y a des hommes bien abominables ! Quand je reviendrai de la Bourgogne, je verrai votre maître. Dites-lui qu’il peut s’adresser à M. le conseiller Ferrand pour les démarches. C’est un aimable homme, et fort au whist. Si on retrouve la créature, je la déchirerai de mes propres mains, allez ! »
Ce compte-rendu fidèle de la mission de Guzman ne me donna pas beaucoup à regretter le départ de Mme la baronne pour les vendanges.
Dans mes souvenirs, c’était une très bonne femme, mais fantasque et impérieuse. Je n’avais ni le temps, ni la volonté de m’atteler à sa vengeance.
S’il m’eût été donné de la voir, j’aurais essayé de changer son sentiment par rapport à Jeanne, mais c’aurait été là une rude besogne.
Mon dîner, lestement pris, pourtant, me mena jusqu’à l’heure de partir pour le rendez-vous de Mme la marquise. Il pleuvait. Guzman mit mon pardessus dans la voiture fermée qu’il m’avait fait avancer.
Au moment où je traversais le trottoir pour monter, j’aperçus un malheureux petit homme maigre et plat comme un couteau à papier qui me tira son vieux chapeau rougeâtre d’un air de connaissance.
Je croyais pourtant être bien sûr de n’avoir jamais rencontré en ma vie ce pauvre petit homme-là.
Il était vraiment fait de manière à ce qu’on pût se souvenir de lui.
Parmi les marchands de lorgnettes il y a de ces maigreurs, mais le marchand de lorgnettes prend l’usage du monde, à force d’accoster les Anglais. Son abord n’est ni emprunté, ni timide.
En outre, il parle généralement la langue de Moïse.
Mon petit homme parlait normand, comme je pus l’entendre au seul mot qu’il prononça en me tendant discrètement sa carte : un petit carré de papier écolier, sur lequel étaient tracées, en belle écriture ronde de copiste, ces trois lettres majuscules : J.-B.-M.
– Calvaire ! me disait-il tout bas ; Calvaire !
Il avait arrondi ses deux mains autour de sa bouche pour former porte-voix.
Il y a des heures de danger et d’embarras où les choses qu’on ne comprend pas font peur. Je regardai le petit homme avec défiance.
C’est bien, en apparence, la plus inoffensive et la plus pauvre créature qu’on puisse imaginer. Outre son chapeau roussi qui ruisselait de pluie, il portait un pantalon de casimir gris perle dont les lambeaux faisaient frange sur des bottes désastreuses, et si longues qu’elles se relevaient à la poulaine.
Par-dessus son pantalon, il avait, au lieu de redingote, un petit collet de toile cirée blanche qui avait dû être la partie supérieure d’un carrick de cocher.
Une ass

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents