Le destin à publier
91 pages
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Le destin à publier , livre ebook

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Description

- Mais au fait, je ne me suis pas présenté : Thomas Jarman. Je suis écrivain. Ces feuilles que vous voyez, sont mon dernier roman.
- Vous êtes écrivain ? Nom de nom, pour une coïncidence ! Il empoigna chaleureusement sa main.
- Alain Morante. Je suis éditeur. Thomas sentit sa gorge se serrer. Son cœur s'emballa un instant dans sa poitrine. Il inspira profondément, jusqu’à calmer son léger vertige.
- Vraiment ? C'est en effet une... merveilleuse coïncidence, monsieur Morante.

Informations

Publié par
Date de parution 18 mai 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782363155771
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0025€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le Destin à publier


Philippe Miramon

2016
ISBN:9782363155771
Cet ebook a été réalisé avec IGGY FACTORY. Pour plus d'informations rendez-vous sur le site : www.iggybook.com
Chapitre 1
 

 
«   Domaine de la Matte, 18 novembre 1996.   » 
 
Après avoir inscrit la date sur la dernière page du roman, Thomas Jarman enregistra dans la mémoire de l’ordinateur ce qui constituait l’œuvre de sa vie : «  Le destin de la dynastie Lebeau . » Le chapitre final de l’ouvrage lui avait demandé trois mois de travail acharné. L’ensemble du roman contenait quatre cents vingt-huit pages, fractionnées en dix-sept chapitres, pour quelques centaines de milliers de caractères. Une œuvre qui lui apporterait la reconnaissance des lecteurs et du monde sans pitié des critiques, Jarman en était convaincu.
«   Mon chéri, ce roman est merveilleux, je suis fière de toi…  »
Du bout des doigts, il effleura tendrement la photo de sa mère, posée à proximité de l’écran. Il avait hérité de ses yeux, enfoncés dans leur orbite, offrant un regard froid et calculateur. Celui de ceux qui détiennent ce qu’ils pensent être la vérité, du haut de leur réussite sociale.
 
Une éducation à l’abri des tentations avait préservé Thomas Jarman de l’usure du temps. Un corps sec et noueux, et des tempes grisonnantes faisaient de lui l’archétype du bel homme de quarante-neuf ans.
Il savoura une gorgée de Martini et s’approcha de la fenêtre.
De lourds nuages noirs s’amoncelaient sur les cinq hectares du domaine, et les branches des sapins frissonnaient sous les agressions du vent. Dans le chenil, les molosses gémissaient, oreilles rabattues, queues repliées sous le poitrail, face aux roulements du tonnerre.
Jarman, une plume divine… L’écrivain d’une génération… Le style Jarman… Il se délectait à l’avance des articles qui paraîtraient dans les revues spécialisées, quand son œuvre serait publiée. Les longues colonnes dédiées à son seul talent, ses photos dont il aurait soigneusement travaillé la pose. Il savait que son aura seule suffirait à faire émaner de sa personne, intelligence et finesse d’esprit. Oui, Jarman ameuterait les foules. Pas celles des salles de concert surchauffées, mais celles des lieux Saints.
Elles ne pourraient faire que silence devant l’impénétrable puissance de son talent.
 
La pendule du salon affichait vingt et une heures, une chaleur apaisante emplit son corps. Il termina son verre, et choisit de s’en verser un dernier, par récompense. Il ne buvait jamais plus que de raison. Thomas exerçait un contrôle parfait sur son corps, et ne laissait jamais l’alcool diminuer ses capacités.
Jax dormait devant la cheminée. Depuis la mort d’Antoine Jarman, son père, le dogue fidèle déclinait peu à peu. Il commençait à se traîner, dans l’attente de son heure, comme si l’amour disparu de son maître suffisait à lui faire perdre goût à la vie. Mais il n’en gardait pas moins une certaine prestance. Son œil toujours vif ne pouvait faire oublier qu’il était un tueur né. Lors des longues balades que s’autorisait Thomas entre deux pages, Jax faisait office de confident. Le chien regardait sagement le maître de substitut, et s’endormait sous le flot de ses paroles.
Thomas s’accroupit et lui caressa la tête.
– Mon vieil ami. Tu m’as accompagné tout au long de ce parcours. Ce roman est un peu le tien…
 Jax ouvrit un œil, sortit une langue épaisse qui vint laper son poignet, puis replongea dans ses rêves d’amours canins.
 
Les lourds volets de bois claquèrent sur la bâtisse en pierre. Thomas ferma les fenêtres de sa chambre, à l’étage. Celles des autres pièces l’étaient depuis longtemps. D’abord la chambre de ses parents décédés, qui transpirait l’odeur aigre du renfermé. Puis celle de la chambre d’ami, qui ne servait plus. Thomas n’avait pas d’ami, personne à ses yeux n’ayant les qualités requises pour partager son temps.
Mais par-dessus tout, il ne désirait aucune présence à ses côtés qui viendrait polluer son travail.
Du temps de ses parents, l’oncle William séjournait parfois dans la chambre d’ami, le temps d’un week-end, pour régler des affaires de famille. Ces visites suscitaient toujours en Thomas une angoisse profonde. Lorsque ses parents s’enfermaient dans le bureau, avec l’oncle, il ne percevait que des bribes de mots, des chuchotements, et voulait toujours savoir de quoi il en retournait.
…Vous parliez de moi, hein, maman ? Mais non, mon chéri, on ne parlait pas de toi… De qui alors ? Mais de personne, mon chéri… De personne… Vous allez m’enfermer, moi aussi, comme Mila ? Mais grand Dieu non, Thomas, n’ai pas peur, tout va bien…
 
Il aperçut au loin, la lumière d’une moto qui zigzaguait sous la pluie battante.
– Faut-il être fou pour conduire par un temps pareil ? Fou ou suicidaire.
Le bois crépitait dans la cheminée. Thomas imprima les derniers feuillets de son roman, puis se cala confortablement dans le fauteuil où avant lui, son père prenait plaisir à prendre place, après les journées de travail harassantes.
Sur les étagères, s’alignaient les portraits de famille.
Alphonse, l’aïeul fondateur, grand banquier de son époque ; Antoine, le père négociant, mort quelques années plus tôt d’une rupture d’anévrisme. Et Georgina sa mère, sur qui son regard s’alanguit.
Elle avait quitté son fils un an plus tôt, des suites douloureuses d’un cancer généralisé.
 
Aujourd’hui, Thomas était le dernier de la lignée. Mais après lui, le nom des Jarman ne disparaîtrait pas pour autant des pages de l’histoire. A défaut d’une progéniture, il resterait rattaché à son œuvre, qu’il savait déjà immortelle.
Il avait pourtant essayé, dans un âge plus insouciant, de présenter des filles à sa mère. Mais elle les rejetait avant même de les voir.
…Elles n’en veulent qu’à ton argent, Thomas, l’argent des Jarman. Aucune d’entre elles ne t’aime réellement, mon chéri. L’amour dans leurs yeux, se résume à un compte en banque…
Il surprenait quelquefois ses parents, lancés dans de longues discussions sur les principes de l’éducation.
– Tu devrais le laisser faire, Georgina. Il finira seul, si tu continues… Laisse-le se dégourdir, laisse-le devenir un homme…
– Je le protège… Si je ne m’en occupais pas, qui le ferait ? Sûrement pas toi, Antoine… Thomas est un garçon sensible. Il est de mon devoir de le protéger de ces vampires. Je t’interdis de le toucher…
 
Dans les bras de sa mère, Thomas se sentait intouchable et quand, assis devant sa machine, elle posait son regard sur lui, il sentait frémir en lui le feu de la puissance.
L’écriture était la seule femme que Georgina acceptait. Une femme silencieuse et désintéressée, dont elle acceptait qu’elle lui enleva son fils le temps d’une page.
Dans cet amour sans risque, Antoine avait voulu s’immiscer. Sans succès.
– Thomas, le temps est venu pour toi de prendre les affaires en mains. Cesse donc ton scribouillage. Je me fais vieux, à toi désormais de diriger l’entreprise qui a fait notre renommée…
Pour Thomas, prendre le relais lui coûtait trop. Il s’efforça d’abord d’écouter les conseils de son père. Il s’efforça même de s’y intéresser. Mais après la mort du père, l’affaire familiale périclita peu à peu. Thomas n’avait pas les qualités pour reprendre le flambeau. Antoine avait gagné suffisamment d’argent pour les mettre à l’abri, le restant de leur vie, et Georgina se résigna à vendre.
Le jour de la transaction ressemblait à une cérémonie funéraire.
Vêtus de noir, Georgina et son fils se tenaient stoïquement derrière le notaire. Une histoire se terminait. Aux yeux de Thomas, cet échec n’en était pas un.
– Je suis écrivain, maman, pas homme d’affaire.
– Je sais bien mon chéri… Tu ne pouvais pas t’en occuper.
– Un jour je serai édité, tu verras…
– Oui, mon petit. Je sais…
– Maintenant, nous sommes seuls, maman, toi et moi…
– Oui, mon chéri. Mais je suis là, ne t’en

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