Le fantôme de la rue de Venise
128 pages
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Le fantôme de la rue de Venise , livre ebook

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Description

Extrait : "Ceci se passait quelques années après la révolution de 1830. La baronne de Saint-Loubès, veuve depuis peu, était une belle jeune femme remarquée dans les salons aristocratiques du monde parisien. Aussi son veuvage devait-il être de peu de durée."

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Nombre de lectures 31
EAN13 9782335040371
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0006€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

EAN : 9782335040371

 
©Ligaran 2015

I
Ceci se passait quelques années après la révolution de 1830. La baronne de Saint-Loubès, veuve depuis peu, était une belle jeune femme remarquée dans les salons aristocratiques du monde parisien. Aussi son veuvage devait-il être de peu de durée.
La baronne de Saint-Loubès avait une petite fille en bas âge, circonstance qui lui enlevait le spécieux prétexte de se remarier pour avoir un enfant. Cependant, comme elle était aussi d’une nature essentiellement romanesque et exaltée, il était improbable qu’elle ne jetât pas son cœur par-dessus le mariage, si la Providence ne lui envoyait un mari au plus vite.

Heureusement, ce mari ne se fit pas attendre. Et une année s’était à peine écoulée depuis le décès du baron de Saint-Loubès, que la jeune veuve épousait le comte Souzaroff. C’était un Russe de quelque fortune, de haute prestance, mais d’un caractère peu définissable. Au physique, grand, blond, à l’œil éteint, d’une expression étrange. Il devait y avoir dans le cœur de cet homme une grande réserve de sentiments jointe à des exaltations imprévues.
Ce nouveau mari avait-il parlé au cœur de la jeune femme ou avait-il été seulement agréé à cause de sa situation de fortune et de naissance ? Ceci est une question que la belle veuve elle-même n’aurait peut-être pas pu résoudre.
Le comte Souzaroff était de mœurs très convenable il n’avait jamais eu de femmes en évidence, et le jeu n’était pour lui qu’une distraction ; cependant, quoique sobre, en sa qualité de Russe, il buvait copieusement le vin de Champagne, mais ne se grisait jamais.
Les mariages du monde sont fréquents en désillusions de toutes sortes ; et pour cela, sans doute quelques jours après sa nouvelle union, nous retrouvons la comtesse mélancolique et pensive.
– Mon premier mari, se disait-elle, m’aimait peu. Quant à celui-ci, il est bien étrange !
Puis, après un moment de réflexion muette, elle murmurait ces mots significatifs :
– Non, ce n’est pas ça !…

Oui, voici une phrase que bien des femmes ont prononcée mentalement. Car c’est tout pour elles cette satisfaction d’intimité rêvée. Tandis que chez le mari, peu lui importe !… N’a-t-il pas la liberté, et si ce n’est pas ça chez lui, ne pourra-t-il donc pas chercher ailleurs ?
Il y a cependant des femmes qui se résignent et traversent une existence de famille en apparence heureuse, sans se plaindre de n’avoir pas réalisé le rêve. Mais la comtesse Souzaroff eut-elle cette sagesse ?
Comme presque tous les maris dans les classes aisées, le comte avait épousé froidement sa femme. Il la trouvait belle et en était flatté, mais son cœur dormait du meilleur sommeil du monde. Cependant il y eut chez ces deux natures deux courants tout à fait opposés. Plus la jeune femme s’abîmait dans le gouffre de la désillusion, plus le mari se sentait envahi par une passion imprévue. Cet homme froid se sentit tout à coup en proie à un sentiment étrange. Il aimait cette femme avec effroi ; et lui qui n’avait jamais souffert moralement, éprouva subitement les premières atteintes de la jalousie. IL devint soupçonneux, sombre, méchant, exalté. Et ces éclats de passion momentanés ne trouvaient pas grâce devant la comtesse, qui, c’était bien décidé, ne l’aimait pas. – Le comte venait trop tard ; le prestige de l’homme nouveau n’existait plus.
Et nous allons voir ce que lui inspireront ce cerveau et cette chair que la jalousie va torturer.
Il y avait de par le monde de la comtesse Souzaroff un jeune homme qui se nommait Olivier de Lys. C’était un charmant personnage ; esprit gai, caractère d’une insouciance excessive, un de ces cœurs à belle surface vers lesquels les femmes inclinent toujours. Il mangeait une assez jolie fortune, sans souci de l’avenir, et jouissait avec confiance de son état de gentilhomme. D’ailleurs, il pensait beaucoup trop à l’amour, pour réfléchir jamais au mariage. En définitive, un débauché fort séduisant qui jaugeait cavalièrement les femmes. À son avis, toutes valent une heure, quelques-unes vingt-quatre, mais aucune le mariage à perpétuité. En conséquence de cette morale, il avait des succès.
La comtesse eut l’imprudence de l’aimer ; et, pendant une absence de son mari, on remarqua l’assiduité d’Olivier de Lys auprès d’elle. Cependant nous ne saurions préciser la nature de cette intrigue, et il serait peut-être regrettable, sur une simple apparence, de déclarer cette femme coupable.
Prenons le rôle du mari, et bornons-nous à douter.
À son retour, le comte fut accueilli avec un empressement qui lui donna à réfléchir ; mais il n’en dit rien.
Cependant un soir, trouvant sa femme les yeux mouillés de larmes, il lui dit :
– Quel chagrin avez-vous donc, ma belle amie ?
– Aucun.

– Mais, alors, pourquoi ces yeux gonflés ?
– Je ne sais.
– Pleuriez-vous ainsi pendant mon absence ?
– Oh ! oui, j’ai pleuré. C’est nerveux, ne m’en demandez pas davantage.
– Ah ! c’est nerveux ! fit le comte en fronçant les sourcils.
– Oh ! ne me regardez pas ainsi, je vous en prie !…
– Quand on n’a rien à se reprocher, on supporte tous les regards. Une femme qui invoque ses nerfs pour excuser des impressions secrètes est une femme sinon coupable ; du moins bien près de l’être, madame !
– Oh ! par pitié, ne me fatiguez pas avec vos soupçons. J’ai été habituée à plus d’égards par mon premier mari.
– C’est la même phrase chez toutes les femmes remariées, madame, je le sais ; aussi je vous dispense de prononcer ici l’éloge inévitable de ce défunt.
– Il m’aimait.
– Et moi !… fit bondissant le comte, est-ce que je ne vous aime pas ?… Est-ce que je serais malheureux comme je le suis si vous ne vous étiez pas emparée de tout mon être ! Oh ! ne parlez plus de l’amour de M. de Saint-Loubès, je vous en prie !… Je le sais, les absents ont toujours tort, et les morts toujours raison. – Enfin, puisque vous pleuriez, madame, continuez, je vous laisse.

Ce fut d’un ton froid et glacial que le comte prononça ces paroles.
Les natures franchement jalouses ne se contentent pas des explications les plus convaincantes ; à plus forte raison, lorsque l’on ne rencontre aucune excuse en face de votre regard de feu qui pénètre jusqu’au fond du cœur. Alors on devient fou de douleur et de rage. C’était la situation du comte Souzaroff. À toutes ses questions, sa femme se défendait par l’indifférence. Aussi, dans son hôtel, il épiait tout, la physionomie des valets, le langage des visiteurs ; dans la nuit, au moindre bruissement, il se levait, le frisson au cœur, l’œil hagard, le souffle haletant.
– Oh ! je saurai tout !… se disait-il.
Il avait des douleurs insensées qui lui inspiraient des actes étranges. Ainsi il allait au cimetière, sur la tombe du baron de Saint-Loubès, et causait confidentiellement avec son ombre ; et cela les larmes aux yeux comme s’il l’eût connu et eût été son ami. Puis, il déposait des fleurs dans les corbeilles de marbre qui décoraient le tombeau.
Avec sa femme, il avait de ces brutalités de sentiment qui font froid au cœur. Un jour qu’elle rappelait les attentions, les bontés de son premier mari à cet homme à qui elle reprochait de la soupçonner sans motif, elle ajouta :
– Il ne m’aurait jamais crue capable de le tromper, lui, et jamais ne m’aurait dit le quart des méchancetés que vous m’adressez, monsieur le comte !…
– Ah ! madame, ne parlez pas ainsi. Vous le savez bien, cet homme est mort pour vous ; et si quelqu’un ici se le rappelle par le cœur, ce n’est pas vous.
– Et qui donc, s’il vous plaît ?
– C’est moi !…
Puis jetant sur la table quelques fleurs de pensées fanées, il ajoutait en s’en allant :
– Tenez, madame, je suis allé au Père-la-Chaise, ce matin, et voici ce que M. le baron de Saint-Loubès m’a prié de vous remettre.
Ces petites scènes d’intérieur ne changeaient, toute fois rien à l’existence des deux époux. Ils allaient dans le mo

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