Le Four du RSA
156 pages
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Le Four du RSA , livre ebook

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Description

- C'est une histoire prenante, dit-il.

- C'est un reflet, répond-elle...

Ce sont des bribes du côte à côte de deux êtres différents et pourtant poussés à se rencontrer. L'année d'un homme et d'une femme "sans-dent" qui n'enlève pas l'envie de mordre.



Pour lui, c'est le temps du RSA, une perception de notre époque. Pour elle, c'est le moment de l'aider à se sortir du mauvais pas que représente ce revenu minimum. Il veut rester sur l'image de ce qu'il a été, mais il ne parvient plus à faire illusion. Elle trouve peut-être là une motivation à avancer dans un monde qui lui échappe. Entre doutes, colères, abattements et petites joies, ces deux personnes reflètent un peu notre société. Et elles rient, du jaune au rose... Vite, que le Revenu de Sérénité et d'Amour soit !

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 08 mars 2017
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414026074
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-02605-0

© Edilivre, 2018
Le Four du R.S.A.

C’était la fin des années 80, l’abbé Pierre venait dans ma région pour les débuts du RMI 1 et j’étais invitée à l’évènement du fait de mon travail dans les services de l’emploi. J’avais l’impression de participer à un véritable progrès sociétal : quoiqu’il arrive, chacun pourrait obtenir un pécule de survie.
Bien sûr, il ne fallait pas se leurrer car déjà je savais en regardant mon quotidien que l’ami Pareto 2 se rappellerait à nous. D’ac, là je me la pète un peu, mais à mon âge, si je n’ose pas dire qui je suis, ça devient pathologique ! C’est toujours politiquement incorrect que d’oser le signaler mais il vaut mieux nommer les choses pour les saisir réellement. Et puis, en l’occurrence, misions-nous au moins sur les 80 % aidés à se sortir d’une mauvaise passe : c’était déjà grandiose. Et puis, l’idée serait que les 20 % ne soient pas toujours les mêmes… et puis, et puis, et puis, et puis il fallait tenter cette aventure et c’était en marche. Banco !
Il y avait aussi le chômage galopant comme un alezan plutôt que reculant comme un âne bâté : le RMI n’était-il pas déjà un contrat de dupes ? Comment viser le I d’Insertion, sous-entendu par le travail, alors que le marché de l’emploi était en berne, voire s’écroulait ?
La suite confirme que certains (des gens quoi, des hommes, des femmes… comme moi en fin de compte) ne sont plus « employables ». Non pas parce qu’ils ne sont pas aptes, comme une petite minorité qui demande une pension d’invalidité et qu’il faut laisser tranquille, mais parce que le plein emploi n’est plus là.
Peu importaient vraiment la qualification ou les profils jusqu’au début des années 80, on faisait d’abord confiance aux capacités d’adaptation et d’apprentissage sur le tas. Chacun évoluait à son rythme et selon ses compétences. Etait-ce du mérite ? L’ascenseur social ? La récompense du travail bien fait ? Peu importe, mais il fallut le décrier pour excuser des critères de sélection de plus en plus fins installés avec la montée du chômage et de la technicisation, cette sournoise de plus en plus nouvelle et numérique, de la société. Avec ce profilage, un parfait travailleur débrouillard et adéquat pour être bien utile un temps, se retrouve vite dans une case inextricable d’incompétences : à vouloir saucissonner les tranches de vie et les savoirs, on en oublie l’intelligence qu’il ne faut pas confondre avec instruction. De premier de la classe, avec les nouvelles techno comme disent les branchés, ou l’obsession de l’anglais, on bascule vite dans « l’illettrisme sociétal ». Les psychologues sont alors interpelés pour prendre en charge ces récalcitrants qui ne trouvent pas d’emploi. Quel signe des temps : digne d’une série policière, le job est à saisir une fois la carte mentale du serial-chômeur dressée ! De la vie réelle par l’économie et l’action, on passe à l’assistanat sous-tendu de problèmes psy en quelques heures. Comment ne pas être malade du chapeau en effet, alors que vous devez jongler entre survivre avec une indemnité sociale versée pour chercher un job devant la supprimer, et des fins de non recevoir parce que vous n’êtes pas dans le bon moule de l’emploi ou que celui-ci n’existe même plus ou pas ?
Le R et le M sont vite devenus indispensables, Revenu Minimum ou Revenu de Misère, mais revenu quand même. Alors que le I s’oubliait à tel point que l’acronyme Rmiste était né. Comme si cela devenait un état plus qu’une perspective de sortie. Et pourquoi pas ? La société évolue si vite (plus vite que nous, les humains ; c’est bizarre, serions-nous conduits par des machines et des concepts économico-financiers plutôt que par nos désirs ?) laissant un grand nombre d’individus sur le bord du chemin de la croissance et de l’argent : sont-ils encore utilisables tous ces gens qui étaient insérés et qu’aujourd’hui on subventionne pour leur (re) insertion ? Ne vaut-il pas mieux avouer qu’il n’y a pas de place pour tout le monde actif sur le marché du gagne-pain ? Poursuivre le but fantomatique du travail, et engager le signataire à le faire sous peine de sanction, n’est-il pas un mensonge éhonté ? Car percevoir le RMI, c’est signer une convention pour échanger une allocation contre un engagement à trouver un travail (Oulala, c’est dur ! Restons sur notre idée première de belle solidarité.)
L’évolution du RMI vers le RSA 3 a marqué quelque part qu’il y a un revenu minimum d’abord, qui sera agrémenté en cas de travail. On a dit que c’était pour motiver les gens à ne pas rester passifs, à travailler plus pour gagner plus… La belle idée (tournée vers le mérite au passage), sauf que le travail n’est toujours pas là. Pire peut-être, il semblerait que dès que l’on sort du système classique de l’emploi, il soit impossible d’y retourner : trop inculte, trop diplômé, trop vieux, trop cher, trop moche, trop dépassé… Le RSA ne signifie-t-il pas que l’on a échoué sur la possibilité évidente et implicite de repartir dans l’action qui prévalait encore du temps du RMI ?
Derrière ces mots, ou plutôt ces lettres, il y a des personnes avec des parcours de vie. Rarement à l’aise avec ce fait d’être au RSA, si elles se sentent inutiles parfois, au moins elles sont profitables à d’autres. Combien vivent en effet de leurs difficultés ?
J’ai autour de moi plusieurs allocataires du RSA. Tous le perçoivent différemment, des résignés à ceux qui s’en servent comme matelas pour mieux rebondir. Sauf pour les quelques sous versés chaque mois, et les avantages qui vont avec – généralement tus (transports gratuits, aides au logement, couverture sociale, etc) –, peu se disent bien épaulés.
Ainsi, il y a Frida, scientifique hors pair et maîtrisant cinq langues. Elle prend le RSA pour vivre allègrement et selon ses convictions alternatives : c’est un terrain d’expérimentation, une recherche grandeur nature dont elle pourrait bien tirer une thèse. De temps en temps, elle met du beurre dans ses épinards bio en donnant des cours de maths. Il y a aussi Irène, cabossée par un parcours personnel douloureux qui lui a donné peu de chances de se cultiver pour s’adapter aux changements. A l’heure des voix électroniques ou africaines (ou d’ailleurs dans le monde lointain qu’elle ne localise pas toujours sur une carte) qui répondent désormais au téléphone, plus aucune place de standardiste, qui était la sienne, ne vient dans son horizon. Elle subit un marchand de sommeil qui profite de sa situation d’isolée fragile, mais gère bien son pécule pour pouvoir s’échapper de son taudis quelques jours par mois. Ou encore Jean-Pierre qui, licencié du jour au lendemain après des années de vie « cadre TGV », a dû attendre sa retraite au RSA, Pôle Emploi l’invitant à ne pas le solliciter compte-tenu de son âge avancé. Un peu mis au rebus malgré lui, il s’occupe de sa santé, ce qu’il n’avait pas le temps de faire pendant qu’il galoppait pour du chiffre d’affaires. La retraite sera meilleure financièrement mais en attendant il savoure la tranquillité de ne plus être dérangé jusque dans les toilettes par son patron. Il y a aussi Françoise, psychanalyste sans patient, qui se met à la poterie pour sortir de son ennui. Ou encore Natacha, licenciée et pourtant à la bonne enseigne, puisque conseillère à l’emploi, qui n’arrive plus à trouver une structure où elle exercerait ses talents. Son RSA est réduit car elle est propriétaire de son appartement dont elle paie le crédit : elle a donc moins de marge de manœuvre qu’un titulaire du RSA en location (qui perçoit aussi une aide au logement) et elle a surtout peur de perdre son logis… situation étonnante dont l’aide ne cherche ni à récompenser les efforts passés, ni à éviter les drames de la perte d’un toit ! Et Christina, qui en était sortie en retrouvant un travail de commerciale pour lequel elle n’aurait pas fait l’affaire au bout de quelques mois. L’effet miracle a peu duré, elle replonge dans le RSA avec des illusions encore plus perdues que la première fois.
Et pourquoi pas moi, qui ne le demande pas, ce RSA que je préfèrerais nommer Revenu de Sérénité et d’Amour ? Moi qui, malgré mes multiples activités, n’atteint pas une rémunération moyenne au-delà de son montant ? Heureusement, j’ai un contexte favorisant qui me protège, mais cela m’effleure régulièrement : il suffit de si peu pour que la vie bascule. Un divorce, un deuil, un licenciement, et puis l’attente, la recherche de solutions… et puis le RSA.
Dans ce cas, il y a aussi Lui… c’est sans doute le Pompon !
Pour tous ces visages, toutes ces personnalités qui sont des moutons sortis du troupeau (leur couleur est noire lorsque les critiques sont acerbes ; ils ont parfois cinq pattes tant leur talent est grand pour transformer l’infortune en énergie du futur), suivons cet homme sans berger. Accompagnons le, lui l’incarnation d’une situation qui deviendrait de plus en plus commune…


Lui (il).
Cela fait une bonne dizaine d’années que je le connais. J’ai toujours craint et exprimé à mon mari que le jour où il n’aurait plus de travail, il s’effondrerait et aurait le risque de finir SDF 4 . Il fait partie de cette génération de baby-boomers qui n’ont pas connu le chômage, qui ont sauté d’un travail à l’autre sans se poser de question, qui ont fait carrière sans même en avoir toujours les capacités mais qui étaient dans le flux. Comme une eau qui sort en grande quantité d’une turbine, les années de croissance à tout-va les ont entraînés et vomis dans un lac d’abondance suffisant pour qu’ils se croient à l’abri. Ainsi il a vécu : se baignant dans une onde douce et ne pensant pas à ce qu’elle s’assèche un jour, pilotant tout juste sa

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