Le Grain de beauté
166 pages
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Le Grain de beauté , livre ebook

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Description

« Par contre, ça a été le choc quand j'ai vu l'hécatombe. Caravanes couchées sur le flanc, tentes éventrées, arbres tordus, de la caillasse partout, et çà et là, des vêtements trempés, des cartons de bouffe en goguette, des fils à linge enchevêtrés... Un désastre. J'ai reconnu un correspondant du quotidien Ouest-France. Il faisait son boulot, prenait moult photos. J'ai foncé sur l'emplacement de Manoune et Minouche. La tente avait vraiment morflé. Il restait quelques piquets tordus, des lambeaux de toile usée. En regardant de plus près, j'ai trouvé une chaussette blanche d'enfant et... c'était quoi ce truc informe en laine orange ? Triple con ! Je le reconnaissais, celui-là. C'était le doudou de Minouche. Elle le tenait pressé contre elle quand elle allait se coucher et il était souvent à côté d'elle, sur le plaid, certains matins au moment du petit-déjeuner. Un chien en laine tricoté, bourré de mousse, du moins, c'était le plus plausible. Un chien en forme de boudin. Oreilles tombantes, pattes courtes et queue en l'air. Un genre de Teckel. C'était l'œuvre de Mamoune, certainement. » Prenez un petit port costarmoricain sur la côte du Goëlo en Bretagne. Nommez-le « Grain de Beauté ». Situez le récit pendant la période estivale de l'année 1994, à tout hasard. Visualisez un camping avec vue sur le port. Placez çà et là quelques humains qui font ce qu'ils peuvent. Une jeune femme et sa fille, précaires et de passage, dignes et fières, un jeune professeur de mathématiques sentimental et légèrement dépressif, que sa femme vient d'abandonner et qui cherche l'amour. Des amis marocains, champions du kebab en banlieue parisienne, une baronne anticonformiste et ancienne taularde, des secrets de famille, un assassinat. Allongez d'une grande bourgeoise désœuvrée qui ne veut pas vieillir, d'un patron de bistrot très sympa. Complétez avec une jolie serveuse blonde et une dame de compagnie. Laissez mijoter à feu doux une semaine environ, puis verser en pluie une tente canadienne usagée, un vieux bus Volkswagen, une djellaba et un chien en laine tricoté. N'oubliez pas de porter le tout à ébullition et vous aurez la tempête du siècle, un orage à tout casser. Avec ce grain sur le « Grain », Périne Dourel fait souffler un vent de folie sur la Bretagne et signe une histoire de destins croisés haute en couleur.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 15 juillet 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342053715
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0071€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le Grain de beauté
Périne Dourel
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Le Grain de beauté
 
Toutes les recherches ont été entreprises afin d’identifier les ayants droit. Les erreurs ou omissions éventuelles signalées à l’éditeur seront rectifiées lors des prochaines éditions.
 
 
 
À Erwan
 
Avertissement
Ce récit est une pure fiction. Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé, et des événements ayant eu lieu, ne peut être que coïncidence. Les lieux privés sont issus de l’imagination de l’auteure. Les lieux publics sont utilisés à des fins romanesques et n’ont aucun lien avec une quelconque actualité passée ou récente.
L’Auteure
 
Prologue
Un soir d’été, dans les années quatre-vingt-dix, je me baladais sur la plage de l’Avant-Port de Binic, petit port costarmoricain, connu sous le nom de « Grain de Beauté des Côtes d’Armor ». Je pense qu’il était environ vingt heures. La plage était presque déserte. J’ai remarqué une petite famille.
 
Un jeune couple et deux enfants en bas âge, si j’ai bonne mémoire. Ils étaient pâles et frêles. J’ai pensé qu’ils arrivaient de Paris ou d’une lointaine banlieue. C’était marée haute. Tout en marchant tranquillement dans l’eau, ils mangeaient des choses indéfinies dans des barquettes en plastique transparent à l’aide de couverts également en plastique, mais blancs. Visiblement, ils prolongeaient leur après-midi de plage. Sans doute resteraient-ils là jusqu’à la nuit tombée, pour profiter à fond de cette jolie plage de sable fin, du paysage de bord de mer. Marcher dans l’eau semblait être leur préoccupation principale. C’était important. Ils s’appliquaient. J’ai gardé cette image dans un coin de ma tête depuis toutes ces années. Il y a quelques mois de cela, cette image s’est imposée à nouveau, en grand écran devant mes yeux.
 
Ainsi sont nées Mamoune et Minouche : une jeune femme et sa fille de dix ans. Je ne sais pas pourquoi, j’avais besoin de ces deux princesses en guenilles, venues chercher sur la côte bretonne un peu de bonheur estival bon marché, un peu d’air frais, pour commencer mon récit. La plage, c’est pour tout le monde, mais cette plage-là était à elles et à elles seules.
Mamoune et Minouche
Je me souviens, c’était dans les années quatre-vingt-dix. Maman travaillait encore au supermarché de Créteil. J’avais… dix ans ? Je n’avais jamais vu la mer en vrai.
Pour moi, l’été, c’était le centre aéré, les copines d’école qui, comme moi, ne partaient pas en vacances, les monitrices, les promenades au parc.
 
Cette année-là, à la fin du mois de juin, Maman m’a annoncée triomphalement : « J’ai mes vacances ! Et en juillet ! »
Ses yeux brillaient. Elle a enlevé d’un coup le chouchou qui retenait ses longs cheveux en queue-de-cheval. Elle m’a soulevée du sol en riant et m’a transportée jusqu’au séchoir qu’on appelait « Le balcon ». Par les ouvertures pratiquées dans le béton, on voyait les tours de la cité d’en face et le parking.
« Cette fois, je t’emmène voir ton pays ! »
Alors j’ai compris qu’on irait en Bretagne. Maman m’avait bien des fois expliqué, en me montrant sur la carte de France, ce bras de terre qui dépasse à l’Ouest : « Ici, tu vois, c’est presque une île. C’est là que je suis née. C’est ton pays à toi aussi. »
Je savais tout par cœur : sa naissance à Saint-Brieuc, dans le café épicerie tenu par ses parents, les Le Tallec. Elle m’avait parlé de ce mois d’août au cours duquel elle avait campé à Binic, sur la côte du Goëlo, au bord de la mer. Un mois d’août « inoubliable », comme elle disait.
 
« C’était un bel été, comme il y en a rarement chez nous en Bretagne : du soleil tous les jours, je me baignais tout le temps, j’avais même fait du bateau ! »
 
Il lui restait quelques photos qui m’ont fait rêver un temps, et puis Maman a rangé son album et j’ai dû penser à autre chose : l’école, mes camarades, mes professeurs, la cité et le bruit qui m’empêchait souvent de dormir la nuit. La vie, en somme.
Début juillet, Maman a bouclé son sac à dos, roulé la toile de tente et les tapis de sol. Il y avait du soleil mais il faisait frisquet au petit matin.
« Mets ton jogging sur ton short, on verra après », m’a lancé Maman en fermant à clé la porte du studio.
On a pris le train, le métro. On est arrivées à la gare Montparnasse. Pour la première fois, je montais dans le grand TGV bleu. On s’est assises côte à côte à nos places numérotées. Maman était énervée. Elle nouait et dénouait sans arrêt sa queue-de-cheval. Elle ne parlait pas mais c’était aussi bien. Elle m’avait appris mon pays bien avant qu’il ne m’entre dans le cœur pour de bon…
Anne et son beau duché, son mariage forcé avec un roi de France, la Bretagne annexée en province. Les Bretons courageux, explorateurs des mers, les Bretons rebelles, mais aussi les Bretons galériens de la pêche à la morue, les Terre-Neuvas. Et justement, depuis la fin du Moyen Âge, des navires quittaient le port de Binic à destination de Terre-Neuve, dès la fin avril pour ne revenir qu’en octobre. Enfin, s’ils revenaient…

La Bretagne est un pays, un vrai. Avec une « culture » et même une langue. Maman avait un petit manuel d’apprentissage de la langue bretonne. Elle savait faire des phrases. Elle m’avait appris des mots, des expressions. La mer, je l’avais vue à la télé : on regardait Thalassa.
C’était comme si j’y étais. Mais je ne « savais » pas, oh non ! Je ne savais rien…
 
Dans le car qui nous conduisait de la gare de Saint-Brieuc à Binic, j’ai regardé toutes les pancartes avec attention. Maman avait raison : la langue bretonne existe. Les indications de direction étaient bien écrites dans les deux langues : française et bretonne.
Tout d’abord, j’ai déchiffré « Bienvenue en Côtes d’Armor ».
DEGEMER MAT EN AODOU AN ARVOR… J’ai dit : « Mais c’est joli ! » Tout le monde a ri.
 
L’autre pancarte, qu’il était impossible de rater, est celle qui annonce de très haut l’arrivée dans la ville de Binic. Sur un dessin évoquant la douceur d’une poitrine de femme, j’ai vu un petit point noir et son commentaire : « Binic, le Grain de Beauté des Côtes d’Armor. » J’ignore toujours qui est à l’origine de cette formule – qui n’a pas sa traduction en langue bretonne sur la pancarte, mais j’affirme qu’elle dit la vérité.
 
Camping des Fauvettes. Il y avait du monde déjà mais Mamoune savait où aller. Ma mère, pour moi, c’est soit Maman, soit Mamoune. Et pour elle, je suis « Minouche » la plupart du temps.
Chic, l’emplacement est libre !
On a planté la tente à l’extrême limite de ce camping en forme de bateau. En face de nous, la mer à perte de vue et la digue du port, très haute, rectiligne, et longue, mais qui tourne à angle droit à son extrémité, de telle sorte qu’elle semble couper en deux l’océan.
La mer ? Ça n’avait rien à voir avec ce que j’imaginais, alors là, rien du tout !
D’abord, je lui ai trouvé bien plus de couleurs qu’à la télé ou sur les photos, et ces couleurs changeaient sans cesse, avec le vent et les nuages. Mais le plus important, c’était l’odeur !
Ça sentait bon ! Un mélange de sel, de frais, de vent qui court, un vent qui entre dans les narines et envahit tout votre corps comme une vague qui déferle.
Les vagues ! Je m’en suis mise partout. La première semaine, il a fait beau, ah ça, vraiment beau ! Comme dans le Sud, tout pareil.
Maman et moi, on passait nos journées sur la plage de l’Avant-Port. Depuis toutes ces années, je n’ai jamais vu de plage semblable à celle-là. Pour y accéder, on passe entre deux pans de rochers très hauts. C’est comme une ouverture sur un autre monde. On franchissait le portail de roche comme on aurait traversé le porche d’une de ces belles demeures bourgeoises que je n’ai pas manqué d’admirer sur le port et dans les hauteurs de la ville. C’était donc pour nous aussi cette entrée princière ?
Le sable était blanc, fin et doux comme sur les cartes postales des îles tout là-bas, si loin que Maman et moi ne pourrons jamais y aller, mais ça nous est bien égal.
On s’installait au ras de l’eau sur notre unique drap de bain coupé en deux morceaux.
Maman mettait le casse-croûte dans un sac isotherme. Ce que j’avais faim ! On était tout le temps dans l’eau. Qu’est-ce qu’on raconte sur la température de la mer en Bretagne ? Froide ?
N’importe quoi ! Elle est DOUCE ! Elle nous porte, nous emporte, nous berce, se faufile dans tous les plis de notre corps, ruisselle dans nos cheveux, s’engouffre dans nos oreilles, nos narines.
On est… comme nettoyées !
Et le soir, en rentrant, même après la douche, notre peau sent le sel. Si on lèche, c’est délicieux. Même pelotonnée tout contre Maman dans le grand duvet, les yeux fermés, je continuais à nager, la tête sous l’eau, et j’ouvrais doucement les yeux dans la nuit aquatique, comme un poisson.
J’ai appris à nager en deux jours avec Mamoune. Elle, c’est une championne.
Elle allait très loin en nageant le crawl. Je n’avais pas le droit de la suivre. Je restais au bord. Je la suivais des yeux et j’étais bien soulagée quand elle revenait, essoufflée, ruisselante.
Il y avait du monde, mais on ne voyait personne, on n’avait pas le temps. Le soir aussi, on mangeait sur la plage, et là, il n’y avait que nous. Il faisait plus frais, on était obligées de mettre un pull mais on restait jusqu’au coucher du soleil. Quelquefois, des gens passaient avec leurs chiens. Il y avait une dame blonde, très élégante, qui s’asseyait sur un rocher plat et qui nous observait derrière ses lunettes teintées. Elle f

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