Le Journal d une Européenne
190 pages
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Le Journal d'une Européenne , livre ebook

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Description

Les femmes du vingtième siècle ont traversé les épreuves des guerres et des crises que les peuples adversaires ont mises sur leur chemin. Un chemin prometteur devenu infernal dont il a été difficile de se relever.

On ne doit pas oublier la vie souvent mouvementée de ces personnes qui nous ont offert en héritage un monde plus libre, moins misérable, un monde qui reste à la merci des nouveaux dictateurs.

Ce regard sur notre passé éclaire l'avenir et rappelle que notre parcours parfois difficile a été précédé par des épreuves plus dures de nos aïeux.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 25 septembre 2015
Nombre de lectures 0
EAN13 9782334000536
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-334-00051-2

© Edilivre, 2015
Le Luxembourg
Après l’épopée Napoléonienne le « Grand-duché », né de la reconstruction de l’Europe était un pays pauvre, la misère de ses agriculteurs y était grande, l’élevage était la principale ressource depuis bien des siècles. Sa superficie limitée et sa population peu nombreuse lui donnaient une dimension familiale. Le « Grand Duc », chef de l’antique tribu installée sur ce territoire dès la fin de l’empire romain, était issu de l’aristocratie des Pays Bas active depuis longtemps dans cette région indépendante d’esprit. Chacun le respectait comme le père de leur petite nation.
A l’opposé de la plupart des pays nordiques, aucune ouverture sur la mer du Nord, aucun port ni aucun grand fleuve n’attiraient les habitants vers l’immigration sur les nouveaux continents. Il n’y avait pas d’échappatoire à la misère. Le ciel généralement gris et humide couvrait les forêts et les prairies. L’élevage, source de la survie populaire permettait d’alimenter un peuple tenace qui a conservé son propre langage cousin de celui des hollandais.
La tradition ancestrale toujours vivace n’avait pas été saccagée par la révolution française : ici, personne ne songeait à abolir les coutumes séculaires. Elles étaient à la base de l’organisation familiale quotidienne.
A Buchdorf, comme la majorité des agriculteurs du nord du duché, la famille Glaesener élevait des vaches. Maria, la plus jeune des cinq filles et des deux fils d’Eugénie naquit dans ce village en 1894. Elle ne pouvait pas imaginer qu’un siècle tumultueux, toujours révolutionnaire et porteur d’immenses espoirs l’attendait.
Comme il y avait un garçon pour assurer la succession de la famille, les filles devraient épouser un agriculteur : le fils ainé hériterait de la ferme Glaesener à l’exclusion de tout autre bien. Le droit d’aînesse était appliqué avec bon sens, il ne fallait ni disperser les terres ni les accumuler.
Les sœurs et le frère cadet devraient se marier sans espoir d’héritage. L’une d’elle, conformément à la tradition, devrait entrer dans les ordres : dans chaque famille, il était bienséant que l’un des enfants soit donné à la religion. Chacun était libre de son choix, mais choisir d’entrer « dans les ordres religieux » apportait une vie plus confortable que celle de ceux qui s’éreinteraient aux travaux de la ferme. La vocation chrétienne permettait aux jeunes novices de prolonger leurs études bien au-delà du strict nécessaire pratiqué dans les campagnes. Une religieuse ou un religieux étaient un lettré respecté de tous. Il faisait autorité à l’occasion des conflits familiaux.
Maria débuta sa vie sous la protection de sa proche sœur, Hilda. Elles étaient bercées par les tâches journalières associées au troupeau de sa ferme. Ensemble, à la sortie de l’école, elles couraient vers les prés pour assister au retour des vaches vers l’étable et participer à la traite. Là, l’odeur du lait tiède, la vapeur qui se formait sur le dos des animaux, le bruit des ustensiles métalliques et la pénombre de l’étable les excitaient. Elles aidaient leur père à transvaser le lait dans les récipients collectés sur la charrette dés le lendemain matin. Elles surveillaient la surface de ce liquide précieux dans l’espoir d’y découvrir un dépôt de crème en formation. En cachette, vite, elles en ramasseraient sur le bout du doigt pour la sucer. C’était si bon !
L’école paraissait fastidieuse pour Maria : à la maison, on parlait luxembourgeois, mais la maîtresse devait leur apprendre la langue allemande. Une partie de ses cours se faisait dans cette langue difficile à écrire.
Après quelques années, tout devint encore plus compliqué : il fallut également apprendre le français, langue officielle de l’administration.
Les barbelés des prairies lui semblaient bien plus attrayants que les pleins et les déliés gothiques que sa plume à encre devait dessiner sur les feuilles blanches d’un mauvais papier et bien plus attrayant que l’apprentissage de deux langues supplémentaires. Les vaches étaient plus proches : elles la comprenaient lorsqu’elle les appelait. Certaines avaient même un prénom ! Elles étaient de fidèles compagnes. Maria leur parlait en luxembourgeois, un langage qui ne s’écrivait pas, mais un langage régional qui unissait les familles.
Le dimanche, la grand-messe était une fête : des vêtements neufs et propres, un chapeau, l’odeur du savon et du parfum, les chaussures cirées et brillantes, l’orgue de la petite église et les habits colorés exotiques du curé créaient un univers de qualité. Les chants que les femmes entonnaient avec plus de vigueur que les hommes résonnaient sous la voûte peinte de scènes bibliques naïves.
Ce cérémonial religieux rassemblait le village. Il précédait le repas amélioré que sa mère avait préparé dès le matin. Dans la cuisinière, le bois générait des flammes rouges et orangées qui crépitaient et répandaient une douceur indicible. De l’eau chaude y était alors disponible. Dehors, les averses souvent glacées rinçaient la cour intérieure toujours salie par le passage quotidien du troupeau de la ferme et par les poules qui grattaient le fumier central. L’ambiance douillette de l’intérieur que les cinq filles et les deux garçons de la maison animaient sans cesse contrastait avec l’extérieur froid et malodorant.
Maria grandissait tranquillement, mais en secret elle espérait le jour où, libre et indépendante, elle prendrait son envol et quitterait la maison familiale pour vivre sa propre existence dans un environnement bien différent, un univers qu’elle espérait plus confortable. Ses sœurs plus âgées étaient trop encombrantes, trop bruyantes et parfois trop rustiques. Trop souvent, elle devait leur rendre des comptes : qu’avait-elle fait de sa journée ? Pourquoi ne pas les avoir accompagnées chez une cousine ?…
Ses voyages en charrette derrière les deux chevaux de trait ne la menaient pas plus loin que les quelques villages situés à moins de dix kilomètres, près de deux heures de route. Elle souhaitait découvrir des horizons nouveaux : elle avait entendu parler du chemin de fer qui désormais venait de France et allait traverser son pays en direction d’Aix La Chapelle en Allemagne. Elle imaginait qu’il s’agissait d’une porte largement ouverte vers de nouveaux espaces. Les frontières de son univers devaient s’élargir à l’infini. Aujourd’hui, l’école bridait encore ses désirs d’évasion.
L’adolescence de la jeune fille s’achevait, elle était désireuse de ne pas s’enfermer dans l’avenir terne des agriculteurs rustiques des cantons voisins. Le sort d’une fille d’éleveurs vouée au mariage avec un paysan du voisinage n’était pas dans ses projets secrets. Elle imaginait aller vivre dans une ville à l’écart des odeurs des vaches et des chevaux, à l’écart des tâches quotidiennes imposées par les animaux de la ferme. Elle redoutait que ses parents ne prennent une décision définitive relative à son mariage. Avant qu’il ne soit trop tard, elle osa enfin s’ouvrir de ses désirs auprès de sa mère :
– Maman, je n’aime pas l’école, ça ne me convient pas. Ce que j’y ai appris ne me sert à rien. Je veux quitter la ferme pour m’instruire vraiment, je veux aller vivre en ville, y apprendre les bonnes manières, voir autre chose que notre cour de ferme salie par les vaches et les poules.
– Maria, nous n’avons pas d’argent pour te payer des études longues et coûteuses, tu le sais bien. Que penseraient tes sœurs si nous devions faire cet effort pour toi et ne rien payer pour elles ? Oublies vite cette idée. Ce n’est pas pour nous, nous sommes de modestes éleveurs de bétail de génération en génération. Il faut accepter notre condition de vie, c’est celle des habitants du Luxembourg. Ici, avec nous, tu es en sécurité. Tu manges à ta faim et un jour nous te trouverons un bon parti parmi les garçons de la région.
N’en parles pas à ton père, il ne comprendrait pas que tu n’acceptes pas ton sort et il en serait fâché. On ne choisit pas son destin, c’est le ciel qui nous l’offre.
– Mais maman, je suis sûre que je peux le faire : j’ai lu dans le journal que l’on offrait des places en France comme jeune fille au pair ! D’autres ont eu le droit d’y aller, pourquoi pas moi ? Je suis suffisamment grande maintenant.
– Quoi, en France ! Tu n’y penses pas sérieusement, j’espère !
– Pourquoi pas ?
– Chez ces révolutionnaires qui sont toujours en guerre contre l’un ou l’autre ! Chez ces gens sans moralité qui n’ont plus la foi chrétienne ni les bonnes coutumes de nos familles ! Que deviendrais-tu dans ce pays où il y a tant de prostituées, où il y a une république qui a renié la religion, où l’on envoie les gens dans des colonies ! Tu ne réfléchis à rien ma pauvre fille, acheva-t-elle désemparée. Tu te vois au milieu de ces gens là, toi que nous avons bien éduquée ?
– Justement oui, j’ai réfléchi. Je veux partir travailler en France ! s’exclama-t-elle, énervée par la réponse de sa mère, avant de poursuivre : on trouve tout là-bas, je l’ai lu dans les journaux. Ils ont fait des expositions universelles, ils ont construit des trains, des métropolitains électriques souterrains, des grands palais, d’immenses avenues : tout ce qui existe dans le monde y est regroupé. Je veux aller voir tout cela ! Les tabliers gris que je dois porter tous les jours de la semaine me font ressembler à nos vaches : elles, je les aime bien, mais elles ne sont pas le but de ma vie.
Elle poursuivit encore pour se justifier :
– En France, ce n’est pas comme ici, les gens sont libres de penser ce qu’ils veulent. Je l’ai lu dans les journaux : ils racontent tout. Ici, il faut aller se confesser tous les samedis, même si

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