Le Serpent, le Puma et le Condor
222 pages
Français

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Le Serpent, le Puma et le Condor , livre ebook

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Description

Un conte moderne inspiré de la sagesse inca. Trois personnages dont les récits se croisent, s'entremêlent et se nourrissent. Trois quêtes initiatiques imprégnées de l'esprit du Serpent, du Puma et du Condor, trois « animaux de pouvoir » symboles des différents stades de la conscience humaine tout au long de la vie et au-delà. La Bolivie, où se joue l'histoire, prend vie également. Une culture restée presque intacte, quoique grignotée, de-ci de-là, par la mondialisation. Des traditions et des langues perpétuées malgré les influences extérieures. Une nature encore toute-puissante. Vivante. Des êtres conscients de leur place ici-bas. Un profond respect pour la Terre.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 18 mai 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342051308
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0082€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le Serpent, le Puma et le Condor
Alice Bridoux
Mon Petit Editeur

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Mon Petit Editeur
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Le Serpent, le Puma et le Condor
 
 
 
 
 
 
 
On raconte qu’il n’y a pas si longtemps de cela, dans un village à l’ouest de la Bolivie appelé Coroico, l’Ombre passa un jour emmenant avec elle une bien triste histoire. C’était un après-midi chaud, comme il y en a tant dans la région des Yungas, dans les gorges séparant la vaste forêt amazonienne de la cordillère des Andes. La vie s’y écoulait dans une joie tranquille. Jusqu’à ce jour noir. Il avait commencé comme tous les autres. Certains habitants étaient partis aux champs et beaucoup d’autres avaient pris le chemin de la capitale. Quelques-uns seulement étaient restés au village pour effectuer les tâches quotidiennes et vendre aux touristes des étoffes tissées à la main et de la nourriture.
 
Une camionnette descendit la route sinueuse qui longe la montagne depuis le sud du pays jusqu’au Nord. Elle s’arrêta non loin du Cerro Verde dans un crissement de freins. Une dizaine d’hommes en sortirent, poussant des cris de combat. Armés de couteaux et de fusils, ils dévalèrent la rue déserte et entrèrent dans les premières maisons. Ils retournèrent tout sur leur passage. Ils frappèrent, saccagèrent, fustigèrent et pillèrent tout ce qu’ils purent trouver. Il n’y avait pourtant pas grand-chose à prendre, mais, tels des conquérants, ils sortirent les bras chargés de provisions, de vêtements et d’alcool. On entendit des cris de détresse et des coups de feu. Le chef de la bande siffla pour rappeler ses hommes et, quelques instants plus tard, la camionnette disparut en pétaradant. Un silence accablant s’abattit sur Coroico et son écho morbide retentit dans toute la vallée.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Première partie. Amaru , le Serpent
 
 
 
I
 
 
 
Ignacio Amaru se leva avec le soleil. Il emballa les galettes de maïs et les empanadas qu’il avait préparées la veille dans un morceau de papier et alla chercher sa fille qui dormait encore. Il la réveilla tendrement, la prit dans ses bras et la posa sur l’ awayo 1 confectionné par Constanza, son épouse. C’était dans cette étoffe qu’il avait retrouvé Hanani recroquevillée quelques mois plus tôt. Les coups de feu l’avaient alerté. Il avait laissé ses outils dans son champ et était rentré en courant chez lui. Cachée sous les feuilles de bananier qui la couvraient de toutes parts, elle avait été protégée du pire. Ignacio referma l’ awayo d’un nœud solide autour du bébé et l’attacha sur son dos, après quoi il s’en alla aux champs, à la main son dîner, un bidon d’eau et son chapeau blanc. Il emprunta le chemin tortueux à travers les arbustes en fleurs. Il était planteur de coca. Sa parcelle de terre cultivée en terrasse longeait les plantations d’autres cultivateurs. Elle s’étendait sur des dizaines de mètres en contrebas. À quelques pas de là, il avait construit une cahute d’adobe surmontée d’un toit de paille, juste assez grande pour entreposer ses outils. Depuis peu, il avait aménagé un coin pour l’enfant. Chaque matin, il déposait Hanani sur un matelas de mousse et la couvrait d’un drap léger pour la protéger des piqûres d’insectes et des rayons écrasants du soleil. Il sortit de sa poche un sachet de feuilles de coca séchées, porta une poignée à sa bouche et mastiqua la plante sacrée jusqu’à ce que se forme une boule amère dans son palais. Il coinça la pâte verdâtre qui le faisait saliver au fond de ses bajoues et laissa le mélange thérapeutique couler au fond de sa gorge. Il se mit au travail. Cette époque de l’année était consacrée au semis de nouveaux plants. Quand vint l’heure du dîner, il cracha nonchalamment la boulette baveuse qu’il avait dans la bouche et s’installa aux côtés de sa fille. Il lui donna des morceaux de galettes de maïs trempées dans du lait tiède et une empanada de poulet. Hanani s’endormit. Il s’installa un peu plus loin à l’ombre de la cabane et s’endormit à son tour.
Après la sieste, il entama le travail de nettoyage d’une autre partie de son champ, éclaircit les lignes qu’il jugeait trop denses et repiqua les jeunes plants là où d’autres n’avaient pas poussé. Soudain, il entendit des murmures. Un couple de touristes se baladait, à quelques mètres de sa parcelle. Il leva les yeux, jetant un œil furtif vers la cabane où dormait Hanani, afin de s’assurer que les promeneurs n’approchent pas le berceau de trop près. Il était habitué aux touristes et à leurs escapades à travers les champs de coca. Pourtant, cela le mettait mal à l’aise. Il sentait que ces derniers étaient animés d’une curiosité qu’il jugeait malsaine. Ils ignoraient, pour la plupart, les usages légaux de la coca. Pour eux, son métier était lié à de mafieux trafics et servait les laboratoires clandestins qui enrichissaient les réseaux de narcotrafiquants. Il les entendit chuchoter et, bien qu’il ne parlât pas d’autres langues que la sienne, il savait ce qu’ils étaient en train de se dire. Il s’efforça de rester de marbre devant leurs regards suspicieux et poursuivit consciencieusement son travail. De quoi devait-il se justifier ? Allait-il se laisser impressionner par des quidams ne sachant pas faire la différence entre une plantation de coca et un champ de patates douces ? Une seule chose le dérangeait vraiment. C’était que l’on osât parler ainsi de ses plantations. « Faut-il avoir l’œil tant exercé pour remarquer la différence entre ces mauvaises herbes et mes plantes ? Comment peut-on se méprendre à ce point… ? » Il enfonça un peu plus son chapeau sur sa tête et leur tourna le dos. La journée se termina et Ignacio, comme tous les jours, se prépara à rentrer chez lui, sans passer saluer les cultivateurs dans les parcelles voisines. Depuis le malheur qui s’était abattu sur Coroico, il avait changé. Aux conversations habituelles sur le prix de revient de la coca, la qualité de la récolte, la prochaine fête religieuse ou le mariage d’untel, il participait d’un sourire absent. Ses gestes remplaçaient ses paroles. Il les ponctuait par des levers de sourcils ou des hochements de tête. La solitude qu’il ressentait depuis quelques mois le rendait distant et taciturne. Il avait pensé quitter le village pour trouver refuge dans un hameau moins isolé ou dans une ville éloignée pour recommencer une autre vie. Maintes fois, il avait fait ses valises et les avait défaites. Il avait fini par se dire que la fuite n’était pas un bon remède. Il savait que, même s’il était parti, il serait revenu un jour, poussé par l’appel de ses racines. « À quoi bon ? », se disait-il, « revivre à rebours des événements malheureux ? Mieux vaut les affronter. C’est la loi de l’équilibre, après la pluie, le beau temps ! » Son champ était tout ce qu’il possédait et l’amour de la terre, la force qui animait chacun de ses gestes. Il aligna ses outils dans la cabane et s’aperçut que la petite dormait, presque comme chaque jour, à l’heure de rentrer. Ignacio s’octroya un instant avant de s’en aller, pour admirer les couleurs du paysage à cette heure de la journée où le ciel se débarrassait de sa flottaison de nuages. Il adorait voir arriver ce moment. Il se sentit pénétré par sa beauté et remercia les dieux pour l’avoir fait naître dans ce lieu qu’il trouvait magique, à bien des égards. Il regarda la vallée qui s’étendait devant lui. Les reflets rougeoyants peints par le soleil sur les flancs de la montagne donnaient vie au décor, tout comme les arbres, rassemblés en une forêt rutilante, qui laissaient apparaître les veines du fleuve Coroico. Il suivit des yeux deux papillons qui venaient profiter, entre deux butinages, de l’ombre de la cabane. Il huma l’odeur de la terre qu’il venait de retourner passionnément, sentit celle de la paille qui recouvrait la hutte, mêlée à celle de la poussière que les marcheurs faisaient voltiger en retournant les cailloux sous leurs bottes. Il fit quelques pas vers l’horizon et s’assit face au mont Uchumachi , sortit une cigarette de son paquet et l’alluma. Il ferma les yeux, laissa retomber la tension de sa nuque et de ses épaules, prit une profonde bouffée et se détendit. Le mont Uchumachi était vivant, lui aussi. Dans la roche, il devinait les traits d’un visage. Il y voyait celui de sa femme qui lui manquait. Son nez droit et pointu, ses joues creuses, son front large, sa bouche si fine qu’on la devinait à peine, ses pommettes saillantes et ses yeux plissés lorsqu’elle souriait. Pour lui, cela ne faisait pas doute, il s’agissait du visage éternel de Constanza. Elle le fixait intensément, l’emplissant de sa puissance féminine. Il se demanda, pour la énième fois, ce qui avait pu pousser ces hommes à commettre pareilles horreurs. Pourtant, il ne se lamentait pas. Ou plutôt, il ne se lamentait plus. Il avait pleuré, ragé, détesté les hommes et la vie. Il avait eu envie de mourir et de tuer. Il avait crié sa colère et s’était apitoyé bien des fois mais cela n’avait rien changé. Constanza ne l’attendait plus dans leur maison. Cependant, tout au fond de lui, il savait qu’il ne l’avait pas perdue. Pas tout à fait. Quelque chose lui disait qu’elle serait toujours là tant qu’il verrait son sourire gravé dans la montagne et que tant qu’il tendrait l’oreille, le vent lui murmurerait la même chanson, celle du renoncement et de l’acceptation. C’était comme cela qu’il vivait à présent, animé d’une sage résignation. Il espérait qu’un jour, malgré le souvenir tragique de la mort de sa femme, il serait à nouveau capable de voir en chaq

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