Le Voyageur
82 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Le Voyageur , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
82 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

« En me tournant pour bien regarder un beau paysage qu'on venait de dépasser, je sursautai en lisant un panneau de signalisation placé dans le sens inverse indiquant : “Ville de Mbota : 140 km”. Pourtant, avec toutes les informations en ma possession, je savais que Mbota se trouvait à soixante kilomètres. Donc, nous n'avions pas pris la bonne direction pour aller en ville. Au même moment, le chauffeur comprit que j'avais déjà découvert la vérité. D'un geste de la main, il souleva calmement son siège et sortit une arme automatique GP 35 de marque Browning, pareille à celle que possédait mon père. Il ne dit mot, il la tenait dans sa main droite, son canon pointé droit vers moi et sa main gauche tenant le volant. » Un pneu crevé sur le chemin de l'aéroport, un vol raté dû à la météo, un kidnapping par un faux chauffeur de taxi... C'est le parcours du combattant pour Hassan qui ne demandait qu'à rejoindre la ville de Mbota pour y entreprendre ses études en économie. Mais ce n'est que le début de ses ennuis. Sa famille, de son côté, attire les foudres du régime et est poussée à l'exil lorsqu'elle n'est pas recherchée par la police... Le jeune homme saura-t-il prendre son destin en main et retrouver les siens ? Avec ses airs d'histoire de fou, "Le Voyageur" de Hans Kuzimbu emprunte davantage la voie du périple initiatique que celle d'un long fleuve tranquille. Imprévisible, grave et décalée à la fois, la chronique plutôt amère d'une certaine Afrique.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 22 juillet 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342053944
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0045€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le Voyageur
Hans Kuzimbu
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Le Voyageur
 
Toutes les recherches ont été entreprises afin d’identifier les ayants droit. Les erreurs ou omissions éventuelles signalées à l’éditeur seront rectifiées lors des prochaines éditions.
 
 
 
 
Préparatifs
 
 
 
D’un ton froid, mon père m’annonça :
— Dis ! Sais-tu que j’ai écrit à ton cousin ? Tu vas à Mbota d’ici peu pour tes études.
 



Le voyageur
Je hochai la tête en signe d’approbation. On reconnut en moi une joie débordante, bien qu’une décision unilatérale, imprévue et surprise me fût annoncée de la sorte.
 
La nouvelle n’était guère de nature à produire l’effet d’une désapprobation car on sait comment j’ai été éduqué chez mon père. Le service militaire était préférable à rester dans cette maison qui ressemblait de plus en plus à une prison. À dix-neuf ans, je devais rentrer au foyer familial au plus tard à 19 heures. Interdiction formelle m’était faite d’avoir des amies de sexe féminin, voire de côtoyer les amies de mes sœurs, qui passaient de temps à autre à la maison.
Bien que mon père me menât la vie dure, il me choyait et me dorlotait comme un petit prince, reconnaissons-le. Effectivement, j’étais son petit prince car j’étais son fils unique, à côté d’une marmaille de filles.
Tout ce que je lui demandais m’était donné, dans la mesure du possible et bien sûr selon sa volonté. Eh oui, ses désirs ! Je me rappelle une fois lui avoir demandé de passer mes vacances en Europe. Il refusa catégoriquement, prétextant qu’il n’avait pas assez d’argent. Or tout le monde sait que M. Lassa est un des millionnaires de la ville. Je compris peu après qu’il ne voulait pas me lâcher d’un pouce. Pourtant, l’année suivante, nous fûmes tous obligés d’aller passer nos vacances à Casablanca.
Quelques instants plus tard, il ajouta :
— Je n’étais pas du tout chaud pour que tu fasses ce voyage. Aussi, l’Europe et l’Amérique ne me tentent pas, en ce qui te concerne. Je souhaite que tu deviennes un grand économiste. Tu sais pertinemment que tu auras à prendre ma relève. Et ces études d’économie ne sont pas disponibles ici, dans la capitale. Mais si tu trouves une raison qui t’empêche d’aller à Mbota, tu peux me le dire car, aujourd’hui du moins, je suis prêt à changer ma décision en ta faveur. Alors, je t’accorde une semaine pour réfléchir.
 
Au fond, je voulais juste quitter la dictature que me menait « vieux shérif », c’est comme cela que mes sœurs et moi l’avions surnommé. En effet, je voulais découvrir la vie, voir l’autre côté du monde sans mon père et vivre cette vie de solitude, loin des câlins paternels et paternalistes qui, d’ailleurs, ne m’apportaient pas tellement de bonheur.
Le lendemain, assis au salon et suivant les informations locales du soir à la télévision nationale, papa fut surpris par mon intrusion quelque peu inhabituelle.
— Salut, papa !
Sans attendre sa réplique, j’enchaînai en ces termes :
— Papa, je crois avoir bien réfléchi sur le problème dont vous m’avez parlé l’autre soir et je suis d’accord pour ce voyage.
— Très bien, je vais m’en occuper.
— Merci.
Je fis demi-tour et m’engageai vers le couloir. D’une voix hésitante, il ajouta :
— Quand voudrais-tu y aller ?
— Quand vous voudrez, papa. Mais, étant donné que je ne connais pas la ville, il serait peut-être mieux que je sois là-bas quelques semaines avant, disons un mois, pour que je m’acclimate à ce milieu. Ce sera pour moi une bonne chose.
— Ton cousin m’a confirmé le début des cours pour le mois prochain.
Tout joyeux, je me précipitai vers mes sœurs, qui écoutaient de la musique dans le petit salon, pour leur annoncer la bonne nouvelle de mon départ imminent, qu’elles accueillirent mal d’ailleurs.
La semaine précédant mon voyage me sembla toute une éternité, contrairement à mes parents et à mes sœurs pour qui l’avancement des jours était plus rapide que d’habitude.
La veille de mon départ, tous les préparatifs du voyage étaient fin prêts. « Vieux shérif » convoqua maman, mes sœurs et moi en conseil de famille, et prit la parole en ces termes :
— Mes filles, mon fils, c’est un moment difficile pour moi, peut-être pour chacun de vous. Votre frère nous quitte demain pour aller continuer ses études à l’intérieur du pays. Si je l’y autorise c’est parce que, comme vous le savez, les études d’économie ne sont pas disponibles ici à la capitale. Ce n’est pas dans mes habitudes de laisser partir mes enfants loin de moi mais, la vie étant ce qu’elle est, il doit partir.
 
J’entendis en sourdine une sorte de bouderie collective frisant le mécontentement.
En me fixant droit dans les yeux, il continua :
— Je m’adresse maintenant à toi, Hassan Lassa, mon fils. Tu nous quittes demain, mais je ne t’ai pas abandonné. Je ferai de mon mieux pour que tu sois à l’aise comme tu l’as toujours été ici. Mais n’oublie pas ce pourquoi tu vas là-bas. Ne me fais pas honte et ne fais pas honte à ta famille. Conduis-toi en bon enfant comme tu l’as toujours fait. Viens, que je te bénisse.
 
Je m’avançai vers lui et me mis à genoux. Papa, debout devant moi, me tint par les deux mains et les souleva comme pour me mettre debout, tout en me jetant un peu de salive dans les mains trois fois successives en prononçant quelques paroles inaudibles. Et à moi de répondre «  oyo, oyo, oyo  » pour dire « merci, merci, merci ».
 
Au même moment, je remarquai un torrent de larmes couler sur mes joues. Personne ne pouvait savoir si c’était des larmes de crocodile. Cette cérémonie se termina en une causerie familiale où certains événements du passé furent évoqués avec beaucoup de nostalgie.
Le jour suivant, au réveil, tout était bien emballé.
Comme il est de coutume dans les traditions africaines de toujours bien se séparer avant tout voyage, je résolus de visiter mes sœurs pour la toute dernière fois avant de les quitter.
Dans un coin un peu sombre du couloir, j’appelai ma sœur cadette qui avait à peine sept ans. Je lui donnai un billet de cent francs en lui demandant d’être sage et en lui promettant de revenir très bientôt. Après cela, je fis la ronde de toutes les chambres de mes sœurs, pour leur dire au revoir de vive voix. Mais malheureusement, je fus interrompu par le klaxon de la voiture en signe d’appel.
— Comment ! On ira ou on n’ira pas ! interrogea mon père.
— Oui, j’arrive, répondis-je précipitamment.
Le véhicule qui devait m’amener à l’aéroport était plein. Tout le monde voulait m’y accompagner. Sept personnes au total avaient pris place dans la Land Rover de type familial de mon père.
Monté dans la voiture, d’un geste de la main, je fis un signe d’au revoir et la foule attroupée à côté du véhicule répondit en chœur.
—  Mbote, bye ! Kenda malamu 1  !
 
— Il nous faut combien d’heures pour arriver à l’aéroport ? demandai-je à mon père, au volant de sa voiture anglaise.
Jetant sommairement un coup d’œil à sa montre-bracelet, il répondit :
— Pas même une heure, juste quarante-cinq minutes. Il est 6 heures, nous y serons à temps car le vol est prévu à 7 h 30.
Vingt-sept minutes après avoir quitté la maison, un bruit violent nous surprit. C’était la crevaison d’un de nos pneus.
— Oh ! Mon Dieu ! s’exclama mon père. Heureusement que nous avons un pneu de rechange.
Le véhicule fut parqué sur le trottoir. Je descendis en trombe pour prendre la clef de roue afin de faire le nécessaire. Quelques minutes plus tard, le remplacement était fait. Nous reprîmes l’autoroute en direction de l’aéroport.
 
Cinq minutes après avoir repris l’autoroute, nous constatâmes que le pneu mis en place n’était pas en bon état. Plus de pneu de réserve ! Alors qu’il était déjà 7 heures passées de quelques minutes.
 
— Merde, merde, merde, on est foutu, plus de pneu de réserve, cria mon père.
Tout le véhicule resta silencieux pendant un petit moment, ne sachant à quel saint se vouer.
Ma mère commençait déjà à s’inquiéter et s’écria :
— Trouvons vite la solution ! Dans quelques minutes l’avion décolle. Nous n’avons pas encore effectué les formalités d’usage.
 
Je descendis en vitesse du véhicule, passai derrière, ouvris le capot arrière, pris un pneu et m’en allai dans la direction d’où nous venions. Car c’est là que j’avais vu, en passant, des maisons de réparation de pneus qu’on appelle communément en argot du pays quado .
 
Trente minutes plus tard, je revins tout suant avec un pneu bien gonflé que je me hâtai de poser à la place de celui qui était crevé. Nous repartîmes pour le grand départ.
 
Lorsque je m’installai sur mon siège, mon père me félicita pour mon courage, chose qu’il ne faisait pas d’habitude. Je compris que les choses avaient déjà commencé à changer, et pensai que si ce papa m’avait traité ainsi depuis toujours, je n’aurais pas eu un jour le courage de le quitter.
 
 
 
Le départ
 
 
 
— Quelle ambiance ! C’est l’aéroport, dit ma grande sœur. Je ne suis jamais venue ici. C’est ici qu’on prend l’avion pour aller en Europe ?
 
Vu le retard que nous accusions déjà, nous étions tous préoccupés à sortir les bagages du véhicule et à nous diriger vers l’aérogare. Personne ne disait mot. Et tandis que nous nous engagions dans le hall principal, nous entendîmes une voix féminine douce et accueillante annoncer à travers le haut-parleur : « Mesdames, mesdemoiselles et messieurs, nous vous annonçons la fin du check-in. Les passagers à destination de Bouaké, Mbota et Ntela sont priés de passer en salle d’attente

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents