Les Cendres muettes
200 pages
Français

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Les Cendres muettes , livre ebook

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Description

Dans son recueil de nouvelles, Guy Torrens porte un regard tendre et humain sur des êtres qui flirtent chacun à leur manière avec l'expérience de la mort. La nouvelle qui ouvre l'ouvrage donne le ton : le jour de son quatre-vingtième anniversaire, un homme décide de mettre un terme à son existence. L'auteur évoque les destins les plus divers, allant d'un soldat pris dans la tourmente de la guerre au milieu d'un champ de bataille, à un mari éploré devant affronter le deuil de sa femme, en passant par des marginaux épris de sensations extrêmes. Tous les personnages traversent une période d'intense remise en question existentielle, causée aussi bien par un brusque accident de voiture, l'attente de résultats médicaux, ou encore les simples aléas de la vie.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 21 juillet 2017
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414073924
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-07390-0

© Edilivre, 2017
Du même auteur
Du même auteur :
Les orphelins du déluge,
Haïkus, Editions la Tchika
Les crépuscules d’or pâle,
Roman, Editions Publibook.
Le dernier lac,
Poèmes, Editions la Tchika.
Les saisons de l’après
Roman, Editions Publibook
Prix coup de cœur du jury du Roman gay 2014.
25 rue Jean Roque
Poèmes, Editions Publibook.
Maria et l’hippocampe
Policier, Editions Publibook.
La nuit de l’Aube
Roman, Editions Publibook
Terres blanches
Poèmes, Editions Edilivre
Ulysse Variations
Théâtre, Editions Edilivre.
Crépuscule désaffecté avec Jean-Marie Fleurot
Roman, Editions Edilivre.
Dédicace

A Jean-Luc
A Jean.
Les Cendres muettes
Où était l’innocence ? Les empires s’écroulaient, les nations et les mondes se mordaient à la gorge, nous avions la bouche souillée. D’abord innocents sans le savoir, nous étions coupables sans le vouloir.
Albert Camus. Retour à Tipasa.
Je suis né comme le rocher, avec mes blessures. Sans guérir de ma jeunesse superstitieuse, à bout de fermeté limpide, j’entrai dans l’âge cassant.
René Char. L’âge Cassant.
 
 
Vingt-six mars. Quatre-vingts ans. Pour Eugène c’est un anniversaire particulier, le dernier. Il s’était fixé cette date, années après années sans trop y croire. Peu importe de mourir, tout est prévu sauf le retour des cendres dans son pays natal. Il ne sait pas comment faire. Il n’a qu’une seule amie, sa voisine et impossible de lui demander de faire ce voyage. Trop risqué pour elle.
Il sort sur le balcon, la pluie a cessé, le ciel est encore encombré, quelques bourrasques de vent. L’hiver s’éloigne.
Il se prépare pour sa sortie quotidienne, évite de se regarder dans la glace et ferme la porte doucement, il n’a pas envie que Josette l’entende. Il descend sans faire de bruit mais elle doit avoir un septième sens :
– Alors Eugène, tu croyais que j’allais oublier ton anniversaire ? Viens que je t’embrasse. Quatre-vingts ans ! Putain ça fait un bail. T’es toujours bel homme. Allez viens, fais pas ton timide.
Il renâcle mais se laisse faire. Il ne s’attarde pas et promet de revenir la voir. Elle lui lance un baiser en refermant la porte. Il continue de descendre. Sur la dernière marche, il voit un jeune homme assis, un très jeune homme pas plus de dix-sept, dix-huit ans.
Le jeune se pousse pour le laisser passer et marmonne un vague bonjour.
Eugène le regarde à peine.
En marchant il repense au gamin assis sur les marches. Il se dit que c’est un pauvre gosse paumé comme il en voit beaucoup traîner, l’air affamé, qui portent leur misère sur le dos, dans les yeux. Ils sont habillés de bric et de broc et ont l’air de trembler en permanence. Il soupire et secoue la tête : « quel monde de merde ! » Il fait le tour du quartier à pas lents, achète un sandwich pour le donner au jeune inconnu, un cadeau d’anniversaire.
Personne dans le hall. Il est vaguement déçu. Il rentre dans son appartement en évitant Josette. Il pose le sandwich dans le frigo, met la télé, l’éteint : « que des conneries ! » Allume la radio, l’éteint : « bon pour les abrutis ! » Se met au balcon, regarde passer les gens, ça l’amuse un moment. La journée va être longue. Il arrive comme ça tant bien que mal à midi. Il mange rapidement des sardines à l’huile, un bout de fromage et une orange. Il fait la vaisselle, prend un café, s’il n’était pas un homme, il pleurerait devant ces heures monotones à venir.
Il se met sur le fauteuil et s’endort. Une vraie sieste. C’est la sonnette qui le réveille. Il se lève en rouspétant.
« J’arrive ! » Il regarde l’heure : 15h 30, il a dormi longtemps. Ça insiste. « Une minute ! Y’ a pas le feu ! ».
– Eugène c’est moi, ouvre il faut que je te parle c’est urgent !
C’est Josette affolée.
Il ouvre.
– Qu’est-ce qu’il t’arrive ?
– Il y a un homme dans le couloir, j’ai peur.
– Tu as peur des hommes, toi, c’est nouveau
– Que tu es con ! C’est un arabe.
– Et alors tu fais la fine bouche.
– Mais c’est un jeune et il n’a pas l’air bien.
– Rentre et assieds-toi je vais te servir un whisky pour te remettre.
– D’accord mais un doigt.
– Un à plat ou un debout ?
– T’es con !
Il la sert généreusement. Elle avale très vite.
– Ça va mieux ?
– Oui, ressers-moi un petit coup.
– Alors qu’est-ce qu’il t’a fait ?
– Rien. Il est assis dans le noir et il ne dit rien.
– Il n’a pas environ dix-sept, dix-huit ans, en t-shirt et survêt et des tongs, et épais comme un moustique ?
– Oui comment tu le sais ?
– Je l’ai vu ce matin en allant faire les courses et au retour il n’était plus là.
– Tu crois qu’il est dangereux, avec tout ce qu’on entend ?
– T’as vu comment il est, c’est un pauvre gosse en galère, il doit se geler, il a peut-être pas mangé depuis deux ou trois jours.
– Le pauvre.
– Maintenant tu le plains ?
– J’ai toujours eu bon cœur et je ne supporte pas la souffrance des enfants et des animaux, tu sais des fois j’avais des clients qui étaient tellement malheureux que je les faisais monter gratuitement.
– T’as pas dû te faire beaucoup de fric ?
– Non c’est pour ça que j’ai arrêté, j’étais mieux pour tenir la caisse. Bon qu’est-ce qu’on fait pour le gamin. On ne va pas le laisser comme ça, même s’il est arabe, il est humain quand même.
– Reste là je vais aller le voir et finis pas la bouteille.
Josette éclate de rire et se ressert.
Eugène sourit en la regardant toute défraîchie et tellement humaine, c’est le mot qui lui vient. Il descend jusqu’à l’entrée. Le garçon, le même que le matin est assis au même endroit, il est transi et tente de se réchauffer.
Eugène s’assoit près de lui en silence. L’autre a toujours la tête entre les bras. Il risque de temps en temps des regards.
– Alors mon garçon, qu’est-ce que tu fais ici ? lui dit Eugène au bout d’un moment.
L’autre ne répond pas.
Eugène reprend :
– Si tu restes ici, tu vas attraper la mort et tu es un peu jeune pour mourir.
Toujours le silence.
– Je suis descendu pour voir ce qu’il t’arrivait, ma voisine était très inquiète, elle m’a dit que tu n’étais pas bien et elle s’y connaît en hommes, une sorte d’experte, d’artiste. Tu ne vas pas rester comme ça dans le froid, et tu n’as rien aux pieds. Viens prendre un café chez moi histoire de te réchauffer, il y a aussi un sandwich que je t’avais acheté mais tu avais disparu et puis tu nous tiendras compagnie. Qu’est que tu en dis ?
Le garçon fait un vague signe d’assentiment.
– Bon, aide-moi à me lever, je suis plus tout jeune et c’est mon anniversaire au moins j’aurai un invité surprise. Tu sais j’ai quatre-vingts ans aujourd’hui.
En s’appuyant sur l’autre, Eugène se lève.
– J’habite au deuxième. Allez suis-moi, tu n’as rien à craindre.
Il se met en route, l’autre le suit un peu hésitant.
– Voilà c’est ici. Je te présente Josette l’inquiète qui n’a plus froid du tout.
Josette tente un sourire charmant de grande dame déchue.
– Je m’appelle Eugène et toi ?
Une voix timide
– Saïd.
– Assieds-toi Saïd et détends-toi, elle ne va pas te manger, elle a plus de dents.
– Imbécile ! Réponds Josette en minaudant de plus belle.
– Je vais à la cuisine faire du café. Mets un disque Josette celui que tu veux.
Saïd a pris ses habitudes chez Eugène. Il vient vers midi, mange, regarde la télé et repart vers dix-sept heures. Eugène ne lui demande rien. Le garçon est toujours réservé, il baisse les yeux sur son assiette et mange tranquillement. Il ne parle que pour dire des mercis timides, oui, non. Il est d’humeur égale. Il ne manifeste rien. Eugène se dit qu’il a dû vivre des moments difficiles. Josette vient les voir souvent, elle s’attache à cet adolescent, elle lui fait des petits cadeaux, tente de le faire rire, lui fait des bises qui le mettent dans l’embarras. Ils ressemblent à un vieux couple de divorcés qui aurait eu un enfant sur le tard et qui se met à rêver d’une vie à rebours.
Un soir Eugène est descendu voir sa voisine.
– Qu’est ce qui t’arrive ? Ça ne va pas ? Il est arrivé quelque chose au petit, c’est ça ?
– Mais non, et puis arrête de l’appeler le petit, c’est presqu’un homme, et tu as dû en avoir de son âge.
– Idiot. Alors pourquoi t’es là, t’es malade ? Tu veux une petite gâterie.
– Une pute reste une pute ; mais non imbécile, j’ai besoin de te parler et oui c’est important.
– Tu me fais peur Eugène.
– Sers-moi un coup à boire et prends en un aussi.
Ils sont face à face un verre dans une main, une cigarette dans l’autre. Josette a un vieux peignoir d’un rose passé et des mules qui ont perdues leur peluche. Enfin ça devrait être comme ça, mais elle est seulement dans un survêtement jaune fluo qui lui fait un teint de vampire avec ses lèvres trop maquillées et des baskets tout aussi fluo. Elle ressemble à une enseigne de néon.
Eugène la regarde, il a envie de se marrer.
– Qu’est-ce que tu veux me dire ?
– Voilà, c’est dur, tu vas me prendre pour un fou.
– Vas-y j’en ai tellement vu et entendu. Tiens reprends un coup ça aide. Tu sais ce sont les américains qui m’ont appris à aimer le whisky. Au début je trouvais ça raide et puis on s’habitue et puis j’aime maintenant. Je voudrais être enterrée avec une bonbonne de whisky, un chapelet, l’image de la vierge et un jeu de cartes comme ça quand j’aurai trop froid ou que je m’ennuie trop dans mon cercueil capitonné, je m’enverrai une rasade en regardant la vierge, et je me tirerai les cartes.
– C’est de ça que j’ai à te parler.
– Tu veux aussi être enterré avec une bonbonne de whisky ? Ça serait plutôt un tonneau d’anisettes pour toi. Vieux soûlard.
– Mais non, arrête de dire n’importe quoi sinon je n’y arriverai pas. Voilà, j’ai déjà trop vécu et j’ai décidé d’arrêter là. Personne ne m

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