Les Flocons de Sibérie
276 pages
Français

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Les Flocons de Sibérie , livre ebook

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Description

Yvan, orphelin russe adopté en France, revient sur sa terre natale. Un homme déterminé à se battre pour offrir une alternative à la jeunesse d'une Sibérie maudite, rongée par la drogue et la violence.
Une quête vers son passé et son avenir, qui se heurtera aussi bien aux réalités brutales de la rue qu’au labyrinthe bureaucratique d’une administration vérolée.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 19 juillet 2017
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414091003
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-09098-3

© Edilivre, 2017
Chapitre I Le temps des souvenirs
Yvan posa son sac tout juste sorti de l’aéroport. Le voilà finalement de retour dans la ville honnie qui l’avait vu naître. Il alluma une cigarette, observé d’un œil anxieux par quelques chauffeurs de taxis crasseux, guettant le moindre de ses mouvements. Malgré son visage slave assez typé et ses cheveux blonds comme les blés, les douaniers l’avaient interrogé sur la raison de sa venue et la contenance de ses bagages. Paré de son élégant caban, il devait avoir une dégaine de français après tout. Il détonnait particulièrement avec les joggings tant appréciés par les hommes de ces contrées. Son russe impeccable les avait dissuadés de poursuivre plus loin leur contrôle. L’endroit n’avait pas changé d’un pouce se dit-il, alors que la Lada du taxi démarrait douloureusement. Quinze ans auparavant, l’adolescent s’était retourné une dernière fois pour apercevoir les noires cheminées de Krajenski, crachant leurs fumées empoisonnées sur la ville. L’aéroport était situé légèrement en surplomb de l’agglomération. Elle apparaissait d’ici comme une forteresse imprenable du communisme industriel, protégée de ses imposants immeubles à la façade terne.
« Home sweet home » songea-t-il, en esquissant un sourire. Pourquoi était-il revenu ? C’est une question que bien des gens lui avaient posé… S’il voulait réellement revenir dans « la Mère Patrie », pourquoi ne pas choisir plus glamour, Moscou ou Saint Pétersbourg par exemple. Mais pas Krajenski bon Dieu… En effet, la capitale locale de l’extraction de nickel trainait une piètre réputation. On la surnommait la petite Dzerjinsk, du nom d’une tristement célèbre ville russe non loin de Moscou. Une zone terriblement sinistrée en matière de pollution chimique des sols et de l’air. Seule l’extraction minière avait perduré, dans ce qui ressemblait désormais plus à un paradis de friches industrielles et de résidences ouvrières délabrées. Plaie béante à ciel ouvert, royaume d’un peuple maudit, rongé par une multitude de maux. La spirale vicieuse semblait vouée à une descente toujours plus profonde, jusqu’aux limbes du genre humain. Pourtant, un étrange marasme magnétique retenait ses habitants. Finalement, où auraient-ils bien pu partir ? Troquer un taudis pour un autre ? Autant rester dans la ville où on avait grandi. Le piège à loup s’était refermé sur la destinée de ses habitants. Celui-ci valait aussi bien qu’un autre, à entendre les récits d’expatriés survivant dans les fanges de Moscou ou Novossibirsk.
La plupart étaient revenus habiter dans la ville abhorrée suite à leur exil, déçus de ne pas avoir atteint cet Éden, auquel ils aspiraient depuis leur tendre enfance. Yvan était différent, disposant du choix d’une vie dorée dans un quartier bourgeois parisien. Mais quelque chose brûlait en lui. Ce n’était pas de la mauvaise conscience, non, mais un véritable sentiment de ne pas oublier ce qu’il était. L’orphelin se sentait cependant redevable de ses parents adoptifs de l’avoir extirpé des griffes de cet enfer. Après l’épisode paisible de sa vie à Paris, il pouvait désormais particulièrement en mesurer les tréfonds. Pourtant, il ressentait un besoin irrépressible de retourner dans les abysses. Non pour satisfaire un phantasme mortifère, mais bien plutôt pour tendre la main à cette jeunesse. Une génération qui ne demandait qu’à s’en sortir, prisonnière de ce puits sans fond.
Le taxi poursuivit sa route. Yvan sentit la fatigue le submerger, bercé par le ronron sonore du moteur et les lueurs dansantes des lampadaires défilant à vive allure. Le chauffeur, à la mine fatiguée et aimable comme une porte de prison, le déposa sans un mot devant l’adresse de son appartement loué pour trois mois. Il sonna chez la concierge, gelant littéralement sous une pluie battante. Les premières neiges ne devraient plus tarder pensa-t-il, trempé jusqu’aux os. Une odeur âcre agressa ses narines, cela devait venir des usines. L’épaisse porte s’ouvrit en grinçant, laissant entrapercevoir le visage ingrat et adipeux d’une vielle femme. La gardienne l’accueillait, parée de ses bigoudis sur la tête et emmitouflée dans une robe de chambre rose bonbon.
– « Vous arrivez bien plus tard que prévu ! Normalement je ne devrais pas sortir à cette heure ! ».
Le jeune homme afficha son plus beau sourire de gratitude. Il était pourtant bien arrivé à l’heure annoncée la veille, mais ce genre de personne aimait à profiter de n’importe quelle petite situation de supériorité. Autant lui laisser ce petit plaisir mesquin se dit-il. Yvan n’avait aucun intérêt à la fâcher.
– « Oui je suis désolé, les avions vous savez… merci beaucoup de venir… j’apprécie vraiment… ».
Elle le dévisagea et lui fit signe de la suivre de la tête.
– « L’ascenseur est en panne, il va falloir prendre l’escalier. C’est au huitième, mais vous êtes jeune hein… pour moi, imaginez comme c’est difficile… »
– « Ne vous inquiétez pas je vais y aller seul, si j’ai une question, je vous demanderai demain ».
La vieille carne adopta un air satisfait presque ragaillardi, son petit tour misérabiliste lui avait épargné la visite nocturne de l’appartement.
– « Bien, bien, je vous ai laissé l’état des lieux sur la table, si vous pouvez me le signer et me le déposer demain… ».
Yvan s’inclina dans une courte révérence pour la remercier encore une fois, puis grimpa les marches quatre à quatre. L’appartement se trouvait directement sous le toit et la pluie tambourinait sur la tôle. Il perçut immédiatement le douloureux bruit de gouttes s’abattant sur le sol, probable écho d’une fuite à colmater ou à signaler. Une petite bassine se trouvait en effet disposée pour accueillir l’intrusif liquide. Et dire que cette grande pièce allait devenir pour quelques mois son antre, il y avait de quoi déprimer ! Dans cette piaule miteuse, les traces de moisi se collectionnaient sur les murs de moquette, les teintes variant du vert jusqu’au noir. Un sani-broyeur avait été installé dans un coin de la pièce, sans même une porte ou un rideau. La cuisine constituait peut-être le seul coin potable, malgré la tuyauterie d’un autre âge. Les enseignes colorées fixées au mur à l’extérieur transperçaient les minces rideaux, diffusant une étrange impression d’éclairage tamisé même en pleine nuit.
L’heureux locataire s’installa le plus confortablement possible, allongé sur le matelas. Celui-ci dégageait une intense odeur d’humidité, posé à même le sol. Les yeux ouverts, il fixait le plafond à la texture inégale. Sa conscience se perdit dans les courbes tortueuses des infiltrations murales. Cette contemplation l’emmenait vers les plus profonds souvenirs de sa jeunesse.
Il entendit un cri et se releva soudain, pour contempler un miroir disposé devant lui, dans lequel apparut le reflet de sa bouille de gamin. Les gémissements provenaient du dortoir connexe. Ne résistant pas à la tentation, il s’y rendit à pas de loup. Il entrouvrit la porte pour ne distinguer que quelques formes sombres et des cris étouffés. L’intrus recula brusquement saisissant avec stupeur ce qui se déroulait. Il alluma au passage la lumière par mégarde. La scène illumina un groupe de garçons à la mine patibulaire, en train d’en violer un autre plus jeune coincé à terre. Le malheureux gisait un chiffon dans la bouche. Des larmes inondaient un œil plein de détresse, lancé désespérément à Yvan. « La bande à Yakov » susurra-t-il, fixant un grand gaillard entièrement tondu. Une méchante cicatrice sur sa figure pâle lui zébrait le front. Yvan détala, poursuivi par la meute d’adolescents féroces pour se réfugier haletant dans son dortoir. Le dos contre la porte, il sentait les coups tambouriner crescendo. Des larmes de peur ruisselaient sur ses joues, tandis qu’il luttait pour la garder clause. La porte vola soudain en éclat…
Yvan se réveilla en sursaut. Les rayons matinaux le tirèrent de sa léthargie, pour se lever péniblement et rejoindre le balcon. La vue quelque peu excentrée du centre-ville, donnait l’impression dérangeante d’avoir survécu à un holocauste nucléaire. D’un côté, une immense usine désaffectée se trouvait non loin et dévoilait ses turbines rouillées, comme autant de monstres aux gueules menaçantes. De l’autre, des immeubles à l’allure tout autant insalubre et déprimante. Yvan avait toujours apprécié la photographie urbaine et se prit à vouloir immortaliser la ville entière, comme figée dans le temps et prisonnière de ses amères désillusions. Manifestement, pour qui pouvait en percevoir le faible écho, une sorte de poésie mélancolique se dégageait de cet endroit.
En contrebas, quelques enfants jouaient autour de ce qui restait d’un parc à jeu, constitué de quelques balançoires. Le rire des gamins, hymne d’innocence et de liberté dans cette prison de béton, semblait transcender la morosité ambiante. L’enfance, c’était pour lui quelque chose de sacré ; ce qui constituait la base du genre humain, qu’il fallait à tout prix protéger. Se sentant inspiré, il s’arma de son appareil photo et s’habilla pour une petite balade dans ce quartier. Ce serait l’occasion de s’imprégner de son atmosphère, avant de commencer les choses sérieuses après le week-end. L’enfant du pays parcourut avec nostalgie ces ruelles, jadis arpentées durant ses escapades de l’orphelinat. C’était comme si les images de son enfance ressurgissaient brusquement. Chaque coin de rue lui évoquait quelque chose, une anecdote, des cris, des pleurs, des rires. Tous ces souvenirs semblaient à la fois si vivaces et lointains.
Sa route le menait presque machinalement vers ces lieux familiers. Son pas se hâtait inconsciemment à mesure

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