Les framboises ont un goût d Eden
62 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Les framboises ont un goût d'Eden , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
62 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description


« Pour la première fois depuis l’école maternelle, je n’étais amoureuse de personne. Enfin de vraies vacances, celles du cœur !



Comme Frank Bascombe, le personnage de Richard Ford, j’étais entrée dans ma période d’existence, que caractérisent la désillusion et un réalisme accru, où chaque élan est évalué et réprimé : cela en vaut-il vraiment la peine ?



J’étais à mille lieues du désordre amoureux. »



Été 2018, c’est la Coupe du monde. Là-haut sur sa banquise, Soli se métamorphose en ours polaire. Amollie par quinze mois de pouponnage, Lætitia confie leur fille pour partir au soleil avec Sixtine et Marilou. Au pays du farniente et des flamants roses, notre sexy quadragénaire que seul un ristretto parvient encore à stimuler éprouve la vacuité du désir.



Mais c’est sans compter sur Phedra dont les huit tentacules en berne et l’œil terni par la vase sont une stratégie attentiste. Quand le regard de Lætitia croise celui d’un personnage à l’allure de Corto Maltese, la pieuvre s’éveille et repart au combat.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 0
EAN13 9782366511307
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Titre
Cécile-Marie Hadrien
Les framboises ont un goût d’Éden
roman



                À Sandrine et Stéphanie, mes amies de la première heure.               “Take it easy, baby take it as it comes”
The DOORS


Prologue
Ici, c’est nulle part. Là-bas n’est plus qu’un souvenir. Et les autres ailleurs sont encore de vagues spéculations. L’attente prolongée dans un aéroport sert à ça : te faire réaliser que tu n’es plus dans le coup. Si le match continue à se dérouler quelque part, c’est sans toi.
Flight Alitalia to Paris-CDG : delayed .
Le reste de ma vie pourrait se passer ici, à huis clos, dans la salle d’attente de l’aéroport Milan-Linate, face à la porte d’embarquement n°34. Parmi d’autres voyageurs anonymes, français et italiens mêlés. Les Italiens, au moins, je ne les comprends pas. Reposant de se laisser baigner dans les sonorités d’une langue dont on n’a pas la maîtrise.
Les Italiens me manquent déjà.
Et plus particulièrement l’un d’entre eux.
À cette heure, je devrais être dans l’avion. Retour vers la vie ordinaire. Fin de partie : Game over ! Rien de pire que de rester sur un quai à regarder un avion, un train, un taxi prendre le large en emportant celui ou celle qui vient de se tailler une part copieuse de ton petit cœur palpitant. Quoique notoirement claustrophobe, j’aspirais pour une fois à un embarquement rapide qui m’épargnerait d’avoir à trop réfléchir. Avec un peu de chance, mon voisin serait un bel Italien dont les mots chantants, les regards appuyés, la galanterie excessive me feraient sentir que je ne suis pas complètement out. Que le jeu recommencerait plus tard, ailleurs.
Un autre match à l’issue incertaine.
Mais si on connaissait le score à l’avance, on serait moins intéressé. Et ce qui importe vraiment est le déroulement du jeu. La façon dont chacun des joueurs se positionne, se lance et prend des risques. Un match où les joueurs restent à l’arrière du terrain pour bétonner leur défense n’a rien d’excitant et déçoit le public.
En amour, on dit qu’il n’y a ni perdant ni gagnant. Le match n’est pas nul pour autant. Ne joue-t-on pas simplement pour le plaisir ?
Mon problème, vois-tu, c’est que je ne refuse jamais une partie si le partenaire (ou l’adversaire) est beau joueur.
On me dit souvent que j’ai l’art de me compliquer la vie.
Que je devrais rester à ma place.
Mais ma place, où est-elle : en défense, au milieu de terrain, en attaque, dans les cages ?
Pour attraper la balle au vol, je suis très forte. Sache-le, au cas où tu souhaiterais m’en lancer une. Les enfants de divorcés feraient tous de bons goals : l’habitude de se protéger pour ne pas recevoir le projectile en pleine figure. Une vigilance accrue. Une façon de camper sur ses positions pour voir venir. Et ne pas hésiter à plonger et mordre la poussière pour parer les coups. Il arrive aussi que le goal sorte de sa cage et remonte le terrain à toute allure pour marquer. Ainsi, je peux m’enorgueillir de quelques mémorables tirs au but.
Comme tu le vois, je suis devenue hyper calée en foot, un sport qui ne m’avait jamais passionnée avant cette Coupe du monde 2018.
Mais ici, pas même une télé pour suivre la finale en direct. Moi qui pensais être arrivée à Paris avant pour en profiter, me voici sur le banc de touche. Les seuls écrans allumés annoncent inlassablement les départs, les arrivées, les retards. L’unique spectacle est celui des autres voyageurs contraints eux aussi à l’attente.
À côté de moi, une famille italienne en partance pour la France. Le garçon, un pré-ado excité, a trébuché sur ma valise cabine et failli s’asseoir sur moi à deux reprises. La mère a ri avec complaisance tandis que la sœur aînée faisait mine de ne pas les connaître, écouteurs de l’iPhone vissés dans les oreilles. Pas de père en vue. A-t-il été sorti du terrain ? De quoi me rappeler que je suis mère, moi aussi. Et que le père de mon enfant joue quelque part, ailleurs, en attendant la recomposition de notre petite équipe et une nouvelle saison sportive. Ce séjour en Italie me l’a presque fait oublier. Incroyable la capacité qu’a l’être humain à s’extraire de sa vie pour profiter pleinement de ses vacances.
Car c’est bien de vacances qu’il s’agissait.
Au départ, une escapade entre filles, avec ma meilleure amie Sixtine et ma sœur Marilou, mes complices de toujours. L’idée venait de Sixtine, qui avait un point de chute à Cagliari. Un ex-petit ami sarde voulait visiter Paname et lui a proposé d’échanger leurs appartements les dix premiers jours de juillet. Ma vieille, tu as besoin de sunshine. Deux ans au Danemark passés à pouponner t’ont donné une mine d’Ophélie échouée sur un banc de sable.
Sixtine n’avait pas tort.
Mais quand j’ai voulu confier à Marilou ma fille de quinze mois, elle a refusé net. Si vous partez au soleil, les filles, je viens aussi ! Deux ans passés à divorcer : elle aussi avait une sale mine et droit à des vacances. Son ex devrait se débrouiller seul avec leurs trois mouflets. Et qui sait si l’amour ne pointerait pas de nouveau le bout de son nez ? Plutôt le bout de sa queue, l’a raillée Sixtine, qui de nous trois est la plus libérée.
C’était parti pour sea sex, sun and fun .
La mer était bien au rendez-vous, bleue jusqu’à l’horizon.
Le soleil aussi.
Quant au fun, impossible de s’ennuyer ou même de songer à se reposer avec ces deux nanas.
Je n’en demandais pas plus car deux ans passés à pouponner avaient aussi donné un sérieux coup de mou à ma libido. Mais pour le sexe, c’est moi qui ai été la mieux servie. Je suis pourtant la seule des trois à vivre en couple. Sixtine a plusieurs amants qu’elle appelle ses intermittents de l’amour. Marilou est encore empêtrée dans un divorce conflictuel après vingt ans de mariage. Elle a rencontré quelques partenaires sur AdopteUnMec ou Attractive World avant de conclure dépitée : Léti, je n’attire que les mecs mariés. Ce ne sont pourtant pas les divorcés qui manquent … Va savoir comment les rôles se distribuent sur le terrain ! En ce qui me concerne, l’arbitre devait avoir les yeux ailleurs. Et mon compagnon, Soli, joue actuellement sur un terrain distant du mien, deux mille cinq cents kilomètres plus au nord. Ne dit-on pas loin des yeux, loin du cœur  ? Aucun carton jaune ne s’est agité devant mon nez. Bon, des avertissements ont été donnés lors de précédents matchs. Il est arrivé que Soli quitte le terrain, furax, en demandant l’ajournement de la partie (j’avais commis un hors-jeu). Lui-même n’est pas exempt de quelques fautes, main ou croche-patte. Mais ça, c’était avant qu’on devienne parents. Cette fois, il se pourrait qu’on passe directement au carton rouge : éviction du terrain, attente prolongée sur les bancs des vestiaires avec, en fond sonore, la ola   joyeuse des spectateurs et les coups de sifflet de l’arbitre.
Livrée à moi-même dans le no man’s land des exclus du jeu pour une période indéterminée.
Interdite de matchs.
 
Une hôtesse invisible annonce en italien et en anglais le prolongement du retard. Les voyageurs sont invités à patienter. Aucun motif n’est invoqué.
Cette période de transit qui joue les prolongations sans penalties pourrait devenir le moment le plus morne de mon existence. Pas trop mon style de rester le cul vissé sur un siège en plastique moulé peu confortable à regarder les autres vissés eux aussi sur leurs sièges. Aucun mouvement sinon celui des voyageurs énervés et des enfants que leurs parents peinent à contenir.
Je suis seule.
Reléguée à la périphérie du stade par les autres joueurs ou l’arbitre indifférent.
Quasi inexistante.
Et pourtant.
Il y a moins d’une heure, je faisais équipe avec un joueur formidable. Nous sommes tombés amoureux entre deux matchs des quarts de finale. À la mi-temps, on échangeait notre premier baiser. Quand les tirs au but de fin de partie se sont annoncés, j’avais l’impression de le connaître depuis vingt ans. On s’est promis d’autres rencontres sur d’autres terrains de jeu. Play it again, Lætitia. Ou plutôt : Giocare di nuovo ! Car c’est décidé, je me mets à l’italien. Ludovico parle un franç

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents