Les Français peints par eux-mêmes
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Les Français peints par eux-mêmes , livre ebook

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Description

Extrait : "Un ouvrage où l'on se proposait de peindre les mœurs des Français au dix-neuvième siècle ne devait point se borner à les considérer dans leurs divers états. Les modèles, toujours pris à Paris, n'auraient représenté que Paris au lieu de la France, et auraient achevé d'accorder à la capitale une prépondérance qui, Dieu merci, n'a rien encore de si bien établi."

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Nombre de lectures 14
EAN13 9782335042924
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0006€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

EAN : 9782335042924

 
©Ligaran 2015

Introduction
Un ouvrage où l’on se proposait de peindre les mœurs des Français au dix-neuvième siècle ne devait point se borner à les considérer dans leurs divers états. Les modèles, toujours pris à Paris, n’auraient représenté que Paris au lieu de la France, et auraient achevé d’accorder à la capitale une prépondérance qui, Dieu merci, n’a rien encore de si bien établi. D’autre part, la première classification une fois adoptée, il se présentait quelque difficulté. Les plus nombreuses professions sont les mêmes en province qu’à Paris, il eut fallu en répéter à peu près les traits principaux. On a pensé qu’il suffirait, pour compléter le tableau, d’ajouter la description des mœurs, coutumes et caractères particuliers des diverses parties de la France, laissant ainsi à juger au lecteur lui-même l’influence que ces caractères pouvaient exercer sur les professions dans chaque localité, et les modifications qu’ils devaient leur faire subir.
On a, pour cet objet, naturellement adopté l’ancienne division par provinces, la seule que la nature, le temps, la langue, aient consacrée, et qui pût fournir assez de traits distinctifs. On sent que les départements n’auraient pu servir : le Breton n’est pas le Normand, mais le Finistère et le Morbihan sont bretons.
Il est peut-être un peu tard déjà pour saisir cette physionomie des provinces qui, cédant à des efforts de tout genre, s’efface de jour en jour, et va peut-être disparaître pour jamais. Dans vingt ans peut-être, si les choses durent, ce travail serait inutile : les barrières de Paris seront aux frontières ; le pâtre des Pyrénées et le contrebandier de Calais s’effaceront sous le même uniforme. Nous surprenons la France dans un moment de transition, et nous aurons à constater des changements qui tiennent à cette nouvelle division du territoire, à propos de laquelle le représentant le plus éclairé du libéralisme moderne nous fournira, avec l’autorité de son nom et de son talent, quelques réflexions que nous aurions pu faire.
« Il est assez remarquable, dit cet auteur, que l’uniformité n’ait jamais rencontré plus de faveur que dans une révolution faite au nom des droits et de la liberté des hommes. L’esprit systématique s’est d’abord extasié sur la symétrie. L’amour du pouvoir à bientôt découvert quel avantage immense cette symétrie lui procurait. Tandis que le patriotisme n’existe que par un vif attachement aux intérêts, aux mœurs, aux coutumes de la localité, nos soi-disant patriotes ont déclaré la guerre à toutes ces choses ; ils ont tari cette source naturelle du patriotisme, et l’ont voulu remplacer par une passion factice envers un être abstrait, une idée générale, dépouillée de tout ce qui frappe l’imagination et de tout ce qui parle à la mémoire. »
En effet, ces hommes, feignant d’ignorer que la constitution de l’état s’était enracinée dans le territoire par des causes supérieures, par des dispositions invincibles de la nature ; qu’elle avait été consacrée par quatorze cents ans de durée, et que non seulement elle avait préservé le royaume durant un si longtemps, mais encore qu’elle l’avait élevé au plus haut degré de splendeur ; ces hommes, dis-je, détruisirent, bouleversèrent et promenèrent la charrue en tous sens sur le sol français, non comme sur un champ qu’οn veut féconder, mais comme les derniers fondements d’une ville coupable et punie. C’est bien d’eux qu’on peut dire : « Ils divisèrent pour régner. » Ce beau royaume de France fut déchiré et tiré au sort comme le manteau du juste. Les provinces furent déchiquetées et livrées par lambeaux à des proconsuls : elles ne furent plus que des départements . « Peu s’en fallut qu’ils ne désignassent par des chiffres les cités et les provinces, comme ils désignaient par des chiffres les légions et les corps d’armée. »
« Le despotisme militaire qui remplaçait la démagogie, et qui se constituait le guide du fruit de ses travaux, persista très habilement dans la route tracée. » Il trouva commode un système qui mettait dans sa main les rênes de l’état comme tous les fils d’une mécanique. « Les deux extrêmes se trouvèrent d’accord sur ce point, parce qu’au fond, dans les deux extrêmes, il y avait volonté de tyrannie ; » et nous ne savons pas pourquoi l’auteur distingue ces deux extrêmes, car le despotisme populaire ou le despotisme militaire, c’est toujours le despotisme. « Les intérêts, ajoute-t-il, et les souvenirs qui naissent des habitudes locales, contiennent un germe de résistance que l’autorité ne souffre qu’à regret, et qu’elle s’empresse de déraciner. Elle a meilleur marché des individus, elle roule sur eux son poids énorme comme sur du sable. »
Avec les provinces s’écroulèrent leurs antiques institutions ; on vit disparaître les états provinciaux, l’administration nationale, les franchises des villes, les droits et l’indépendance de la bourgeoisie, des corporations, l’esprit de corps et jusqu’à un certain esprit militaire de la force armée qui représentait les provinces dont elle portait les noms. Depuis, par des conséquences de ces évènements, par la promptitude des communications, le mélange des individus, la diffusion des écrits, et vingt ans de guerre qui ont porté nos soldats aux quatre coins du globe, la division par départements a subsisté, et les provinces, après avoir perdu leur caractère politique, tendent de plus en plus à perdre leur caractère moral ; le costume lui-même s’est altéré, et les usages, presque tous religieux ou monarchiques, ont changé depuis le renversement du trône et de la religion.
Qu’est-il sorti de là ? le pâle fantôme d’uniformité que décrit l’auteur déjà cité dont nous ne pouvons nous refuser à transcrire toute la pensée.
Mais chaque génération , dit l’un des étrangers qui a le mieux prévu nos erreurs dès l’origine, chaque génération hérite de ses aïeux un trésor de richesses morales, trésor invisible et précieux qu’elle lègue à ses descendants  ; la perte de ce trésor est pour un peuple un mal incalculable ; en l’en dépouillant, vous lui ôtez tout sentiment de sa valeur et de sa dignité propre ; lors même que ce que vous y substituez vaudrait mieux, comme ce dont vous le privez lui était respectable, et que vous lui imposez votre amélioration par la force, le résultat de votre opération est simplement de lui faire commettre un acte de lâcheté qui l’avilit et le démoralise.
La bonté des lois est, osons le dire, une cause beaucoup moins importante que l’esprit avec lequel une nation se soumet à ses lois et leur obéit. Si elle les chérit, si elle les observe parce qu’elles lui paraissent émanées d’une source sainte, le don des générations dont elle révère les mânes, elles se rattachent intimement à sa moralité ; elles ennoblissent son caractère, et lors même qu’elles sont fautives, elles produisent plus de vertus, et par là plus de bonheur, que des lois meilleures qui ne seraient appuyées que sur l’ordre de l’autorité.
J’ai pour le passé, je l’avoue, beaucoup de vénération, et chaque jour, à mesure que l’expérience m’instruit, ou que la réflexion m’éclaire, cette vénération augmente. Je le dirai, au grand scandale de nos modernes réformateurs, qu’ils s’intitulent Lycurgue ou Charlemagne, si je voyais un peuple auquel on aurait offert les institutions les plus parfaites, métaphysiquement parlant, et qui les refuserait pour rester fidèle à celles de ses pères, j’estimerais ce peuple, et je le croirais plus heureux par son sentiment et par son âme, sous ses institutions défectueuses, qu’il ne pourrait l’être par tous les perfectionnements proposés.
Cette doctrine, je le conçois, n’est pas de nature à prendre faveur ; on aime à faire des lois ; on les croit excellentes, on s’enorgueillit de leur mérite. Le passé se fait tout seul, personne n’en peut réclamer la gloire.
Indépendamment de ces considérations, et en séparant le bonheur d’avec la morale, remarquez que l’homme se plie aux institutions qu’il tr

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