Les lignes blanches sont blanches longtemps
252 pages
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Les lignes blanches sont blanches longtemps , livre ebook

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Description

À travers ces sept nouvelles ayant pour thème l'homosexualité, de près ou parfois de très loin, l'auteur souhaite banaliser cette orientation sexuelle, faire comprendre que ce qui arrive aux personnes gaies peut arriver à n'importe qui et que ces individus ne sont en rien différents des personnes hétérosexuelles. Cet ouvrage ambitionne de combattre l'homophobie, hélas toujours présente dans nos sociétés en 2015...
Dans ces nouvelles, il est question de la découverte de l'orientation sexuelle d'un jeune de 18 ans, de la difficulté de la double immigration, de la différence d'âge dans un couple, et de l'annonce d'une maladie qui bouscule une vie pour le mieux...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 25 septembre 2015
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332972521
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0067€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composér Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-97250-7

© Edilivre, 2015
Firmin
On m’appelait Firmin. Enfin, je me prénomme toujours Firmin. Puisque je vous écris, c’est que je suis encore vivant. Mais pas de la même façon qu’avant. Avant quoi ? Tout a changé ; moi qui croyais retrouver mes repères. En oubliant bien sûr une question fondamentale pour moi. Vous avez un peu de temps ? Je vais vous raconter.
Je suis né ici. Ici c’est Sen Mak ; une petite localité de la Perle des Antilles, Haïti, mon pays. Très tôt je m’aperçois que je ne suis pas comme les autres petits garçons. Les filles me laissent indifférent. Il me faut nuancer. Je les trouve gentilles, charmantes, j’ai de bons contacts avec elles, je les apprécie, je crois que c’est réciproque. Leurs jeux m’attirent davantage que les jeux violents des garçons ; de fait je délaisse de plus en plus les jeux de mes camarades. Je deviens assez rapidement celui qui, au moment de former les deux équipes qui vont s’affronter, est choisi en dernier ; quand ce n’est pas en désespoir de cause ; ou pire encore, quand nous sommes un nombre impair, celui qui est laissé sur la touche. Firmin, tu courras après le ballon perdu et nous le rapporteras ! Et pourtant !
Oui. Et pourtant. Si je n’aime pas les jeux de mes camarades, si avec le temps mon rôle de laissé-pour-compte contribue à réduire encore davantage mes vacillantes habiletés de départ (je n’ai aucune aptitude innée sportive), je persiste à jouer le rôle humiliant qui m’est attribué. Cela me permet de zieuter les garçons. Être près d’eux me rend heureux. Surtout si je sais que je n’aurai pas à m’illustrer à leur contact mais me contenterai de les regarder jouer. Ils sont si habiles. J’aimerais bien être comme eux. Mais, je vous l’ai dit, je n’ai aucune habileté sportive, leur jeux je les regarde pour avoir l’occasion de mater mes camarades, mais j’espère toujours ne pas y prendre part. Si je délaisse momentanément les filles et rejoins les gars lorsqu’ils s’apprêtent à former des équipes, ce n’est que pour mieux me sentir près d’eux.
À cette époque, je dois avoir huit-dix ans, je ne connais rien des pulsions sexuelles. Oups, j’oublie de vous raconter une toute petite anecdote. Elle a pris son sens beaucoup plus tard, à l’âge adulte. Sur le coup, je n’ai rien compris. J’ai quatre ou cinq ans. Derrière notre demeure rudimentaire, il y a une courette clôturée. Maman m’y laisse jouer librement sachant bien que je ne peux m’y échapper. Des hommes s’affairent à la construction de la maisonnette voisine. Comme je constitue la seule distraction possible pour eux, ils se divertissent en prenant du bon temps avec moi. Ils me font courir après un morceau de bois qu’ils lancent dans ma courette ; ils me posent des questions simples comme on en pose aux enfants ; ils s’amusent de mes réponses. Bref, ils me consacrent du temps. C’est la première fois que des hommes s’occupent vraiment de moi. Ils sont beaux, ces gars de construction ! Je les revois encore aujourd’hui dans mon souvenir. Vu la chaleur et le soleil, ils travaillent torse nu, ils sont musclés, minces, pas de surplus de gras chez eux, la bande élastique de leurs caleçons (toujours blancs à cette époque) dépasse légèrement du pantalon de travail. Je fantasme ! Des hommes m’accordent du temps, me parlent comme si j’étais intéressant. Jamais cela ne m’arrive à la maison. Nous sommes trop nombreux. Maman est trop occupée. Papa travaille à l’extérieur et, de retour après sa journée de travail, cale sa bière en silence sur le seuil de la maisonnette. Il ne s’occupe jamais des enfants. Ça me manque atrocement.
C’est peut-être le départ de mon attirance pour les hommes. J’avais peut-être aussi cette prédisposition en moi. Ou les deux. Ou encore d’autres facteurs. Ou encore plusieurs agents s’entre-fécondant…
Adolescent, pour me distraire, je vais souvent voir les batailles de coqs organisées sur la grand-place. Tous les jeunes de mon âge en sont friands, ils crient, hurlent, s’égosillent, s’époumonent à encourager les coqs les plus agressifs. En retrait du groupe, je reste le plus souvent muet. Je m’identifie avec les pauvres coqs qui ont le dessous et suis triste pour eux. Comment peut-on raffoler d’un jeu aussi cruel ?
Et puis je lis. Pas vraiment beaucoup ; car les livres constituent une denrée rarissime chez nous. À cette époque les bibliothèques n’existent pas dans notre îlet en périphérie de Sen Mak. J’ignore même s’il y en a aujourd’hui. Je demande souvent aux professeurs de me prêter un de leurs livres personnels dont ils ont parlé en classe. Ça les surprend. Au début, ils se méfient de moi. Ne reverront-ils jamais leurs précieux livres ? Est-ce que je vais les vendre au marché noir pour me faire quelques gourdes ? Ils ne m’en prêtent qu’un à la fois. Je dois leur rendre le précédent avant qu’ils ne consentent d’en mettre un autre à ma disposition. Avec le temps, ils me font de plus en plus confiance. Il y a même ce prof qui rit en m’avouant qu’il a d’abord craint que je revende son livre. À qui dans ce bled où j’habite ? La culture, quand ce n’est pas celle de la canne à sucre, n’est pas un bien de première nécessité !
Ma réputation fait vite le tour du hameau. Car un prof me cite un jour en exemple. C’est le début du cauchemar pour moi. Déjà que je ne suis pas populaire auprès des jeunes de mon âge ! Je deviens maintenant la risée de tous. « Firmin l’intello ! » Plus personne ne veut se tenir avec moi par crainte de l’association. Je m’isole de plus en plus. Je vis dans mon monde.
C’est dans un atlas, puis dans un livre de géographie qu’un prof m’a suggéré, que j’apprends qu’il y a d’autres contrées où se pratique le français. En France, bien sûr ; des pays européens aussi ; beaucoup de pays africains. Et un petit îlot de francophonie en Amérique du Nord. La France et les pays européens me semblent culturellement trop éloignés de mon monde. Les pays africains quant à eux ne m’attirent pas en raison souvent de leur état de pauvreté. C’est là que je commence à rêvasser à cette région francophone d’Amérique. L’Amérique me semble plus près et m’apeure moins. Je m’abandonne d’abord à de très vagues songes. Il semble faire si froid là-bas ! Dommage. Cela me refroidit.
Puis, celle que j’appelle respectueusement Madame Marguerite, une voisine et bonne amie de ma mère, m’apprend que plusieurs Haïtiens qu’elle a connus ont choisi d’aller vivre là-bas. Et d’après les échos qu’elle a eus, ils s’adaptent assez bien, forment maintenant une communauté d’importance, mènent leur vie, ne songent que bien peu à revenir en Haïti. Le climat les rebute bien sûr. Mais passés les premiers hivers, ils apprennent à s’y faire ; c’est un peu moins insupportable à chaque année. Et bien qu’ils trouvent toujours le froid désagréable, que le soleil d’Haïti leur manque, la vie qu’ils connaissent là-bas leur semble meilleure qu’ici.
Depuis lors, mes paramètres deviennent ici et là-bas .
Je jongle de plus en plus entre ici et là-bas  ; là-bas et ici . Comme si là-bas représentait une page vierge où je pourrais repartir à zéro.
Je m’arrête de plus en plus souvent après la classe chez Madame Marguerite. Prétexte, la saluer. Je veux l’entendre me parler des Haïtiens établis au Québec. Elle n’est pas dupe de mon stratagème. Elle ne se fait pas prier pour répondre à mes questions ; et même plus. Un jour, toutes les lettres reçues de là-bas traînent sur sa table de cuisine. Elle prétend s’apprêter à faire un peu de ménage dans toutes celles-ci. Les jeter ? Où as-tu la tête mon petit Firmin ? Elle m’appelle « mon petit Firmin » bien que je fasse presqu’une tête de plus qu’elle ; et bien que je sois déjà rendu en première au Lycée. L’an prochain, c’est la terminale et le bac, plus rien ne me retiendra ici. Je compte alors partir.
Madame Marguerite a sorti les lettres pour, prétend-elle, les trier et mieux s’y retrouver dans tout son fatras. Je saisis l’occasion et lui offre un coup de main. Elle déplie les lettres devant moi, en lit quelques lignes et me les remet en m’indiquant la pile selon les familles des expéditeurs. Parfois, elle me demande de l’aider à déchiffrer l’écriture. Ce petit exercice, je le comprends, a pour but de me donner de l’info à propos du Québec. Et d’attiser ma curiosité et susciter des questions que je pourrais lui poser. S’établit une belle connivence entre nous deux. Madame Marguerite est bonne cuisinière et me prépare maintenant fréquemment un petit goûter kreyol dont je me régale. Tu as poussé comme la canne à sucre, une longue tige, il faut te remplumer ! me dit-elle en se moquant gentiment de moi. Elle connaît mes desserts préférés et me prépare régulièrement son savoureux pain patate ou encore son zombie.
Le bac, je l’obtiens enfin. Dix-neuf ans, c’est jeune pour partir. J’ignore comment en parler à ma mère. Je sais cependant qu’elle s’en doute car Madame Marguerite ne lui cache rien de mon intérêt singulier pour le Québec. Je m’ouvre de mon projet à la dernière minute ; j’ai prévu lever les amarres la semaine suivante. Ma mère pleure, elle n’est pas arrêtable, tente de me culpabiliser, elle a tout fait pour moi qui suis toujours son petit Firmin adoré, je ne vais pas l’abandonner avec papa le taciturne, mon autre frère le plus vieux est déjà parti travailler dans un autre îlet, ma petite sœur… Elle ne se remettra pas de mon départ, j’aurai sa mort sur la conscience !
Je m’ouvre de ce drame annoncé auprès de Madame Marguerite. Lui demande de venir raisonner ma mère, intercéder en ma faveur. Je ne me mêle pas de vos affaires de famille, et cela me donne des sueurs froides. Je crois que tout est perdu, aucun espoir, je ne peux compter que s

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