Les Mille et Un Après-midi de Nîmes
186 pages
Français

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Les Mille et Un Après-midi de Nîmes , livre ebook

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Description

« Est-ce que vous comprenez si je dis que mon cerveau est plus physique qu’intellectuel ? » dit Paco.
« C’est amusant, j’aime beaucoup cette image » répond Suzy qui a passé sa vie à rechercher dans ce domaine.
Nîmes et ses boulevards ombragés par de vénérables micocouliers constituent le décor d’une rencontre improbable. Suzy et Paco, les acteurs de ce conte, y ont vécu leur enfance. Il semble que ce soit leur seul point commun, que tout les sépare sauf peut-être qu’ils taisent l’un et l’autre leur entrée originale dans l’âge adulte. Paco, qui écoute et vit intensément le récit de Suzy a été un gladiateur face à des taureaux. Il a appris à gérer sa peur devant le danger, mais pas son appréhension et sa gaucherie devant une femme qui lui raconte, et à lui seul, ses aventures singulières de princesse de hasard. Peut-être est-ce la plus grande opportunité et le plus grand risque de sa vie ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 08 juin 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782334140409
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composér Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-334-14038-6

© Edilivre, 2016
Dédicace
A mon épouse
A nos parents aussi qui voyagent dans d’autres mondes
A notre enfance à Nîmes et dans des villages de la campagne nîmoise
Avant-propos
J’ai eu beaucoup de chance. Mes enfants m’ont offert pour Noël une belle édition illustrée des Mille et Une Nuits et dans l’année qui a suivi, j’ai parcouru avec mon épouse – mon unique épouse, m’oblige à préciser le contexte des contes – une partie de la longue route de la soie qui par déserts et montagnes conduit des confins de la Chine aux merveilleuses villes de Samarkand et de Boukhara.
Le mirage d’une princesse de hasard embarquée dans une année sabbatique singulière a progressivement pris corps, bénéficiant de souvenirs et fantasmes d’autres pays traversés.
Mais où et à qui cette princesse peut-elle raconter ces tribulations initiatiques qu’elle a jusqu’ici gardées très secrètes ?
* * *
Il y a, dans les Nuits , cette mémoire d’un roi cruel qui reconnaît dans la jeune femme qui passe un potentiel d’inconstance. C’est sûr, il doit la posséder et l’éliminer, comme toutes les autres. Mais il a la faiblesse de l’écouter, et ne peut plus se passer des histoires qu’elle raconte. Au millième ou mille et unième récit, il ne comprend plus ce qu’il envisageait de faire.
* * *
En été, lorsque la chaleur de la mi-journée est une épreuve, une heure arrive, vers la fin de l’après-midi, où l’on peut se glisser sur un fauteuil, à l’ombre bienfaisante et généreuse des micocouliers du boulevard. Les troncs gris sont des pattes d’éléphants qui ont arrêté pour un temps leur marche triomphale vers l’amphithéâtre. Alors, sur la toile de fond du monde réel s’impriment des images de contes. Puisque le temps s’est arrêté, il n’y a plus de honte à ne rien faire et se laisser transporter. L’extraordinaire et le merveilleux, la magie des pays lointains, les bonheurs et malheurs des aventures captivent au point que l’on peine lorsqu’il convient enfin de remettre le réel en premier plan. C’est le moment où la séduisante Maison Carrée profite des jeux d’ombres pour exhiber ses magnifiques dentelles. Les passants recommencent à s’animer et se faufilent entre les pattes grises vers les souveraines et indestructibles Arènes. Le présent exige et reprend ses droits.
* * *
Vous l’avez compris, c’est Nîmes la gauloise, la romaine, l’ibérique, la camarguaise, qui offre le décor. Elle tient à toutes ses facettes, brillantes et sombres. Elle sait somnoler sous des chaleurs de plomb et se griser le soir de fêtes et de fanfares. Elle est capable de rapprocher, à la fois dans le rêve et la réalité, des personnages que la vie a modelés de façon très différente.
* * *
Celui qui écoute et vit intensément le récit a été un gladiateur face à des taureaux. Il a appris à gérer sa peur devant le danger, mais pas son appréhension, face à une femme qui lui raconte – et à lui seul, à lui qui dit que même son cerveau est plus physique qu’intellectuel – son incroyable voyage. Peut-être est-ce la plus grande opportunité et le plus grand risque de son existence ?
* * *
L’homme au visage buriné par le vent et le sel a enrichi cette histoire et ne la conte qu’aux chevaux sauvages de Camargue, le soir, quand la plaine d’argent s’assoupit sous la lune. Et les chevaux ont fini par le croire.
Première partie Une année sabbatique
La soirée chez ma sœur
Au repas du soir chez ma sœur Arlette, j’ai été odieux. Je n’avais pas trouvé grand intérêt à ma journée de travail d’agent de sécurité au Musée de la Maison Carrée et plus que d’habitude, je ressentais amèrement l’inutilité de ce temps où aucun évènement ne méritait de prendre une place dans ma mémoire. Les jours passaient, et derrière moi s’étendait un grand vide. Aucun souvenir du dernier mois écoulé n’avait laissé son empreinte. Mon cerveau n’avait pas jugé utile de garder la moindre image ou la moindre émotion. En arrivant en voiture à la maison de ma sœur, route d’Alès, je m’étais demandé quel était le dernier évènement que je pouvais me remémorer avec précision. Il remontait si loin dans le temps que je ne pouvais y croire. Je me souviens quand mon cheval s’est blessé en sautant un fossé ; le vétérinaire m’a dit qu’il y avait peu d’espoir pour qu’il reprenne une activité normale. J’avais redouté qu’il ajoute que je devrais m’en séparer et j’étais maintenant très heureux de le voir trotter comme avant.
Ma sœur était quelqu’un de formidable, toujours de bonne composition, toujours prête à rendre service. Elle venait juste de rentrer chez elle, après sa journée d’infirmière auprès de personnes âgées ou dépendantes, et s’était mise au travail dans la cuisine pour nous servir le repas du soir. Mon beau-frère lisait les petites annonces du Midi Libre, bien enfoncé dans son fauteuil. Comme d’habitude, il ne faisait pas grand-chose à la maison pour se rendre utile.
« Tu m’écoutes, Paco ? », dit ma sœur depuis la cuisine.
« J’ai invité Suzy, nous serons quatre à table. Elle travaille le matin avec moi comme bénévole et nous nous entendons bien. »
Suzy venait de s’asseoir à table à côté de moi. Elle m’avait salué avec un sourire convenu dont j’avais accusé réception avec le minimum de démonstration. Elle était la française moyenne de soixante ans, bien proprette, les cheveux gris assez courts et portait une robe dénichée sans originalité dans les catalogues pour française moyenne de soixante ans. Je me suis dit en dépliant ma serviette qu’elle non plus ne s’imprimerait pas dans mes souvenirs.
Ma sœur avait préparé rapidement une blanquette de veau qu’elle était en train de nous servir après la salade.
« Comment trouves-tu ma blanquette ? »
Des morceaux de viande trop durs nageaient dans un bouillon jaunâtre. Je lui répondis qu’elle était aussi mauvaise que d’habitude. C’était la vérité. Ma sœur n’est pas la reine des cuisinières et sa prestation de ce soir ressortait bien en dessous de sa pauvre moyenne.
Elle supporta ma grossièreté sans un geste d’énervement. Je ne la voyais pas envoyer de colère la cuillère de sauce sur ma chemise.
Ma voisine, après un silence gêné, dit qu’elle trouvait cette blanquette originale. Cette remarque me la fit classer sans hésitation dans les faux-culs professionnels. Au boulot et ailleurs, j’avais le nez pour les détecter et ils étaient nombreux à partager cette vocation.
Mon beau-frère trouve bien à propos de nous raconter une histoire salace, extraite du répertoire carabin que lui répète parfois ma sœur. Il s’en délecte à l’avance. Il nous dit qu’il l’a racontée à Diop, pendant qu’ils fignolaient ce matin un coffrage au rez-de-chaussée du nouveau bâtiment de l’avenue Jean Jaurès. Il aime beaucoup travailler avec Diop sur le chantier parce que, tout en paraissant conciliant, Diop garde le souci de la qualité d’exécution. Avec sa bonhommie caractéristique, il avait ri à gorge déployée, même si la mise en scène de l’histoire impliquait des gens noirs comme lui, et une situation qui n’était pas à leur avantage. Les deux hommes s’estimaient et pouvaient, quand il n’y avait pas d’autre témoin, faire fi de susceptibilités compréhensibles. Finalement, chacun disait à l’autre : « moi ce que je souhaite, c’est d’être moins raciste que toi », et ils se tapaient dans la main.
Son histoire, plus que verte, évoque la discussion de deux africains sous l’arbre des palabres et cette discussion portait très crûment sur l’anatomie intime de leurs épouses respectives. Il la raconte en forçant l’accent que l’on donne aux hommes de l’Afrique centrale quand ils s’expriment en français.
Mon beau-frère s’esclaffe ; il est toujours le meilleur public de ses propres histoires. Comme il raconte souvent les mêmes, il a du mal à les terminer tellement elles le font rire.
Ma sœur hausse les épaules tandis que ma voisine reste impassible. Elle a dû juger que la retenue était la meilleure option. Je la soupçonne en plus de tout le reste d’être du genre intellectuel coincé.
Je dis à voix basse à Suzy, juste assez fort pour que ma sœur l’entende, qu’elle n’a rien à craindre de ma proximité, qu’elle n’est pas le type de personne à laquelle j’imagine de passer les mains aux fesses.
Ma provocation anime enfin ma voisine. Elle me répond, avec une vivacité qui me surprend et un regard que je n’ai pas la force de soutenir, qu’elle n’aime pas du tout ma remarque idiote, qu’elle ne voit pas ce que je peux être capable d’imaginer compte-tenu de mes remarques primaires de la soirée. Elle ajoute qu’elle me plaint sincèrement pour cette pauvreté d’esprit dont je viens de faire preuve à plusieurs reprises.
Je regarde mon assiette. Je l’ai bien cherché. Elle voit à travers moi comme à travers une bouteille d’eau minérale. A la grossièreté de ma remarque, elle a choisi un angle de réponse auquel je ne m’attendais pas. Comme je n’ai ni l’argumentation, ni l’élocution bien faciles, je subis sans rien dire et m’enfonce un peu plus dans mes idées noires.
Mon beau-frère passe vite à un autre sujet, l’un de ses sujets favoris, en disant qu’il va certainement changer de voiture pour prendre un dernier modèle à motorisation mixte. On dirait qu’il trouve un moyen de me faire remarquer chaque fois qu’il le peut, qu’il gagne plus d’argent et donc qu’il a plus de moyens que moi. Je crois qu’il le fait exprès.
Je ne peux m’empêcher de lui dire qu’il a bien de la chance d’avoir une épouse qui rapporte plus d’argent à la maison que lui.
Les deux femmes se mettent à rire et je n’ai pas assez d’humour ou de détachement pour m’y associer.
Pour le reste du repas, personne ne s’aventure hors des échanges de la plus grande banalité. Je dis que la récolte d’olives qui s’annonçait

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