Les Raisins Amers
456 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Les Raisins Amers , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
456 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

« Mais, mon cher Alain, tu es devenu fou. Que vas-tu faire dans un pays comme celui-là ? Même avec ton visa, ils ne te laisseront pas passer la frontière. Ils te refouleront dès que tu mettras tes pieds là-bas. Tu oublies que tu as un passé chargé. On ne nous a jamais pardonné. Non, d'ailleurs ils ne nous pardonneront jamais ! Ils sont rancuniers et revanchards à souhait. Pire que cela, ce sont des gens qui ont la phobie du Français, surtout un colon, un pied-noir. Allez va, mon cher Alain, je te conseille de te rebiffer, de revoir tes projets et d'oublier à jamais ce pays. Ce n'est plus le tien. Nous sommes étrangers les uns les autres. C'est comme cela qu'ils nous voient de l'autre côté de la rive !

Certes, se disait Alain, ce pays n'est plus le mien, j'ai une autre nationalité, mais devrais-je oublier mon village, le lieu où je suis né ? Devrais-je gommer mon passé ? Je porte toujours Tassin à Sidi-Bel-Abbes comme lieu de naissance. Cela, plus jamais personne, ni aucun gouvernement ne pourront le modifier ! C'est tout un pan de mon histoire, l'histoire de ma famille... J'ai encore des parents enterrés là-bas ! Et Alain avait répondu en riant :
– Merci pour tes conseils, je prends le risque de m’y rendre. L’Algérien de ce XXIème siècle n’est pas celui des années soixante à quatre-vingt. Les gens ont changé. Il y a beaucoup de jeunes qui ne connaissent rien de notre histoire, encore moins de nos déboires. J’irai là-bas quoiqu’il m’en coûte. Même si je dois y laisser ma peau. De ce côté, au moins, je suis rassuré, je mourrais "chez moi". Personne ne pourra me contredire sur ce sujet. »

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 29 juin 2015
Nombre de lectures 1
EAN13 9782332855039
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0105€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composér Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-85501-5

© Edilivre, 2015
Du même auteur

Du même auteur :
– Le vieux fusil : éditions Enag 2010
– La déchirure : éditions Enag 2011
– Les dents de la terre : éditions Enag 2012
– Feriel : éditions Enag 2013
Citation


Le peu que je sais, c’est à mon ignorance que je le dois.
(Sacha Guitry)
Avertissement


Toutes ressemblances avec des personnes vivantes ou décédées ainsi qu’avec des événements précis ne seraient que pure coïncidence.
A Salah Mouhoubi « l’honnête homme ».
1
Alain ne croyait pas si bien faire au crépuscule de sa vie. Il a mené jusque-là une existence souvent mouvementée, pleine de rebondissements. Une vie honnête sans un moment de répit, une vie qui lui a laissé malgré tout un goût d’inachevé même s’il pensait avoir accompli l’essentiel de ce qu’il voulait faire. Maintenant qu’il aborde le virage de ses soixante-dix ans, un âge où lui et ses congénères aspirent à raccrocher définitivement, espérant se reposer quelques années encore avant le grand « plongeon », le dernier départ sans retour, sans regret. Alain pense ne plus pouvoir rien donner à sa famille et à d’autres ; sa carrière durant, il en a assumé plus de responsabilités qu’il ne pouvait imaginer et vécu au gré de ses désirs et de ses souffrances. A cet âge, on n’attend plus rien, sauf l’espoir de terminer sa vie comme il l’avait commencée, sans heurts particuliers à sa naissance dans ces contrées lointaines auxquelles il n’a jamais cessé de penser. Certes Alain regrettera beaucoup de choses mais en a-t-il les moyens de changer le cours de sa vie ? Il le pouvait à une certaine époque mais maintenant, à cette période où bon nombre de ses amis se déplacent avec des béquilles ou des cannes, le dos courbé par les ans qui se sont accumulés et se sont entassés sur ses épaules, il sait qu’il ne pourra plus jamais rien ajuster à sa guise, il se doit de se laisser happer par les jours à venir, il n’a plus « la main ». D’autres sont partis avant lui, avant l’heure sans pouvoir leur dire au revoir ; oui, c’est bien ça, c’est simplement un au revoir car lui-même pense les rejoindre bientôt dans leurs dernières demeures. Alain n’est pas dupe, il sait qu’il n’en a pas pour des décennies, il en a peut-être encore pour une année ou deux. Si Dieu lui en donne plus ce n’est que pur bénéfice ! Enfin, inutile de penser à ce genre de choses désagréables, se dit-il, Dieu le rappellera quand il le voudra, à Lui Seul de décider. Comme pour tous les autres avant lui.
Alain se remémore souvent les années passées ; elles ont filé à grande vitesse ; notamment celles de sa jeunesse, les années passées « là-bas », au delà de cette mer, de l’autre côté pas loin de ses terres et rives ensoleillées. Ce sont des années qui l’ont marqué pour la vie, celles qui lui brûlent les entrailles à chaque fois qu’il en parle, celles qui lui taraudent l’esprit à chaque fois qu’il y pense et lui revivifient la mémoire comme s’il s’agissait d’hier. Cette période là est restée ancrée dans un coin de sa tête, elle est impossible à déloger. Normal ne cessait-il de se répéter, il avait ouvert les yeux là-bas, dans cette plaine plate, boueuse l’hiver venu et que souvent le sirocco balaie et brûle à chaque été qui passe et qu’inlassablement les premières pluies de l’automne, au sortir d’une longue saison estivale torride et harassante, arrivent à remettre les choses à leurs places comme si de rien n’était. La nature est ainsi faite. Ce fut le recommencement à chaque fois, à chaque saison qui commence par les premières averses qui fécondent la terre qui l’avait vu naître, cette terre qu’on lui a ôtée, de force, sans son consentement. Une image, une voix, une connaissance ou simplement un mets ou un vêtement le rappellent à ses bons souvenirs et le plongent dans une léthargie dont il ne s’évade que quand ses yeux embués de larmes n’en pouvaient plus de réprimer. Oui, il sait que les gens de sa trempe, les gens de sa génération, cette génération de jeunes hommes qui avaient tout perdu mais qui avaient connu le bonheur et la guerre, ne pleurent pas à cet âge-là. Ils n’ont plus de larmes à offrir, ils ont tout sacrifié ; leurs corps desséchés, rigides ne vivent plus qu’a travers leurs yeux tristes et leurs visages ridés par les sillons creusés par les années qui défilent imperturbablement. C’est à penser que chaque an qui passe, voulait laisser sa trace indélébile comme les stries qui entourent l’écorce du palmier qui titille le ciel et qui plie sous le vent, attendant la rafale violente et propice pour le mettre à terre. Pour de bon. Ces visages-là arborant maladroitement des ravines qui les trahissent de jour en jour, les exhibant comme un mauvais trophée qui leur annonce à petits pas lents par petites touches saccadées, le dernier jour de leur vie, le lendemain qui arrivera et qui pourrait être le dernier. Mais Alain est un homme particulier. Des larmes ? il en a encore en réserve, il en verse à chaque occasion que l’histoire mouvementée de sa jeunesse le harponne et le fait retourner « là-bas », des décennies auparavant.
Pour son travail, Alain savait qu’il devait passer la main, c’est impératif. D’ailleurs, il aurait du le faire il y a déjà fort longtemps, il y a déjà une dizaine d’années auparavant quand il a abordé la première lisière de sa vieillesse qui lui tendait la main mais à qui il voulait tourner le dos. C’était peine perdue, il ne pouvait échapper à son destin. Mais voilà, Alain est ainsi fait. Il n’y a que le labeur, le travail bien fait qui compte. Tout autre chose passe en seconde position, sauf ses souvenirs qui le font parfois souffrir. Tout comme ses anciens compagnons de « là-bas » qui ont tous réussi leur retour en métropole, ce sont de vrais battants. Alain est un perfectionniste. Surtout depuis son difficile et pénible retour en France, il y a si longtemps, déjà !
C’est, allongé dans son grand fauteuil du salon, sirotant un jus d’orange qu’il consent à dévoiler une partie de ses plans à Raymond, son fils aîné qu’il a eu en se mariant en France au retour de sa grande déconvenue. Alain ne lui a pas tout dit. Il a raconté une petite partie, une infime partie de sa vie à Raymond. Seulement des bribes car il sentait que son fils ne s’intéressait point à sa vie passée de l’autre côté de la méditerranée. C’est de l’histoire ancienne, lui répondait-il à chaque occasion que son père voulait l’entraîner dans cette pénible et envoutante partie de sa vie.
Raymond ne tarde d’ailleurs pas à arriver. Entendant la sonnerie de la porte, Alain ne prend pas la peine de se lever pour aller ouvrir. Il sait que c’est son fils qui se tient devant le seuil de la maison grâce à l’écran posé en face de lui sur la table basse de l’imposant salon. Nonchalamment, il compose un code sur la commande à distance. La porte s’ouvre de suite et Raymond déboule dans la grande salle après avoir accroché son manteau dans le vestibule. Apparemment il fait froid dehors rien qu’à voir ses oreilles et ses joues toutes roses. Raymond vient directement au devant de son père qui ne fait aucun geste pour se lever. Il s’astreint à se courber pour venir embrasser « le vieux ».
– Bonjour fiston, mets-toi à côté de moi, j’ai à te parler !
Raymond s’exécute. Il sait que si son père le convoque dans son appartement cossu d’un quartier huppé de Paris, c’est qu’il a vraiment des choses sérieuses à lui dire. Habituellement, il lui donne des consignes par téléphone et quelques fois par téléconférence quand il ne veut pas se déplacer au siège de l’entreprise. Cette fois-ci, il pense que c’est différent au vu du ton solennel qu’il avait employé pour l’inviter à venir lui rendre visite.
– Bonjour papa. Tu es en pleine forme ! Un de ces jours, il faudra que tu me refiles la recette de ta jouvence, ajoute Raymond en plaisantant.
– Oui, ça va, je ne m’en plains pas pour mon âge, lui répond Alain qui décroise ses longues jambes pour se mettre plus à l’aise. Il porte une nouvelle fois le verre de jus à sa bouche, avale une gorgée et le repose délicatement sur la table. Il pose son regard de nouveau sur le visage arrondi de son fils et entame la discussion :
– Je t’ai appelé pour t’informer que je vais passer la main définitivement sur mes activités. Regarde-moi, je viens d’entamer mes soixante-dix ans, il est temps pour moi de m’occuper de ma propre vie. Du moins ce qui me reste à vivre.
Raymond l’interrompt :
– Arrête de dire des bêtises papa. Tu sais que tu es indispensable à la bonne marche de l’entreprise. Sans toi, rien ne marchera, tu es comme un père pour tous nos ouvriers. Tu te portes comme un charme. Regarde-toi, ta mine est resplendissante. Tu as encore des choses à nous montrer.
Alain ne répond pas sur le champ. Il prend son temps pour mieux peser ses mots. Ce que dit son fils est vrai mais pour combien de temps encore. Ne vaut-il pas mieux se retirer dans l’honneur, en parfaite santé, éviter de s’accrocher à son fauteuil de Président-directeur général de cette boite qu’il avait créée et fait prospérer depuis des décades. Il pense qu’il est vraiment temps de transmettre définitivement et pour de bon le flambeau à son fils dans de bonnes conditions. Il veut quitter le « bateau », en bon commandant de bord, debout sur ses pieds, conscient de ses actes, laissant une situation nette. Certes, il a déjà eu ce genre de discussions avec Raymond qui a pu le convaincre à chaque fois de ne pas abdiquer, de poursuivre encore son œuvre, car cette entreprise est la sienne, sa véritable œuvre, il l’avait construite dans des moments délicats. Mais cette fois-ci, c’est sérieux, Alain a sérieusement et mûrement réfléchi, il a besoin de recul et d

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents