Les Yeux Braguettes
406 pages
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Les Yeux Braguettes , livre ebook

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Description

Née au début des années soixante dans une famille d'ouvriers de Vierzon, Carine a de jolis yeux bleus dont on lui prédit qu'ils feront « péter les braguettes ». Pourtant, elle ne se sent pas féminine et aurait préféré être un garçon, sans doute pour faire plaisir à son père. Sa mère diabolise la sexualité, ce qui la décide à rester chaste jusqu'à ses dix-huit ans, même si elle rencontre plusieurs garçons. À Orléans, la jeune fille travaille dans un pressing et sort pour combler son ennui. La découverte émerveillée de Paris bouleverse la routine de sa « petite vie sans intérêt ». Elle quitte tout pour partager la vie marginale d'un sans-abri dont elle tombe amoureuse, jusqu'au jour où elle ne supporte plus ce quotidien de misère. Démunie et sans défenses, elle se laisse convaincre par sa sœur et découvre le monde de la nuit et ses revers cachés. Mais peu à peu, Carine reprend son autonomie et part vivre chez un homme de trente ans son aîné. Enfin, elle rompt avec lui pour échapper de l'emprise malsaine qu'il exerce sur elle. Libérée de son passé, elle peut enfin se reconstruire et se tourner vers sa passion de toujours, l'écriture.


Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 25 novembre 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782334229968
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0090€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composér Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-334-22994-4

© Edilivre, 2016
1
J’ouvris enfin les yeux. La lumière du jour s’infiltrait déjà au travers des vieux volets verts. La poussière qui surgissait de l’ombre s’éclairait en tourbillonnant dans les premiers rayons du soleil. D’une oreille attentive, j’écoutais les bruits qui venaient de l’extérieur. Les oiseaux, nichés tout en haut du grand cerisier, offraient au monde alentour leurs premières mélodies. Le sifflement des mésanges, moineaux et autres passereaux s’entremêlait et ne formait qu’un tumulte incessant de notes hétéroclites. Puis, à peine perceptible, comme un chuchotement, le bruit sourd d’un train qui passait sur le pont du Grelet.
Un léger frisson parcourut tout mon corps. Les couvertures dans lesquelles je m’étais endormie la veille avaient disparu. Mes jambes étaient entièrement découvertes. La légère fraîcheur du matin me fit rappeler qu’on était le 1 er mai. Un mois que j’affectionnais tout particulièrement pour les belles journées ensoleillées à venir, l’arrivée prochaine des grandes vacances, mais aussi et surtout parce que le 14 était le jour de mon anniversaire !
Cette année, j’allais avoir 7 ans ! Ma mère me répétait sans cesse :
– Ma fille, tu arrives enfin à l’âge de raison ! L’âge où l’on commence vraiment à s’imprégner des moments de la vie qui passent, des bons comme des mauvais ! Elle rajoutait même :
– Avant 7 ans on est trop petit pour comprendre les choses, pour se rappeler, alors on oublie tout… !
Allongée tout près de moi, le visage calme et détendu, Mathilde dormait toujours. Comme bien souvent pendant la nuit, elle s’était accaparée toute la place ! Même les draps et la grande couverture en laine avaient obéi aux lois de ses mouvements et l’entortillaient des pieds à la tête. J’étais juste au bord du matelas ! Pour ne pas tomber, je m’arc-boutai et poussai délicatement le corps inerte de ma sœur. Un instant, j’eus presque envie de la réveiller mais je connaissais trop bien ses sautes d’humeur et ne voulais surtout pas troubler le calme qui régnait dans la chambre.
Je repensais à la conversation que nous avions eue la veille au soir pendant le dîner. Nous avions décidé de préparer le muguet et d’aller le vendre route de Paris. C’était l’occasion rêvée pour se faire un peu d’argent de poche et nous ne voulions surtout pas la manquer ! L’idée était venue de Mathilde ! De 4 ans et demi de plus que moi, elle était volontaire, meneuse de troupes et savait jouer du pouvoir qu’ont les aînées sur leurs cadets avec une grande dextérité. Moi j’étais la plus jeune ! Je n’avais pas mon mot à dire ! Point final.
Je décidai donc de me lever. Je me redressai et m’assis sur le bord du lit en posant mon pied nu sur le carreau froid. Je scrutai d’un œil inquisiteur les endroits de la chambre toujours plongée dans la pénombre. Des jouets laissés depuis la veille étaient là, épars sur le sol. Une vieille poupée à moitié nue, les cheveux hirsutes, le corps barbouillé de traces de feutres maladroites, traînait entre la dînette et les losanges de construction que j’avais eus pour Noël. Plus loin, un tas de vêtements jetés en boule faisaient se confondre les couleurs et les matières des différents tissus.
J’entrepris alors de chercher dans ce désordre une paire de chaussettes. Je tendis la main vers un noyau qui semblait posé là et fus heureuse de m’apercevoir que je ne m’étais pas trompée. Mais, malheureusement, les chaussettes vont toujours par deux, et ma trouvaille était hélas… belle et bien unique ! Je la retournai, la remis à l’endroit et l’enfilai, tout en cherchant des yeux où pouvait bien se cacher l’autre. Je me levai délicatement pour ne pas faire trop grincer le sommier à ressort puis m’accroupis près du tas de linge. Je fouillai, furetai, séparant une à une les pièces de tissu qui s’y trouvaient. Mais décidément la chaussette restait introuvable ! Je me mis carrément à quatre pattes pour explorer la pleine obscurité du dessous du lit. Je cherchai d’une main hasardeuse, puis reconnus du bout des doigts ce qui ressemblait à une page de livre. Plus loin je ressentis enfin la texture moelleuse d’un petit morceau de lainage. Je tirai dessus et ramenai tout vers moi, y compris les nombreux « moutons « de poussière qui s’étaient installés là et qui habitaient les lieux avec toute leur douceur impertinente. Pouah… ! Je clignai des yeux pour mieux distinguer l’apparence de ma nouvelle découverte. C’était bien une chaussette mais… pas la bonne ! Alors, dégoûtée, je préférai quitter l’autre et abandonner ma recherche infructueuse.
Je poussai sur mes jambes, appuyant sur le matelas pour atténuer le grincement des ressorts et me dirigeai vers le gros vase de nuit que ma mère n’omettait jamais de déposer le soir au pied du lit. Sa présence dans la chambre était bienfaitrice, surtout à cette saison. Elle nous évitait de sortir en pleine nuit pour aller dans les toilettes du jardin, en passant par la buanderie et en prenant le risque de réveiller toute la maisonnée. J’ouvris le couvercle en émail. Le pot était déjà rempli à presque la moitié. Je me dépêchai de m’y asseoir pour éviter que l’odeur acide de l’urine ne se répande dans toute la chambre.
Je jetai rapidement un regard par-dessus mon épaule. Ma sœur dormait toujours. Elle avait légèrement bougé mais dans son sommeil encore profond, elle ressemblait étrangement aux anges que je regardais le dimanche dans l’église Saint Célestin pendant que le père Blanchard chantait la messe.
Une fois terminée, je me levai rapidement, refermai vite le couvercle, attrapai ma robe de chambre en flanelle posée à même sur la vieille commode bariolée d’autocollants et sortit de la chambre prudemment sur la pointe des pieds.
Je traversai la salle à manger en direction de la cuisine. Une bonne odeur de café chaud s’était répandue et embaumait toute la pièce. Quand j’entrai ma robe de chambre à la main, j’y trouvai ma mère, assise près de la fenêtre, agitant déjà d’une façon très habile ses deux aiguilles à tricoter. Mon père, lui, était toujours à table. Il était d’une lenteur exaspérante qui agaçait tout le monde ! Il finissait de boire son café. Il trempa son pain délicatement dans le bol et se pencha aussitôt pour attraper de sa bouche gourmande la tartine dégoulinante du liquide encore tiède.
Je vins d’abord embrasser ma mère. Elle me tendit la joue d’un air distrait, absorbée par son ouvrage. Quand elle remarqua que je n’avais rien sur le dos et encore moins dans les pieds elle faillit en oublier ses mailles :
– Habille-toi donc ! Tu vas attraper du mal comme çà ! Ce n’est pas le moment d’être malade ! »
– Je n’ai pas trouvé de chaussettes et avec les volets, je n’y vois rien dans la chambre ! Renchéris-je aussitôt.
– Mets au moins ta robe de chambre, tu es gelée ! Si tu es malade, il ne faudra pas venir te plaindre ! »
Mon père s’arrêta un instant, sa tartine suspendue au-dessus de son bol. Il tourna à peine la tête pour m’embrasser, et dit d’un ton blasé :
– Laisse-la donc ! Elle le verra bien si elle tombe malade !
– On voit bien que ce n’est pas toi qui les soignes quand elles ont de la fièvre sur le front ! » Lui répondit sèchement ma mère en levant vers lui des yeux agacés. Elle continua :
– On n’est pas assez riche pour se payer le docteur à tout bout de champ !
Mon père hocha la tête et reprit son activité gustative en silence. Sans dire un mot je m’assis à ma place et attaquai avec férocité les tranches de pain qui se trouvaient devant moi :
– Je peux avoir un peu de café ?
– Oui attend ! Je vais t’en donner ! Je finis mon rang. D’ailleurs, je vais m’arrêter ! Y’a trop de monde ici, je ne peux pas tricoter quand je n’ai pas l’esprit tranquille ! Dit ma mère.
Elle leva la tête vers moi puis un œil vers la pendule accrochée au-dessus de la porte de la buanderie. Il était à peine huit heures.
– Mais dis donc, tu aurais pu dormir plus longtemps, y’a pas d’école aujourd’hui !
– Je sais. Mais c’est le 1 er mai ! Avec Mathilde on a dit qu’on irait vendre le muguet du jardin !
– Ah oui… j’avais oublié… ! Vous pouvez toujours essayer mais faut pas croire que vous allez en vendre beaucoup ! Vous ne serez pas les seules ! Répondit ma mère qui ne pouvait jamais rien envisager sans voir seulement le mauvais côté des choses.
– Laisse les donc, ça va les amuser ces gamines ! Dit mon père en secouant la tête.
Tout en écoutant mes parents qui discutaient, j’engloutissais les tartines plus que je les mangeais. J’entendis le miaulement de la chatte qui était dehors derrière la porte vitrée de la cuisine. Elle s’était dressée sur ses pattes arrières et de ses grands yeux jaunes marbrés suppliait qu’on lui ouvre. Je fis mine de me lever mais ma mère qui était juste à côté en train de ranger les casseroles au-dessus de la vieille chaudière en fonte m’en empêcha immédiatement :
– Ne l’a fait pas déjà rentrer… ! Elle va nous mettre des pattes sales partout !
Je me résignai et pour une fois préférai obéir aux ordres de ma mère. Je n’avais pas le temps pour les fioritures. Je m’approchai quand même de la fenêtre et regardai par le carreau les nombreuses rangées de muguet qui se dressaient vers le ciel et qui nous attendaient patiemment à l’ombre du grand mur.
Vers neuf heures, Mathilde et moi étions débarbouillées, habillées et postées toutes droites sur nos deux jambes devant le parterre de fleurs. La mine réjouie, les yeux chargés d’allégresse, nous étions impatientes et animées d’une vive excitation. Nous profitions des derniers instants où nous pouvions regarder d’un air contemplatif les longues rangées irrégulières qui s’étendaient d’un bout à l’autre du muret. Les frêles e

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