Abracad Allah
71 pages
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Abracad'Allah , livre ebook

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Description

Abracad’Allah
Anor
Roman de 270 000 caractères, 46 000 mots. Le livre papier fait 200 pages.
Fayçal, celui qui choisit en Arabe, n'a rien choisi.
Ni son père musulman ni sa mère catholique.
Ni de manger du porc ni d’être circoncis.
Parlons-en de sa circoncision. Elle le fait souffrir, il lui manque ce quelque chose qui fait de lui un homme.
Parlons-en des hommes. Fayçal aime les hommes, cela ne facilite rien.
Fayçal doit trouver sa place entre Faustin, son ami d’enfance, Thomas, le grand gaillard écossais au physique idyllique dont il est tombé amoureux et Richard le riche fils à papa.
Heureusement, dans ces tumultes, un havre de paix, sa cousine Nora avec laquelle il partage tout.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 02 février 2017
Nombre de lectures 1
EAN13 9791029401909
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Abracad’Allah
 
 
 
Anor
 
 
 
Roman
 
 
 
 
 
Première Partie : Kabylie
 
 
 
Chapitre 1
 
 
Puis vient le moment où il faut prévenir les gens. À mon état de choc s’ajoutait la culpabilité de faire souffrir mon entourage une fois la nouvelle annoncée. Je ne pouvais me taire. Le sentiment qui m’habitait à ce moment là était trop grand, trop large. Il me submergeait au point même que mes cris étaient étouffés par moi, par mon corps tout entier. Mon corps tout entier… c’est bien de lui dont il s’agissait. Plus intense que la douleur du corps la douleur comme conscience de soi. Elle s’installe puis prend vie, devient forme, tout comme un corps en pénétrant un autre, devenant cet autre corps. Je m’effaçais au fur et à mesure de mon propre corps. Je parvenais tout à fait à percevoir les contours et le contenu de cette enveloppe qui m’était inconnue jusqu’alors. J’avais besoin d’en parler. Mais comment parler d’un état que je ne connaissais pas ? Dont les sensations désagréables, que je ressentais pourtant, échappaient à mes mots. Difficile de me l’expliquer, comment le dire aux autres ? Pourtant je sentais ce besoin, ce besoin de parler, de raconter. Tout était là : Il fallait que je raconte, que je me raconte, dire ce qui à ce moment me faisait moi.
J’avais composé son numéro lentement, d’une main fébrile, sans réelle volonté. J’aurais préféré qu’elle ne décroche pas, que son répondeur s’enclenche, sur lequel j’allais laisser un message insipide, sans conviction, parfaitement conforme : « salut ; j’espère que tu vas bien ; j’appelais pour prendre de tes nouvelles… ». Puis j’aurais raccroché sans lui avoir dit. Sans lui en avoir parlé. J’aurais pu lui dire que c’était important, qu’il fallait qu’elle me rappelle rapidement… Je me serais senti lâche, mais réconforté à la fois de lui avoir épargné la vérité pour encore un ou deux jours. Mais elle a décroché, avec un « allo » joyeux, plein de soleil, contente que je l’appelle, de savoir que nous allons échanger quelques nouvelles.
Je me suis servi de cette énergie incroyable telle de l’eau contenue dans un barrage pour lui parler sans détour et pour couper court à cet élan qui m’allait pourtant droit au cœur.
Un 7 janvier et 13 novembre s’abattaient sur moi, sur moi seul, en une seule date, en une seule fois. J’étais celui qui était visé. C’est un moment où après m’avoir écouté elle se souviendrait de ce qu’elle faisait la minute d’avant, et celle d’après. Entre, le temps s’est arrêté, suspendu, inexistant, un monde sans gravité, où tout est en suspension avec le sentiment d’inconfort que provoque quelque chose sans équilibre, fragile prêt à basculer, tomber, se fracasser.
J’étais au téléphone avec elle depuis un bon moment, peut-être déjà un long moment même, je ne savais plus vraiment. Je n’avais rien préparé. Pouvais-je d’ailleurs préparer ce que j’allais dire ? Était-ce possible d’imaginer la scène, tenter de planter le décor ? Au téléphone je lui disais les mots qui me venaient. J’improvisais en connaissant la chute, le dénouement de l’histoire, sa fatalité.
Je lui expliquais ce qu’était le Médiastin. Son emplacement, son fonctionnement, puis son dysfonctionnement, enfin son déplacement. Cette partie anatomique que j’ignorais jusqu’alors contenant notamment le cœurs, la trachée, mais aussi la veine cave, allait me faire défaut. Mon corps me trahissait. Il avait certainement ses raisons. Tout me conduisait à cette introspection que j’aurais déjà due faire de par le passé. La situation était grave, tant physique que psychologique. Le professeur en médecine qui m’avait ausculté m’informa qu’il fallait rapidement entamer une chimiothérapie puis une opération. Je n’avais pas compris tout ce qu’il disait pourtant les mots l’étaient ; le flot d’informations, la suite des événements, le basculement rapide de ma vie, l’étaient moins.
Il avait été précis, factuel mais je n’y croyais pas, toujours pas, ou du moins pas encore : l’acceptation de la réalité était devenue une question de temps. Le temps de la rendre acceptable.
C’est à cet instant que Nora me disait qu’elle n’y croyait pas non plus, toujours pas. J’entends encore cette phrase qui tel un carbone quatorze me révéla le réel de la situation : «  Je n’arrive pas à y croire. »
J’entendais Nora pleurer dans le téléphone, désemparée face à cette situation folle, incroyable. Cette femme forte qui a toujours mené sa vie par choix, envies et ambitions, n’avait pas pleuré depuis l’adolescence à la mort de son père. La scène apparaissait incongrue : Je me retrouvais à consoler ma cousine au moment où j’avais besoin d’être soutenu. Bien que mon aînée de trois ans, nous étions des jumeaux de sentiments, de passions. J’étais dans sa chair, tout comme elle était dans la mienne. Nous étions atteints dans notre chair. Dans les joies, dans les peines, nous y retrouvions un peu de chacun de soi, c’est alors ce qui nous faisait nous.
Elle avait grandi, pris du recul, ne s’effondrait pas devant les aléas de la vie. Elle était devenue une femme. Un caractère militant, brave, un courage lui donnant l’audace de prendre la parole devant une assemblée pour défendre ses idées, sa position. Nora ne s’encombrait pas de ce que peuvent penser les gens, comme un écrivain elle se sent et se sait libre. Libre de ce qu’elle dit de ce qu’elle écrit. Elle vous dira qu’elle défend l’avortement, qu’elle est pour l’euthanasie, et contre la peine de mort. Cette femme dont la profondeur exhalait sa légèreté, son recul sur la vie, vacilla tant la gravité de la situation la bouleversa.
Nous étions au téléphone depuis un moment maintenant, un moment qui semblait une vie. Nous parlions, et entre les pleurs se glissèrent des moments de joie, et entre les rires se croisèrent des états entre chien et loup.
 
*
* *
 
C’était ça notre vie, une vie, la vie, et peut-être qu’elle commençait aujourd’hui, ici, ainsi :
En Kabylie…
Ce soir là je m’étais couché avec quelques projets en tête. À la manière d’un adolescent impatient de la vie, je voulais que cette journée commence, là, maintenant, tout de suite, sans nuit, directement sur ce lendemain de bruits, et de folie.
J’avais prévu de m’acheter quelques livres et un lit, deux livres et un sommier plus précisément. Jusqu’alors je dormais sur un matelas à même le sol, ayant pour berceuse ma liseuse.
J’étais bien, je me sentais bien, mais ma mère avait pensé que je pouvais être mieux, me sentir mieux.
Sur cette journée à présent j’ouvrai les yeux. Encore dans mon lit, en caleçon, mes cheveux en bataille, plein d’espoir et d’envie.
À l’écoute : le Prélude de Bach que Thomas me laissa ; musique sur laquelle je m’étais endormi ; je me suis sorti du lit comme un arbre que l’on arracherait du sol. Mon bâillement à gorge déployée, avec mon ton de voix du matin, ressemblait au craquement de ses racines. Les poings fermés, j’étirais le haut de mon corps, ainsi que mes bras, avec la vigueur des branches arrêtant un vent violent. Mes bras avaient fini leur déploiement, quand mes mains, entraînées par cette envie de sentir le miracle de la vie, ont éclos, laissant apparaître dix petits bourgeons vénérant le ciel et la terre, comme des traits d’union entre l’air et la pierre.
J’avançai dans la pénombre de la chambre. Une pénombre tiraillée entre la luminosité extérieure que le rideau de velours rendait fragile et la musique au métronome qui se jouait ; Je ne savais lequel des deux finalement me donnait l’envie de respirer, lequel allait faire exister ce jour naissant. Sûrement un peu des deux, mais moi seul pouvais le décider.
Je me sentais fort ce matin là, même prêt. Prêt à me raconter, dire ce que la nuit je ressentais, ce que le jour je refoulais.
Poussant le rideau, je vis mieux ma silhouette sur les portes miroirs de l’armoire. Ce caleçon m’allait bien, encore mieux si ma peau avait été bronzée, si le tissu ne moulait pas les formes de mon sexe circoncis. La fraîcheur du sol remontait de ma marche pieds nus. Je buvais mon grand verre d’eau rituel du matin comme pour me laver de mes cauchemars et démons qui avaient réussi à forcer les frontières de la nuit, en regardant le vide, penché à ma fenêtre.
J’avais 26 ans, je ne savais pas encore courir, ni même marcher. S’il fallait choisir je préférerais voler. Courir, marcher ou voler n’auraient de toute façon suffi à me donner ce que je voyais là-bas. Pas forcément en haut, au dessus de moi, mais au plus profond.
J’ai eu cette chance irrationnelle pour ne pas l’avoir cherchée ou provoquée, mais simplement me tombant dessus comme un ciel sur la tête : C’est alors que je suis né.
Je suis né en novembre, le 18 novembre. En plein hiver. Pourtant dans le ventre de ma mère, il n’y avait que deux saisons, le printemps et l’amour. Je la sentais me porter sur d’autres rives, d’autres terres. Je me laissais aller au gré du vent, des vents contraires parfois : Quand elle se couchait sur le côté mon corps mou, presque invertébré tant le squelette comme une chrysalide pouvait se déchirer, allait se regrouper en un coin.
 
*
* *
 
J’avais grandi depuis. J’étais maintenant de la même taille que Kalthi. Il y avait longtemps que je ne faisais plus de marque sur le mur ; plus besoin de preuve, l’évidence était là. Les centimètres me prenaient de court : impossible à refouler. Ce corps que je rejetais continuait sa croissance. Mes genoux s’élargissaient, mon dos exigeait les tailles supérieures de pulls, chemises et vestes. Mes pieds paraissaient disproportionnés. Eux semblaient être achevés. Deux extrémités déjà terminées alors que je percevais encore des bouleversements internes, hormonaux, profonds. Des poils autour de mon sexe, puis sur les mollets, bientôt sur les cuisses et le torse certainement. Ma voix que je dominais pour le moment ne changeait pas. Je parlais en m’efforçant de sourire. J’avais remarqué que la voix s’en trouvait plus aiguë…
Kalthi aussi avait vieilli. Son corps avait changé. Sa bouche en mouvement me laissait voir des den

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