Alice et Dr Payne
296 pages
Français

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Description

« Se sentir coupable ou impuissant face à une tragédie est pire que le deuil. Dans ces moments-là, on est face à soi-même, face à ses ressources. Sommes-nous tous égaux dans ce domaine ? Le vécu, l'enfance, l'expérience ne nous ont pas tous armés de la même façon. J'avais affronté ma ‘‘montagne'', j'en étais arrivée au bout. Mais je n'y étais pas arrivée seule. » Alice Brooke prend rendez-vous avec un spécialiste de la thérapie cognitive pour remédier au mal de vivre qui la ronge. Depuis plusieurs années, cette jeune professeure de yoga ne parvient pas à surmonter le deuil de son mari. Grâce aux soins attentifs prodigués par le docteur Payne, auquel elle «?se livre corps et âme?», elle franchit progressivement les étapes de l'acceptation de la perte de son amour passé pour retrouver goût à la vie en toute sérénité. Cette expérience aux lisières de la conscience bouleversera aussi bien la patiente que le médecin...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 22 juin 2018
Nombre de lectures 1
EAN13 9782342162080
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0090€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Alice et Dr Payne
Souad El Mesbahi
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Alice et Dr Payne
 
Toutes les recherches ont été entreprises afin d’identifier les ayants droit. Les erreurs ou omissions éventuelles signalées à l’éditeur seront rectifiées lors des prochaines éditions.
 
 
 
Retrouvez l’auteur sur son site Internet : http://souad-el-mesbahi.societedesecrivains.com
 
Chapitre 1.  Alice
Parler de ses peines, c’est déjà se consoler.
(Albert Camus)
On dit qu’il existe plusieurs étapes pour vaincre la douleur et le chagrin. Pour ma part, ces étapes ressemblaient à l’ascension du Kilimandjaro, car après tout ce temps, je ne m’en remettais toujours pas. Mais je vais trop vite. Il faut que je revienne quelques années auparavant pour vous dire ce qui s’est passé exactement et ce qui m’amène ici, dans ce cabinet feutré, où une charmante réceptionniste saisit mon nom sur son ordinateur.
 
Depuis un moment déjà, je cherche une solution à cette impasse, à MON impasse pour être plus précise. Malgré les dizaines de livres et la centaine d’articles que j’ai pu lire sur les façons de vaincre, rien n’y faisait, j’étais aussi tourmentée qu’au premier jour. Je vais tenter de rester claire dans mon récit afin que vous ayez l’exacte version des faits. Tout a commencé en…
 
— Monsieur Payne va vous recevoir dans un instant, Mademoiselle Brooke, m’informe la jeune femme derrière son bureau garni de belles roses rouges. Je me demande si ces fleurs étaient constamment changées ou si c’était le geste d’une admiratrice du docteur Payne. J’avais lu dans un article, et cela avait influencé ma décision de prendre rendez-vous, que le docteur Payne était un spécialiste de la thérapie cognitive. J’avais également lu, un peu plus loin, qu’il s’agissait de connaître et d’agir sur la pensée des patients afin de les aider. En outre, Monsieur Payne était connu pour instaurer un dialogue poussé au cours de ses séances. Je dois dire que rien que l’idée d’entendre un psy marmonner en hochant la tête tout en grattant sa barbe m’avait rebutée pendant longtemps. Je ne comprenais pas que l’on puisse payer quelqu’un juste pour s’asseoir et parler. Et ensuite ? Où était la solution ? Selon moi, cela ne servait à rien. Autant jouer une partie de tennis contre un mur. D’ailleurs, à quoi ressemblait ce fameux docteur Payne ? L’article n’avait fourni aucune photo. Après tout, quelle importance ? Ce qui comptait, c’était que je me sente bien, non ? Surtout, que je considérais que la chose, CETTE chose, avait assez duré, il était temps que je m’en sépare. Du balai. Un nettoyage de printemps, en quelque sorte. Bon, pour en revenir à…
 
— C’est à vous, m’informe Drew, comme l’indiquait son chemisier piqué d’un badge, en se levant pour m’accompagner jusqu’au cabinet du docteur Payne. Vous pourrez laisser vos affaires dans l’antichambre, dit-elle en refermant doucement la porte derrière moi.
 
Avais-je eu raison de commencer cette thérapie, moi qui n’avais jamais consulté auparavant ? Et si cela ne faisait qu’empirer mon état ? Ou, au contraire, si cela ne me faisait rien, et que je repartais bredouille ? Encore un temps précieux perdu à jamais. J’estimais que j’en avais déjà assez pris. Je commençais à penser que j’étais la personne qui avait le temps de résilience le plus long au monde.
 
— Alice Brooke ? m’appelle une voix grave du fond de la pièce.
— Oui, un instant, je pose mes affaires et je suis à vous.
Qu’est-ce que je dis ? « Je suis à vous » ! À peine dans le cabinet d’un thérapeute et me voilà qui me livre pieds et poings liés. Je marche timidement vers le docteur Payne.
— Installez-vous, je suis à vous dans une minute.
« Tiens, lui aussi utilise la même formule ! »
 
La pièce, grande et chaleureuse, donnait sur une fenêtre qui occupait une bonne partie du mur. Sur le rebord, la photo d’un baobab, probablement prise en Afrique, faisait office de seul élément décoratif. Cette image me renvoyait étrangement à ma propre solitude. Je chasse cette idée morose de mon esprit et fixe mon attention sur un autre détail.
— Vous aimez ? me demande le thérapeute sans se retourner.
— Quoi donc ? demandai-je, étonnée qu’il m’ait vue fixer la photo.
— Le baobab. À quoi vous fait-il penser ?
La thérapie avait sans doute commencé. Sûrement une façon qu’avait trouvée le docteur Payne pour mettre à l’aise ses patients.
— Heu, il me fait penser à un arbre, répondis-je après un temps d’hésitation.
— C’est tout ?
— Oui.
— Très bien, commençons, propose le docteur en se retournant enfin après avoir rangé le dossier qui avait monopolisé son attention.
— Mademoiselle Brooke, dit-il… alors que sous mes yeux se dessinait le visage d’un homme dans la trentaine. « Si jeune », pensai-je… « La jeunesse n’est pas un défaut », dirait mon frère Andy. D’autres détails me sautaient aux yeux. Un regard doux, à l’iris brun vert, apportait un côté sauvage à une longue rangée de cils. Loin de l’image du psy en blouse blanche, le docteur Payne portait, avec une certaine décontraction, un jean bleu foncé sur un col roulé en cachemire. Ce qui mettait en valeur ses cheveux d’un châtain profond. Presque noirs. Presque, si son teint n’était pas illuminé par ce regard à l’éclat perçant, encadré par une monture noire. Je me sentis rougir. Pourquoi ? Je l’ignorais. J’avais juste l’intuition que la nudité de mon âme allait être dévoilée sous peu.
— Qu’est-ce qui vous amène ici ?
Je continue de détailler distraitement d’autres points de son physique. Notamment sa lèvre inférieure, plus épaisse que l’autre.
— Je ne sais pas.
— Vous ne savez pas ? répète-t-il en se calant, un stylo à la main, dans le fauteuil en cuir.
— C’est que je ne sais pas par où commencer.
— Commencez par le début.
— Hum ! Évidemment. Ce serait mieux, répondis-je en souriant pour la première fois depuis que j’avais pénétré dans l’antre de cette institution de la thérapie.
— Je suis venue après avoir lu un article et…
— Un article ?
— Oui, dis-je en sentant la curiosité du docteur Payne.
Il se pencha légèrement sur sa chaise.
— Êtes-vous journaliste ?
— Non, pourquoi ?
— Que faites-vous dans la vie, Mademoiselle Brooke ?
— Je suis professeur de yoga.
— Ce métier vous plaît-il ?
— Oui… Je crois.
— Vous croyez ? Ainsi, vous n’êtes pas sûre d’exercer la bonne profession ?
— Si, je suis sûre de moi. C’est juste que parfois… c’est difficile à expliquer, mais j’ai l’impression que ma contribution n’est rien en comparaison d’autres personnes.
— Vous sous-estimez vos compétences. Vous devez aider pas mal de monde, j’en suis certain.
— Peut-être. Sans doute.
À nouveau, je me sentis rougir. Alors que j’étais sur le point de me justifier, le docteur Payne m’interrompit. Son regard fit un plongeon en apnée dans le mien. J’agrippai le fauteuil.
— Vous vous y connaissez en postures ?
— Oui, assez bien, pourquoi ?
— C’est une question pour apprendre à vous connaître.
— Oui, bien sûr. J’adore mon métier. Je reçois tous les jours des personnes qui ont besoin de méditation.
— Et vous-même, ne tirez-vous pas un bénéfice de cette pratique ?
— Si, si, répondis-je, troublée en devinant ce que pensait le docteur Payne, qui devait se demander pourquoi cette méthode de relaxation qu’est le yoga ne marchait pas sur moi.
— Le yoga ne peut pas guérir ce que j’ai.
— De quoi avez-vous besoin d’être guérie, Mademoiselle Brooke ?
— Je ne sais pas encore… enfin, si, je sais. C’est ce qui m’amène précisément chez vous. Je ne comprends pas ce que j’ai, depuis toutes ces années. J’ai l’impression que je suis… tourmentée, lâchai-je d’une traite, osant dire pour la première fois le mot.
— Tourmentée par quoi ?
— Je n’arrive pas à me remettre de la mort de mon mari, Docteur Payne.
 
À la sortie du cabinet, je me sentais vidée. Cette séance m’avait-elle fait du bien ? Je me le demandai en prenant la direction des ascenseurs de cet immeuble, situé dans une des tours les plus prestigieuses de San Francisco. Un immeuble de verre et d’acier, que se partageait sur des dizaines d’étages le fleuron des professions libérales. Avocats, médecins, experts-comptables défilaient ici tous les jours, dans un ballet bien rodé. J’avais hâte de retrouver l’intimité de ma salle de yoga. Le parfum rassurant de ma bougie préférée me manquait. Posée devant moi, elle me permettait, ainsi qu’à mes élèves, de trouver un repère pour la concentration. Le miroir de l’ascenseur me renvoyait l’image d’une jeune femme au teint hâlé et aux yeux noisette. Personne n’aurait pu croire que quelqu’un d’à peine vingt-huit ans avait l’impression de porter le poids du monde sur ses épaules. Et ce malgré ma silhouette fluette. Elles étaient derrière, les années où je prenais le temps de me maquiller. À présent, je me contentais du minimum. Un peu de mascara, et un rouge à lèvres discret.
Les portes de l’ascenseur s’ouvrirent, me sauvant d’une introspection plus poussée qui ne manquerait pas de souligner la pâleur de mon regard. En pressant le pas, je me promis de m’offrir un de ces jus à base de thé où flottent des billes de gomme grosses comme des olives, histoire de me remonter le moral. À dire vrai, je craignais que cette thérapie n’ouvre trop de « vannes », comme on dit dans le jargon des psys.
Pendant que je marchais, je continuais à ressentir ce trouble qui ne me lâchait pas depuis que j’avais mis les pieds dans ce bureau. Je repensais à cette étagère en bois ave

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