Au-delà de la relégation
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Description

Au delà de la relégation
Andrej Koymasky
Roman de 268 000 caractères, 46 300 mots.
À quelques mois de la seconde guerre mondiale, Aldemaro, professeur italien, est condamné par les fascistes pour ses idées. Sa peine écoulée, il est condamné à la "relégation" sur une petite île au large de Naples. Entre désœœuvrement et ennui, il observe les autres.
Mais le jeune Aniello, habitant de l'île l'a remarqué. Lentement, l'amitié les rapproche, malgré la répression des gardiens. Mais rien n'est facile dans ce bagne à ciel ouvert...
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Informations

Publié par
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EAN13 9791029401855
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0015€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Au-delà de la relégation
 
 
Andrej Koymasky
 
 
 
 
Chapitre 1 - L'arrivée sur l'île
 
 
Le comte Aldemaro Franceschini della Riva, professeur de lettres classiques à l'université de Pise, avait plusieurs torts aux yeux du régime : il avait refusé de prendre sa carte du Parti National Fasciste, il avait épousé une non-Aryenne, fille d'un slave et d'une juive, sans compter que ses cours et ses écrits parlaient un peu trop de tyrannie, de démocratie et de liberté… Et s'il n'évoquait jamais le fascisme, la critique était assez facile à lire entre ses lignes.
Homme doux, mais intelligent et de caractère, il avait vu l'étau se resserrer autour de lui. Pour que sa famille ne soit pas victime de ses choix, dès l'arrivée des lois raciales en 1938 il avait envoyé en Suisse sa femme et ses trois enfants, de douze, quinze et dix-sept ans, chez une de ses sœurs qui y était mariée.
En 1939, les autorités ordonnèrent le retrait du commerce des livres juifs et antifascistes dans le cadre de la soi-disant « purification culturelle ». En avril, à quatre heures du matin, Aldemaro fut réveillé par de violents coups frappés à sa porte, rue des Consuls de Mer. Il descendit ouvrir et se trouva face à une patrouille des milices fascistes. Un officier l'informa qu'il était aux arrêts pour propagande subversive. Ils entrèrent chez lui, lui donnèrent le temps de s'habiller, lui passèrent les chaînes puis ils l'escortèrent à la prison.
Il fut jugé par le Tribunal spécial pour la défense de l'État, dont la particularité était que ses juges ne venaient pas du corps des magistrats, mais étaient des officiers des milices fascistes, lesquels affichaient pour devise leurs chemises noires. Toute possibilité de parler à un avocat ou à ses proches lui fut refusée.
Le Tribunal spécial le condamna à un an de prison en isolement.
L'année de prison se passa assez bien, parce que le directeur du pénitencier avait été son élève à l'université, et qu'en raison de la forte estime qu'il lui portait, il fit son possible pour qu'il ne soit pas trop mal loti, dans la mesure de ce que permettait le régime d'isolement carcéral.
Mais après, lorsqu'il sortit de prison, il fut envoyé devant la Commission Provinciale de Rétention qui le condamna à cinq ans de relégation sur l'île de Ventotene.
— La Commission Provinciale de Pise condamne ce jour le comte Aldemaro Franceschini della Riva, né le 31 janvier 1898 de feus Béatrice Garelli et Ferninando, professeur universitaire et le remet aux forces de police de l'honorable ministère de l'Intérieur en vue de sa relégation pour une durée de cinq ans en la colonie de rétention de Ventotene où il passera sa période de relégation.
Ainsi, le 23 mai 1940, il embarqua pour l'île avec d'autres relégués, regroupés avec les quelques passagers et des marchandises sur le vapeur qui desservait l'île. Debout sur le pont, il regardait la mer immense, grise, funèbre, sous les pâles rayons du soleil levant.
Le vapeur voguait en silence avec un léger roulis. Les chaînes aux poignets d'Aldemaro cliquetaient doucement en tapant contre le bastingage. Le comte était pris d'une douce mélancolie en pensant à sa famille au loin. Peu avant son départ de prison, il avait reçu une lettre de sa sœur, en Suisse, qui lui disait que sa femme comptait demander le divorce… que ses enfants allaient bien… et qu'elle lui enverrait régulièrement un peu d'argent dans son lieu de détention.
Il regardait la mer silencieuse et déserte, à présent un peu agitée. Il découvrit la petite île de Santo Stefano, l'avant-poste de Ventotene, un rocher solitaire sur lequel se dressait la colline du pénitencier construit par les Bourbon et qui servait encore à enfermer des condamnés à perpétuité ou les prisonniers les plus « dangereux », du moins du point de vue du régime fasciste.
Et enfin il aperçut Ventotene. Le vapeur vira et entra dans le port. Le petit village, perché sur un escarpement, avec ses petites maisons trapues, ocres, roses, blanches ou grises, surmonté par le château et l'église, les deux seuls bâtiments se voulant de quelque importance, accueillit les nouveaux arrivants.
Sur le quai, des garçons criaient à l'arrivée du vapeur, les milices fascistes attendaient les prisonniers, et à l'arrière-plan, les six grandes rampes en épingle à cheveux qui montaient à l'église, puis à la place du château. Tout en haut, les détenus, à qui il était interdit de descendre au port, attendaient leurs nouveaux compagnons d'infortune.
Sur la gauche, il y avait de grandes arches creusées dans le tuf sombre, les antiques magasins romains dans et devant lesquels quelques insulaires réparaient leurs filets de pêche. Eux aussi avaient momentanément arrêté leur travail et s'étaient tournés pour regarder le vapeur, le cordon ombilical qui reliait l'île au continent.
La population de l'île, d'un peu plus de six-cents personnes, avait plus que doublé, augmentée de près de huit-cents personnes en comptant les détenus, la garnison allemande, les forces de l'ordre italiennes et les milices fascistes. Aussi la proportion hommes - femmes, précédemment d'un pour une, avait changé en faveur du sexe qu'on dit fort et il y avait à présent quatre hommes pour chaque femme.
Vu de la mer, Ventotene semblait aride, un paysage désolé, les seules notes colorées sur la lave étaient les petites maisons aux couleurs pastel, avec leurs toits plats qui leur donnaient presque l'air d'un village arabe. Dans la partie basse de l'île, le village se rassemblait autour du château baronnial sur sa butte verdoyante.
Plus haut, les maisons étaient disposées le long de quatre rues, parallèles deux à deux, les rues des Greniers et des Murailles, nord-sud et les rues de la Crique des Bateaux et des Oliviers, est-ouest, qui délimitaient un rectangle dont un coin vers la mer formait la Place du Château.
Ce n'est qu'en s'éloignant vers l'intérieur de l'île qu'on pouvait voir sa beauté sauvage et inattendue, et découvrir qu'elle était intensivement cultivée, mais que les cultures étaient cachées depuis la mer par des murets et des haies de figuiers de barbarie.
Trois plantes surtout y poussent, les plus résistantes à l'âpreté du climat : les fèves, les lentilles et l'orge. Mais les insulaires arrivent aussi à faire pousser asperges, artichauts, câpres, figues, petits pois, haricots, et même des pommes de terre dans quelques parcelles. Il y avait aussi des vignes, des oliveraies et des mûres.
Au printemps flamboyaient çà et là les taches jaunes de genêts en fleurs. La terre légère, riche et extrêmement fertile, était cultivée avec pelles et pioches. En effet, l'île ne comptait aucun animal de trait et donc pas de charrues.
Les bâtiments destinés aux prisonniers fermaient le côté nord du village. Tout l'espace à l'ouest était vide : les rues des Oliviers et de la Crique des Bateaux s'éloignaient profondément dans l'île, comme deux tranchées entre de hauts murs de pierres de tuf sans mortier, et montaient vers le Mont de l'Arc, le sommet de l'île à seulement cent-quarante mètres au-dessus de la mer. Çà et là se dressaient quelques fermes isolées.
Des barques partaient du quai charger les « marchandises » du vapeur. Certaines prenaient alors les rares passagers, d'autres les prisonniers avec les carabiniers qui les escortaient et d'autres enfin les vraies marchandises. Quand enfin la barque où il avait embarqué accosta à son tour, Aldemaro mit pied à terre. Il regarda autour de lui en se disant que cet endroit serait chez lui pour les cinq ans à venir… voire plus, puisqu'il savait que, même sans réel motif, les années de relégation pouvaient être prorogées.
Sur le quai, parmi ceux qui attendaient le débarquement des marchandises, se trouvait Aniello Coraggio, un garçon de vingt-deux ans, fils de pêcheur, qui avait ouvert un minuscule bar-tabac rue des Oliviers, et dont les clients étaient surtout les jeunes du coin et les prisonniers. Aussi Aniello regardait-il avec curiosité et attention les nouveaux « clients captifs » qui accostaient.
Son regard fut tout de suite attiré par l'un des prisonniers, Aldemaro. Le nouvel arrivant, outre qu'il était bien habillé et avait une bonne tête et belle allure, montrait un flegme inhabituel et une maîtrise de soi rare chez les condamnés. Aniello sentit que ce devait être quelqu'un de spécial : contrairement à bien d'autres, il regardait autour de lui plus comme un souverain prenant possession de son nouveau domaine que comme un condamné qui va tristement à l'encontre de son triste sort.
Sous le regard curieux des paysans et des enfants, Aldemaro, guidé par les carabiniers de l'escorte, monta les antiques rampes vers le quartier haut du village, sans remarquer le regard attentif dont le jeune ex-pêcheur le suivait. Ils furent emmenés au bureau du directeur de l'établissement pénitentiaire, dit aussi « citadelle de relégation », le docteur Marcello Guida. Une fois là, on leur enleva enfin leurs chaînes.
Le fonctionnaire se mit à examiner les papiers le concernant, lui remit un livret à couverture rouge et le prévint qu'il ne devrait jamais s'en séparer, qu'il devrait toujours l'avoir sur lui. C'était sa carte de séjour. En dernière page du livret se trouvait un feuillet signé par le directeur de la citadelle et qu'Aldemaro devait contresigner, intitulé Règlement. Il précisait tout ce qu'un prisonnier pouvait et ne pouvait pas, devait et ne devait pas faire.
Règlement :
1. Avoir un travail régulier.
2. Ne pas s'éloigner de l'habitation concédée ou consentie sans autorisation préalable de la direction.
3. Ne pas rentrer chez soi le soir après ni sortir le matin avant les horaires définis par l'article 348 du règlement de Sécurité Publique.
4. Ne pas détenir ni porter d'armes ou d'instruments susceptibles de blesser. Ne pas détenir ni porter d'outils professionnels entrant dans la catégorie des instruments susceptibles de blesser sans une autorisation écrite explicite de la direction qui en précise le nombre et la qualité.
5. Ne pas fréquenter de

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