Derniers amours
178 pages
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Derniers amours , livre ebook

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Description

« Puis elle s'allongea sur moi, me fixa en jouant à nouveau avec mes cheveux et m'évoqua les peurs et les hésitations de notre jeu de conquête. Je fis de même. Ensemble, nous fûmes persuadés que l'amour ne se déclarait pas et qu'il pouvait se perdre si facilement dans le malentendu. — Que d'histoires jamais révélées, à jamais silencieuses, me dit-elle, soulagée que nous ayons échappé à ce mauvais destin. » A 54 ans, Norges signe ici son premier roman. Résolument contemplatif, il se retourne sur le sentiment amoureux, l'interroge, l'extirpe de son quotidien et le sublime. Amour fantasmé, amour réalité ? Soudain, tout se perd, se délite dans cet incompréhensible « absurde de l'existence »...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 02 mars 2016
Nombre de lectures 2
EAN13 9782342049282
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0075€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Derniers amours
Norges
Mon Petit Editeur

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Mon Petit Editeur
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Derniers amours
 
 
 
 
À Béatrice, Antoine, Louis et Géraldine
Le cœur de ma vie
 
À mon père, ange gardien de mes tourments
 
À Anna qui n’a jamais vraiment existé…
 
 
 
« Ô mes raisons le loir en a plus de dormir
Que moi d’en découvrir de valables à la vie.
À moins d’aimer »
Paul Éluard
 
 
 
Introduction
 
 
 
François et Nathan étaient liés d’une amitié rare depuis bientôt trente ans. Ils avaient noué connaissance dans un collège de la banlieue parisienne où ils exerçaient, l’un et l’autre, le métier de surveillant. À cette époque, ils étaient étudiants et ce travail leur permettait de financer convenablement leurs études et de vivre en parfaite autonomie.
Ils se réunissaient régulièrement depuis toujours et passaient des heures interminables à démêler les sentiments les plus confus auxquels l’existence avait pu les confronter.
François avait une pensée plutôt paresseuse, il se plaisait à lui donner de la lenteur. « Les idées prennent de l’épaisseur et de l’élégance en s’ouvrant à d’autres. La fleur perd sa beauté lorsqu’elle cède à la faux, mais le geste prompt du paysan installe une nouvelle poésie ! Encore faut-il savoir s’épargner du regard pressé, savoir contempler, tout simplement » lâchait-il, parfois pour défendre la grandeur de ses rêveries. Le spectacle du monde, il en parlait souvent dans des excès de passion et si celui-ci était contraire à ses croyances, il s‘enfermait dans des colères noires. Sa radicalité n’impressionnait plus Nathan. Il connaissait parfaitement les emportements de son ami. Il éprouvait même une certaine considération pour ses révoltes. Cela devait le rassurer. Il voyait là, un acte de réconciliation avec la nature humaine. Il y avait, il est vrai, tant à dénoncer avec le mépris et la bassesse de nos congénères.
Nathan, quant à lui, portait un regard plus analytique sur ce qui l’entoure. Non pas un regard froid, mais il déployait une grande lucidité pour comprendre et expliquer les tribulations de l’existence. Cela en faisait un pessimiste naturel, un véritable nihiliste.
Sa noirceur donnait le vertige à François.
L’un comme l’autre ne croyait pas à la vérité, mais concevait plutôt le monde comme un magma de vérités avec lequel on n’avait jamais fini de se débattre. Tout pouvait s’admettre, se justifier, voire se comprendre, c’était d’ailleurs le fondement de la tragédie humaine. La seule chose avec laquelle ils ne transigeaient pas était l’authenticité du sentiment. On pouvait se perdre, s’égarer, blesser, mais ne jamais trahir.
C’était, sans aucun doute, cela qui les réunissait.
 
Ce soir-là, sur la terrasse encore imprégnée de la chaleur du jour, le ciel d’été offrait une multitude d’étoiles blanches. Leur conversation tirait à sa fin, les silences se faisaient plus longs et plus fréquents. Le sommeil gagnait les esprits.
Nathan siffla d’un coup son verre de Cointreau dans lequel flottait encore un glaçon. Il tira une longue bouffée de son havane et tout en soufflant la fumée, il questionna François d’un air faussement naïf :
— Il y aurait donc une fin à la vie amoureuse ?
Sa question éveilla François qui se laissait aller à quelques somnolences :
— Un dernier amour ! s’exclama-t-il.
Nathan marqua un temps d’arrêt, tapota son cigare de manière prononcée et juste avant de le porter à ses lèvres dit avec certitude :
— Non, il n’y a pas de derniers amours… L’amour, c’est toujours une histoire de premières fois qui se répète, un perpétuel recommencement…
François lui répondit de manière laconique :
— Peut-être, c’est une façon de voir.
Sa réponse interféra comme une intrigue si bien que Nathan resta perplexe et lui demanda d’appuyer son propos. La voix de François se fit hésitante :
— Il y a quelques années, je suis tombé éperdument amoureux d’une femme et j’ai mis longtemps à comprendre la violence de mon sentiment… Je ne sais pas comment dire… Cette histoire, je me suis aperçu plus tard… Elle semblait être une ode à toute ma vie amoureuse, à tous les amours de la vie d’un homme, d’un père… Elle enveloppait toutes les strates de l’existence… L’enfance aussi… Un amour où chaque ride… Semblait…
 
L’émotion s’additionnait à la fatigue, François cherchait maintenant ses mots, il ne savait pas comment raconter. Il se tut un instant et dit :
— Cet épisode m’a profondément troublé. J’ai écrit plus de cent feuillets pour m’en délivrer. Mon manuscrit est maintenant en sommeil au fond d’un tiroir. Je l’ai appelé «  Derniers Amours  », termina-t-il.
 
Nathan comprit l’importance de cet écrit et parce que leur amitié avait toujours été sans faille, François lui remit ses feuillets, sous enveloppe, aux premières heures de la matinée.
 
 
 
1
 
 
 
J’ai toujours été frappé par la capacité d’adaptation des hommes. Quels que soient les pays, les cultures, les civilisations, chacun de nous a une propension à subir la brusquerie d’un événement et à modifier son rythme ou son chemin en conséquence. Il y aurait ainsi une sorte de docilité, effrayante à mon goût, dans l’exécution de son sort, une soumission aux caprices de l’existence.
Ce sont toujours vers les chemins tracés que nous nous dirigeons, la complaisance envers les sentiers battus m’exaspère, surtout lorsque ses promeneurs se prennent pour des héros. Je ne m’explique pas cette tendance naturelle, ce mouvement « qui va de soi », hormis, peut-être, une recherche excessive de sécurité, de survie. C’est avec cette émotion animale que nos ancêtres de la préhistoire allaient en nomade se nourrir et se reposer. Chacun de leurs pas devenait une aventure et méritait beaucoup de vigilance. Il est vrai, qu’à cette époque, les chemins n’étaient pas encore dessinés. Il y avait tant à faire pour tracer la route des hommes, la route de l’humanité. Bientôt, ce sont les autoroutes de l’existence que nous emprunterons, à l’abri de l’imprévu. Il n’y aura plus d’aventuriers, un simple monde sec et insipide, sans place pour la poésie.
 
Hier, Élise m’évoqua le sentiment amoureux avec cette même idée :
— François, connais-tu dans notre entourage un couple, dont la vie amoureuse ferait rêver ?
Cette question pouvait, de prime abord, sembler saugrenue et insignifiante, mais face au vide que m’inspira la réponse, je la trouvai pleine de force et de tragédie. C’était un fait, nous n’avions pas eu la moindre fulgurance d’esprit pour désigner un couple, un homme ou une femme, dont la vie amoureuse aurait pu se classer dans les hauteurs de la passion. Le sentiment amoureux était donc condamné, avec le temps, à se diluer dans l’apparence, le semblant, à se raconter à coup de gondoles vénitiennes ou fête de la Saint Valentin pour entretenir sa basse illusion d’existence.
Pour nous rassurer, je la serrai dans mes bras et lui dis :
— Il y a nous mon amour ! Nous !
Ma réplique provoqua un ricanement de concert. J’avais dit vrai, elle le savait, nous étions, et de loin, un couple qui s’aimait et dont l’authenticité du sentiment aurait pu faire des envieux. Pour terminer ma conversation, je l’embrassai d’un baiser appuyé sur la joue.
 
Je me retranchai dans d’autres pensées, surpris par le petit tambourinement de la pluie sur la vitre de la fenêtre ; une vraie pluie de septembre, tiède et sombre à la fois. Rien n’aurait laissé présager ce temps qui vire au gris. Le dimanche s’annonçait plutôt joyeux et pétillant. Il y a une heure à peine, j’étais retourné, après mon petit-déjeuner, me reposer afin de profiter d’un rayon de soleil réconfortant. Dans une oblique impeccable, tranchant la diagonale du lit, il était venu me réchauffer le ventre et le bas des jambes. J’avais observé à plusieurs reprises ce petit cadeau du ciel et la place précise qu’il venait occuper dans la pièce. Il y a deux jours, il avait fait exactement la même apparition, mais emporté par mon retard, j’avais dû, à regret, négliger mes étirements, ma traînasserie et abandonner cette oasis. Souvent, le temps me prend au dépourvu, ne se déroule pas dans mon rythme, contraint, je me laisse alors imaginer les lenteurs et hésitations auxquelles j’aurais aimé me soumettre.
La pluie redoublait d’intensité, elle avait donné au ciel des nuages d’une noirceur rare, une luminosité blafarde qui semblait annonciatrice d’une fin du monde. Notre promenade dominicale était compromise. Peu importe, pensais-je, j’avais les jambes lourdes et l’idée de m’assoupir dans le fauteuil, une fois ma toilette terminée, me séduisait. Élise, elle, ne l’entendait pas de cette oreille, mais l’argument du temps était imparable et je savais qu’elle aurait beau s’arc-bouter à des propos extrémistes et entêtés pour croire à une accalmie, elle se résignerait, sous le diktat de la météo, à rester avec moi à la maison. Je partis donc, d’un pas rassuré, sur le chemin de la salle de bains, au fond du couloir.
 
Le sol était inondé de flaques d’eau. Certaines étaient immenses et donnaient une indication sur l’abondance de la pluie qui venait juste de s’interrompre. Un soleil timide tentait de percer entre les nuages. J’avais réussi, contre l’avis d’Élise, à chausser mes bottes de caoutchouc. J’aimais avoir des bottes aux pieds, j’avais le sentiment, ainsi équipé, d’être un voyageur de la terre, il me semblait qu’aucun obstacle ne pouvait me résister. Il y avait là, ancrée, une nostalgie d’enfance, ce temps où j’aimais avec mon frère me rendre au bas du pont pour tenter de traverser la rivière sans prendre l’eau.

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