Gageure (pulp gay)
46 pages
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Description

Gageure

Jan-Marc Brières
Pulp de 200 000 caractères
« On ne peut pas dire que je sois un fin limier, façon Sherlock Holmes ou Hercule Poirot ! Moi, je me contente de petites enquêtes genre toutou égaré voire Monsieur trompe Madame ou l'inverse. En clair, je ne suis pas spécialiste des courses poursuites, des rodéos motorisés centre ville, des fusillades façon western et autres sanguinolentes aventures. En conséquence, certains faits du grand banditisme m'échappent. »

« Je veux résoudre cette affaire de meurtre. Mais en suis-je capable ? »

Telles sont les observations sensées de ce détective gay !
Retrouvez tous nos titres sur http://www.textesgais.fr/

Informations

Publié par
Date de parution 22 février 2013
Nombre de lectures 20
EAN13 9782363075758
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0019€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Gageure
Jean-Marc Brières
Avertissement J'avais tout juste 19 ans, jeune travailleur dans la restauration, vivant en banlieue parisienne, durant ma coupure de l'après-midi je lisais des polars de la « série noire », comme pendant les deux heures de transport journalier. Déjà fier d'être homo, j'étais irrité de voir qu'il n'était question que de mâles bon teint à savoir hétéros, dans cette prose. Comme si, parmi cette gent, ne traînaient pas quelques pédés, eux aussi bon teint ! Alors, au lieu de lire pendant la coupure, je me mis à écrire sur un cahier. Il y a quelque temps, j'ai retrouvé ce cahier sur lequel j'avais concocté cette histoire. Je la livre quasiment comme elle était à l'origine. Des modifications mineures ont été apportées, telles que le mot beur, l'euro, le préservatif, le portable, tous éléments inconnus à l'époque.
Chapitre 1
Dès les premiers poils pubiens apparus, je me savais homosexuel, l'œil toujours captivé par l'attirail entre les jambes de mes camarades à l'école. Pour dire le vrai, mes regards viraient à la concupiscence bien avant cet événement, même si je n'en connaissais pas trop les raisons.
Ma première branlette fut en compagnie de trois copains coquins, d'âge identique au mien. Nous ne savions rien de la masturbation. Nos doigts nous apprirent. Nos tripes nous confirmèrent qu'une bonne pignole ravissait les corps, soulageait les âmes tristes.
Que dire de se faire agiter le jonc par d'autres doigts que les siens ? Bonheur bien plus fort que de se satisfaire en solitaire !
Très vite, les mains s'allèrent câliner d'autres endroits érogènes alors que les bouches s'exaspéraient de rester inutiles. Je sus rapidement ce qu'était une pelle : un grand m'en donna le secret tout comme il m'expliqua comment mieux se mêler l'un après l'autre. Il me donna quelques consignes concernant la lubrification par la salive, le pompage de bite en 69, le bouffage de cul avant l'intromission plus connue sous le nom de sodomie et, bien entendu, la sodomie elle-même. Un sacré professeur, mon copain Ernest !
Fort de cet apprentissage, je pus me lancer convenablement dans la vie sexuelle tout en continuant de persévérer dans mes études.
Sans forfanterie, la moitié des classes savoura mon gros braquemart. Je précise qu'il s'agit e de chaque moitié des classes fréquentées : 3 , seconde, première.
La belle période ! Ça, c'est une jeunesse riche en secousses sismiques corporelles ! Ce qui m'aida beaucoup à obtenir mon bac.
Puis la fac de droit. J'eus dans l'idée de faire l'avocat. Très vite, je m'occupai presque uniquement de faire l'inspecteur des anatomies masculines ! Trop accaparé par ces activités sensuelles, mon organisme demanda repos. Résultat, je somnolai durant les cours.
Je changeai d'orientation professionnelle suite au vol dont fut victime l'un de mes amants permanents. Profitant de mes accointances cochonnes avec les uns et les autres, je découvris le coupable : une de mes relations épisodiques, gros vantard, qui ne put s'empêcher de m'avouer le larcin, à titre de vengeance.
Je quittai donc la fac, pour l'école de police.
Deux mois de classe militaire, deux mois faramineux ! Alors que je pensai vivre une période monacale, côté culs, je connus une période de festivités fessières et péniennes ! Bien sûr, pas question d'étaler ses humeurs de pédés ! Du discret ! Du secret et rien d'autre. Mais que de galipettes secrètes, que d'emboutissages discrets ! Disons que plus de 40 pioupious connurent les joies de mon corps et me firent connaître les plaisirs du leur, de corps.
Cette fiesta pouvait durer longtemps. Mais mon tempérament me joua un mauvais tour. Je draguai rien moins que le commandant de la caserne. Un beau mâle, sang mêlé comme on dit, à qui je montrai mes désirs de l'avoir en moi et moi d'être en lui. Il comprit, me prit sous sa coupe et sous son aile après avoir pilonné mon cul, un jour de manque pour lui. Par la suite, dès que l'occasion le justifia, il me convoqua et m'enfila séant avec son énorme engin au gland violacé, à cru comme cela se pratiquait à l'époque. Il me bourra, cracha son jus dans mon trou. Le tout en cinq minutes, jamais plus.
Mais moi, j'en voulus plus. Le grand jeu, quoi ! Je voulus savourer sa musculature, goûter sa queue avant qu'il ne me la mette, lécher son cul avant de le fourrer, bécoter ses pecs, passer mes doigts dans sa toison qu'elle soit de la poitrine ou du pubis. Je voulus le grand frisson avec prémices et câlins une fois l'explosion advenue. Je le tarabustai : il céda.
Un samedi après-midi, il me fit appeler sous un prétexte quelconque. Pas de troufion secrétaire, de sergent de permanence et autres subalternes bureaucrates dans les environs. Mon beau mulâtre m'entraîna dans son petit salon particulier, contigu à son bureau. Il commença à me peloter avec brio, selon les convenances exigées par le savoir-vivre du parfait baiseur. Ses lèvres s'accrochèrent aux miennes. Ses mains s'accrochèrent à mes fesses avant de me foutre à poil. Sa langue inspecta mes tétons, mes aisselles, mon ventre, ma queue, mon cul. S'ensuivit une séance de léchage plus approfondie surtout aux environs de la rosette, sous les roubignoles avec gobage des bourses. Il me présenta son terrible mandrin, tout droit, tout suant de mouille. Je l'engloutis, laissant le mec se dévêtir. Ensuite, il me coucha à même le parquet, se positionna en tête à queue. Nous entamâmes un 69 du diable. Je vis qu'il aimait ma bite, d'un format presque identique à la sienne. Nos sucions, déglutissions, à grands coups de bouches voraces. C'est alors que, d'une voix un soupçon timide, il me supplia de l'enculer, là tout de go, me promettant un retour de politesse. Sans hésiter, je lui mis ma pine dans le trou, dès qu'il fut en position du missionnaire. Je le pilonnai dard-dard ! (sic). Il ronronnait de plaisir, me traitant de tous les noms d'enculeur possible ! La pression montant, le foutre aussi, j'inondai ses boyaux de mon jus, hurlant ma jouissance. Il cria son bonheur pendant que ses giclées crémeuses arrosaient le plancher.
C'est le moment que choisit Madame la Commandante pour venir quérir quelque monnaie auprès de son charmant époux. Comprenant l'intimité qui liait le susdit époux à moi-même, elle hurla son indignation : cri strident qui ameuta les futurs poilus, de la future guerre, qui fréquentaient les environs dans l'attente d'un ordre quelconque. La vision que nous donnions n'avait rien d'équivoque : elle montrait bien ce que nous faisions. Le chef à quatre pattes, queue laissant échapper les ultimes gouttes de foutre. Moi derrière le chef, queue dans son fion, encore secoué par les derniers soubresauts dus à l'éjaculation.
Branle-bas… de combat dans la caserne !
Chacun, du plus petit au plus grand, apprit que notre chef, sodomite invétéré, dévoyait les jeunes recrues. J'eus beau beugler que j'étais d'accord, ayant même provoqué la séance, personne ne m'entendit. On me pria aimablement de renoncer à mon avenir dans l'armée voire dans la police. Quant à mon infortuné amant, il fut mis en retraite anticipée.
L'affaire fit beaucoup de bruit dans la région que je dus quitter précipitamment afin de retrouver une certaine quiétude. Un mien oncle me recueillit à qui je ne scellai pas ma mésaventure. Cela le fit beaucoup rire. Ce cher tonton exerçait le joyeux métier de détective privé. Il proposa de m'éduquer dans cette profession avant de me céder son officine aux fins
de prendre sa retraite. Voilà comment je devins détective privé avec pignon sur rue.
***
On ne peut pas dire que je sois un fin limier, façon Sherlock Holmes ou Hercule Poirot ! Moi, je me contente de petites enquêtes genre toutou égaré voire Monsieur trompe Madame ou l'inverse. En clair, je ne suis pas spécialiste des courses poursuites, des rodéos motorisés centre ville, des fusillades façon western et autres sanguinolentes aventures avec têtes explosées, ventres déchiquetés. Que sais-je encore ? En conséquence, certains faits du grand banditisme m'échappent.
Un mec me suit, me poursuit, en bagnole. Depuis deux ou trois jours, je l'aperçois dans les mêmes endroits que je fréquente. Je sais qu'il me regarde, me lorgne, m'observe, m'espionne. Sa tronche on la reconnaîtrait entre dix millions ! Beau gars, faut dire ce qui est mettable. Mon bout se réjouirait de lui faire reluire la pastille.
Pas un hasard, ça non ! Bon, on va lui faire avouer ses intentions. J'accélère. Les flics sont à table à cette heure, pas de risques de les voir sur cette quatre voix. Mon poursuivant m'imite. Deux kilomètres à près de 130 à l'heure et je pile net. L'autre se rend compte du truc, freine un max, donne un coup de volant pour m'éviter, mais pas le fossé. Merde ! J'espère qu'il va s'en tirer sans trop de casse. Je m'extirpe de ma voiture, fonce vers la sienne en beuglant :
— Ça va ? Rien de cassé ?
S'il n'y a pas trop de bobo, je pourrais toujours le soigner, j'ai mon brevet de secouriste. Pour toute réponse, une masse se dresse devant moi, un poing s'abat sur mon ravissant portrait. Après, plus rien. Le Juju, Honoré pour l'état civil (eh oui il y a de ces bizarreries dans les surnoms !), le Juju, donc, dans les pommes, fait des rêves étoilés. Quand je daigne ouvrir mes jolies mirettes, j'entends grommeler :
— Quelle idée de faire ça ! Vous avez failli me tuer. Vous êtes fou dangereux !
Professionnel, je demande :
— Pourquoi vous me filez au cul depuis plusieurs jours ?
— Madame désirerait vous parler.
— Et Madame peut pas téléphoner pour un rendez-vous, comme tout le monde ?
Je me redresse péniblement, le crâne en décomposition mentale. Comme l'impression d'avoir la cervelle en marmelade. Il m'aide, le brave homme. Je comprends avec quoi il vient de m'assommer : des mains à tuer deux bœufs en même temps et d'un seul coup de poing ! Tout le reste du Maousse est à l'avenant. Pas pourri, le Monsieur à Madame ! Ouais ! Je me le ferais bien un de ces prochains week-ends. Mais prudence oblige, le léger aperçu de sa force m'oblige à me tenir sur mes gardes. Détective, peut-être, mais sûrement pas superman ! Je fais genre minus raplapla à ses côtés. Il y a des cas de force majeure où il faut posséder la
sagesse de s'écraser mollement. Et là, c'est exactement ça. Le Maousse précise :
— Aujourd'hui, je dois vous prier de me suivre chez Madame. Avant, c'était pour mieux vous zieuter. Vous comprenez ?
Décidément, il tient à sa « Madame ». Goguenard, j'avertis :
— Bon, maintenant y me prend pour un débile qui pige rien. Et y insiste avec sa Madame, le serviteur ! C'est peut-être son fournisseur de chair fraîche, à la Madame. Si Madame compte sur mes charmes pour lui complaire, Madame peut aller se faire voir ailleurs. Je suis pas spécialiste de chair féminine, si vous voyez ce que je veux dire.
Le Maousse se fend du plus beau sourire que j'ai jamais vu durant toute ma chienne de vie ! Putain que j'en envie de le fourrer le salaud ! Du calme, mon grand, du calme ! Le sourire disparaît, des mots le remplacent :
— Madame sait que vous ne consacrez votre corps qu'aux hommes : vos hauts faits militaires en témoignent. De plus, elle déteste le genre gringalet. Vous ne risquez rien.
La vache ! Il m'envoie ça en pleine tronche, tout fier de lui. J'ose une taquinerie :
— Alors si c'est pour vous, je consacrerais volontiers quelques heures de mon précieux temps afin de vous donner entière satisfaction.
— Peut-être plus tard. Pour le moment, Madame aimerait vous parler.
— Mais j'ai un bureau. Que Madame prenne rendez-vous ! C'est gonflant à la fin !
— Non, Madame préfère vous voir chez elle. Vous savez, sa table est une des meilleures de la région. Votre couvert est mis.
Dès qu'on parle bouffe de qualité, faut que ma langue dise oui, l'infortunée gourmande. Du geste le plus amical qui soit, le Maousse me tape dans le dos, m'envoie dinguer dans le fossé aux côtés de sa bagnole sérieusement cabossée. Il s'excuse :
— J'espère que je ne vous ai pas trop bousculé. Je m'en voudrais de molester trop fortement une petite chose fragile comme vous. Un vrai bibelot en porcelaine, de la meilleure qualité, me semble-t-il. Faudrait pratiquer un examen plus approfondi pour confirmer.
Bon, ben le voilà qu'il se paie ma gueule et qu'il me drague en plus. Pour dire le vrai, l'a pas trop tort, le Maousse. Avec mon 1m65, mes 57 kg, je fais plutôt genre lilliputien à côté de lui. Il m'aide à me sortir du fossé. En réalité, il me soulève tel fétu de paille ! Il m'a dragué, on, dirait. Je ne devrais pas avoir besoin de beaucoup insister pour le pieuter à mes côtés, le baraqué des épaules.
Cinq minutes plus tard, nous voilà embarqués dans ma vieille 4L (moteur légèrement gonflé). Le Maousse ressemble à un gros poisson qu'on aurait mis dans une toute petite boîte de conserve. Je ricane à part moi.
***
Le palace ! Je me sens écrasé par l'immensité des pièces, leur décor ! Je glisse furtivement sur des tapis trop moelleux pour mes petons. C'est ce que je me dis en suivant le Maousse. Lui, par contre, semble marcher sur des œufs au point que ça lui donne une démarche efféminée qui ne va pas du tout avec son personnage. Il frise le précieux, mon gros Maousse de guide. Et voilà qu'il me confirme dans cette opinion quand il m'annonce, après avoir ouvert une ultime porte à double battant :
— Monsieur Portille, plus connu sous le sobriquet de Juju, a bien voulu répondre favorablement à votre demande, Madame !
Oh putain, le ton servile, lèche-bottes, toutou à sa mémère ! L'horreur ! J'ai honte pour lui ! Dégrader ainsi la beauté du mâle, du viril ! Ça me fout les tripes au court-bouillon ! Pour le coup, il ne me fait plus bander ! Une voix grêle interrompt ma déception :
— Faites entrer, mon tout bon ! Faites entrer !
Maousse s'esquive afin de me laisser passer. Je ne le regarde même pas, il m'a trop déçu. Il referme la porte derrière moi. Devant moi, Madame quitte sa chauffeuse, très mondaine, me tend une main flasque tant elle pendouille au bout de son bras. Je suppose que je dois bécoter les courants d'air à cinq centimètres de sa peau ! Paraît que c'est comme ça qu'on pratique le baise-main. Je me plie donc aux usages maison. Madame glousse :
— Je vois que vous n'ignorez rien des coutumes, un bon point pour vous.
Elle se rassied, me montre une chaise Louis je ne sais pas trop combien, le truc sur lequel on pose une fesse avec prudence de peur de casser l'objet précieux. Je pose quand même les deux hémisphères sur l'antiquité, pas sur la Madame, sur la chaise. Je suis langue de pute. La Madame se présente bellement. Entre 55/60 piges. Bien conservée, mémère. Porte beau, presque sans maquillage. Comme quoi ! La nature fait bien les choses quand on sait suivre ses directives. Le geste économe, quasi princier, elle m'observe, sourit de ses belles dents toutes neuves. Doucereuse, Madame s'informe :
— J'espère que mon chauffeur ne vous a pas trop choqué. Il est fait d'un bois brut, vous comprenez. Il ne connaît guère la diplomatie. C'est surtout mon garde du corps, voyez-vous. N'hésitez pas à me dire s'il vous a quelque peu malmené, j'en serais marri.
Le plus marri, pour le moment, c'est mézigue qui se retrouve là, comme un con, sans en connaître la raison. Afin de bien montrer qui je suis, je rétorque, poliment :
— J'ai su mettre des limites, Madame. Au demeurant, votre voiture gît dans un fossé. Votre chauffeur et garde du corps n'a pu l'arrêter à temps.
— Je vois… Foin de l'incident ! Je vous ai demandé de venir…
Alors là, je la coupe, mémère. Faudrait pas me prendre pour une truffe !
— Parce que vous appelez ça demander ! Dites plutôt obligé.
— Au diable la sémantique ! L'important n'est pas là. Donc, je vous ai obligé à venir, car j'ai une affaire pour vous. Une très grosse affaire. Ne dites rien, laissez-moi vous conter de quoi il retourne. Ensuite nous souperons. Ce programme vous sied-il ?
— Vu sous cet angle, je ne saurai refuser. D'autant que votre… sous-fifre m'a confié l'excellence de votre table. J'en salive d'avance.
— Parfait ! Je suppose que mon visage ne vous est pas inconnu.
À ma tête, Madame comprend que j'ignorais la sienne jusqu'à ce jour. Elle précise donc :
— Je suis la mère de Gilles Loué. Vous avez certainement entendu parler de lui.
— Oui, en effet. Je me souviens. Votre fils a été tué par son amant, c'est bien ça ?
— Selon la justice humaine, c'est bien cela.
— Mais vous, vous n'y croyez pas ?
— En effet. Je connais bien Abdel. Il est incapable de faire du mal à une mouche. Travailleur, intelligent, adorable ! Il vénérait mon fils qui ne le lui rendait pas comme il convenait. J'aimais Gilles, mais je restais lucide.
— C'est peu commun de voir une mère vouloir innocenter l'assassin de son fils.
— Gilles m'approuverait. Comme moi il exécrait l'injustice.
— Alors, pourquoi n'avoir rien tenté auparavant ?
— Je ne le pouvais pas, pour des raisons politiques, d'abord. Ensuite, à l'époque, mon mari vivait toujours. Nous connaissions de graves problèmes. Cela dit, mon époux détestait les homosexuels et les Arabes. Mon fils était homo, son petit ami fils d'algérien émigré. Ce qui aggravait les relations entre père et fils.
— Je comprends fort bien. Mais s'il savait pour votre fils, comment il a supporté cette relation avec Abdel ?
— Mon mari se mettait des œillères : cela le servait dans ses… comment dire ?… dans ses exagérations. Après le drame, ce qui était arrivé à notre fils n'était, pour son père, que la fin logique pour un dépravé. Selon lui, son fils disparaissait puni par Dieu. L'assassin logique purgeait une peine méritée bien que trop douce à son gré (une exécution capitale eût été préférable selon lui).
— Si je comprends bien, vous aimeriez que je fasse une contre-enquête, afin de prouver l'innocence d'Abdel.
— C'est cela même.
— Pourquoi moi, petit détective privé ?
— Parce que vous êtes homosexuel. Vous aborderez les questions avec une sensibilité plus conforme au milieu dans lequel mon fils et Abdel vivaient. Ensuite, parce qu'un détective renommé, même très compétent, serait bien trop visible. Personne ne vous connaît, vous êtes étranger à notre milieu, vous passerez inaperçu, tout au moins je l'espère. Sans compter que les gens de mon rang vous traitant comme un inférieur (ils ne peuvent s'en empêcher) ne prêteront aucune attention à vous. Aussi parce que vous y gagnerez beaucoup d'argent et vous vous ferez un nom dans votre profession. Ce serait une sorte de gageure pour vous, un affrontement de David contre Goliath, si vous voyez ce que je veux dire. Maintenant, les événements sont oubliés, les tensions apaisées. J'ai suffisamment de relations dans les ministères qui vous permettront d'agir en toute quiétude. L'accès au dossier vous en sera facilité, et on vous écoutera d'une oreille très attentive. Plusieurs enquêteurs n'étaient guère convaincus de la culpabilité d'Abdel malgré toutes les preuves flagrantes qui l'accablaient. C'était même trop de preuves, selon certains.
— Si je ne réussis pas, ou si la culpabilité d'Abdel est avérée, vous m'écrasez ?
— Eh bien, je ne veux que la vérité ! Si vos conclusions ne changent en rien celles de la justice, alors je m'y plierais. Vous percevrez vos émoluments comme prévu. Si l'innocence d'Abdel venait à être prouvée, alors les émoluments seront identiques, mais vous deviendrez la coqueluche de tous mes amis. Et ils ont souvent recours à un détective, y compris et surtout dans les ministères.
— Oh ! Les ministères ! Je ne fréquente jamais, trop risqué et surtout personne de fiable. Vous savez, Madame, je me contente de vivre simplement. Ce qui me donne le loisir de vivre à ma façon, de dépendre d'un minimum de personnes.
— Et fait que vous restez seul, sans ami, sans amant. Alors, acceptez-vous la gageure ?
— Puis-je avoir le temps de la réflexion, Madame ?
— Évidemment ! Vous me donnerez votre réponse à la fin du repas.
Elle se lève, montrant ainsi que l'entretien est suspendu. Maousse revient, poussant devant lui un chariot rempli de bouteilles, de soucoupes en cristal avec des amuse-gueule. Il propose :
— Un martini, Monsieur Portille ? Sans glace, mais frais et sans zeste de citron, bien sûr !
J'opine du chef. Il sait tout de moi, le primate ! Ses yeux m'envient, me foutent à nu. C'est qu'il en voudrait, du Juju, le gredin ! Je...
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