L amour en marge
80 pages
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L'amour en marge , livre ebook

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Description

Le croisement de trois récits autour de la troublante thématique de la marginalité


Une femme, auteure de livres érotiques, croise dans la rue deux marginaux à l'aspect inquiétant. Elle ne les repousse pas, ils se révèlent simplement humains. Tous les trois vont dans une chambre d'hôtel pour faire l'amour et se quittent.
Une autre femme retourne dans la maison familiale aban donnée pour enterrer sa mère. Un homme s'y cache, fuyant on ne sait quelle police. Il est nerveux et impudique. Elle ne le repousse pas. Ne s'inquiète pas de sa présence. Ils font l'amour et c'est une révélation.
Mais qui sont ces trois marginaux ? Et quels liens les unissent ?

Françoise Rey nous entraîne dans de nouvelles variations sur cette thématique très riche de la marginalité. Les récits se trament et l'on voit apparaître une composition originale où le sexe crée du sens et du lien dans des vies détruites.


Informations

Publié par
Date de parution 23 février 2012
Nombre de lectures 32
EAN13 9782364902305
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0350€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Françoise Rey
L’Amour en marge
Une femme, auteure de livres érotiques, croise dans la rue deux marginaux à l’aspect inquiétant. Elle ne les repousse pas, ils se révèlent simplement humains. Tous les trois vont dans une chambre d’hôtel pour faire l’amour et se quittent. Une autre femme retourne dans la maison familiale abandonnée pour enterrer sa mère. Un homme s’y cache, fuyant on ne sait quelle police. Il est nerveux et impudique. Elle ne le repousse pas. Ne s’inquiète pas de sa présence. Ils font l’amour et c’est une révélation. Mais qui sont ces trois marginaux ? Et quels liens les unissent ? Françoise Rey nous entraîne dans de nouvelles variations sur cette thématique très riche de la marginalité. Les récits se trament et l’on voit apparaître une composition originale où le sexe crée du sens et du lien dans des vies détruites. Françoise Rey est l’auteure de littérature érotique la plus reconnue en France. C’est à la suite d’une crise personnelle, en 1987, qu’elle a écritLa Femme de papier, premier roman à l’érotisme violent et souvent qualifié de sulfureux. Depuis, elle n’a cessé d’écrire autour du sexe et des femmes, à travers une trentaine d’ouvrages.
LOUBARDS MAGNIFIQUES
Elle marchait dans une grande avenue piétonne de Bruxelles, dont elle n’avait même pas regardé le nom. L’eût-elle regardé qu’elle ne l’eût pas retenu. D’ailleurs, elle avait déjà parcouru l’avenue dans un sens et, au bout, incertaine devant un carrefour géant, trop turbulent, trop moderne à son goût, elle avait fait demi-tour. Or, à part le groupe de musiciens sud-américains, avec leurs flûtes allègres et leurs ponchos bariolés, elle ne reconnut rien, aucune vitrine, aucune brasserie. Elle se crispait et luttait contre le froid qui voulait lui barrer le chemin, son imperméable trop léger la défendait mal, s’ouvrait et volait aux bourrasques, et là-dessous, elle grelottait dans son tailleur, elle avait sa douleur de dos, la terrible, l’épouvantable, celle qui lui enfonçait la tête dans les épaules, et endormait ses doigts de milliards de fourmis, martyrisait son bras gauche et peignait sur son visage un masque hagard. Elle allait d’un pas décidé, comme si on l’attendait. Personne ne l’attendait. On l’avait larguée jusqu’à 17 heures, il était à peine midi, elle n’avait pas faim, pas soif, aucun désir de découvrir la ville, seulement très froid, et très mal et elle se demandait ce qu’elle faisait là, dans cette cité étrangère, ni hostile ni amicale, qui vibrait et qui bruissait, qui oubliait de se mettre à table, qui ne frissonnait pas aux gifles de la bise, qui laissait couler partout et dans tous les sens des gens aux allures cosmopolites. Elle les dévisageait en les croisant, les petits vieux au teint rouge, les gros violacés serrés dans leur gabardine, les jeunes beurs au pas élastique, les hommes d’affaires avec leur attaché-case, les Noirs en boubous et bonnets, les bourgeoises, les babas, les skins, les rastas, les patineurs sur roulettes, les mémères à chien miniature, elle les écoutait une seconde, ils parlaient français, anglais, d’autres langues qu’elle ne connaissait pas, elle les dépassait, ils allaient par deux, par groupes, ils semblaient avoir un but. Elle se sentait seule et malade, elle aurait eu envie qu’on s’occupe d’elle... Le vent venait encore de la débrailler, sa main droite, raidie, avait laissé glisser le vêtement qu’elle tentait de retenir, elle se maudit de n’avoir pas prévu, sous la veste du tailleur trop échancrée, un col roulé confortable. Un souffle glacial lui mordit la gorge, coula entre ses seins. Deux garçons marchaient dans sa direction, deux jeunes gens, qu’on aurait crus échappés de la pellicule de Mad Max, cloutés, ceinturés, éperonnés, métallisés. L’un d’eux posa les yeux sur son décolleté, il sourit, il déclara, en passant : « Vous êtes belle, Madame ! » Elle se retourna, il était déjà loin derrière elle, il marchait à grandes enjambées, avec son acolyte, de grandes enjambées tranquilles mais efficaces. Il avait de jolies fesses dans son jean moulant, et des épaules larges sous le cuir du blouson. Il s’était retourné aussi, avec une mine malicieuse. Il revint tout de suite vers elle, la main tendue : « Une petite pièce ? » Elle se composa un visage sérieux et offensé : « Vous monnayez vos compliments ? » Il arrondit une bouille innocente et drôle, posa la main sur son cœur. « Moi ? Mais non ! C’est vous qui m’avez rappelé ! » Elle le regarda avec des yeux qui s’indignaient : « Si ! continua-t-il, vous vous êtes retournée. Je n’avais rien demandé ! — Et maintenant ? — Et maintenant, je vous trouve sympathique, je vous demande une petite pièce ! Je ne demande pas à n’importe qui ! » Son pote l’attendait, dix mètres plus loin, sans expression, les deux mains dans les poches de son blouson. Le mendiant expliqua : « C’est juste pour boire une bière. On n’a pas assez. » Elle s’entendit répondre : « On pourrait y aller ensemble. » * * * Ils s’appelaient Scoub et Goondy. — Ce n’est pas vos vrais noms? avait-elle risqué. — Non, dit Scoub, le plus sociable des deux, celui qui l’avait abordée. On est ici incognito. Il avait des yeux malins qui pétillaient, et sa longue boucle d’oreille se balançait quand il penchait la tête. Et
vous? — Moi aussi, dit-elle. Incognito. — On va continuer à vous appeler « Madame », alors. — Ça me va très bien. — Oui, dit Goondy sombrement, en sondant d’un œil noir sa chope immense qui débordait, ça lui va très bien. Ce Goondy aurait préféré manifestement boire un verre en tête-à-tête avec son copain. Il ne cachait pas qu’il appréciait modérément la présence incongrue de l’inconnue entre eux. Il avait des cheveux longs d’un brun absolu et luisant, réunis en queue-de-cheval. Sa peau très mate, ses traits figés, sa bouche boudeuse lui conféraient une austérité fière d’hidalgo. Elle enleva son imperméable avec des gestes précautionneux. Elle grimaça et retint un cri. Scoub, le blond, (enfin, elle supposait qu’il était blond, à ses yeux clairs, à son teint pâle. Ses cheveux étaient trop courts pour avoir une couleur...) la considérait attentivement. Elle sortit de son sac une boîte de cachets, en goba un avec une gorgée de bière, en renversant doucement sa nuque endolorie. — Vous êtes malade ? questionna-t-il. — Névralgie cervico-brachiale, vous savez ce que c’est ? — C’est un cancer ? demanda Scoub. — C’est le sida ? proposa Goondy. Elle sourit. Il faisait bon dans cette brasserie. Ces deux gamins l’amusaient. Le cachet n’allait pas tarder à agir, surtout avec la bière. Elle leva sa chope, ils répondirent du même geste, gentiment. Même l’autre, le noiraud. Dehors, la pluie venait d’arriver, soudain. De grosses gouttes claquaient sur la vitre, le pavé était déjà inondé. — Eh ben ! râla Goondy, c’est la totale ! Elle le regarda boire, on aurait dit qu’il avalait une purge. — « Je suis le ténébreux, le veuf, l’inconsolé, le prince d’Aquitaine à la Tour abolie », récita-t-elle. — C’est pour moi que vous dites ça ? fit-il, un peu étonné tout de même. — Le Prince d’Aquitaine ! rigola l’autre. — Je ne suis pas d’Aquitaine, protesta l’intéressé en haussant les épaules. Je suis portos. Elle finit sa chope, d’une traite. — Vous avez quelque chose de princier, cependant. Il eut un geste incrédule et flatté. Elle dit : — Cette bière m’a fait du bien. Si on en prenait une autre ? — Quoi ? — Une autre chope ! — Non, quoi de princier ? Moi, qu’est-ce que j’ai de princier ? Tiens, il devenait désireux de dialoguer, à présent, le Portos ! — Votre allure, votre œil de braise, votre fierté naturelle. Cette façon de garder le menton haut. — Vous aussi, dit-il, parce qu’il hésitait à s’enorgueillir de son portrait. Il avait plutôt l’impression qu’elle se foutait de lui. — Vous aussi, vous avez le menton haut. — Moi, c’est l’habitude de la minerve. Et la douleur. — La minerve ? — Ça ! Elle la sortit de son sac, la leur montra. — Pourquoi vous la mettez pas ? — Elle m’étrangle. — Moi, j’aime bien les femmes qui portent ce truc, déclara Scoub. DansVol au-dessus d’un nid de coucou, l’infirmière, à la fin, elle en a une, vu qu’elle a pris une bonne dérouillée. Elle a l’air encore plus salope qu’avant. — Et ça te plaît, toi, les salopes ? demanda l’hidalgo avec une moue. — Ça m’excite. On leur apporta une nouvelle tournée de bière. Par jeu, elle mit sa minerve, interrogea le blond rasé : — Alors ?
— Alors ça m’excite ! L’autre tiqua. Il avait l’air de penser : « Qu’est-ce qu’il va raconter à cette bonne femme ? » Il dit seulement : « Arrête tes conneries. — C’est pas des conneries, ça m’excite ! L’hidalgo fronça son ombrageux sourcil. — Où tu vas, là ? Une dame qui nous offre à boire, qu’on appelle « Madame » ! Elle sentit qu’il nourrissait une certaine appréhension quant à la suite des événements. — Ne vous inquiétez pas, dit-elle après une gorgée. Je ne vais pas vous claquer, ni vous demander vos faveurs ! Le blond s’agaça et soupira bruyamment : — Arrête ton cirque ! T’es pas simple, comme mec. Je peux lui dire : « Madame, vous m’excitez ! » — Oui, vous pouvez », renchérit-elle, très sereine. Il pleuvait de plus en plus fort, elle ne sentait plus son épaule. Le beau basané se renfrogna davantage. Elle eut un geste vers lui, un geste de paix, et de tendresse, qui signifiait que ce n’était pas si grave, et que, dans dix minutes, elle serait sortie de leur vie. Mais un étourdissement l’arrêta, suspendit son bras, affola son regard. — Oh ! J’ai la tête qui tourne ! — Peut-être que vous avez faim, dit Scoub. * * * Avec leurs tartares-frites, ils burent encore une chope. Elle n’avait jamais trouvé une bière aussi savoureuse. Elle ne finissait pas son beefsteak américain, ni ses frites, Scoub lui prit son assiette, la nettoya soigneusement. Après, les deux mômes se laissèrent tenter par une tarte avec de la crème. Elle les regarda manger en fumant une cigarette. — Vous savez quoi ? commença-t-elle. — Vous ne pouvez pas payer ! crut deviner Goondy, et il y avait dans sa voix une résignation amère. — Oh ! Si, payer, je peux ! C’est... me lever. Me lever et marcher. Ça, ça va poser un problème. Ils se détendirent. Oh, non, pas de problème ! Ils allaient la raccompagner ! Elle avait bien un endroit où elle créchait, non ? — Oui, dit-elle. À l’hôtel Métropole, place de Brouckère. Mais j’ignore si c’est loin, je ne me rappelle même pas comment je suis arrivée dans cette avenue... — L’hôtel Métropole ! Ils eurent une exclamation pleine de surprise respectueuse. — C’est pas à côté, dit Scoub. Peut-être qu’un taxi... — Commandez-le, soupira-t-elle. Elle avait les yeux dans le vague. Le beau ténébreux les abandonna un moment en disant : « Il faut que je pisse », et il disparut dans l’escalier du sous-sol. — J’y serais bien allée..., dit-elle. Scoub proposa : — Vous voulez que je vous emmène ? — Non, je tiendrai jusqu’à l’hôtel. Sa tête roulait. Il eut peur qu’elle ne tombe dans les pommes, il lui donna des petites tapes en demandant : « Oh ! Ça va ? Madame ! Ça va ? » Dans le taxi, elle se cala au milieu d’eux. Ils sentaient le cuir et la frite. Scoub passa son bras à sa taille, affirma : « Je vous tiens. » Elle se laissait aller. C’est Goondy qui avait son sac. Il fouilla dedans pour payer la course. Dans le grand hall de l’hôtel, on suivit leur trio d’un œil intrigué. Mais le concierge reconnut la dame et serra la bouche, ostensiblement discret. Dans la chambre, Goondy posa le sac sur la table, décréta : « On va vous laisser. — Non, dit Scoub.
— Comment, non ? — Elle a encore besoin de nous. Tu vois bien qu’elle n’est pas dans son assiette. Hein, Madame, ça ne va pas très fort ? » Le Portugais leva des prunelles exaspérées vers les moulures du plafond. Scoub enleva son blouson de cuir. Il portait là-dessous une inénarrable loque de serpillière verdâtre et effrangée, entièrement cousue d’épingles de sûreté. Il s’approcha de la dame, qui était tombée assise sur le lit et oscillait dangereusement. « Venez là ! » Il la mit debout, lui ôta l’imperméable qu’il lui avait enfilé à la brasserie, l’amena d’un bras ferme vers la salle de bains. — Vous allez faire pipi. Vous vous souvenez que vous aviez envie, au restaurant ? Elle approuva de la tête, les yeux fermés. Il se mit à genoux devant elle, lança les mains sous sa jupe, tâtonna à la recherche de la culotte, dont il ne trouva pas l’élastique. — Body, dit-elle. — Ah ! La fermeture de ce truc-là se trouvait entre les jambes, des pressions, il le savait, il en avait déjà vu. Il glissa deux doigts sous le liseré de l’étoffe, trouva du poil, un peu d’humidité... Il tira, clac, les pressions cédèrent. Il remonta le tissu, devant, derrière, bien consciencieusement, avec la jupe, assit sa malade sur le siège, resta à genoux devant elle, patient et attentif. Elle le regarda sans comprendre. « Pipi », dit-il encore. Elle avait des bas noirs sans jarretelles, qui serraient un peu ses cuisses, et la chair comprimée gonflait avec un petit bourrelet tendre tout autour de l’ourlet. Il lui enleva ses chaussures, des talons fins, mouillés par la pluie de tout à l’heure. « Et puis, après au lit ! » Il insistait, elle ne réagissait toujours pas. Il saisit un bas doucement, le roula jusqu’à la cheville. Elle avait la peau douce, une jolie jambe bien galbée. Il roula l’autre bas. Ses cuisses étaient marquées à l’endroit de l’élastique. Il massa la trace rouge, qui ressemblait à une petite voie ferrée, avec les cloques régulières des traverses en relief. — Ça ne fait pas mal ? demanda-t-il. — Et ça ? dit-elle d’une voix lointaine en tirant sur sa boucle d’oreille. Ça ne fait pas mal ? La chose ressemblait à une longue flèche ornée d’une plume, on y discernait aussi une croix et une griffe d’animal indéterminé. Enfin, il l’entendit bruire, un long jet clair et impudique. « Je vous essuie », dit-il en hasardant sa main armée de papier rose. Après, il lui ôta sa jupe, sa veste, elle levait docilement les bras comme une petite fille pour qu’il la débarrassât du body. Il s’attaqua au soutien-gorge : — Non, dit-elle. — Pourquoi ? insista-t-il, et d’autorité, il dégrafa la menue brassière de dentelle noire. — Vous voyez mes seins ? demanda la dame. — Oui, et alors ? Rien à redire ! — C’est justement parce que je ne l’enlève jamais, expliqua-t-elle. Elle avait pointé un doigt d’ivrogne pour ponctuer son explication. Il chercha autour de lui une chemise à lui passer. Elle était nue, et il ne la regardait plus. De l’autre côté de la cloison, son copain piaffait. — Bon, alors ? — Ça vient ! répondit Scoub. Il ne trouva que le peignoir éponge de la salle de bains. — Maintenant, on se couche ! ordonna-t-il, et il la poussa vers le lit, ouvrit les draps, l’installa de force, la borda. — Vous partez ? demanda la dame. Elle eut l’air dépitée. — Hé ! dit-il en écartant les bras, sur un ton d’évidence. Le moricaud avait déjà saisi la poignée de la porte. — Vous avez dit : « On se couche ! » Les deux garçons échangèrent un coup d’œil perplexe. — Et puis, vous avez dit que j’avais de beaux seins ! Et puis... Elle visita la pièce d’un regard circulaire, avisa son sac sur la table de nuit. Goondy réagit le premier. — Madame, on n’est pas des putes ! Elle fouilla un peu, déclara : « Ce n’est pas de l’argent que je cherche. » Exhiba sa minerve. « Vous avez dit aussi que ça vous excitait ! » Elle la mit en place, se tint raide et offerte, le menton calé, comme
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