L étalon d outre tombe
70 pages
Français

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L'étalon d'outre tombe , livre ebook

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Description

L’étalon d’outre tombe
Jean-Paul Tapie
Roman de 257 000 caractères, 44 700 mots, le livre papier fait 178 pages.
Le corps de Kevin P. est retrouvé flottant sur un des lacs du Bois de Boulogne.
Ce jeune acteur était plus apprécié pour son physique que pour son talent.
S’est-il suicidé ou l’a-ton suicidé ?
Paul S. un ami d’enfance devenu scénariste enquête.
Entre sexe, argent et politique, le mystère s’épaissit.
Pourquoi Kevin P. est-il mort ?
Qui pouvait en vouloir à ce beau garçon que les médias ont baptisé L’Étalon d’outre-tombe.


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: Éditions Textes Gais

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 06 octobre 2017
Nombre de lectures 0
EAN13 9791029402388
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L’étalon d’outre-tombe
 
 
Jean-Paul Tapie
 
 
 
 
1
 
 
J’ignore ce qui m’a incité à me rendre aux obsèques de Kevin P.
Peut-être ce sentiment assez médiocre de satisfaction qui nous pousse à assister à l’enterrement prématuré de quelqu’un de notre âge.
Peut-être aussi juste le souvenir de l’admiration amoureuse que je lui avais portée quand nous fréquentions le même lycée.
Je ne l’avais pas revu depuis cette époque, si l’on excepte quelques brèves rencontres, au hasard d’une rue de R., lorsque j’allais voir ma mère et que Kevin venait voir la sienne. Chaque fois, nous n’avions pas échangé plus de dix ou vingt mots. À mesure que sa carrière échouait à décoller et que la mienne prenait son envol, il était celui qui traversait la rue pour me dire bonjour.
Je ne l’avais jamais vraiment aimé. Sans raison particulière, en dehors du fait qu’il était très joli garçon, très populaire, tant auprès des filles que des garçons, et que j’en étais forcément jaloux. Il n’était pourtant pas particulièrement désagréable, surtout si l’on tient compte de ses atouts physiques. Dans mon milieu, aujourd’hui, je rencontre souvent des garçons qui sont moitié moins séduisants que lui et deux fois plus déplaisants.
J’ai appris sa mort par Facebook. Il y a quelques années, Kevin m’avait envoyé une demande d’amitié sur le réseau social, à la suite d’une nouvelle rencontre dans les rues de R. Il avait appris que nous travaillions dans le même milieu et que j’y connaissais un certain succès. J’ai immédiatement eu l’impression que sa démarche était intéressée ; ces jeunes acteurs en quête de réussite sont constamment à la recherche de nouvelles relations qui pourraient se révéler profitables.
Rien de ce que j’avais pu voir et lire sur sa page ne m’avait encouragé à entamer avec lui une relation amicale. Ses commentaires étaient d’une superficialité navrante et ses liens d’une prétention insupportable. On devinait qu’il cherchait à donner de lui une image flatteuse, comme souvent les gens qui ne sont remarquables que par leur physique. Si l’on en croyait ce qu’on pouvait lire sur sa page, il appréciait le cinéma d’art et d’essai, la musique classique et la littérature américaine. À plusieurs reprises, j’avais eu envie de le « défacebooker », plus par désir de le vexer que d’épurer ma liste d’amis. Mais chaque fois que je m’apprêtais à le faire, je ne pouvais m’empêcher de jeter un coup d’œil à ses photos, et je ne me sentais plus l’envie, ou l’énergie, de l’éradiquer. J’étais épaté de constater à quel point il était encore beau garçon à trente-quatre ans. Si j’avais espéré que la belle gueule de ses seize ans ne durerait pas, je m’étais trompé.
La plupart des photos de sa page étaient tirées des films dans lesquels il avait joué, notamment Racaille ! , le premier, son plus grand succès à ce jour. Chaque fois que je vois sa plus célèbre photo, celle qui est devenue culte, où on le voit sortir de l’eau, torse nu, en jeans, ruisselant, je me demande comment il s’y est pris pour n’avoir pas plus de succès.
Je devrais pourtant en avoir une idée, puisque moi aussi je sévis dans le milieu du cinéma. Je suis scénariste. Je le suis devenu par hasard. À l’origine, je voulais être écrivain. J’avais donc écrit un roman qui avait été publié. Le livre n’avait pas eu un gros succès, mais Matthieu K. en avait acheté les droits et avait décidé de le porter à l’écran. Ce qui était inespéré. Il m’avait contacté par l’intermédiaire de son agent, avec lequel j’avais sympathisé. J’avais confié à celui-ci que ça m’intéresserait de participer à l’écriture du scénario, il en avait touché un mot à Matthieu qui avait dit OK. Au début, j’étais juste censé donner mon avis sur les inévitables coupures qu’il comptait apporter à mon histoire et sur la suppression de quelques-uns des personnages secondaires. Mais, très vite, mes suggestions lui avaient plu, à tel point que nos deux noms avaient été associés comme co-scénaristes au générique. Quelques mois après la sortie, nous avions été nominés pour le César de la meilleure adaptation, que nous n’avions pas eu. Mais dès lors, les propositions s’étaient succédé et, sans l’avoir cherchée, je m’étais découvert une vocation. À tel point que j’avais cessé de rêver de devenir un écrivain à la mode.
Année après année, film après film, je m’étais bâti une réputation de bon faiseur, notamment lorsqu’il s’agissait de réparer un scénario bancal. Ce que les Anglo-saxons appellent un script doctor . Je n’avais plus jamais été nominé aux César, mais à deux reprises j’avais associé mon nom à un succès du box-office. Sans être un scénariste de premier plan, je possède à présent une certaine notoriété, tant par la qualité de mon travail que par l’accueil public qu’il reçoit.
Un jour, j’avais proposé au réalisateur avec lequel je travaillais sur un nouveau projet de caster Kevin P. pour l’un des personnages. Ma suggestion était d’autant plus pertinente que je m’étais inspiré de lui en écrivant le rôle.
Depuis Racaille ! , Kevin avait joué dans d’autres films, mais aucun n’avait reçu le même accueil que le premier. Pendant quelques années, il avait enchaîné les tournages, mais sans que jamais le suivant ne marque un progrès sur le précédent. Sur le plan de la notoriété, il végétait, il continuait de toucher la rente de son premier film. Il n’avait jamais eu droit à son nom seul au générique. D’un film à l’autre, ses rôles n’évoluaient guère : ils oscillaient entre l’emploi du meilleur copain, du collègue de travail sympa, du jeune cadre plein d’avenir, du mari dans l’ombre, quand ce n’était pas carrément un personnage anonyme, chargé de quelques répliques, sans qu’il fût besoin de lui attribuer un prénom. Ce qui donnait au générique quelque chose comme : « L’homme au 4x4 », « Le mari d’Isabelle » ou « Le voyageur en colère ». Chaque fois, n’importe quel acteur modérément doué aurait pu interpréter le rôle. Il n’était même pas nécessaire d’être joli garçon.
Comme il tournait beaucoup, il devait gagner correctement sa vie. Mais ce n’est pas ce qu’un jeune acteur attend de sa vie professionnelle. Pourtant, il ne donnait pas l’impression de chercher à la booster. Entre deux films, il n’essayait pas de jouer au théâtre, ou de monter son propre spectacle. Sans être forcément dilletante, il semblait attendre que la chance travaille pour lui.
Dans le film pour lequel j’avais pensé à lui en l’écrivant, son personnage jouait un véritable rôle, même s’il était secondaire, et il lui correspondait physiquement à la perfection. Sous une allure séduisante et chaleureuse, le personnage dissimulait des tares inquiétantes. C’était un rôle idéal pour l’aider à faire la différence.
À trente ans, Kevin présentait un physique que l’on rencontre plus souvent dans le cinéma américain que dans le cinéma hexagonal. C’était non seulement un beau garçon, mais il était très bien bâti, à l’image d’un Chris Pine, d’un Chris Evans ou d’un Henry Cavill. Je n’en connais guère d’exemple en France. Celui qui s’en approche le plus, c’est peut-être Gaspard Ulliel, l’un des rares acteurs trentenaires français qui puissent se montrer torse nu et susciter l’admiration.
Kevin avait toujours été bien foutu, aussi loin que je me souvienne. Il était la vedette du lycée de R., dans lequel nous avions fait nos études, moins pour ses résultats scolaires que pour ses performances sportives. À la sortie des cours, des groupes de filles surgissaient en courant du lycée voisin, pour le plaisir de l’apercevoir en train de déconner avec ses potes sur le trottoir devant le portail. Il leur jetait de temps à autre un regard narquois et elles se mettaient à frissonner. Il émanait d’elles un bourdonnement étrange, dont j’ignorais l’origine. Un mec de ma classe, Patrick E., prétendait que c’était la vibration de tous ces clitoris adolescents qui le produisait.
Les garçons aussi étaient fans de Kevin. Il n’était pas seulement le play-boy du lycée, il était surtout le champion sportif que tout le monde adulait. Il était de ces garçons qui excellent rapidement dans n’importe quel sport. Il suffisait de lui tendre un accessoire – ballon, raquette, javelot, perche, vélo – pour qu’en très peu de temps il en maîtrise toutes les subtilités. Les entraîneurs des divers sports pratiqués au bahut se l’étaient disputé comme des hyènes. Aux États-Unis, il aurait décroché automatiquement une bourse pour aller à l’université.
C’était à cet instant de nos vies que je l’avais perdu de vue. J’étais allé étudier à Bordeaux tandis que, comme la plupart de nos condisciples, il était entré en fac de droit à Nantes.
 
*
* *
 
Il y a trois ou quatre ans, donc, j’ai suggéré son nom à un réalisateur. Kevin P. me paraissait une évidence pour jouer un jeune trader sans scrupules, mais je crois l’avoir fait d’abord pour lui inspirer une reconnaissance embarrassante, comme lorsqu’on veut obliger un rival ou quelqu’un que l’on n’aime pas trop. J’ai vite eu le sentiment de faire une boulette. La directrice de casting a dû avoir l’impression que je voulais faire son boulot à sa place. D’autant qu’elle avait déjà quelqu’un en tête. Elle a tout de suite fait la grimace tout en secouant la tête.
— Non, a-t-elle dit, « ce n’est pas pour lui, je ne le vois pas dans ce rôle…
J’ai insisté un peu lourdement :
— J’ai pensé à lui en l’écrivant, physiquement il est pile-poil le personnage. Notamment pour la scène au bord de la piscine. Il a le physique pour.
Elle m’a regardé avec l’air de me demander de quoi je me mêlais. J’ai ajouté :
— Il se trouve que je le connais, nous étions au lycée ensemble. » Le réalisateur a trouvé la coïncidence amusante, il avait lui-même, je le savais, fait tourner des copains qu’il avait connus à l’IDHEC, ma suggestion n’avait donc pas de quoi le choquer. La directrice de casting a continué de secouer la tête.
— On a besoin de quelqu’un de plus connu… Lui, il n’a pratiquement rien fait depuis Racaille ! , et ça remonte… 
— Peut-être, mais il a le physique du rôle. Je me s

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