Le vicomte Julien Ambret du Theuil
92 pages
Français

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Le vicomte Julien Ambret du Theuil , livre ebook

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Description

Le vicomte Julien Ambret du Theuil

Maxime Fulbert

Roman de 390 000 caractères.

Julien Ambret du Theuil est un jeune aristocrate de vingt ans qui vit mal son homosexualité.

Sa mémoire photographique le gêne dans sa scolarité. Ses parents souhaitent qu’il entreprenne une troisième terminale, au lycée Camille Saint-Saëns de Rouen. Il doit mener des études supérieures pour reprendre l’usine familiale.

Julien intègre un groupe pour décrocheurs scolaires. Le professeur principal est quadragénaire séduisant qui le fascine. Il amène Julien à évoquer sa mémoire absolue, laquelle comporte une dimension temporelle exceptionnelle.

Que cachent les profondeurs de cette mémoire ?

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Publié par
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EAN13 9791029400261
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0030€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le vicomte Julien Ambret du Theuil
 
 
Maxime Fulbert
 
 
 
 
 
 
 
Chapitre 1
 
 
Le vicomte Julien Ambret du Theuil avait vingt ans. Malgré son âge, il allait encore entreprendre une terminale, au lycée Camille Saint-Saëns de Rouen. Ce n’est pas qu’il eût un niveau scolaire déplorable. Ce que l’on pouvait dire objectivement, c’est qu’il souffrait d’un problème psychologique. Cela ne l’avait pas mis en état de décrocher son baccalauréat. Le trouble psychologique de Julien était, entre autres, une étonnante mémoire, dite « photographique », ou hypermnésie, qui l’empêchait d’apprendre. Cependant, il n’avait pas dit à ses professeurs ni à ses parents qu’il était gêné voire handicapé par cette étrange capacité. Il n’en avait d’ailleurs pas une claire conscience. Il n’empêche que cette anomalie était le moteur d’une dépression. Là encore, ni sa famille proche, ni lui-même n’avaient discerné la nature de ses sautes d’humeur, de sa propension à vouloir rester chez soi, à décrocher des cours, afin de ne pas avoir à affronter les autres, hors du clan familial.
Julien était un grand et fin garçon brun, au visage angélique, au regard bleu clair, très intense. Il n’était pas une armoire à glace, mais il avait une belle silhouette. Il se laissait pousser une barbe qui lui mangeait surtout la mâchoire inférieure et lui faisait une moustache clairsemée au-dessus de la bouche. Il avait de longs sourcils arqués, sans broussaille. Il était brun mais ses cheveux n’étaient pas d’un noir profond, ces derniers étaient affectés de reflets roux ou blonds parfois. Cela dépendait de la lumière et ces reflets attiraient l’œil. Il se coiffait en pratiquant au gel une légère crête, mais vraiment très légère, qui n’avait rien de la crête iroquoise des adolescents portés à l’excès. Si la pilosité de son visage était atténuée, en revanche, sa poitrine était poilue, mais délicatement. Elle formait une île touffue sur son sternum et descendait en ligne régulière jusqu’à son nombril. Elle devenait une végétation dense autour de son sexe et dans la raie de ses fesses. Mais il fallait l’avoir vu déshabillé pour le savoir. Pas mal de garçons essayaient de se l’imaginer nu, mais sa mélancolie l’empêchait d’entamer une relation avec ces garçons et de se dénuder devant ceux qui lui plaisaient et à qui il plaisait, manifestement, sans qu’il s’en rendît compte.
Ses résultats en classe pâtissaient de sa mémoire anormale, au grand dam de ses parents, le marquis Sidoine et la marquise Aline Ambret du Theuil, et même de son frère aîné, le comte Charles-Antoine Ambret du Theuil, qui connaissaient tous trois ses phases sombres, ses jours mauvais et faisaient tout pour le stabiliser et ne pas le culpabiliser à propos de son humeur inégale. Le comte était très attaché à son jeune frère et bien qu’il eût réussi dans ses propres études, jamais il ne lui fût venu à l’esprit de se moquer de Julien ou de nourrir de l’agressivité à son égard. Il l’aimait trop. Par ailleurs, Julien était homosexuel et le vivait mal. « Je suis homo, je suis ‘’pédé’’, j’aime les hommes… Malheur à moi ! Dans cette foutue société, les ‘’pédés’’ sont considérés comme des êtres inférieurs ! » Ce monologue, il le tenait plusieurs fois par jour, dans ses crises. La sexualité étant l’une des assises de la personnalité, si ce n’est l’unique, à en croire le bon Dr Freud, il était amené à ressasser ces idées, à s’en rendre malade. C’était une névrose, une pensée qui sortait comme un filet d’eau souterrain et qu’il voulait assécher sans le pouvoir.
Il vivait très mal son orientation sexuelle vis-à-vis de la société en général. Autant dire tout de suite qu’il n’était pas question pour lui de l’avouer à sa famille. Même pas à son frère, quoique ce dernier eût des doutes, mais très vagues. Julien s’habillait avec des jeans, des baskets, des parkas, doudounes, vestes miliaires ; et puis il lui arrivait de jeter tout cela par terre, dans sa chambre, et de passer des costumes de grands couturiers, avec en prime, un gilet de soie. Il s’affichait. Il jouait le dandy, le jeune homme très élégant, trop élégant pour être pleinement masculin. Néanmoins, le costume trois pièces, très près du corps, les chaussures vernies pointues, le halo de parfum qui le nimbait, n’étaient en rien pour Julien un affichage ou un coming out auprès de qui que ce fût. Il en serait mort de honte, il aurait fui, n’importe où, pour échapper à tous ceux qu’il connaissait. Du moins le ressentait-il ainsi. Il était raffiné et aimait s’habiller à certains moments et c’était tout.
Le manoir Burgonnel du Theuil, sis au Theuil, commune de la rive droite de la Seine, en face de La Bouille, était la demeure familiale. C’était le centre de gravité des Du Theuil, des personnes très unies, soucieuses de bonnes relations les unes avec les autres. Le père de Julien avait hérité d’une fortune de type agricole, d’une part, et de type industriel, d’autre part. L’héritage agricole consistait en terres à perte de vue dans le pays de Caux et dans la Beauce. Theuil mécanique était l’héritage industriel. Des usines de machines agricoles, tracteurs, moissonneuses-batteuses et autres. Mais les possessions des Du Theuil ne s’arrêtaient pas là. Elles comptaient, entre autres, la résidence de campagne : une grande bâtisse à l’anglaise, voisine du Bois des Moustiers, à Varengeville-sur-mer.
C’était au début du XIX e siècle que le marquis Ambret du Theuil, le grand-père de l’actuel marquis, avait acquis cette grande valleuse. Il y avait fait élever une belle demeure, de style balnéaire, sur les plans d’un jeune architecte, Wirward Nolan, lequel inspira sans doute les plans de la maison des Moustiers, très connue des touristes. Les jardins avaient été créés par le maître paysagiste Tom Mayeral. Cette œuvre végétale n’avait rien à envier au Bois des Moutiers. Le marquis Sidoine trouvait que c’était « prostituer » un jardin que de l’ouvrir au public, sans doute à cause d’un préjugé de caste.
L’avantage que présentait le manoir Horteval du Theuil était que le parc descendait jusqu’à la mer, vers une plage privée. Elle était privée du fait des accidents de la géographie locale. Des rochers hauts protégeaient une petite crique de galets : la plage des Ambret du Theuil. Personne, même sur un bateau, n’aurait eu l’idée d’approcher de la crique et de s’y étendre sur une serviette de bain. Le créateur du jardin avait planté énormément de palmiers de Chine et de pins maritimes rustiques, ce qui donnait à la descente vers la plage un petit air de Côte d’Azur, sauf que la température, et de l’air et de l’eau, étaient bien différentes. Julien se baignait – quand il y consentait, c’est-à-dire lorsqu’il n’était pas en crise – en combinaison de surf et boots de caoutchouc. Il était frileux et avait les pieds sensibles aux galets, rudes au marcheur, qui glissaient sous les pas.
Au manoir Burgonnel du Theuil, près de Rouen, le jardin était très grand, étendu sur la bonne longueur d’une boucle de la Seine et venait mourir jusqu’aux quais maçonnés. Depuis la Seine, les personnes à bord des péniches, des bateaux de plaisance ou des cargos céréaliers ne pouvaient voir le parc, caché qu’il était par de grands peupliers trembles, alternés avec des platanes du Canada. Les jours où Julien se sentait mal, qu’il ne prenait pas sa voiture pour aller se promener à Rouen, il restait enfermé dans le manoir Burgonnel. Il parcourait les allées de buis à la française mêlées à des bordures dites mixtes des jardins anglais. Le jardinier et son fils, chargés d’entretenir le patrimoine vert du domaine ne chômaient pas. Le fils avait dix-sept à dix-huit ans, il était bien découplé, avait des traits réguliers, et un air « racaille ». Il était très, trop primaire pour Julien. Il était également trop jeune et si Julien l’avait approché, le garçon sans doute, par sa culture homophobe ouvrière, aurait été outré, se serait emporté, aurait dit la chose à son père et tout le monde au manoir l’aurait sue. Le vicomte était « pédé »… Quelle honte. Il n’était pas question d’emprunter ce chemin là pour Julien.
Le parc, ce bout de nature créée par l’homme, était beau et propice au repos de l’esprit. Julien aimait beaucoup y lire, particulièrement dans le « pavillon d’écrivain » à la Gustave Flaubert, dont le véritable, qu’avait pratiqué l’écrivain ciseleur, existait encore à Croisset, pas loin, avec le fameux perroquet Loulou empaillé et poussiéreux. Julien s’enfermait donc dans le pavillon et lisait, ou bien il y apportait son ordinateur et regardait des films. Des pornos américains ou suédois, quand il sentait le besoin en lui d’exprimer physiquement son homosexualité. Il glissait un doigt discret dans sa braguette entrouverte, et se caressait le membre à travers le tissu du slip ou du boxer. Il préférait néanmoins visionner ces chefs-d’œuvre de muqueuses et chairs pulpeuses, à l’œuvre, dans sa chambre, dans laquelle il avait fait installer un « home cinéma », dont son père se moquait. Il pouvait abondamment décharger aux images fantomatiques d’hommes qui se pénétraient dans de nombreuses positions.
Sa mère s’attristait de sa mélancolie. Quand il n’allait pas du tout, qu’il était épuisé et écrasé dans le fond de sa dépression, elle l’incitait à se lever, à prendre sa douche, à s’habiller correctement. Et elle l’exhortait à sortir au moins dans le parc, si ce n’était pas à Caen ou à Rouen dont il ne voulait pas entendre parler. Si cela persistait, qu’il ne se levait plus, ne se douchait plus ni ne quittait un jogging de luxe mais sale, elle l’emmenait au manoir Horteval du Theuil, au bord de la Manche. Et quand cela n’allait pas du tout, et même plus du tout, Julien était hospitalisé dans une structure psychiatrique discrète, dans une clinique, Le Bocage des fées, à Genève. Il n’y voyait rien de féérique tant il était bas et dormait sous les coups de gourdins du traitement. Puis il refaisait surface. Etonnamment, cela remontait toujours et il s’en réjouissait ; il était alors capable de se

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