Vieux livres et Gourmandises
129 pages
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Vieux livres et Gourmandises , livre ebook

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Description

Vieux livres et Gourmandises; Tatouages et macarons
Aurore Kopec
Texte de 440 000 caractères, 76 000 mots, 360 pages en équivalent papier.
Nathaël a réalisé ses rêves en ouvrant Vieux Livres & Gourmandises, un salon de thé-librairie, tout en élevant seul son fils.
Chris a renoncé aux siens depuis longtemps. À vrai dire, à quarante ans, divorcé, il ne sait plus où il en est. Sa rencontre avec le pâtissier aux Converse rouges le confronte à ses échecs, à ses peurs, mais ravive aussi ses vieux rêves enfouis. Et si la vie lui offrait encore une chance de les réaliser ?


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Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 14 novembre 2020
Nombre de lectures 1
EAN13 9791029404368
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0045€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Vieux livres et Gourmandises
 
 
Aurore Kopec
 
 
 
 
 
Tome 1 – Tatouages et macarons
 
 
 
 
1
 
 
Nathaël Menier s’activait dans son petit royaume d’inox, d’ustensiles et de robots rutilants. S’y concentraient d’alléchantes odeurs de pommes caramélisées, de cannelle et de sucre qui évoquaient l’automne et ses plaisirs. Dans la poêle, la préparation avait pris les mêmes nuances de brun et d’or que les feuilles des arbres qui bordaient la petite place, de l’autre côté de la rue. Le pâtissier était arrivé tôt ce matin afin de mettre la touche finale aux douceurs du jour, notamment à la compotée de pommes qui surmonterait la crème vanillée, elle-même sur un palet breton. Il focalisait son esprit sur ce qu’il aimait le plus, et non sur le rendez-vous que ses proches lui avaient quasiment imposé et qui l’ennuyait royalement.
Nathaël avait réussi deux choses dans sa vie : son fils, et Vieux Livres & Gourmandises. Le salon de thé était sa fierté. Il avait sué sang et eau pour réaliser son rêve d’adolescent, d’abord à l’école, puis dans des emplois qui ne lui avaient pas apporté beaucoup de satisfaction, avant de dépenser une grande partie de son argent et de son temps dans cette entreprise. En échange, il appartenait à ce club restreint de chanceux qui vivaient de leur passion. Il avait ouvert l’établissement sept ans auparavant et malgré les difficultés rencontrées au fil des années, il ne regrettait rien.
Tout allait très bien jusqu’à ce que sa famille et ses amis lui fassent remarquer que la décoration souffrait d’un « manque cruel de fraîcheur », pour ne pas dire qu’elle était dépassée.
Qu’est-ce qu’il en avait à faire d’une décoration au goût du jour si ses clients continuaient à apprécier l’ambiance qu’il avait créée ?! Elle était exactement telle qu’il l’avait souhaitée, intimiste tout en proposant un large choix de lecture.
Son cousin lui avait obtenu un rendez-vous avec un entrepreneur afin de faire des travaux. Soi-disant, il fallait « tout » refaire. Mais bien sûr ! Déjà, il n’avait pas un budget extensible à l’infini, et ensuite, un coup de peinture suffirait bien. Si cela ne tenait qu’à lui, il ne changerait rien. Il se sentait bien dans cet environnement qui lui était familier et dont il ne se lassait pas : des rayonnages pleins à craquer de livres au papier jauni et au parfum si caractéristique, des fauteuils en osier et leurs coussins chamarrés, des tables en vrai bois verni qu’il avait acheté d’occasion à l’époque. Ne pas jeter et donner une seconde vie aux objets lui tenait à cœur, alors il était hors de question de remplacer tout cela par des meubles en plastique sans âme, des éclairages aveuglant avec ces satanées LED blanches, et tout, et tout.
Nathaël disposa les pommes dans les cercles à pâtisserie déjà garnis de crème, les replaça au réfrigérateur puis entama la préparation de quelques litres de chocolat chaud afin d’être prêt à répondre à toutes les commandes. Pas question de verser un sachet de poudre dans de l’eau. Il prônait le fait-maison et c’était une des raisons qui amenait les clients dans son modeste établissement.
— Et zut !
En rinçant un saladier avec un peu trop de véhémence, Nathaël s’était aspergé d’eau et d’un peu de crème. Il épongea son T-shirt comme il put, mais ne fit qu’étaler cette dernière. Dépité, il s’était résolu à le retirer et à porter sa veste de pâtissier à même la peau quand des coups énergiques contre la porte l’interrompirent. Il coupa le feu sous le lait, s’essuya les mains et alla ouvrir, abandonnant sa veste sur une chaise.
L’homme sur le seuil le dépassait d’une vingtaine de centimètres. Il devait avoisiner le mètre quatre-vingt dix, avec de larges épaules mises en valeur par un blouson en cuir brun patiné, dont il releva le col pour se protéger du froid mordant. Levant les yeux, Nathaël rencontra le regard bleu-vert de ce barbu aux longs cheveux bruns tirés en arrière dans l’un de ces chignons à la mode.
Il n’avait pas l’allure du rude artisan que le pâtissier avait imaginé. Non qu’il ait à s’en plaindre, il était très séduisant.
— C’est pour quoi ? s’enquit-il néanmoins, au cas où cet homme ne serait qu’un démarcheur, ou une erreur.
 
 
 
2
 
 
Chris Legoff se demandait où il mettait les pieds. Face à la devanture – qui aurait pu être très élégante avec ses boiseries bleu marine et son lettrage doré si elle n’avait pas été encombrée de vieux machins poussiéreux – il s’était imaginé avoir affaire à un sexagénaire aux portes de la retraite forcé par ses héritiers à redonner un peu de valeur au commerce avant de le vendre.
À la place, il se tenait devant un homme dans le milieu de la trentaine, avec une épaisse tignasse auburn, de grosses lunettes écarlates et des taches de rousseur sur tout le visage. Son petit corps mince était moulé dans un jeans pistache et un T-shirt blanc avec une tache près de son téton qui formait un renflement aguicheur sous le tissu. Il portait aussi des Converses rouges, assorties à ses lunettes, donc. Malgré cette agression visuelle – qui lui faisait penser à ces macarons sucrés et colorés, mais totalement insipides – il était foutrement sexy. Le pli boudeur qui pinçait sa jolie bouche – à croire que comme lui, il n’avait pas envie d’être là – le tentait affreusement.
— C’est pour quoi ?
— Chris Legoff, de Legoff Entreprise Générale. Vous êtes… ?
— Nathaël Menier, le propriétaire. Entrez.
Nathaël s’effaça pour le laisser passer. Un nuage de parfum masculin, boisé, légèrement épicé, l’enveloppa. Bien bâti, barbu, les cheveux longs, M. Legoff dégageait un certain magnétisme, un charme un peu brut accentué par cet air renfrogné qui ne le quittait pas. Il tenait une petite pochette de cuir à la main, mais ce qui retint l'attention de Nathaël, ce fut la manière dont son blouson s’arrêtait juste au-dessus de ses fesses rebondies serrées dans un jeans qui valait probablement trois fois le prix du sien…
Nathaël détourna vivement le regard, avant de se faire prendre en flagrant délit. Reluquer ainsi n’était pas très poli.
L’artisan scrutait le moindre recoin, des rayonnages bourrés à craquer qui couvraient les murs latéraux aux poutres du plafond, du sol parqueté au mobilier. Les tables basses étaient en bois massif et des bibliothèques aux étagères courbées sous le poids des livres et surmontées de présentoirs ou de plantes faisaient office de séparations.
— Quel est le concept ici ? interrogea-t-il avec morgue.
Nathaël se rembrunit. Le type était peut-être canon, il n’allait pas être facile. Il ne souhaitait pas ce rendez-vous alors il ne ferait pas l’effort de supporter son mépris.
— Vieux livres & Gourmandises est à la fois un salon de thé et une librairie de seconde main où l’on peut également venir pour lire, sans acheter. J’organise des événements plusieurs f...
— Hum. Je comprends mieux l’étalage de vieilleries, le coupa Chris.
Nathaël coula un regard vers le rebord de la vitrine où il avait exposé des théières un peu écaillées, il est vrai, et des livres aux couvertures joliment illustrées.
— Et puis c’est sombre avec cette couleur bordeaux sur les murs, même avec la lumière allumée, reprit-il après avoir appuyé sur un interrupteur. Les gens viennent vraiment ici pour lire ?
Nathaël serra les dents et s’abstint de lui répondre vertement d’aller se faire voir ailleurs. Il se racla la gorge et le dépassa pour se réfugier derrière le comptoir.
— Désirez-vous un café ? proposa-t-il un peu sèchement.
— Volontiers.
L’artisan retira son blouson et le jeta en travers d’un fauteuil au coussin un peu décoloré par le soleil. Nathaël remarqua la chemise, noire aussi, tendue sur ses épaules et des pectoraux musclés. Il s’installa à une table et tira une tablette de sa pochette. L’osier du siège grinça un peu lorsqu’il ajusta sa position.
— Long ou court, le café ?
— Long.
Nathaël l’observa du coin de l’œil tandis qu’il tapait sur son écran des notes probablement assassines. Une mèche de cheveux lui tombait dans le cou et son regard fut attiré par une ligne bleutée qui dépassait de son col. Était-il tatoué ? Cette pensée le rebuta. Il trouvait les tatouages laids, futiles, voire vulgaires. Il ne comprenait pas qu’on veuille s’infliger de la douleur pour des dessins qui allaient devenir encore plus moches en vieillissant.
Il déposa sur la table le plateau avec leurs deux tasses ainsi qu’une assiette de biscuits et deux verres d’eau. On ne lui reprocherait pas d’avoir mal reçu l’entrepreneur. Il versa un peu d’eau dans son café brûlant. L’autre homme l’imita.
— Verdict ? demanda Nathaël au bout de quelques instants.
— Vous voulez mon avis ? Il faut se débarrasser de ça, annonça-t-il en désignant les grands rayonnages d’un geste de la main. Il y a trop de livres ici.
Nathaël détestait les opinions arrêtées et les préjugés, pourtant ce type... n’était qu’un crétin analphabète !
— C’est mon fonds de commerce, vous savez. Vieux livres n’est pas qu’un salon de thé.
— Vous êtes quoi ? Libraire ou pâtissier ?
— Pâtissier, mais… Écoutez, monsieur Legoff, cet endroit, c’est le projet de ma vie, c’est ce que je rêvais de faire quand j’avais quinze ans, ce pour quoi je me suis battu. Je ne vous laisserai pas en faire l’un de ces trucs aseptisés qui ressemblent à tous les autres. Et à vrai dire, j’aimerais mieux que ce rendez-vous prenne fin immédiatement.
Nathaël se leva.
— Merci de vous être déplacé, mais je ne donnerai pas suite.
Chris sentit la panique l’envahir. Son entreprise n’était pas au bord de la faillite, mais il ne pouvait pas se permettre de faire fuir un client. Ce gars l’énervait avec ses rêves d’adolescent. Il était adulte, les rêves, c’était bon pour les enfants. Néanmoins, il ravala son amertume et se força à sourire, crispé.
— Excusez-moi, je n’aurais pas dû vous parler comme ça.
— Vous avez peur de perdre un contrat ? s’étonna Nathaël.
— Je préférerais ne pas devoir annoncer à mon comptable que vous avez refusé de travailler avec nous à cause de mon attitude déplorable.

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