Blanche
278 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
278 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Blanche, nous la connaissons tous ! C’est une grand-mère gourmande qui adore la glace à la violette. Une vieille tante coquette qui soigne son maquillage et ses toilettes. Une voisine toute ridée qui râle après la politique et ne sent pas toujours très bon. Et donc, c’est aussi Blanche Hopstein, née Mollard, l’héroïne de ce livre.


Pas à pas et de page en page, suivons-la entre un aujourd’hui un peu gris et des hiers plus colorés auxquels elle s’accroche comme elle peut. Notre Blanche serait-elle alpiniste ou férue d’escalade ? Non, c’est une ancienne nageuse en grand bassin, une ex-archiviste experte en plongée dans les grimoires. Le problème, c’est que depuis quelques temps, elle perd la mémoire...


Mais c’est aussi l’aînée de la famille, « la quarante » d’un père fermier qui buvait le coup et qu’elle a fui à vingt ans, une étudiante sur le tard, une ancienne femme de gendarme, une mère aimante et attentionnée, alors ce n’est pas la maladie qui va l’impressionner ! Mieux : elle ne va même pas l’empêcher de vivre, à sa manière, une ultime histoire d’amour...


Vieillir, c’est dans la tête, jamais dans le cœur. Témoignage, amour, covid-19, confinement, mémoire, alzheimer, ehpad, vie, vieillesse, famille

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 15 février 2023
Nombre de lectures 0
EAN13 9782381241982
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Stéphane AUCANTE
 
BLANCHE
4 fois 20 ans en 2020
 
 
Roman
FABRIQUÉ EN FRANCE
 
ISBN : 978-2-38124-198-2
© janvier 2023, YOUSTORY
 
Tous droits de reproduction, d’adaptation, de traduction, intégrale ou partielle réservés pour tous pays.
 
L’auteur est seul propriétaire des droits et responsable du contenu de ce livre.

Blanche, 4 fois 20 ans en 2020 ouvre une trilogie romanesque à venir, inspirée de mon « roman » familial maternel. Dans une première version, le livre s’intitulait Blanche, au fil des jours .
 
Comme son nouveau titre l’indique, Blanche … dresse également un certain tableau de la France en 2020.
 
À rebours, suivront Eve et Louis, années Mitterrand , roman des années 80, et Ferdinand, 30 ans sans gloire , récit intime des Trente Glorieuses.
 
Le tout constituera au final une histoire de France « à rebrousse-poil », écrite par un auteur devenu chauve (ou presque) à 25 ans.
 
La trilogie romanesque à venir s’intitulera donc logiquement À rebrousse-poil, une trilogie française (un titre soufflé par Blanche elle-même).

À ma grand-mère, Chtroïchka.
 
À sa fille, ma mère, Anne, Annette, Nananne, « la quarante ». Qu’elle me pardonne si je ne vois pas les choses comme elle, à commencer par elle-même.

Il faut commencer à perdre la mémoire, ne serait-ce que par bribes, pour se rendre compte que cette mémoire est ce qui fait notre vie.
Une vie sans mémoire ne serait pas une vie (...)
Notre mémoire est notre cohérence, notre raison, notre sentiment, notre action.
Sans elle, nous ne sommes rien.
 
Oliver Sacks

 
 
Dimanche. Comme tous les enfants, Blanche s’ennuie ; fouille dans sa tête pour retrouver l’air de la chanson de Charles Trenet mais il lui échappe. Pourtant, qu’est-ce qu’ils l’ont entonnée cette rengaine, Ferdinand et elle, couchés dans les champs à regarder passer les nuages ! « Oh, un cochon volant ! Et là, un voilier blanc ! » Elle l’a même fredonnée quelques fois à Louis dans sa chambre pour tenter de le détourner de ses devoirs d’élève. Mais le dimanche, uniquement le dimanche. A l’époque déjà, elle regrettait ses vingt ans, et lui, cravachant chaque jour, espérait des jours meilleurs.
Désormais, l’espoir de Blanche se limite à pouvoir se lever et s’habiller demain. Aujourd’hui, pour occuper le temps et dégripper ses méninges, elle décide de se souvenir. Ils ne lui sont pas indifférents ces verbes en « -cuper » ou « -gripper ». Ils lui rappellent une débâcle, la guerre, une fuite, la maladie. Ils lui rappellent aussi d’autres façons de parler de soi : se redresser, s’affirmer, se battre. Des verbes qui obligent à se sentir personnellement concerné, impliqué, des semblants d’ordres. En grammaire, ils ont un nom précis ces verbes, mais impossible de s’en souvenir. L’école est tellement loin et elle y est allée si peu ; parler verbes est une manière de se rattraper…
 
Blanche veut regarder par-dessus son épaule droite, mais ça coince ; elle ne réussit d’abord à voir que son arrivée à l’EHPAD, puis, si elle force la torsion, les premiers mois d’avant, peut-être même la mort d’Albert. « C’est à cause de l’arthrose » pense-t-elle. Alors elle fait riper ses pantoufles, se tourne toute entière en s’aidant de sa canne, et fait face. Cette nuit, elle a bien dormi, ses idées sont dégagées et elle voit jusqu’à l’horizon. Le paysage est plat comme un océan d’huile, et sa vie lui fait l’effet d’une traversée sans histoire - si ce n’est la sienne. L’équivalent d’un entrefilet dans le journal, une micro biographie en quelques dates, pour un voyage sans tempête et pauvre en escales. Au fond, les seules vagues un peu puissantes qu’elle ait connues, Blanche, sont les rouleaux qui lui désenfilaient son maillot de bain une pièce ou le remplissaient de petits cailloux quand elle s’éloignait à la nage de la plage de La Pointe du Bill. L’été, son Albert n’allait jamais en vacances ailleurs qu’à Séné ; depuis l’Alsace, la route était longue et barbante.
« Est-ce que toutes les vies sont pareilles ? » se demande Blanche. Lisse et sans remous quand on les considère de loin, du bout de l’âge ? Elle a quatre-vingts ans. Comme à traire les vaches ou trier des fiches, Blanche a appris seule la brasse et le papillon, s’accommodant du chlore des piscines alsaciennes et du sel de l’Atlantique. Même quand ça piquait, elle n’a jamais fermé les yeux. Sauf quand il a fallu reconnaître le corps calciné d’Albert. Maintenant qu’elle les fronce pour discerner et comprendre, elle se demande si la solitude n’a pas marqué sa vie. Parce qu’il n’y eut pas que la traite, l’archivage ou la nage, il y eut aussi un père à fuir, un frère préféré, un seul homme à aimer, un mariage, une seule destination de vacances, un fils unique, le même travail pendant quarante ans (mais dans des lieux différents), et l’indécrottable foie gras maison cuit à chaque Noël. Un seul et même Noël au fond. Sempiternel sapin vert, gros barbu rouge, cadeaux carrés vite déballés, et Ferdinand buvant un peu trop - mais moins que le père tout de même, qui lui buvait chaque soir. Après la bûche pâtissière trop grasse, son frère et elle finissaient toujours par se hurler dessus. Noël, quoi, et ce pauvre petit Jésus déjà si seul, tout nu dans sa mangeoire. « Il est né le Divin Enfant », invariablement chanté faux et trop lentement à l’église.
« Est-ce que tout le monde se sent seul toute sa vie ? » Ferdinand ne s’est jamais marié, devenant le seul célibataire de la famille. « Cinq frères, cinq sœurs, et moi l’ainée. » Pout ce qui est des neveux et nièces, Blanche, un jour, a cessé de compter. La famille se voyait rarement, aux baptêmes, aux communions, aux mariages - « jamais aux divorces, c’est bizarre. » Chacun exhibait sa nouvelle voiture, déblatérait sur ses dernières vacances ; on se quittait en se disant qu’il fallait absolument se voir plus souvent, chacun y allant de sa généreuse idée pour ça. Mes quarante ans ! L’inauguration de l’annexe du magasin ! Mes cinquante ans ! La fin de ma chimio ! Mais ce déferlement de bonnes intentions n’empêchait rien : on ne se revoyait plus jusqu’à la prochaine célébration d’église - ou plus aucun frère et seulement deux sœurs se rendaient en cours d’année. Bientôt, les célébrations à retrouvailles seraient les enterrements. Ultime solitude ça, le cercueil. Sauf dans le cas d’accidents de voiture graves, de choses comme ça, de celles qui fauchent une famille toute entière. « Ça concentre le chagrin une bonne fois ». Albert est mort dans l’incendie de sa fourgonnette de service, et dans l’exercice de ses fonctions de gendarme. De fait, son épouse ne se trouvait pas avec lui : en France, on ne mélange pas. Mais il n’était pas seul : dans le véhicule qui s’embrasa au premier tonneau, il y avait un collègue et trois ivrognes tout juste arrêtés pour troubles à l’ordre public. Bien qu’étant une pièce rapportée - « Qui disait ça ? Le père ? Ferdinand ? » -, Albert fut considéré comme le premier membre de la famille à s’être fait incinérer, bien malgré lui ; il le restera sans doute encore longtemps. Chez les petites gens, tous croyants fut un temps, la terre et la poussière rassurent, et feu rime avec enfer, c’est culturel. Et la famille de Blanche est petite malgré sa taille, elle vient d’une ferme du bocage vendéen, pas du bord des plages de sable d’Olonne, de Brétignolles ou de Saint-Gilles.
Malgré cet éloignement d’avec l’océan - que Blanche n’a découvert qu’à l’âge adulte - elle a toujours aimé l’eau. Apprit toute seule à nager dans l’étang Boursoule, près de la Ferme Gauthey. Était la seule femme à faire des longueurs en couloir d’entraînement le vendredi midi, quand, au lieu de déjeuner, elle filait nager à la piscine de Sélestat. Dans son couloir. Toujours le même, ou presque, l’un des deux du milieu. « Comme ça, pas d’échappatoire : si tu coules, tu ne pourras t’accrocher à rien ». Sans bien savoir pourquoi, Blanche a attendu d’être bonne nageuse pour tomber enceinte ; elle venait d’avoir trente ans. A peine était-il né qu’elle inscrivit Louis aux Bébés Nageurs ; il fut même l’un des premiers bébés de France à l’être, elle en fut très fière. « En Allemagne, en face, ils étaient déjà des milliers à l’époque ».
 
La Vendée, l’Alsace, l’Allemagne… La nage, une naissance, et déjà la compétition… Vous voilà prévenus : Blanche passe sans cesse du coq à l’âne. Et la voilà qui se dit soudain : « Mais oui ! Ma vie, ce fut comme à la piscine ! Jamais je ne me suis raccrochée à quoi que ce soit. » Est-ce une forme de liberté ? Ou bien une folie ? Blanche ne croit pas en la folie car, en bonne archiviste qu’elle fut, à Sélestat puis à Strasbourg, elle est dotée d’un puissant esprit logique. Très logique même. Une pierre tombe, les nuages passent, et un corps qui nage flotte. Pour échapper à cette logique, il faut plonger, chercher derrière les apparences d’une vie. Sous les miroirs des piscines, on trouve alors de minuscules trésors, un bijou décroché d’une oreille, un foulard de soie envolé d’un transat, une chaussure, un jouet d’enfant. Ces trésors-là ont suffi à Blanche. « Oui, vraiment, la vie considérée comme une piscine… Voilà une idée qui aurait plu au professeur Pron ! » Et vivre dans l’eau chlorée n’est pas si difficile : tout y clair, transparent. Une eau de crique grecque - quoiqu’elle ne soit jamais allée aux pays des dieux et du vin résiné.
Repenser à Aristide Pron la rend reconnaissante Blanche. Sans lui, sa vie aurait été bien différente, la piscine aurait eu la taille d’une pataugeoire. Avouons même que, grâce à cet étonnant professeur émérite de philosophie passionné de grimoires, la piscine a même pris des courbes arabesques sur les bords : la sensualité des livres et des mots… Mais pour l’heure, imitons Blanche et revenons au coq, à l’âne, et à nos moutons, surtout les siens - même si elle leur a toujours préféré les vaches. « Mais nager, ça fatigue ; ça épuise même ! Comme mon Louis qui a fait trop d’études. Et son Êve qui

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents