Comment j ai écrit mon cinquième roman
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Description

Comment j'ai écrit mon cinquième roman
Jean-Paul Tapie
Roman de 385 000 caractères, 66 000 mots, Le livre papier fait 246 pages.
Connaissez-vous Martin Montel ?
Avez-vous lu l'un de ses livres ?
Non, probablement pas.
Si son premier roman a connu un succès d'estime, les deux suivants n'ont guère fait parler d'eux.
Pourtant, son éditeur persiste à le publier et son quatrième ouvrage vient de sortir. Toujours aussi discrètement. Aussi son éditeur propose-t-il à Martin de changer de directeur littéraire.
Le nouveau a tout pour lui plaire : joli garçon, chaleureux, et surtout déterminé à conduire Martin vers le succès. Quitte à procéder à quelques évolutions dans le sujet de ses récits. Martin devrait s'en réjouir, mais au bout du compte, Fabien Keller est-il un directeur littéraire ou un directeur de conscience ?
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Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 26 novembre 2021
Nombre de lectures 2
EAN13 9791029404658
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Comment j’ai écrit
mon cinquième roman
 
 
 
Jean-Paul Tapie
 
 
 
À Henri D.
 
 
 
1
 
 
Mon quatrième roman venait à peine d’être publié et déjà mon directeur littéraire ne me prenait plus au téléphone. Sa secrétaire déployait des trésors d’imagination pour ne pas me le passer. C’était devenu un jeu pour me distraire de la mélancolie que m’inspirait, une fois de plus, l’absence d’intérêt des médias envers mon œuvre. J’appelais Jeanne tous les deux ou trois jours et demandais à parler à H2P, connu à la ville sous le patronyme d’Hubert de Pré-Parthenay. Un silence de quelques secondes faisait écho à ma question tandis que Jeanne raclait le fond de sa mémoire pour se souvenir des précédentes excuses qu’elle m’avait servies. Puis, d’une voix faussement enthousiaste pour tenter de dissimuler son embarras, elle me répondait : « Oh, vous n’avez pas de chance, Martin ! Il vient juste de sortir et je me rends compte qu’il a oublié de prendre son téléphone avec lui ! »
Jeanne avait une imagination bien plus vive que son patron, c’est pourquoi il la chargeait de me décourager. J’étais très admiratif du talent de cette femme pour trouver, presque chaque fois, une nouvelle explication à l’absence de H2P, ou à son incapacité de me prendre au téléphone juste au moment où je l’appelais. Je crois que cette créativité prenait sa source dans l’affection qu’elle me portait. Elle ne pouvait pas se contenter de me répondre : « Il n’est pas là, il peut vous rappeler ? », simple variante de : « Il ne peut pas vous prendre, je peux lui transmettre un message ? » comme n’importe quelle secrétaire qui, si vous êtes assez stupide pour lui laisser un message, se hâte de le balancer à la corbeille.
H2P ne méritait pas Jeanne. S’il avait existé un César du plus joli mensonge délivré à un importun (pourquoi n’y en a-t-il pas, d’ailleurs ?), elle l’aurait remporté chaque année. Car je n’étais pas le seul auteur que H2P refusait de prendre au téléphone. Il esquivait les deux tiers de ses poulains, à savoir tous ceux qui vendaient moins de 30.000 exemplaires par an, tirage minimum pour justifier d’une invitation à déjeuner dans l’un des meilleurs restaurants où se presse l’élite du monde de l’édition germanopratine.
Parmi les chefs-d’œuvre issus de l’imagination de Jeanne, il y avait par exemple : « Vous jouez de malchance, Martin, il est passé en coup de vent ce matin et a dû se rendre aussitôt à l’entrepôt de Livry-Gargan pour un problème de réassort ! » Ou bien : « Hélas, il vient de sortir, il avait rendez-vous chez son coiffeur. Je doute qu’il repasse par le bureau. N’essayez pas de l’appeler sur son portable, il le coupe toujours quand il se rend chez Gianni. » Ou encore : « Il n’avait aucun rendez-vous, il avait prévu de rester au bureau tout l’après-midi, et brusquement il a été pris d’une quinte de toux, j’ai cru qu’il allait vomir, il est rentré chez lui en catastrophe, pour l’amour de Dieu, ne le dérangez pas, rappelez-le lundi… »
Et puis un jour, le miracle a eu lieu. J’ai demandé à parler à H2P et Jeanne m’a répondu, sur le même ton que d’habitude, ni plus ni moins excité, sans le moindre triomphalisme : « Ne quittez pas, Martin, je vous le passe ! »
De surprise, j’ai failli raccrocher. J’ai entendu un déclic, et brusquement je ne me suis plus souvenu du motif de mon appel. Il n’y en avait aucun, en fait, je l’avais juste appelé pour entendre une nouvelle improvisation de Jeanne. Mais avant que je réalise, j’ai entendu la voix enjouée de H2P s’écrier : « Martin ! Comment allez-vous ? Vous vous faites rare en ce moment ! »
Ce type avait tous les culots ! À l’entendre, c’était lui qui avait du mal à me joindre.
J’ai failli le lui faire remarquer, puis j’ai renoncé. Je lui ai demandé de ses nouvelles.
« Je n’ai plus une minute à moi ! À croire que je suis le seul à bosser dans cette maison !... Alors comment se passe la sortie de votre livre ? »
C’était à lui de me le dire, non ? Il ne m’a pas laissé le temps de répondre, il a enchaîné : « Comme d’habitude, n’est-ce pas ? C’est pareil pour tout le monde, vous savez… Si je vous racontais le mal que j’ai eu à obtenir un passage pour Duvoncel dans La Grande Librairie  ! Pourtant, Duvoncel, hein ? Trois voix au premier tour du Goncourt l’an dernier, quand même !... Ce métier devient de plus en plus ingrat… J’ai vu que vous aviez eu un très bon papier sur le site de Monlivredechevet.com… »
Il s’agissait d’un site tenu par un homme d’une cinquantaine d’années, que j’avais rencontré lors d’un Salon du Livre, et qui appréciait ma personne, et accessoirement mes romans. Il était toujours le premier à en parler. Cette fois encore, il risquait d’être aussi le dernier.
« Oui, c’est vrai, mais je me demande quelle est réellement son influence… »
« Plus grande que vous ne le pensez ! Croyez-moi, vous avez tout lieu de vous réjouir de sa fidélité à parler de vos livres, c’est une chance que pas mal de vos collègues pourraient vous envier… Mais bon, ce n’est pas pour vous parler de ça que je vous ai appelé. »
« C’est moi qui vous ai appelé, Hubert… »
« Ah bon, vous croyez ?... Peu importe ! Puisque je vous ai au bout du fil, j’ai trois nouvelles à vous annoncer. Deux bonnes et une mauvaise… La première bonne nouvelle me concerne en fait : je viens d’être nommé au Comité de direction. Je vais donc prendre du recul par rapport à tous mes auteurs. Ou du moins, la plus grande partie d’entre eux… »
« Et l’autre bonne nouvelle ? »
« La mauvaise, d’abord. La mauvaise nouvelle, c’est que, ipso facto, je vais devoir cesser de m’occuper de vous. J’ai essayé de vous garder dans mon écurie, mais ce n’était pas raisonnable, je n’aurais pas eu le temps de le faire sérieusement… »
Ce type m’épatait. Non seulement il considérait comme une mauvaise nouvelle pour moi de ne plus l’avoir comme directeur littéraire, mais il semblait croire qu’il s’était sérieusement occupé de moi par le passé.
« Maintenant, l’autre bonne nouvelle… C’est Fabien Keller qui devient votre directeur littéraire. »
Ce nom ne me disait rien. J’ai fouillé mes souvenirs les plus récents des cocktails maison, au cours desquels on aurait pu me présenter quelqu’un qui réponde à ce patronyme, mais ma mémoire, qui est plutôt bonne, ne me fournissait aucun visage.
« Je ne crois pas… »
« Ne cherchez pas, vous ne l’avez sans doute jamais rencontré. C’est une trouvaille de François, il vient juste de l’engager, ça fait quinze jours qu’il est dans nos murs. Il va reprendre une partie de mes poulains, plus deux ou trois dont il s’occupait déjà et qui ont décidé de le suivre chez nous. C’est vous dire si c’est un garçon brillant. Je crois que si moi, je décidais de passer à la concurrence, il ne se trouverait pas grand monde pour me suivre ! Vous le premier, ah ah ah ! »
Ma stupéfaction virait à l’admiration. Ce type n’avait aucun filtre.
« Il va vous appeler très prochainement, il fait le tour de ses nouveaux auteurs. Je me suis laissé dire qu’il était emballé à l’idée de vous prendre dans son écurie… Croyez-moi, sans vouloir me dévaluer, vous ne perdez pas au change. Keller est jeune, il sera mieux placé que moi pour vous booster auprès des réseaux sociaux et des médias. Il vient de province, mais il a déjà un carnet d’adresses à faire pâlir un vieux briscard comme moi. Si je n’étais pas désolé de voir cesser nos relations, je vous dirais que vous gagnez au change… Mais qu’est-ce que je raconte ? Ce n’est pas parce que je ne m’occuperai plus de vous que nous allons cesser de nous voir et de déjeuner ensemble ! »
« Je suis libre quand vous voulez, Hubert ! »
« J’aimerais pouvoir en dire autant ! Mais ce moment, pas la peine d’y songer ! Je n’ai plus un déjeuner de libre jusqu’aux Prix ! »
Je n’ai pas poussé l’ironie jusqu’à m’en désoler. Je crois avoir de l’humour, mais il a ses limites. Si je le laissais poursuivre ainsi, dans quelques minutes il me reprocherait de l’abandonner de gaieté de cœur.
Nous avons rapidement raccroché. Pardon : il a rapidement raccroché.
 
 
 
2
 
 
Fabien Keller s’est manifesté quelques jours plus tard par un mail adressé à la demi-douzaine d’auteurs dont il avait déchargé H2P. Un mail très court qui se concluait par ces mots : « Dès que j’aurai pris mes marques dans la maison, je reviendrai vers vous. Cordialement. Fabien Keller »
J’allais partir en vacances quand il m’a finalement appelé. J’avais attendu son coup de fil avec impatience, car entre-temps je m’étais informé à son sujet. Il n’avait pas de fiche Wikipédia. L’essentiel de mes informations provenait de mon copain Benoit S., qui travaille chez un éditeur concurrent du mien, rue Jacob. Je l’avais rencontré des années plus tôt, peu après la publication de mon premier roman, lors du cocktail de je ne sais plus quel prix littéraire, peut-être le Prix des auditeurs de Rires et Chansons. Il s’était étonné que je n’eusse pas soumis mon manuscrit à son éditeur. S’il était tombé dessus, m’avait-il dit, il se serait fait un plaisir de le publier. À cette époque, j’étais tellement enthousiaste que j’en devenais naïf et je croyais tout ce que l’on me disait. Par exemple, j’avais cru H2P lorsqu’il m’avait dit avoir adoré mon livre, alors que j’avais rapidement découvert qu’il ne l’avait pas lu. Mais pour ce qui concerne Benoit, je savais qu’il était sincère. On ne ment pas à un garçon que l’on étreint dans ses bras, au petit matin, après une nuit de baise sauvage. D’ailleurs, dès qu’il avait été clair que mon roman ne serait pas le succès que j’escomptais, il m’avait encouragé à lui envoyer le manuscrit du deuxième. Il était convaincu que mon éditeur n’allait pas renouveler l’expérience, mais il se trompait. Mon contrat stipulait que celui-ci bénéficiait d’un droit de préférence pour mes deux prochains manuscrits, je n’avais donc pu refuser de publier chez lui mon deuxième bouquin.
Je connais bien Benoit et j’ai confiance en lui. Voici ce qu’il m’a dit au sujet de Fabien Keller : il a débuté chez un éditeur de province, où il a

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