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Description

Suzanne ne guérit pas les malades, ne dessine pas de ponts. Suzanne n’invente rien. Elle écrit tout simplement, pour les autres, comme certains accompagnent un orchestre, cousent un vêtement ou peignent un tableau sur commande. Mais, comme par hasard, un jour, l’horizon de Suzanne s’ouvre sur ce qui pourrait être une page à ajouter, dans le livre de SA vie. Dès lors, c’est traquée par ses propres mots qu’elle sera poursuivie et à la fois guidée, par ceux d’un client anonyme qui l’entraîne virtuellement, dans un périple qui la fera voyager mystérieusement d’une ville à l’autre et dans son pays intérieur. Un homme qui nourrit le paradoxe de la liberté, mais dont peu à peu elle redoute l’emprise. Qui se cache derrière les messages envoyés? Où s’arrêtera ce chassé-croisé? Quel en est le but?
Comment vivra-t-elle ce tourbillon qui se présente à elle? Pour le savoir, redressez le dossier et la tablette devant vous, attachez votre ceinture en préparation pour le décollage et accompagnez-la tout au long de ce déroutant voyage!

Informations

Publié par
Date de parution 11 mars 2021
Nombre de lectures 1
EAN13 9782981730404
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0022€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Mise en pages et couverture : Alejandro Natan
Révision linguistique : Lina Giguère

ISBN numérique : 978-2-9817304-1-1
Dépôt légal : Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2018
Dépôt légal : Bibliothèque et Archives Canada, 2018
© Marie-France Revelin, 2018

Tous droits de reproduction, d’adaptation ou de traduction réservés pour tous pays.
À l’imagination,
La plus fidèle compagne de toutes mes solitudes.
À Valérie et Guillaume, mes enfants, à Rosalie, ma petite-fille adorée.
À mes amis les plus précieux qui se reconnaîtront sans l’ombre d’un doute, et
À celles et ceux que j’aime aussi et qui parfois en doutent.
Tous les noms, les personnages et les événements qui figurent dans ce roman appartiennent à l'imagination de l'auteur ou sont utilisés de manière fictive pour la vraisemblance du récit. Toute ressemblance avec une personne réelle, vivante ou décédée, serait fortuite.


Toutes les choses de la vie qui ont existé, une fois, tendent à se recréer...
Marcel Proust
…A ussi, mes chers enfants, je terminerai ces mémoires en vous avouant que si ma vie vous est maintes fois apparue comme ayant été plutôt axée sur le rationnel, la performance et un manque d’intérêt et de sensibilité à votre égard, sachez que c’est guidé par mon cœur que je vous offre ma biographie et cette dédicace en guise d’adieu. Ainsi, bien que mon attrait pour le travail et l’argent fut souvent perçu comme plus important pour moi que celui de vous voir grandir et devenir les hommes et les femmes que vous êtes maintenant, je crois que le montant de ma succession, que vous vous partagerez, servira peut-être à vous accompagner dans vos plus grands rêves et ainsi me faire pardonner d’avoir été un père aussi absent. Recevez aujourd’hui, à travers ces mémoires, ma plus profonde pensée d’amour et gardez en vous l’image de l’homme que je fus : intègre et passionné, responsable, et fidèle envers ma famille, mes employés, mes clients et mes amis.
Que mon départ ne soit pas triste et qu’il éveille au plus profond de vous un goût de liberté et l’envie de profiter pleinement de la vie chaque jour que Dieu vous accordera ici-bas.
Je vous aime.
Votre père, Bertrand.
Qui vous a quittés le :
— Et voilà comment vos mémoires se terminent ! Qu’en dites-vous, monsieur Jasmin ?
— J’aime bien que cela se lise comme si j’en étais le narrateur. N’oubliez pas d’ajouter la date de mon décès.
— C’est déjà noté dans mes remarques à l’éditeur, monsieur.
Bertrand Jasmin, septuagénaire chauve et cerné au corps émacié se retourna lentement, cachant à peine la douleur qui semblait grandement l’accabler. Il leva les yeux d’un bleu de mer totalement renversant vers Suzanne Robin, qui le questionnait et qui venait de lui faire la lecture du texte qu’elle avait rédigé en son nom.
Il signa le document et murmura : « Si j’avais le quart de la tendresse que vous me prêtez tout au long de cette conclusion, je verserais bien une petite larme, madame Robin. Mais, au final, je pense que c’est honnête, que ça rejoint ce que je n’ai jamais su leur dire. Avec tous les actifs que je leur lègue, la moindre rancune qu’ils pourraient encore avoir à mon égard devrait pouvoir se dissiper rapidement.
« On dit que l’argent n’achète pas tout, mais avec le recul, avec ce que j’ai vu, vécu et expérimenté, je crois au fond que oui, que l’argent achète tout et qu’on ne dit cette phrase en fait que lorsqu’on n’en a pas. Comme ça, vous savez, c’est tout à fait réconfortant pour les moins bien nantis de le dire et je peux très bien le comprendre et le respecter. Ce sera tout, vous pouvez disposer maintenant. Je me sens fatigué. »
Suzanne Robin, une rédactrice pigiste de quarante-huit ans, baisse les yeux et sourit avec réserve. Elle glisse le texte dans une enveloppe, la dépose sur la table de chevet et promet au vieillard d’expédier au notaire sa copie dès le lendemain comme convenu. L’homme lui remet alors un chèque et lui tend la main, une main ferme, bien que faible, qui s’accroche et résiste malgré la fièvre et la douleur qui le gagnent, moment qui se répète trop souvent lorsque l’histoire d’une vie tire à sa fin, comme dans le cas présent de son client actuel, Bertrand Jasmin.
— Madame Robin ?
Suzanne qui se dirigeait vers la porte se retourne avec lenteur et respect.
— Vous souvenez-vous du jour où je vous ai choisie comme rédactrice ?
— Oui, monsieur, bien sûr que je me rappelle !
— Je vous avais demandé : « Est-ce qu’on dit Chardonnay ou chardonneret ? »
Elle se rappela alors cette entrevue et la question. Son regard s’illumina et elle sourit.
— Vous m’avez répondu : « Ça dépend de qui pose la question. Est-ce un homme ou un oiseau ? »
— Exact, et je vous avais alors expliqué que c’est là que repose tout le poids des mots ; leur sens, leur importance, leur intention, et à qui ces mots seront adressés.
— Tout à fait ! Et c’est en raison de votre réponse que je vous ai choisie. Vous faites plus qu’avec distinction un métier très honorable, chère madame. Je vous ai payée, mais vous ai-je au moins remerciée ?
— Bien sûr, monsieur Jasmin, bien sûr, plusieurs fois. Et moi, je vous remercie de m’avoir accordé votre confiance.
Elle lui sourit sachant que cela serait probablement la dernière d’une série de dix rencontres qu’ils avaient tenues ensemble pour réaliser la rédaction des mémoires du patriarche.
Elle retint son émotion comme il le lui avait toujours demandé et prit congé de lui, sans s’attarder davantage. Une fois derrière la porte, elle respira profondément et ferma les yeux.
C’était chaque fois extrêmement déchirant pour elle de remplir ce type de contrat. Écrire pour les autres semblait une tâche facile, mais lorsqu’il s’agissait d’une biographie ou de textes reliés de près ou de loin à une fin de vie, qu’on lui racontait, ou même la plupart du temps qu’on dévoilait, le travail devenait plus personnel, éveillant toujours en elle des sentiments qu’elle n’arrivait pas encore à bien maîtriser. L’abnégation était selon elle le seul antidote dans de telles circonstances. Pour Suzanne, accueillir l’autre dans son récit, l’écouter sans l’interpréter, puis rentrer sagement chez elle pour en écrire les pages et, en silence, fermer le tout comme un grand livre qu’on vient de terminer et qu’on ne lira plus : telle était l’une de ses compétences rédactionnelles.
En quittant les lieux, Suzanne salua Judith, l’infirmière de garde qui veillait sur Bertrand Jasmin dans ce luxueux appartement qu’il avait toujours refusé de quitter. Elle descendit en ascenseur jusqu’au stationnement souterrain de l’imposante tour d’habitation et se faufila entre les puissantes BMW et Mercédès avant de monter rapidement, presque intimidée, dans sa petite et modeste japonaise blanche, sa plus fidèle compagne depuis les cinq dernières années.
Le pont Jacques-Cartier était pratiquement désert et sa ville, Montréal, brillait de tous ses feux en cette soirée d’octobre étonnamment tiède pour la saison. Le toit de la Place Ville Marie lançait son éternel jet de lumière, mais ce soir dans un ciel libre de toute nébulosité. La rédactrice pigiste venait de terminer sa journée et tomba sur l’une de ses chansons préférées lorsqu’elle ouvrit la radio.
I’ve been through the desert on a horse with no name It felt good to be out of the rain In the desert you can remember your name Cause there ain’t no one for to give you no pain (Dewey Bunnel, America, 1971)
Suzanne Robin reconnaissait être un type de femme qui passe un peu à côté de sa vie. Une femme qui fait plutôt dans le « plutôt ». Plutôt châtaine, de taille plutôt moyenne, plutôt jolie et plutôt réservée. Une femme qui collectionne également les paradoxes ; qui adore la mer, mais qui ne sait pas nager ; qui aime les orages, mais qui ne s’y mouille pas ; qui a des opinions politiques acérées, mais qui ne vote pas ; qui boit, mais qui ne s’enivre pas ; qui raffole des documentaires judiciaires, mais qui ne se met jamais en danger ; qui a aimé, mais qui n’a pas joui ; qui s’endort en rêvant d’aventures et de dangers,

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