La  Secado - Tome 1
256 pages
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La Secado - Tome 1 , livre ebook

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Description

Quand Guillaume de Valray rencontre la jolie Basilia, il ne se doute pas qu'il va déclencher une vraie révolution à Ménac, petite ville provinciale prés de Narbonne. Quand Maguy, une vielle dame pleine de charme, recherche des ouvriers agricoles, elle n'imagine pas faire le premier pas pour entrer dans la famille de Valray.

Quant au comte, le père de Guillaume, il ne comprend pas encore que tout ceci va définitivement changer sa vie. Des drames se nouent, des passions se déchaînent dans un Languedoc brûlé par un soleil implacable. Les classes sociales se mêlent, se déchirent, se séparent et s'unissent sur un air de flamenco joué par de jeunes musiciens tziganes.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 10 septembre 2015
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332994530
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0067€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
CopyRight
Cet ouvrage a été composé par Edilivre 175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50 Mail : client@edilivre.com www.edilivre.com
Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction, intégrale ou partielle réservés pour tous pays.
ISBN numérique : 978-2-332-99451-6
© Edilivre, 2016
Ce tome 1 est déjà paru aux Editions Regards à Nevers en 2005.
Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé ne serait que pure coïncidence
re 1Partie
Octobre 1965. La propriété du Comte de Valray était immense. Les vendanges s’y éternisaient. Guillaume de Valray venait de fêter ses dix-huit ans. Son père n’avait pas lésiné sur son cadeau d’anniversaire. Il lui avait offert un superbe Alezan. Diam, le cheval, paraissait aussi fragile qu’un bijou de prix, mais il était tout en nerfs et robustesse. Et depuis le temps que Guillaume en rêvait ! Il descendit les escaliers en sifflotant. Il était heureux de vivre ce grand garçon brun, aux yeux d’un vert si pénétrant qu’ils ne laissaient pas les filles indifférentes. Dans le hall, le Comte de Valray faisait les cent pas. – Ah, te voilà enfin ! soupira-t-il à la vue de son fils. Je dois m’absenter pour peu de temps. Voudrais-tu faire un tour dans les vignobles dans la journée ? Il faudrait que les ouvriers produisent plus de rendement. Cette vendange n’en finit pas ! – Vous pouvez compter sur moi ! promit Guillaume. Le Comte lui tourna le dos. Guillaume en profita pour se diriger vers les cuisines. La table rectangulaire était encombrée de bocaux vides. Sur la gazinière, d’une énorme marmite bouillante, s’exhalaient de suaves odeurs de confitures. Lucile, la femme du régisseur, était assise sur un tabouret. Elle épluchait des pommes. Guillaume s’approcha d’elle doucement et, de ses longues mains bronzées, lui banda les yeux. – Guillaume, vous ne changerez jamais ! s’exclama-t-elle sans surprise. Qui d’autre au château pouvait posséder des mains aussi douces, sinon Elisabeth et Monsieur le Comte ? Mais, ni Elisabeth, ni Monsieur le Comte, n’avaient de familiarités avec Lucile. Guillaume s’assit auprès d’elle. – Lucile, je suis amoureux ! s’exclama-t-il. Lucile opina de la tête : – De qui ? De moi ? plaisanta-t-elle. Ce qui fit rire Guillaume. – Allez, allez, continua-t-elle, vous m’annoncez cette heureuse nouvelle à peu près tous les quinze jours. – Oui, mais cette fois, Lucile, c’est sérieux. – Oui je sais ! Jusqu’à quand ? Et peut-on savoir le nom de l’heureuse élue ? Elle avait vu grandir Guillaume et elle l’adorait. Lucile et Laurent, son mari régisseur, travaillaient déjà au château pour le Comte de Valray quand la Comtesse avait péri dans un terrible accident de voiture, « auprès de son amant », disait-on. On avait même ajouté qu’Elisabeth, la sœur cadette de Guillaume, ne serait pas la fille du Comte. Mais Lucile ne se mêlait jamais des bruits de couloir. Les ragots n’étaient pas pour elle. Elle respectait beaucoup trop Monsieur le Comte et sa famille. A cette époque, Guillaume qui n’avait que six ans s’était réfugié dans les jupes de Lucile, seule tendresse maternelle au château. Entre le gamin et la femme du régisseur s’était installée une complicité respectueuse au cours des années. – Qui goûtera le premier à vos délicieuses confitures, Lucile ? – Vous ne voulez pas répondre à ma question ? Je vous demande le nom de votre grand amour et vous ne songez qu’à mes compotes ! Ah ! Vous faites un bien piètre amoureux ! – Je ne puis vous le dire, Lucile. Si vous saviez, cela vous déplairait certainement. – Allez donc ! s’écria-t-elle, vous êtes libre de vos sentiments. Pourquoi faudrait-il que cela me plaise ou me déplaise ? Ceci ne regarde que vous, et Monsieur le Comte bien entendu. – Monsieur le Comte, oui, mon père ! Et c’est bien là le problème.
Lucile n’insista pas, et coupa court à la conversation. – Plutôt que de tenir compagnie à une vieille bique comme moi, allez donc rejoindre Elisabeth et ma fille, Anne, dans le parc. – Ma sœur est une gamine stupide ! Mon père m’a demandé d’aller faire un tour dans les vignobles. Il pense que la vendange tarde trop. Il n’a jamais voulu que j’y participe et, tout à coup, ça lui prend comme ça, et hop ! Guillaume, va t’occuper des vendangeurs comme si j’avais toujours fait ça ! – Vous voilà bien amer tout à coup. Allez donc prendre l’air et surveiller les vendangeurs, puisque votre père vous l’a demandé. Cela ne vous vaut rien de rester enfermé, interrompit Lucile, de peur que le jeune homme ne pousse trop loin ses réprimandes contre son père. Au dehors, le soleil s’imposa, l’éblouissant. Guillaume inspira un grand coup. Des éclats de rire mêlés à des clapotements parvinrent à ses oreilles. Elisabeth de Valray, sa sœur cadette, se baignait dans la piscine avec Anne, la fille du Régisseur. Elisabeth entrait dans sa dix-septième année. C’était une petite brune aux yeux verts, aussi envoûtants que ceux de Guillaume. Anne, était le contraire d’Elisabeth, menue et blonde. Elles avaient le même âge. Les deux adolescentes aperçurent Guillaume et le hélèrent : – Guillaume ! Guillaume ! Viens donc nous rejoindre ! – Je n’ai pas le temps, répondit Guillaume sèchement. – Allez Guillaume, ne te fais pas prier. Au château, on a toujours le temps ! insista Elisabeth. – Père m’a demandé de veiller sur les vendangeurs, consentit à répondre Guillaume. – Mais il est plus agréable de veiller sur les petites vendangeuses espagnoles, se moqua Elisabeth, en éclaboussant son frère qui passait tout près. – C’est malin ! dit-il. Anne et Elisabeth éclatèrent de rire et replongèrent d’un même élan dans la piscine. Guillaume se dirigea vers le haras. Dans son box, Diam hennissait doucement. C’était l’heure où le jeune homme et le cheval s’unissaient en une course folle. Ils luttaient tous les deux contre le vent, puissant comme une gifle, de cette région méditerranéenne. Guillaume ne pouvait se passer de ce vent chaud qui soulevait ses cheveux mi-longs bouclés. Cette sorte d’ennemi aimé lui donnait l’impression de flotter dans les airs, sans corps, comme pour un voyage astral… Ce fut un galop effréné vers la colline des amandiers, sans un regard vers Elisabeth et Anne qui se doraient à présent sur la pelouse. – Décidément, il devient de plus en plus beau ! s’exclama Anne. – Qui ? Le cheval ? s’étonna Elisabeth, qui somnolait. – Mais non, idiote ! Guillaume, ton frère ! protesta Anne. Les deux jeunes filles éclatèrent de rire pour la seconde fois et repiquèrent une tête dans la piscine.
* * *
Du sommet de la colline, Guillaume pouvait contempler toute la propriété du Comte de Valray. La moitié des vignobles lui reviendrait un jour. Pour l’instant, il ne s’en souciait guère. Il souhaitait une longue vie à son père ; en premier lieu pour son amour, sa présence, mais aussi pour se décharger de toute responsabilité. Son seul but était de vivre, vivre pleinement, sans se soucier des contraintes imposées par l’argent de son père. Les vendangeurs travaillaient vaillamment. Ils étaient nombreux. Chaque année revenaient les mêmes saisonniers. Le regard de Guillaume plongea dans la vieille vigne féconde. Les coupeuses s’activaient. Laurent, le Régisseur, sautait de l’une à l’autre à travers les rangées, se saisissant des lourds seaux de fer, regorgeant de grappes blondes, pour les vider dans la comporte qui les engloutissait, telle une énorme bouche géante. Le vent amena jusqu’à Guillaume des bribes de conversation dont il ne comprit pas le sens, ainsi que des éclats de rire. – Allez Diam, on descend ! ordonna-t-il à son cheval. Pascual, un vendangeur espagnol, avait vu le jeune patron se diriger vers eux. Aussitôt
des quolibets fusèrent. Ils étaient destinés à une jeune fille d’environ seize ans, difficile à décrire tant sa beauté s’imposait, presque violente : un profil de camée sur un corps en esquisse. C’était une belle espagnole du Sud. – Eh ! Basilia, voilà ton amoureux. – Tu as de la chance Basilia ; celui-là n’aura jamais les mains calleuses, ajouta, ironique, Antonio, un autre vendangeur. Basilia haussa les épaules et demeura silencieuse. – Ils sont complètement idiots, ces deux-là, constata Vivette, une jeune fille du village, aux allures de garçon manqué. – Crois-tu que Basilia et Guillaume se voient vraiment ? demanda, sceptique, Sylvaine sa voisine. – Mais ils s’aiment ! Ça crève les yeux ! leur apprit Fabienne, une autre villageoise. – Mais Guillaume a tort d’exposer ses sentiments à la vue de tous. Cela va certainement lui créer des ennuis, se soucia Vivette. – Quels ennuis ? tonitrua une voix trop connue derrière elle. – Oh ! mais… mais… si j’avais su que vous étiez là, derrière moi. Veuillez m’excuser, répondit-elle en rougissant. – Tu n’as pas répondu à ma question ! Quels ennuis ? insista Guillaume, furieux. Vivette avala un grain de raisin et respira un grand coup avant de répondre franchement : – Parce que Basilia et vous, vous n’êtes pas de la même classe. – Tais-toi, et dorénavant travaille sans faire des commérages. Sache que tu n’es pas payée pour me servir de conseillère matrimoniale, mais pour couper des raisins. Attention aux grains, tu en mets trop par terre !
* * *
En passant près des autres vendangeurs, Guillaume leur signifia d’abandonner leur tâche. – Eh Bien Guillaume, en voilà une façon de faire avancer le travail ! Monsieur le Comte n’apprécierait pas, rouspéta Laurent. – Tais-toi et assieds-toi auprès de moi ! ordonna Guillaume. Aujourd’hui, c’est moi le patron. Mon père ne rentrera que demain soir. Et ne me dis pas que tu n’as pas besoin d’un petit moment de détente, avec cette chaleur… Non loin des deux hommes, une femme d’une quarantaine d’années, grande, élancée, à l’allure hautaine, les cheveux, d’un noir d’ébène, emprisonnés dans un foulard de soie aux multiples couleurs, s’avança vers Basilia ; elle tendit à la fille une cruche d’eau fraîche, qu’elle but à la régalade. – ça va, ma fille ? – ça va, maman, ne t’inquiète pas pour moi. Après avoir bu quelques gorgées, Basilia cueillit une grosse grappe de raisin qu’elle posa à plat sur sa main pour l’offrir à Diam, lequel la croqua avec plaisir. – Quel joli tableau ! s’extasia Laurent. En voilà un que j’accrocherais volontiers au mur de ma chambre, si un peintre voulait bien l’immortaliser, puis ajouta : Bien que vous fassiez une énorme bêtise, je comprends qu’elle vous plaise cette gamine ! Elle est splendide. Ne dévoilez jamais son nom à Lucile, elle se ferait un sang d’encre pour vous. Vous savez qu’elle vous aime comme si vous étiez son propre fils. – Oui, je sais ! Attends-moi deux secondes, je reviens, dit Guillaume. Il se dirigea vers Basilia. Lorsque le jeune homme fut auprès d’elle, il la sentit frémir. Elle baissa les yeux. Guillaume posa la main sur son bras nu et murmura : – Tu n’es pas venue hier soir, pourquoi ? Je t’ai attendue, je t’ai attendue longtemps. Elle leva les yeux vers Guillaume : – Je crois que je ne reviendrai plus. Il faut nous quitter. – Tu n’as pas le droit de penser cela, s’énerva Guillaume, contrarié. – Je t’en prie, parle moins fort. On pourrait t’entendre, le supplia-t-elle. – Cela m’est égal ! Tu ne peux pas oublier ce qui s’est passé entre nous, dis. Tu ne peux pas !
– Il faudra l’oublier. Ce sera mieux pour nous deux. Toi et moi, c’est impossible mais restons amis, proposa Basilia les yeux mouillés de larmes. Non, je ne veux pas que nous soyons amis ! J’ai besoin de te parler, mais pas ici. Je t’attendrai ce soir au même endroit, s’il te plaît, viens, la supplia-t-il. – Je viendrai Guillaume, mais ce sera la dernière fois ; maintenant laisse-moi, je t’en prie ! On nous regarde. Après la pause, Guillaume se remit au travail avec les autres vendangeurs. – Mais, Guillaume, si Monsieur le Comte vous voyait ? protesta Laurent. – Au diable, Monsieur le Comte et ses foutaises, fichez-moi la paix ! répliqua Guillaume sèchement.
* * *
Dans la vieille demeure aménagée spécialement pour eux, après une dure journée de labeur, les vendangeurs se reposaient. La nuit commençait à tomber. Basilia jeta un châle sur ses épaules. Sa mère se retourna : – Où vas-tu, à cette heure ? – Maman ! fit Basilia comme dans une plainte. – Tu ne lui as pas parlé ? – J’ai essayé cet après-midi, mais… – Bon, va, ne rentre pas trop tard, et tâche d’en finir pour de bon, recommanda sa mère. Conchita Gomez s’allongea sur le dos, gardant les yeux grands ouverts. Décidément cette fille lui posait des problèmes. Que lui avait-il pris de s’amouracher d’un garçon aussi différent d’elle ? Elle était si belle Basilia, une vraie poupée, et si douce. En Espagne, plusieurs garçons de bonne famille l’avaient déjà demandée en mariage, mais Conchita la trouvait trop jeune. Basilia avait bien le temps. Ce Français, noble de surcroît, ne pouvait leur attirer que des ennuis ; à commencer par la perte de leur gagne-pain. « Ta fille se prépare un chemin semé de ronces », pensa-t-elle. Et elle attendit.
* * *
Guillaume caressait tendrement les cheveux blonds de la jeune fille. Il lui accrocha une de ses boucles derrière l’oreille, passant ses bras derrière sa nuque, il l’allongea sur l’herbe. Il l’embrassa. Lorsque leurs lèvres se séparèrent, il murmura : – Je t’aime Basilia, je voudrais te garder pour toujours auprès de moi. Basilia se mit à trembler de tous ses membres. Elle se sentait bien auprès de lui. Elle aurait voulu tout oublier, pour ne penser qu’à eux deux ; elle et lui, seuls au monde, un rêve merveilleux. Le garçon l’enlaça de nouveau. Ses mains caressaient sa gorge. Elle pensa intérieurement « Oh Guillaume, si tu savais combien je t’aime moi aussi, si tu savais ! Mais pourquoi n’es-tu pas n’importe qui ? Oui, pourquoi es-tu si riche ? Je hais ton argent, ton rang, ton pays, qui mettent tant de barrières entre nous ».
Les doigts du jeune homme commencèrent à dégrafer le corsage de la jeune fille, et ses mains, qui faisaient tant l’admiration de Lucile, cherchèrent un sein. Soudain, Basilia, reprenant conscience, comme mue par un ressort, repoussa le jeune homme brutalement. – Arrête immédiatement, Guillaume ! Plus jamais ! Elle se redressa. Guillaume, peiné et déçu, s’assit et alluma une cigarette. – Tu voulais me parler, je crois, lui rappela Basilia, en reboutonnant son chemisier. – Oui ! Toi et moi, j’aurais voulu que ce soit pour la vie, lui avoua-t-il sans manières. La jeune fille demeura silencieuse, avalant ces paroles comme un sirop bienfaisant. Elle s’approcha tout près de lui et posa la main sur son épaule. – C’est irréalisable, dit-elle. – Cela aurait pu être réel, si tu l’avais voulu. – Je ne vois pas comment ! – J’y ai longuement pensé, tu sais, dans trois ans je serai majeur. Si tu m’aimes vraiment
et si tu as le courage de m’attendre, j’essaierais de continuer sérieusement mes études, de décrocher un bon diplôme pour avoir une situation convenable. Je quitterai le château pour partir avec toi. Nous pourrions vivre convenablement sans dépendre de l’argent de mon père. C’était trop beau pour elle. Basilia faillit lui sauter au cou, tant cette proposition lui convenait. L’attendre trois ans, ce n’était rien. Elle était sûre de pouvoir l’attendre toute la vie. Mais, tout à coup, il lui sembla entendre la voix de sa mère prévenir : « Tâche d’en finir avec lui. Méfie-toi ! Quoiqu’il te propose, quoique tu t’imagines, il ne sera jamais vraiment à toi. Vous n’êtes pas nés l’un pour l’autre. Il te racontera n’importe quoi pour te faire plaisir, puis après, il t’abandonnera comme une catin ! » – Non ! C’est impossible ! s’entendit répondre Basilia. Toi et moi, c’est fini. Guillaume saisit la main de la jeune fille. – Je t’en prie Basilia, réfléchis ! Pour moi, c’est vraiment sérieux. Je t’aime. Je m’étais même imaginé, qu’un jour, nous pourrions avoir des enfants, tous les deux. J’aurais aimé un petit garçon que nous aurions appelé Loïc, bien sûr, si tu l’avais voulu, comme mon grand-père que j’ai beaucoup aimé. A ces mots, Basilia, la petite Espagnole, sentit sa gorge se nouer, une barre de fer lui traversa la poitrine, et des larmes qu’elle s’efforçait, en vain, de retenir ruisselèrent sur ses joues. Si Guillaume pouvait savoir ! Elle n’avait pas le droit de le lui dire. N’importe quoi ! Il te racontera n’importe quoi, pour t’avoir, comme une catin, lui avait dit sa mère. Tu pleures ? Je t’ai fait de la peine ? Pardonne-moi si j’ai dit des bêtises ! essaya de la consoler Guillaume, en passant ses bras autour de son cou. Elle le repoussa violemment en hurlant : Mais laisse-moi ! Laisse-moi ! Tu n’as pas compris ? Je te hais ! Je te hais ! Je voulais seulement m’amuser un peu avec toi pour me vanter partout d’être sortie avec un noble, moi, la moins que rien ! Je te hais ! Je te hais ! Je hais tous ceux de ta race, vous, qui croyez tout acheter avec votre argent pourri ! Guillaume retint à temps la gifle. Il la prit par les épaules et la secoua : – Dis-moi que tu mens ! Dis-moi que tu ne penses pas un mot de ce que tu viens de dire, dis-moi que tu regrettes ! Malgré les supplications du jeune homme, Basilia ne desserrait pas les dents. Il lui jeta à la figure le châle qu’il avait ramassé auparavant : – Va-t’en, traînée, l’insulta-t-il, je ne veux plus te voir ! Elle descendit la colline des amandiers. – Pardon Guillaume ! Bien sûr que je mens ! Mais il le fallait. Pour nous deux, il n’y a pas d’autre solution. Il vaut mieux nous quitter, mais je t’aime… – Basilia ! hurla-t-il, comme s’il avait pu deviner ses pensées. Surtout, ne te retourne pas ! se disait-elle malgré l’envie qui la tenaillait de retourner vers lui, et de se blottir dans ses bras. Ne te retourne pas ! Lui et moi, c’est fini ! Cela n’aura été qu’un beau rêve. Il va se dissiper au petit matin. Quand elle fut certaine qu’il ne pouvait plus l’apercevoir, elle se mit à courir. Des larmes acides ravageaient ses joues.
* * *
La journée du lendemain fut plutôt morne. Le ciel était couvert et l’air était chargé d’orage. Pascual n’avait cessé de se lamenter. Il ressentait un atroce mal de tête, dû, la veille, à une forte absorption d’alcool. Mieux valait éviter son regard pour se garder de sa foudre. Elmira, la femme d’Antonio, était venue se joindre aux coupeuses, mais son estomac la faisait toujours souffrir. Elle ne poussait que des grognements. Vivette, Fabienne et Sylvaine avaient essayé, mais en vain, de détendre l’atmosphère. Basilia, le teint pâle, les traits tirés, guettait, depuis le matin, la colline des amandiers. Son cœur s’emplit d’espoir lorsqu’à l’heure habituelle, elle vit apparaître au même endroit, Diam, le superbe Alezan, monté par Guillaume. « Mon Dieu, qu’il vienne, supplia-t-elle. Je lui demanderai pardon. Je lui dirai que je l’aime et que je suis prête à l’attendre ma vie durant ». Mais elle se reprit très vite : « Non ! Je suis
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