Le Colis de Kodjo
138 pages
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Le Colis de Kodjo , livre ebook

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Description

Le train des frontaliers français travaillant au Luxembourg est plein de vie. Celui qui relie la petite ville de Banga à Tanga, quelque part en Afrique l’est aussi. La vie est diverse, tel un caméléon, elle se pare des couleurs locales, elle s’empare des âmes, des corps et pousse tous ceux qu’elle investit à jouir de l’existence, à profiter d’elle. Elle se manifeste partout, aussi bien à Luxembourg qu’à Lubumbashi, à Lagos, en région parisienne, à Thionville et au fin fond de l’Auvergne. Comme en témoigne les personnages de ce recueil, la vie est mouvement. Elle se joue des corps, elle se joue des lieux, elle se joue du temps. Peut-elle également se jouer de l’amour ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 09 juin 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782334139595
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-334-13957-1

© Edilivre, 2016
À la France et au Luxembourg, mes deux pays d’adoption qui m’ont permis de comprendre, chacun à sa manière, que finalement, ce qui importe, c’est de rester soi-même, malgré tout. Tout le reste n’est qu’artifices.
Drame à Ikéja
Le soleil éclaire de toute sa splendeur les bâtisses décrépies de la NAF (Nigeria Air Force). Nous sommes à Ikéja, banlieue de Lagos, l’ancienne capitale du Nigeria. Il fait très chaud ; on n’a jamais vu un mois de juillet aussi torride. Et pour savoir l’heure qu’il est, point n’est besoin de regarder sa montre : il suffit de suivre des yeux le mouvement du magma humain se dirigeant soit vers les kiosques-restaurants alignés perpendiculairement à la chaussée, en amont d’ Airport Road, soit vers le parc de stationnement situé du côté opposé, où viennent se garer des camions chargés de marchandises probablement subtilisées dans les bateaux obligés d’attendre au large une place hypothétique dans le port éternellement engorgé de Lagos. Dans cet immense tohu-bohu, il faut beaucoup de perspicacité pour remarquer l’attroupement formé autour du corps d’un homme d’âge mûr qui vient d’être renversé par une voiture juste devant l’entrée principale de l’aéroport de Lagos-Ikéja.
L’homme est complètement disloqué, les entrailles exposées à la gourmandise des mouches. Malgré l’odeur nauséabonde qui se dégage de ce dépôt macabre, tous les badauds veulent le voir de près. À Lagos, cela n’a rien d’exceptionnel. Les agents de l’ordre, armés de mitraillettes, essaient de disperser les curieux. Un embouteillage monumental est en train de naître ; les automobilistes klaxonnent d’impatience. Quelques dizaines de minutes plus tard, cependant, il ne reste presque plus personne sur le lieu de l’accident. Les chauffeurs contournent la dépouille mortelle d’Innocent Olesegun. Tout le monde s’en est allé, sauf John, qui regarde avec douleur les restes de celui qui fut son père. John se souvient parfaitement de ce qui s’est passé, mais il n’aurait pas imaginé un seul instant que cela se terminerait ainsi.
Tout avait commencé trois jours avant le drame. Ce jour-là, en revenant du travail, John avait trouvé son père étendu sur une natte dans le petit jardin attenant à leur maison située à Oshodi, l’un des quartiers les plus boueux de Lagos. Il l’avait salué et s’était dirigé vers sa chambre. Quelques minutes plus tard, il était ressorti vêtu d’un short et s’était couché sur la natte à côté de son père. Il faisait très chaud dans la maison ; on était mieux dehors. De temps en temps, un vent lourd soufflait, chargé de senteurs tantôt agréables, tantôt malodorantes.
« Je voudrais te parler, papa », dit John à son père. Ce dernier se retourna vers son fils et lui fit comprendre, par un signe de la tête, qu’il l’écoutait.
– Je veux partir d’ici, père.
– Tu peux partir où tu veux à condition de ne pas rentrer trop tard, car comme tu le sais aussi bien que moi, Oshodi n’est pas un quartier très sûr la nuit. Et puis quoi encore ? Je ne t’ai jamais défendu de sortir !
– Bien sûr que non, père, mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit. Je voudrais m’en aller d’ici. J’ai l’intention d’aller m’installer à Ibadan.
– Où ? Ibadan ? s’écria Innocent en écarquillant les yeux.
– Oui, papa. Ibadan, répondit tranquillement John.
– Mais pourquoi ? Pourquoi veux-tu partir ? Pourquoi Ibadan ? Qu’y feras-tu ? De quoi s’agit-il au juste ?
Les questions sortaient en cascade de la bouche d’Innocent, qui avait du mal à contenir sa surprise. Il sentait sourdre de son âme un sentiment étrange fait de colère, d’angoisse et de tristesse mélangées. Il était impatient d’entendre les raisons qui poussaient son fils à le quitter si brusquement. Et pourtant, il ne se souvenait pas d’avoir eu un quelconque accrochage avec lui. Depuis que son épouse était morte et que ses deux aînés étaient partis s’installer l’un aux États-Unis d’Amérique et l’autre en Zambie, il y avait quelques années de cela, Innocent avait dirigé tout ce qui lui restait de tendresse, d’affection et d’amour vers John, qui était ainsi devenu sa seule raison de vivre. Ils habitaient tous les deux cette vieille maison à moitié achevée qu’Innocent avait fait construire à une époque où il gagnait suffisamment d’argent pour se le permettre.
John resta muet. Innocent répéta sa dernière question.
« Père, te souviens-tu de Stella ? » murmura John en direction de son père.
– Ta petite amie ? Mais au fait, qu’est-elle devenue ? Cela fait un bon bout de temps que je ne la vois plus. Que vient-elle faire dans cette histoire ?
– Eh bien, père, maintenant, écoute-moi bien, dit John pour éveiller l’attention de son père.
Après un court moment de silence, John reprit :
– Stella habite avec sa famille à Ibadan, où son père exploite un commerce très prospère. Elle a rejoint ses parents depuis deux semaines déjà. Je suis très heureux avec toi, père, mais j’ai 23 ans et j’estime qu’il est temps pour moi de commencer à penser à mon avenir. D’ailleurs, je crois bien qu’à mon âge, tu étais déjà marié et père de deux enfants. L’heure a sonné pour moi de me réaliser en tant qu’homme. J’ai décidé d’aller vivre à Ibadan. Près de toi, je resterai toujours un enfant. Je ne pourrai jamais m’épanouir et me confronter aux difficultés réelles de l’existence. Rester ici, à Lagos, ne ferait que m’embourber davantage dans la médiocrité. Malgré nos deux salaires réunis, nous vivons très difficilement. Il arrive souvent que tu sois obligé d’emprunter de l’argent pour que nous puissions joindre les deux bouts. À Ibadan, je pourrai me faire une belle situation et tu pourras venir m’y rendre visite quand tu voudras, aussi souvent que tu le voudras. L’air de Lagos ne me réussit plus. La seule raison qui me retenait ici, c’était Stella. Maintenant qu’elle est partie, il ne me reste plus qu’à en faire autant.
Innocent prêta une oreille attentive au discours de son fils. Les yeux mi-clos, il rumina pendant un moment ce que John venait de lui dire. Après un long moment de silence, il se décida enfin à lui répondre :
– Tout cela est très beau, mon fils, mais as-tu pensé aux difficultés que tu ne manqueras pas de rencontrer en essayant de te tailler une place au soleil dans cette ville pourrie d’Ibadan ? Où habiteras-tu ? Ne me dis surtout pas que Stella t’hébergera à l’insu de son père ! Je ne connais pas personnellement M. Ekolo, mais la vanité qu’il semble tirer de sa fortune a depuis longtemps franchi les limites de la ville d’Ibadan. Je crains que tu n’ailles au-devant de gros ennuis. Tu me disais tout à l’heure que tu voulais te réaliser en tant qu’homme ; tu devrais donc savoir qu’un homme ne doit jamais se laisser mener par le bout du nez par une femme ! Si tu tiens tant que cela à cette fille, je suis prêt à aller en discuter avec ses parents. Vous vous marierez comme le veut la coutume et vous vivrez dans cette maison, que vous arrangerez à votre goût. Je me ferai très discret et s’il le faut, j’irai louer une petite chambre ailleurs pour vous laisser en paix. Mais dis-moi, John, comment se fait-il que l’air que tu as respiré pendant vingt-trois ans te soit devenu tout à coup exécrable ?
– Père, pourquoi ne veux-tu pas me comprendre ? se plaignit John. Stella et moi avons envie de partir depuis longtemps, mais nous avons voulu prendre le temps de passer en revue toutes les possibilités qui s’offraient à nous. Si nous avons choisi Ibadan, ce n’est pas parce que les parents de Stella y habitent, même si cela n’est pas pour nous déplaire. C’est tout simplement parce que cette ville est en pleine expansion et qu’on peut s’y faire une situation beaucoup plus facilement que dans d’autres villes du Nigeria.
– Ah bon ? Qu’est-ce que tu en sais ? interrogea Innocent.
– Stella me l’a écrit, répondit tranquillement John.
– Tu aimes tellement cette fille que tu prends pour argent comptant tout ce qu’elle te dit ! Ne comprends-tu pas qu’elle ne cherche qu’à t’avoir auprès d’elle ? hurla Innocent.
– Mais papa, c’est tout à fait normal qu’elle cherche à m’avoir auprès d’elle, puisqu’elle m’aime, répliqua John d’un ton exaspéré. Et toi, ne cherches-tu pas à me retenir près de toi malgré moi ?
En entendant cette dernière phrase de son fils, Innocent sentit le courroux qu’il couvait depuis si longtemps exploser dans son ventre comme un volcan qui se met brutalement en éruption. Il se leva et lança à son fils, d’un ton furieux :
– Continue sur ta lancée, vas-y ! Traite-moi de vieille canaille, pendant que tu y es ! Tu n’es qu’un petit ingrat. Oser me traiter d’égoïste, moi qui ne cherche que ton bien ! Me parler sur ce ton pour le seul tort que j’ai de vouloir t’empêcher de commettre une bêtise qui pourrait avoir des répercussions fâcheuses sur ta vie ! Puisque tu ne veux pas entendre raison, je te défends d’aller rejoindre cette fille. S’il t’arrivait quelque chose, c’est moi qui devrais rendre des comptes à toute la famille ; tes oncles, tes tantes, tout le clan de ta mère viendrait me demander pourquoi je t’ai laissé partir. Je prends donc mes responsabilités et je t’interdis d’aller à Ibadan, en vertu de l’autorité ancestrale que j’ai sur toi et au nom de ta pauvre mère qui, si elle était vivante, aurait sans doute été du même avis que moi. Si tu oses me désobéir, tu n’auras à t’en prendre qu’à toi-même. Je prends les aïeux à témoin et je décline toute responsabilité quant aux conséquences de ta désobéissance sur toi et ta descendance.
Innocent fit signe à John de quitter la natte, qu’il enroula et cala sous son aisselle. Il se dirigea ensuite vers la maison. John regarda faire son père, le cœur lourd. Il avait un peu pré

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