Le regarder en face
279 pages
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Le regarder en face , livre ebook

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Description

"Son esprit vagabonda et s'égara loin dans ses souvenirs. Ses ébats récents, les insultes, sa première fois... Les coups, les humiliations, l'incendie, ses cicatrices, sa laideur..."


Quand le passé forge un présent sans bonheur, que les regards dévisagent ou se détournent, que l'isolement s'impose peu à peu et que les confidences atroces d'une amie contraignent à taire les sentiments éprouvés pour elle, il ne reste guère de choix. Pour Eliott, trentenaire défiguré et harcelé dans l'enfance pour son physique, la rage et la frustration grandissent ; le sport et les prostituées s'imposent comme exutoires.


Jusqu'au jour où il sauve Amy.


Que feriez-vous si vous rencontriez les bourreaux de votre passé ?


Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 20 mars 2022
Nombre de lectures 2
EAN13 9782493499141
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

MARINA CARRIEU
 
 
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Crédits
 
Tous droits réservés
Couverture réalisée par @Belfanti-Gentil Elodie
Correction et relecture par @Farida Oreilly  
Édité par : Évasion Éditions
 
 
 
 
 
ISBN ebook : 978-2-493499-14-1
Dépôt légal : 03/2022
 
 
 
 
 
 
 
 
 
©Évasion Éditions
Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l'auteur ou de ses ayant cause, est illicite et constitue une contrefaçon, aux termes des articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
 
Prologue
 
Qui que nous soyons et quelle que soit notre vie, nous sommes tous forgés par nos actes et nos décisions, par les événements qui ponctuent nos existences et les traces que nous en conservons.
Les pieds profondément ancrés dans le présent, nous ne craignons pas de musarder longuement et d’explorer notre mémoire. Nous y devinons évidemment certains souvenirs que nous brandissons sans hésiter, le sourire aux lèvres et l’œil pétillant. Fiers et heureux de les dévoiler ! Nous les racontons avec recul et légèreté à qui veut bien les écouter. Les vestiges de notre vie qui se révèlent tristes ou honteux sont remisés sans pitié au fin fond de notre esprit. Nous les ravalons, les ignorons au mieux de nos capacités ou les utilisons pour nous construire et avancer, parfois des œillères au coin des yeux. Nous nous complaisons tout naturellement dans notre bulle hermétique et solide à recouvrir ces pans de notre existence par des événements beaucoup plus agréables.
En revanche, pour les plus fragiles, les outragés, les haineux et les victimes, ceux dont la vie est suspendue, ceux dont les souvenirs plus lourds et graves hantent et paralysent, il s’avère difficile de prétendre à la paix. Aucune prise de recul n’est possible, aucun recouvrement, aucun contrôle. Leur bulle fine, fendillée et construite maladroitement dans le déni ou le refoulement, menace de se rompre au moindre mot, rencontre ou sensation en résonance avec leur douleur.
Et si un jour cette situation se présente, inattendue par sa violence et ses effets, toute leur vie basculera. La paroi fissurée les révélera démunis et privés d’armure, emplis de larmes et de nausées, de rage et de dégoût. Face à cette terrible réalité, ils n’auront ainsi plus guère de choix. La boîte de Pandore ouverte, aucun retour salvateur ne sera envisageable et la lutte pour ensevelir à nouveau sera vaine. Ils ne contrôleront finalement plus rien. Ils devront inexorablement redresser la tête, car feindre l’ignorance et nier encore constitueraient une regrettable erreur. Regarder en face ce regret, ce stigmate, cette marque au fer rouge dictant leurs actes du présent deviendra dès lors une obligation et une voie à sens unique pour qu’il ne les ronge plus.
Les plus sages, les plus patients sûrement, les plus valeureux, mériteront de s’alléger et de pardonner au terme d’un long chemin chaotique dans les méandres de leur mémoire. Une vie sereine leur ouvrira les bras avec grand plaisir !
Les autres ne voudront en aucun cas en entendre parler et ne courront qu’après leur vengeance. Vous savez, pour reconnaître dans les yeux de celui mis à genoux cette détresse jouissive et délicieusement espérée. Un pied écrasant le dos de leur bourreau d’antan et les poings levés, s’afficher si victorieux et fier !
Entre ces deux alternatives que sont le pardon ou le châtiment pourtant, le vide et l’immobilisme.
Choisir la première ou la seconde ne saurait admettre de jugement. La décision ne dépend en effet d’aucune volonté consciente, mais bien des tripes qui s’expriment.
Chacun agira pour le mieux, pour soi, pour se sauver, survivre, s’affranchir, respirer, avancer, et saisira les opportunités offertes pour reprendre les rênes bien en mains, quel qu’en soit le prix…
 
Chapitre 1
 
FRASERBURGH, village à l’est de l’Écosse, juillet 1989.
 
Aucun souffle n’agitait les champs s’étendant des maisons jusqu’à la mer. Pas un nuage n’osa éclipser la puissance du soleil. Cette année, la canicule pesa ardemment sur les tuiles, les végétaux et les épaules des habitants. Quand l’astre brûlant tira sa révérence inéluctable et annonça la nuit salvatrice, la chaleur s’apaisa enfin. Mais dès le lendemain, la vengeance fut féroce et les méfaits poursuivis avec hargne ! Les rues étouffantes se vidèrent et se turent. Les écoliers se murèrent expressément dans leur classe, les ouvriers, les femmes et les retraités vaquèrent à leurs occupations à l’abri des façades hermétiques de leur atelier ou de leur salon. Les épis d’orge, indispensables à la fabrication du whisky, séchèrent sur pied et leurs grains ne s’éparpillèrent plus sous les assauts des corbeaux et des palombes, habituellement à voleter dans les airs tout en légèreté et danses endiablées. En revanche, les branches du chêne de la place centrale comptèrent de nouveaux parasites bruyants ayant abandonné le ciel ! Et le moindre banc, tronc ou grillage se para d’une ombre étrange et mouvante !
Mais dans quelques minutes, à seize heures, un évènement quotidien contraindrait les volatiles sombres à rejoindre les toits ensoleillés. Une nuée d’enfants débordant d’énergie les pourchasserait jusqu’à épuisement.
La sonnerie de l’école élémentaire retentit avec effroi. Les oiseaux écarquillèrent leurs yeux et frémirent.
Le portail gris de l’enceinte grinça, les ailes battirent lourdement la poussière.
Un flot d’élèves se déversa bruyamment et les corbeaux s’envolèrent maladroitement avant d’être piétinés ! Ils se réfugièrent aussitôt sur les hauteurs, à l’abri… Certains croassèrent, d’autres se terrèrent sous les tuiles, les derniers enfin observèrent les écoliers s’éparpiller, et plus particulièrement deux d’entre eux rejoignant précipitamment le banc sous le chêne.
Les deux enfants coururent, se bousculèrent, les coudes en avant ! Aucun ne voulut céder sa place ! Une course à l’enjeu vital sembla faire rage.
Elle dura, intense, les quelques secondes qu’il fallut pour parvenir jusqu’à l’arbre, et se solda par la victoire du plus petit. Âgé de douze ans et coiffé d’une mèche recouvrant la moitié de son front, Duncan leva aussitôt les bras et tira la langue à son concurrent. Plus grand mais plus jeune de deux ans et les cheveux frisés, Craig, trop essoufflé pour lui répondre, s’écroula immédiatement sur le banc. Ils se remémorèrent leur journée en balançant les pieds à l’unisson, avec des gestes amples, mimiques et rires sonores.
Tout à coup ils se figèrent, le torse droit, les vêtements défroissés expressément et la sueur au front épongée discrètement. Le sérieux reprit ses droits.
Une petite fille blonde se dirigeait vers eux en sautillant.
— Brooke, tu l’as vu ? s’enquit avec hâte Craig.
— Qui ? répondit-elle, naïvement.
— Le Corbeau, bien sûr !
Elle secoua la tête et s’assit entre eux en se tortillant.
— On va l’attendre ici, ordonna Duncan.
— Moi, je veux aller jouer au silo ! regretta-t-elle.
— Chut… On l’attend et pas question de le louper, cette fois.
Cinq mois auparavant, surpris alors qu’il courait après les volatiles en imitant joyeusement leur croassement, un garçonnet de six ans éveilla l’intérêt de ces deux écoliers. Une curiosité insatiable à laquelle il se serait volontiers dérobé. Une marotte malsaine et perfide, gorgée de railleries blessantes et de blessures humiliantes. Une obsession aux conséquences graves et indélébiles. Pour une angoisse au corps et un surnom ridicule et insultant, collé dans le dos quotidiennement.
Le Corbeau naquit ainsi, recouvrant de ses ailes noires le pauvre Eliott.
Chaque récréation voyait les index pointer vers lui, chaque repas au réfectoire ajoutait inlassablement une plume sombre à son costume bien trop pesant. Chaque trajet vers sa maison anéantissait ses espoirs de ne pas capituler sous leurs coups au ventre et à l’âme. Jour après jour cependant, et malgré son énergie mise à mal, Eliott émergeait des champs d’orge dans lesquels ses tourmenteurs s’évertuaient à l’y maintenir. Il encaissait, réfléchissait, ruminait. À la longue, des stratagèmes afin de se soustraire à leur vigilance furent imaginés et éprouvés.
Le plus efficace d’entre eux ?
Se cacher dans l’enceinte de l’école et attendre… attendre jusqu’à n’en plus pouvoir, trop impatient de retrouver son foyer à son tour ! Hier, quinze minutes suffirent à émousser leur patience. La quiétude lui ouvrit ainsi les bras en toute légèreté ! Quel délice de sautiller sur le chemin terreux sans les entendre derrière lui, l’esprit enfin au repos !
En cette fin d’après-midi, il souhaita ardemment le même résultat, enfermé depuis presque une demi-heure dans les toilettes. À sentir la puanteur âcre de l’urine des autres, les yeux irrités et la nausée au corps, il dégourdit ses jambes longuement sollicitées et repliées sous lui. Il se frotta les mains. Des gouttes de sueur perlèrent à son front tout à coup. Son cœur accéléra et se prépara à l’action.
Il entrouvrit la porte des sanitaires en veillant qu’elle ne grince pas et y glissa la tête avec précaution. Sur la pointe des pieds d’abord, il progressa lentement dans le dédale de couloirs qu’offrait cet établissement. Des kilomètres même, quand on ne mesure qu’un mètre vingt et que les enjambées sont minuscules ! Il marcha droit. Se concentra. Un craquement derrière le fit tressaillir. Il se ramassa. Une ombre d’arbre surgit devant lui, tels ses ennemis. Il suffoqua. Longer longuement les classes dans la crainte que les portes s’ouvrent lui souleva tant l’estomac qu’il s’y agrippa dans l’espoir de ne pas rendre.
Ses pas claquèrent plus vite le carrelage moucheté et le conduisirent à la première intersection. Il vira à gauche. Son cœur frappa de plus en plus fort, réclamant un

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