Les Grilles de ma maison
98 pages
Français

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Les Grilles de ma maison , livre ebook

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Description

La présence et l'absence, où sont-elles réellement ? Comment comprendre la perte de l'autre ? Comment le remplacer, si ce n'est par son leurre ? L'amour demeure un grand mystère, quel que soit son sexe, quelle que soit la personne aimée, que ce soit pour un temps ou pour une vie entière... Les Grilles de ma maison pointent cette carence, profondément ancrée en nous, et posent d'éternelles questions indissociables : qui suis-je ? Qui est l'autre ? Qu'est-ce que j'attends de lui et comment me rendra-t-il ce que je crois lui avoir donné ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 28 septembre 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342056181
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Les Grilles de ma maison
Dominique Choulant
Mon Petit Editeur

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Mon Petit Editeur
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Les Grilles de ma maison
 
1. On s’est trompé d’histoire d’amour, on dirait…
L’homme qui est dans mon lit n’a plus vingt ans depuis longtemps. Il a cinquante et un ans, et moi quarante-neuf. Lui se prénomme Hugo, et moi Louis. On est ensemble depuis un peu plus de quatre ans à présent. On est ensemble sans l’être vraiment. Non, pas du fait qu’on a chacun notre appartement, distancés l’un de l’autre par deux stations de Vélo’+, ce qui suscite toujours les mêmes commentaires : « c’est mieux comme ça. » Car nous pouvons nous voir presque tous les jours et éviter ainsi la routine du quotidien, tout en ne nous empêchant pas de dormir souvent en couple chez l’un ou chez l’autre. Et si, à dire vrai, ni lui ni moi n’avons des affaires de lui ou de moi chez lui ou chez moi… ça ressemble bien à une relation établie et assez sérieuse. Mais il y a un bémol d’importance : je souffre qu’il me ferme une partie de sa vie… Il ME cache… et il SE cache… C’est-à-dire que je ne connais ni ses amis ni sa famille. Lui, connaît mes amis et ma famille.
Du côté de chez moi, nous formons un couple.
Du côté de chez lui, il a fait son coming out auprès de son cercle amical mais non familial. Par ailleurs, je sais qu’il a parlé de moi à certains de ses amis, et donc certains d’entre eux savent qu’il n’est pas célibataire. Bref, pour les uns et pour les autres, la curiosité n’est pas leur fort. Comment peut-on ne pas s’intéresser à la vie sentimentale de quelqu’un qui nous est proche et que nous aimons ?
Ça me dépasse !
Dois-je me méfier d’un tel individu ? Non, car je l’aime. Et il n’a pas honte de moi, détrompez-vous. Il veut uniquement que je reste « secret » afin d’être seul à souffrir si je venais à sortir de sa vie d’une façon ou d’une autre. Rien de plus. Et ce n’est pas : l’un partage, l’autre pas ; ni l’un donne, l’autre prend. Cela dit, cela n’en demeure pas moins une attitude prétendue « bizarre » par quelques personnes de mon entourage. Moi, je ne le pense pas. Je le sais sincère. C’est une belle âme. Je ne doute donc pas un seul instant de son amour à mon égard. Il ne joue pas avec moi, et je ne suis pas « son plan cul ». Il me dit « Je t’aime », et il me fait comprendre que je lui manque quand je ne suis pas là. Et quand nous sommes ensemble, nous sommes totalement disponibles l’un pour l’autre. En contrepartie, je reconnais un manque constant de Hugo, je subis cette situation alors que j’aimerais un jour vivre dans notre maison, celle que l’on aura choisie ensemble.
Alors ? Alors n’y touchez pas. C’est un homme qui a beaucoup souffert. Trop, probablement. Je n’en dirai pas davantage. Non, je n’en dirai pas plus par respect pour lui. C’est son histoire. Ne riez pas : il est la pudeur faite homme.
Seulement à la longue, même si je m’y fais quelque peu, ce n’est pas une situation confortable… et, avec le temps, bien malgré moi, un déséquilibre s’installe dans notre relation. Et je ne peux empêcher que l’on vienne me dire : « Un jour ou l’autre, ça va poser un problème ! » D’où des questions pernicieuses qui viennent tarauder mon esprit, ébranlé. Lesquelles ? En voici quelques-unes, essentielles :
— N’est-il pas important, pour bâtir une relation de couple, de faire partager son univers à l’autre ?
— Est-ce que je perds mon temps avec quelqu’un qui ne désire pas la même chose que moi ?
— Dois-je préserver mon cœur ?
— Me suis-je trompé d’histoire d’amour ?
Que nenni !
Pour l’heure, je me dis que je dois faire confiance à la vie comme j’ai toujours fait, et que, jusque-là, tout va bien. Enfin, presque… Puis il me revient l’image de papa Léon, un père attentif, présent et placide. Il « sentait » les gens à la seconde même où il les voyait. Seulement il a le tort de n’être plus là.
2. «   Louis   »
— Ne t’inquiète pas, me répondit Paul, mon frère, le docteur est confiant. Je vais prendre l’Eurostar ce soir. Je serai à Autheuil-Authouillet demain matin. Je te téléphonerai dès mon arrivée.
Mon frère est à Londres pour accompagner sa cadette, Anne, au jubilé de diamant d’Elizabeth II.
Maman va très mal depuis six semaines. Paul, qui était aussitôt venu à Autheuil-Authouillet, l’avait trouvée faible, parlant difficilement. Elle ne s’exprimait plus que par mots simples : eau, soupe, téléphone, mouchoirs en papier.
J’ai un horrible pressentiment.
Le lendemain, rien n’allait plus.
Ce lundi 4 juin, Paul est arrivé à 9 heures 30 à Autheuil. Madame Raymonde, la gouvernante, l’attend sur le perron de la maison. Elle est bouleversée. Elle le laisse monter directement à la chambre de Madame Edwige, sa patronne depuis trente-sept ans. Au départ, Madame Raymonde avait été engagée comme cuisinière. Mais dès la première semaine, car elle est très méticuleuse, elle avait voulu s’emparer de l’aspirateur qui aurait dû être rouillé puisqu’on ne l’utilisait jamais. Maman, occupée à faire la vaisselle, avait surgi de la cuisine, un torchon à la main, vêtue de sa tenue favorite, une longue chemise d’homme blanche qui lui servait aussi de chemise de nuit, les cheveux dans la figure, traînant aux pieds des savates avachies.
— Madame Raymonde, je ne vous ai pas engagée comme femme de ménage…
— Il y a trop de poussière ici. Je ne peux pas le supporter…
— Si cela vous amuse tant, vous ferez le ménage, mais quand je sortirai !
Et depuis cinq ans, maman avait décidé de ne plus sortir et de ne plus voir personne. Elle ne recevait donc plus de visite et ne mangeait pratiquement plus rien. L’effritement de sa vie sociale s’est fait petit à petit, au fur et à mesure de ses déceptions.
La plus grande déception de la vie de maman est venue alors qu’elle caressait le rêve de devenir l’épouse d’un homme en vue au village. Oui, elle espérait secrètement que cet homme finirait par divorcer, jusqu’au jour où la femme de celui-ci lui a demandé de cesser d’humilier ses enfants en s’affichant publiquement avec son mari, ajoutant que maman serait responsable si elle faisait d’eux les victimes d’un divorce. Propos élémentaires certes, mais authentiques.
Une entrevue qui a conduit maman à prendre l’une de ses plus grandes décisions. Elle a téléphoné au mari en question pour lui annoncer qu’elle avait pris la résolution d’avorter en secret, à Paris. Une nouvelle assommante pour cet homme qui rétorqua aussitôt : « Certaines choses ne doivent pas exister. »
À l’étage, Paul prend maman en main. Il la transporte de sa chambre au salon, au rez-de-chaussée. Il la pose sur une méridienne placée devant une porte-fenêtre ouverte donnant sur le jardin avec, au bout de l’allée, les grilles de la maison.
Madame Raymonde glisse à Paul que la veille, « Madame Edwige » a eu une attaque d’hémiplégie. Ce que le médecin de famille s’était bien gardé de lui dire au téléphone afin de le préserver jusqu’à son retour.
Dans l’action, Paul fait débarrasser le matelas, souillé, que maman ne quittait plus. Depuis trois jours elle n’avait laissé pénétrer personne dans sa chambre, hormis le docteur. Elle était alors trop faible pour protester. Paul a de la peine pour nous deux : on l’a découverte ainsi dans sa crasse ultime, stigmatisant au passage ses deux fils absents, qui l’ont négligée « jusqu’à la mort »… Elle qui les aimait tant.
À 10 heures 30, le docteur est arrivé. Il l’examine et ne semble pas trop inquiet. Sa tension est bonne : douze. Le pouls est régulier. Mais elle tousse par intervalles…
Paul lui demande si elle veut qu’il me téléphone. Elle secoue la tête qui fait : « Non. » Il commande alors un nouveau matelas par téléphone.
À 13 heures, Madame Raymonde lui donne un quart de bol de soupe et de l’eau avant de la laisser seule, se reposer.
À 14 heures 30, maman appelle Paul. Que veut-elle ? Me téléphoner ? Elle hoche la tête : « Oui. » En mode silencieux, je suis aux abonnés absents, trop absorbé par mon travail. Paul lui cale la tête sur l’oreiller de la méridienne et sort de la pièce pour fumer une cigarette au jardin. Madame Raymonde reste auprès de maman afin de veiller sur elle, tout en préparant un bouquet de fleurs, apportant de la vie à l’intérieur. Il faut dire qu’en toutes circonstances, Madame Raymonde apporte un soin tout particulier à ce que la maison soit accueillante.
Environ un quart d’heure plus tard, Madame Raymonde crie à mon frère : « Je crois qu’elle est morte ! » C’est vrai. Maman est jaune. Sa tête légèrement en arrière. Paul vérifie le cœur, il ne bat plus. Il lui ferme les yeux, restés grands ouverts.
Son premier appel est pour moi.
Le dernier mot de maman fut pour moi : avant qu’elle ne s’endorme, Madame Raymonde l’a entendue murmurer : « Louis… »
3. Les grilles de ma maison
Ma mère est morte. Pour la première fois, elle me manque à vif. C’est un sentiment étrange, indéfini. Une douleur sourde, nouant la gorge.
Le « vertige » est là ! Il provoque en moi une émotion brutale et profonde.
En discuter avec Hugo ne me soulagerait pas. Car ce qui est obscur demeure impénétrable. Je ne sais plus la différence entre ce qui s’est passé il y a dix minutes et ce qui s’est produit il y a trente ou trente-cinq ans. Si je ne savais pas que l’on peut être plusieurs personnes à la fois, je commencerais à le comprendre. Puis, tout se révolte. La solitude est une chambre noire, où tout se confond.
Je suis orphelin.
Hugo me donne un coup de fil. Madame Raymonde lui a appris la funeste nouvelle.
— Hugo, j’ai tellement plus fait pour nous deux q

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