Les Parenthèses inachevées
190 pages
Français

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Les Parenthèses inachevées , livre ebook

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Description

« Guillaume s'assit au vaste comptoir de zinc et patienta avec un verre de Monbazillac désireux de désinhiber son anxiété dans un vin volage et irrévérencieux. L'enveloppe tannique se prolongeait dans une symphonie de saveur en quatre mouvements. L'esthétique du plaisir se déploya sous la forme d'une sensualité sonore. L'érotisme de leur seconde rencontre s'amorça par la résonance de talons sur le sol carrelé du restaurant, un écho qui se propageait au rythme d'un claquement pressé. Un impact trop emporté pour une paire de ballerines et trop aérien pour un talon compensé. Guillaume imagea une paire d'escarpins. » Guillaume, quadragénaire conventionnel et discipliné, pétrit son quotidien avec orgueil, s'arrange de ses obsessions, compose avec ses contretemps et s'accommode de son existence. Sa rencontre avec Camille l'emporte comme une vague à contresens, violente et imprévisible. Il choisit un chemin peu emprunté et, au carrefour des incertitudes, prend le risque d'aimer. L'infinité des possibles lui appartient. Soudain, sa condition vacille, les regards se percutent et les illusions s'étiolent, sacrifiées sur l'autel de la réalité. Au fil des jours, sa vie chausse les bottes de l'amertume et des indifférences. Guillaume trébuche et se casse la gueule dans le fossé des sentiments. Et puis, comme une douce impertinence, il décide de se relever en bordure de piste, juste à côté de lui-même, vers une nouvelle parenthèse...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 16 mars 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342049626
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0075€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Les Parenthèses inachevées
Jérôme Heilikman
Mon Petit Editeur

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Mon Petit Editeur
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Les Parenthèses inachevées
 
 
 
À ceux qui contiennent ma vie abreuvée d’insouciance, capitonnée d’inconstance…
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Chapitre 1.
 
 
 
1
 
 
 
Guillaume grignotait des morceaux de vie, ancré dans un bloc de détermination. Il empruntait des itinéraires détournés. Il s’échappait de la route rectiligne et gravillonnée au profit de sentiers terreux parsemés de marécages hostiles, prédisposé à voir le jour dans la difficulté. Il rejetait la facilité, trop conformiste. Une quarantaine d’années auparavant, une unité de soins intensifs l’accueillait en grand prématuré. Au seuil de son histoire, la médecine le condamnait à ne jamais devenir homme. Il refusa de leur donner raison. Pour la seconde fois, il saisissait l’inaccessible sans permission, avec désinvolture et égoïsme. L’organisme en transit, il luttait contre la résistance de cet état végétatif et combattait cette force intérieure qui annihilait sa vie, le cloîtrait dans une obscurité insondable, un cheminement dans l’inconnu, incolore et inodore, incapable de communiquer, solitaire entre l’absence et son silence, les paupières scellées et le corps inerte, suspendu à une conscience minimale.
Le corps médical réduisait graduellement le dosage des sédatifs pour amorcer son réveil. Vers la fin du mois de décembre il émergeait de sa vie souterraine par cycle de deux minutes puis replongeait dans les abysses de son égarement. Une course effrénée contre le temps à califourchon sur la trotteuse de sa conscience. Cent vingt secondes de renaissance pendant lesquelles il scrutait un signe distinctif, un claquement de pas, un grincement de porte ou un roulement de chariot. Son repère salutaire fut une emprise moite et tenace, de chaudes ondulations qui lui brûlaient la peau et hérissaient ses poils. Cette main pressait son bras avec application, dans une douceur épaisse, onctueuse et diffuse. Au fil des jours, le cycle des minutes s’allongea et il discerna des tourbillons de lumière, un fourmillement de blouses amidonnées, rigides et autoritaires. Enfin, ce fut une silhouette striée, des contours flous et un voile opaque. Deux ellipses papillonnaient. Le halo étincelant se circonscrivit en contours plus marqués. Ses yeux embrumés discernèrent des boucles chamarrées, une esquisse anguleuse, des traits émaciés, des sourcils ombrageux, un nez retroussé et des yeux acérés qui obligeaient les siens à se balader dans les à-côtés.
Le dos cambré, elle réajustait sa mèche et les perfusions de Guillaume. Ses lèvres se fendaient d’un sourire, mais se retenaient de tout commentaire. Son stéthoscope oscillait comme un pendule entre ses épaules. Le regard de Guillaume aimanté par cette poitrine impertinente, glissa vers le caducée brodé sur son sein gauche. Il reconnut les cinq lettres plastifiées et se souvint de son premier concours de piano vers neuf ans, propulsé sous les feux de la rampe, au-devant d’une scène qui commandait les incertitudes, conscient des falaises abruptes qui plongeaient de part et d’autre de son espace exigu, sans filet de sécurité, empêtré dans une fragilité indomptable. À nouveau, il se trouvait orphelin de sa confiance, gagné par une appréhension inextinguible. Il rassembla son esprit, contracta les muscles de son visage, esquissa un sourire et s’abandonna dans cette élégance d’imperfection.
 
 
 
2
 
 
 
Douze mois plus tôt, Guillaume fendait la foule amassée aux portiques de protection et observait le clignotement du panneau lumineux qui informait l’approche imminente du prochain métro. Une ultime vague d’affluence satura le quai au rythme des annonces de pickpockets et d’accidents voyageur. Contraint d’emprunter les transports en commun pour se rendre au Conservatoire national supérieur de Paris, Guillaume exécrait les couloirs interminables du labyrinthe souterrain, ses néons blafards, les remugles âcres de moisissure, les sillages d’emploi excessif de parfums capiteux et de caoutchouc brûlé. Obsessionnel compulsif, il souffrait d’oppression aux heures de pointe, ballotté par le tohu-bohu des rames vétustes, préférant jouer les équilibristes pour éviter tout contact avec la barre poisseuse de la présence de millions d’usagers. Il s’asseyait sur un strapontin élimé par le frottement de séants hasardeux et se recroquevillait contre une vitre poussiéreuse pour tenter d’asseoir un minimum d’espace vital entre son costume de lin et le ventre bedonnant d’un quinquagénaire mastiquant la pâte feuilletée de son croissant suintant de beurre. Il faisait l’impression d’un ruminant au milieu de gras pâturages. Au fil des stations, la Cour des Miracles l’accueillait, une horde de manouches le poursuivait en implorant sa clémence, une pétition indéchiffrable à la main. Faussement replié dans ses pensées et harnaché à son porte-documents, il esquiva leurs lamentations, appuya un regard antipathique et s’engloutit dans une masse sombre et pestilentielle en direction de la Porte de Pantin. Durant le trajet, rétréci sur lui-même, la respiration au ralenti, la mallette pressée entre ses jambes, la paume arrondie et les doigts incurvés, il chatouillait discrètement le vide en imageant l’alignement des touches zébrées du piano. La confidentialité de son geste avait un avantage indéniable, il lui permettait de vivre pleinement cette évasion, dans son petit coin, seul entre son intimité et ce monde empressé. La bouche du métro le régurgita après trente-sept minutes de trajet. Sur le front de l’avenue Jean-Jaurès, l’architecture du conservatoire ondulée dissimulait un cloître attenant aux salles de cours, un alignement de cours arborées et de croisements de verrières. Guillaume patienta, accoudé à la balustrade du patio intérieur, et grilla une cigarette.
Avides de réussite, ses parents portèrent tous leurs espoirs sur ce fils unique. Une conception conforme à leurs aspirations, une éducation bien-pensante dès ses premiers biberons, forgeant un esprit alerte et enkysté dans l’élitisme. Ils prenaient soin d’écarter les rares cailloux parsemés sur son chemin, une ligne droite limpide et sans embûche. Cet environnement protecteur lui prédisait une brillante scolarité, inscription en classe européenne dans un collège catholique, allemand première langue, uniforme bleu marine et écusson brodé. Un cursus façonné vers les classes préparatoires pour une admission à l’École nationale supérieure de Cachan, dîner de gala en grande pompe, discours dithyrambiques, mignardises sur plateau argenté et coupelles en Baccara, poignées de main suffisantes, échange de cartes glacées et fiançailles à la fille du banquier. Une vie, pliée, rangée, empaquetée, une vie en papier de soie et bolduc argenté.
La réalité fut moins élogieuse liée à son inappétence pour les théorèmes grecs et les déclinaisons latines. Cramponné à son cartable, il tendait l’oreille pour percer le mystère des voies impénétrables des mathématiques, acceptait gracieusement l’alignement des points d’interrogation en marge de ses démonstrations, les corrections pétulantes de ses professeurs et les admonestations humiliantes des réunions de parents d’élève. La musique lui offrit une échappatoire. Malmené par le corps enseignant, dépareillé au milieu des préoccupations de ses semblables, l’intérêt des études lui demeurait étranger. En revanche, ses prédispositions pour l’apprentissage du piano se développèrent précocement. À l’époque où ses camarades de classe déambulaient dans les allées poussiéreuses du parc Monceau, virevoltaient sur la patinoire du parvis de l’hôtel de ville ou dégustaient des pommes d’amour sous les arcades des Tuileries, il accourait aux auditions de la salle Cortot et s’imprégnait du romantisme des récitals.
À l’occasion d’une audition de troisième cycle, de souvenir une rhapsodie hongroise de Brahms, il aperçut la désinvolture de ses mèches blondes, la vulgarité de sa beauté et la tendresse de ses lèvres framboise. Elle s’appelait Cassandre. Il posa son cartable un peu bruyamment. Elle leva les yeux de son cahier mauve. Ils se sourirent et firent connaissance. Au carrefour des rencontres, le détachement de la jeunesse ne s’encombrait pas des analyses, des interprétations, des hésitations et de tous ces mots ambigus qui s’échappent de la bouche des adultes.
Son école se situait dans une impasse attenante à la rue de Clichy. Un vaste portail en ferronnerie grattait le sol et labourait le trottoir en dessinant une ellipse blanche. Il s’ouvrait sur une cour de récréation en forme de fer à cheval. Un épais mur d’enceinte délimitait l’esplanade gravillonnée au centre de laquelle se dressait un bosquet de platanes. Les bâtiments austères se joignaient en angle par l’intermédiaire de préaux aux toits en tôles ondulées. L’espace accueillait deux escaliers qui menaient vers les salles de classe selon le niveau d’étude. Guillaume se souvenait de certains camarades, les sages, les grimaciers, les réfractaires, les timides ou encore les renfrognés. Leur maître les surplombait de son estrade. Il dictait les exercices d’une voix assurée puis, alors que les élèves bûchaient avec application pour les premiers ou désinvolture pour les autres, il arpentait les deux couloirs dans une nonchalance naturelle qui imposait le respect et la distance. Parfois il se rapprochait d’un pupitre, les bras croisés dans le dos, et se statufiait de longues secondes pour exprimer sa circonspection.

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