Les Remous du grand fleuve
370 pages
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Les Remous du grand fleuve , livre ebook

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Description

Le roman de José Trussart porte l'empreinte de la célèbre nouvelle Au cœur des ténèbres de Joseph Conrad. L'auteur se reflète dans l'histoire d'un « jeune célibataire parachuté en brousse, au Congo belge, dans la forêt vierge de l'Équateur, isolé de tout, pour y lancer un projet pilote de développement. » Cette subtile mise en abyme du personnage d'Antoine, jeune poète belge fraîchement diplômé en sociologie, pour qui l'écriture est « une question de survie » permet de mêler fiction et réalité.


Le récit s'ouvre en 1956 et s'achève en 1962, avec le retour du héros en Belgique après la déclaration d'Indépendance. Il est le témoin des événements de la période instable de transition. Il assiste impuissant à la désillusion du peuple congolais face à la faillite de leur État et à ce qu'il nomme « la perfidie de l'Occident ». Brutalement initié aux réalités du terrain, il dresse un portrait accablant des colons belges qui exploitent les richesses locales. Dans ce climat d'insécurité permanente, sa vie est devenue un véritable calvaire. Sans compter que sa liaison avec une congolaise vire au cauchemar puisqu'elle va même jusqu'à lui retirer la garde de sa petite fille.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 04 février 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782334011846
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0120€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-334-01182-2

© Edilivre, 2016
1 Le départ
Connais-tu les terres étrangères
Ces continents si mal aimés
A l’autre mitan de la terre
Et vers elles moi je m’en vais
A la mer ! Couper les amarres
Et que le vent nous pousse à l’eau
Dans les crépuscules bizarres
Et les reflets des cachalots
« Les voyageurs à destination de Léopodville sont priés de se présenter à la porte de sortie pour l’embarquement munis de leur titre de transport et de leur carte d’identité ou de leur passeport ». Cette annonce émise par une voix féminine mélodieuse et répétée en néerlandais et en anglais, retentit dans le hall de l’aéroport, répercutée par les hauts-parleurs.
Antoine, assis sur une des nombreuses banquettes du hall principal, sortit de sa lecture, étira ses jambes et ses bras, mis son sac contenant ses petits objets personnels à son épaule et se dirigea vers le contrôle des billets à la sortie. A l’extérieur, il faisait déjà très chaud en ce début de matinée de juillet 1956 et le tarmac réverbérait sa chaleur. Avec les autres passagers, parmi lesquels une dizaine de religieux et de religieuses, Antoine marcha vers le quadrimoteur Douglas DC 6 qui stationnait à une trentaine de mètres des bâtiments. Il monta l’escalier mobile, entra dans la carlingue accueilli par une hôtesse en uniforme bleu marine, calot sur la tête, et prit place sur son siège numéroté. L’avion n’était pas complet et un certain nombre de sièges restaient vides.
Antoine n’avait jamais pris l’avion et bien sûr pas pour un long vol intercontinental. Il sentit à cet instant seulement l’appréhension le saisir.
A la demande du commandant de bord, il boucla sa ceinture et redressa son siège. Il regarda distraitement l’hôtesse qui expliquait, l’objet en mains, comment utiliser le gilet de sauvetage placé sous chaque siège.
Moteurs vrombissants, l’appareil roula vers une des trois pistes goudronnées, passant devant les bâtiments de l’aéroport qui ressemblaient, avec leur couverture de tuiles et des toîts très pentus, à un long hôtel à deux étages au bord d’une des plages de la côte. Il sentait les roues de l’avion rebondir dans son estomac tandis que la piste était avalée. Puis plus rien que le ronronnement des moteurs. L’avion avait décollé et s’élevait doucement. L’aéroport de Melsbroek n’était déjà plus qu’au format carte postale et le survol de Bruxelles se terminait par un virage pour prendre la direction du sud. Quelques minutes encore et l’appareil atteignit son altitude et sa vitesse de croisière.
Cette fois, pas de retour en arrière. Antoine le ressentit profondément.
N’étant pas assis du côté d’un hublot, il ne tenta pas de regarder vers le ciel.
Il sortit une revue de son sac et se mit à lire. C’était un mensuel Science et Vie du mois de juin. En couverture, en couleurs, une danseuse birmane en costume traditionnel. Il lut le sommaire. Peu des sujets exposés l’intéressaient vraiment. La voiture à hélice, les soldats volants (avec un réacteur au dos), les chasseurs d’ouragan (là il faut un sacré culot pour filmer en plein cœur de la tempête, pensa-t-il), l’affaire du Stalinon (démontrait la légèreté avec laquelle les médicaments reçoivent leur autorisation de mise sur le marché), le Jazz, phénomène social unique. Antoine avait découvert le Jazz après la guerre, vers ses 15 ans et l’installation des G I. Il avait été conquis et était devenu un admirateur des Jazzmen : Scott Joplin, Miles Davis, Errol Garner, Herbie Nichols… La réprospective présentée dans la revue lui rappela des airs connus chantés par Billie Holiday ou joués par l’orchestre de Glenn Miller. Les yeux fermés, il se mit à fredonner en sourdine « God bless de child », puis « Moonlight Serenade ». Pendant un long moment, il oublia complètement où il était et pourquoi il y était.
L’avion entama le survol de la Méditerranée.
Antoine sursauta. Une hôtesse lui demandait de baisser sa tablette et de prendre son plateau-repas. Comme boisson, il choisit une bière. Il but une gorgée. Elle était bien fraîche. Dès que son plateau fut repris, il inclina son siège et ferma les yeux. Une petite sieste était la bienvenue. Il s’assoupit. Il fut réveillé et dut redresser son siège pour laisser son voisin rejoindre le couloir et aller aux toilettes. Ceui-ci ayant rejoint sa place, il referma les yeux, mais ne put se rendormir.
Les pensées tournicotaient dans son cerveau et des images des années précédant son départ s’imposèrent. Les yeux de Germaine, le corps de Germaine, cette très belle jeune fille qu’il avait connu au cours de l’été 1953 alors qu’ils passaientt leurs vacances comme moniteur dans le même home d’enfants. Tous les poèmes qu’il avait écrit ensuite lui avaient été dédiés. Elle était devenue sa muse et son idéal féminin. Il avait signé son contrat de trois ans pour l’Afrique sans la consulter. Quand il l’en informa, lui demandant implicitement d’attendre son retour, elle ne put accepter son départ. Dans une longue lettre, elle lui révéla combien elle l’aimait et tout ce qu’elle était prête à supporter de lui. Mais elle ne pouvait se laisser entraîner dans son sillage aventureux. Elle ambitionnait de faire carrière dans la musique classique et se présenterait au prochain concours « Reine Elisabeth » consacré au piano.
Et Maurice, Moshe le juif comme il s’appelait lui-même, devenu son ami spirituel. Antoine l’avait connu en décembre 1953, au cours du premier mois du service militaire. Il avait une chevelure épaisse, brillante et noire de méditerranéen et une paire de lunettes en métal blanc sur un nez discret. Il était peintre et se débrouillait pas mal avec les notes de musique. Il s’offrit à mettre en musique certains des poèmes d’Antoine et à les illustrer.
Lors d’une permission, Antoine eut l’occasion de voir les toiles qu’il stockait, aucun galeriste n’ayant encore accepté de les exposer. Il fut stupéfié. Il se trouvait confronté à des images épouvantables, des êtres faméliques à la peau écorchée, tordus, nus, leurs mains décharnées aggripées à leur bouche béante et tordue, hurlant la douleur. Moshe Macchias, peintre inconnu, juif masqué déclara Maurice. Tous ces damnés de la terre sont mes frères assassinés dans les camps de la mort. Ils hantent mes jours et mes nuits. Avec ma maman je suis le survivant miraculé d’une famille de douze personnes disparues en fumée dans ces camps. En partant maintenant pour l’Afrique, Antoine mettait fin à trois ans de collaboration fructueuse : des dizaines de chansons, un manifeste aux grands de ce monde, un recueil de poèmes illustrés en couleurs en hommage au peuple d’Israël. Il dissipait en même temps leurs espoirs de réussite.
« Nous entamons la traversée d’une zone de turbulences atmosphériques de faible amplitude. Nous sommes à plus de 3100 km de Bruxelles au-dessus du Sahara. Altitude 5300 mètres ». C’était la voix du Commandant. L’avion avançait en effet avec un mouvement ondulatoire irrégulier. Pas assez sensible cependant pour être inquiétant.
Antoine ferma de nouveau les yeux. Il repensa à sa décision précipitée de partir. A l’incompréhension absolue de ses parents qui ne mesurait pas sa révolte. Il n’avait plus rien à partager avec eux.
Il se revoyait dans une des salles de la Bourse du commerce de Namur, désaffectée elle servait de lieu de réunion, où le Directeur de l’Institut de Sociologie de Bruxelles présentait son projet pilote de développement communautaire destiné aux pays d’Afrique centrale. Ce projet consistait à aider une communauté déterminée à prendre en charge son sort et son propre développement. C’était une véritable révolution qui prenait le contre-pied de la politique coloniale basée sur la contrainte et le paternalisme en vigueur au Congo belge où le projet devait être concrétisé. Le Directeur cherchait des techniciens de terrain pour la création de deux centres pilotes.
A l’issue de l’exposé, Antoine parvint à arrêter un instant le Directeur avant sa sortie et lui déclara tout de go qu’il était candidat. Il obtint un rendez-vous dix jours plus tard à Bruxelles.
Jeune diplômé Assistant social, âgé de 24 ans et demi, libéré récemment du service militaire, poète désargenté marginal et révolté, résigné à exercer un emploi rémunéré, il venait de saisir l’occasion de se frotter aux réalités de la vie. Il avait bien la tête d’un poète. Cheveux hirsutes, barbe et moustache, visage oblong. Longiligne, 1m 78, bonne forme physique bien que ne faisant pas des activités physiques régulières. Il avait joué au baske-ball avec l’équipe de l’Athénée et était très endurant à la course à pied. Durant son service militaire, il avait réalisé un des meilleurs temps de son peloton lors des 16 km avec casque, sac au dos et fusil le long de la côte au départ de Lombardsijde.
Au jour et à l’heure convenus, Antoine était dans les locaux du Directeur de l’Institut de Sociologie, parc Léopold à Bruxelles. La carte du Congo belge déployée sur son bureau, le Directeur lui montrait les deux territoires où il projetait d’établir un centre social, l’un dans la province de l’Equateur, territoire de Bongandanga, secteur de Busu-Melo, près de la rive gauche du fleuve Congo, l’autre dans la province du Katanga, district de Kolwezi, territoire de Lubudi.
Sans trop réfléchir, mais peu inspiré par les mines de cuivre à ciel ouvert chauffées à blanc en plein soleil et plutôt attiré par le payasage verdoyant avec ses tâches sombres, peut-être aussi par la sonorité et le contenu imaginaire que recélait le mot « Equateur », Antoine choisit Busu-Melo.
Le Directeur le mit en garde : « La langue verte que je vous montre sur la carte est en réalité une petite portion de forêt

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