Lettres à l’absente
118 pages
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Lettres à l’absente , livre ebook

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Description

Pascale Jourdat situe l'action de son roman d'amour dans le décor romantique de la capitale parisienne, au sortir de la Première Guerre mondiale. De retour du front, un soldat miraculé retrouve la jeune femme dont il était tombé éperdument amoureux juste avant de partir. Mais l'insouciance passionnée des premiers mois laisse peu à peu place au désarroi, lorsque la santé mentale d'Albertine commence à se dégrader. Atteinte d'un délire de persécution, sujette à de soudaines crises de folie furieuse, son comportement devient imprévisible. Démuni devant la maladie incurable de son épouse, dont il n'est pas en droit de divorcer, il doit se résigner à son triste sort. Rongé par le désespoir et la culpabilité, il finit pourtant par accepter l'idée de s'élancer seul vers un nouveau départ. En espérant qu'une femme l'attende quelque part...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 14 juin 2017
Nombre de lectures 1
EAN13 9782414058983
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0045€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-05896-9

© Edilivre, 2017
Exergue


« Passent les jours et passent les semaines, Ni temps passé, ni les amours reviennent, Sous le pont Mirabeau coule la Seine. »
(Guillaume Apollinaire)
Prologue
Le vent d’ouest se lève sur Paris. Sous le ciel nocturne s’étire un long chapelet de nuées noires. Un homme est assis contre la pile d’un pont, les jambes pendantes au-dessus de l’eau. Ses yeux fixent sans les voir le bout de ses chaussures et leur vague reflet sur le sombre miroir du fleuve.
Le ciel s’obscurcit encore. Sur les quais luisent les réverbères et leur éclat fade s’émiette sur l’eau glauque. Poussés par le vent, de lourds nuages de pluie filent maintenant vers l’est. La lune se libère lentement des nuées, illuminant soudain la surface du fleuve de paillettes d’argent. L’homme assis dans l’ombre contemple d’autres éclats brisés, sombres ou lumineux du miroir de sa vie… Et la nuit liquide s’écoule lentement sous le pont.
Lettres à l’absente
 
 
Samedi 18 octobre 32
Les déménageurs ont terminé leur travail. Le peintre va prendre le relais pour remettre en état cet appartement, en partie sinistré par tes soins. Je jette un dernier coup d’œil et voilà que je tombe sur un souvenir de toi qui me nargue sur le mur de l’entrée : ce portait au fusain, un peu caricatural, mais tellement crachant de vérité que je ne peux m’empêcher de sourire à sa vue. Je te revois, posant pour cet artiste peintre de la place du Tertre, un dimanche matin, alors que, petit à petit, les passants se regroupaient autour de nous pour le voir travailler. Tu leur avais jeté un bref regard de défi et d’irritation, comme pour leur dire : « passez votre chemin, je ne suis pas une bête de foire ! » et le peintre avait capté juste cette petite lueur furibarde dans ton regard. Ta bouche entrouverte semble leur crier des insultes. La ressemblance est hallucinante. Nous nous étions amusés par la suite à l’épingler tout près de la porte d’entrée, comme pour avertir les visiteurs qu’ils n’avaient qu’à bien se tenir et qu’ils avaient intérêt à ne pas attiser ton courroux ! Même en ces premiers jours de notre vie commune, dans l’euphorie de notre lune de miel, tu avais déjà tendance à soupçonner autrui d’intentions malveillantes ou moqueuses à ton égard.
Et pourtant ce matin-là, comme il était beau et frais et lumineux ! Nous avions décidé d’entamer la montée vers la butte Montmartre par la face nord, le plus court chemin depuis chez nous. Tu avais d’emblée été séduite par le charme des petites rues sinueuses, des pittoresques cabarets et de l’ancienne église du vieux village. Nous avions pris un verre à la terrasse d’un des cafés de la place du Tertre, puis je t’avais promis, d’un ton mystérieux, de « mettre tout Paris à tes pieds ! » Tu avais ri en me disant « chiche ! » « Alors, ferme les yeux, je vais te guider » t’avais-je dit, juste avant de contourner la Basilique du Sacré-Cœur. A notre arrivée sur le parvis, je t’ai invitée à regarder le panorama qui s’offrait à la vue : des clochers, des dômes ici et là et surtout des toits à perte de vue qui se noyaient à l’horizon dans une légère brume bleutée. « Voilà ! Ça, c’est Paris ! » ai-je commenté avec un petit air de fierté, comme si j’en étais l’heureux propriétaire et que je venais de t’en faire don. Sur ces mots, tout un groupe de pigeons avait brusquement pris son envol presque sous nos pieds, comme pour confirmer mes paroles.
En revivant en pensée ces moments heureux, je retrouve un peu de ce bonheur passé, comme un baume sur mon cœur à vif, et je me prends à rêver qu’il puisse en être de même pour toi, de temps en temps au moins ! Ah, si je pouvais, par la magie de la transmission de pensée, te faire retrouver un peu de sérénité et te sortir de ton enfer intérieur ! Cela m’est bien impossible, je le sais, mais j’aimerais tant y croire !
Vendredi 21 octobre 1932
Albertine, oh, Albertine, Pourquoi ?
Je te revois… Te souviens-tu de notre première rencontre en juin 1914, le jour du mariage de ta cousine Geneviève avec mon ami Pierre ? Tu étais la demoiselle d’honneur et je n’avais d’yeux que pour toi. Tu étais dans toute la fraîcheur et l’éclat de tes dix-neuf printemps. J’étais à peine plus âgé que toi, mais encore très timide et gauche en ta présence. J’étais fasciné par ton opulente chevelure rousse qui faisait comme une auréole de lumière autour de ton visage. Ton assurance me paralysait. Pourtant, je me suis enhardi à te proposer une nouvelle coupe de champagne. Tu étais déjà très gaie. Tu m’as à peine regardé en me tendant ton verre vide. J’avais tellement hâte de revenir trinquer avec toi que je n’ai pas bien regardé où je mettais les pieds, et j’ai trébuché avec nos deux coupes pleines ! L’une d’entre elles s’est déversée sur ta robe. Je ne savais plus où me mettre. Tu as ri de bon cœur, et je t’ai suivie dans la cuisine pour tenter maladroitement de t’aider à réparer les dégâts. Ce petit incident nous a permis de faire plus directement connaissance. Le lendemain, avant mon retour à Paris, tu as accepté ma proposition de garder le contact avec toi par correspondance. Moins de deux mois plus tard, la guerre éclatait !
Encore aujourd’hui il me semble entendre le rire en cascade qui était le tien dans ces années heureuses, ce rire de gorge, profond, presque rauque, mais qui pouvait parfois devenir strident dans tes moments de folle gaîté ! Cela est bien loin déjà, car cette insouciance d’alors a progressivement laissé place à de sombres accès de mélancolie ou de rancœur agressive.
A cette époque-là, comme je te trouvais attirante avec ton regard vert de félin, qui pouvait s’étrécir à l’extrême dans la concentration intense ou étinceler d’un éclat métallique, magnétique presque, dans tes moments d’irritation ! Ta seule présence faisait pâlir tout le reste de l’assemblée dès que tu paraissais. Subjugué, oui, j’avais été subjugué par toi, envoûté, enfiévré par ce parfum, lourd et entêtant qui t’enveloppait et demeurait longtemps dans ton sillage…
Et puis, quatre années de guerre ont suivi et nous ont séparés. Tu avais accepté d’être ma marraine de guerre, et nous avons échangé quelques lettres de temps à autre… des lettres assez prosaïques, convenons-en : nous nous contentions d’égrener quelques banalités et nouvelles de notre quotidien – toujours plus ou moins semblables – mais ces lettres étaient précieuses pour moi, car elles me rapprochaient de toi par la pensée et m’aidaient à m’évader de l’enfer de ces années-là. Quoi qu’il en soit, nous ne progressions pas vraiment dans une mutuelle découverte de nos personnalités véritables.
Je n’ai été démobilisé qu’au cours de l’année 1919. Pourquoi donc avoir attendu une année entière avant de faire le voyage en Gironde pour te revoir ? Tu m’en as voulu un peu au départ, je le sais, mais comment te faire comprendre ce que l’on peut ressentir lorsqu’on revient enfin à la vie civile ? Rien n’est plus comme avant, ou même comme on se l’était imaginé lors des longs mois de souffrance, d’angoisse et d’ennui de cette guerre interminable. On en revient tous profondément meurtris et la joie des retrouvailles avec nos familles est bien assombrie par l’absence de ceux qui ne sont pas revenus. En ce qui me concerne, celle de mon frère, de mon beau-frère et de mon meilleur ami. Et lorsqu’on a eu la chance de revenir à peu près indemnes physiquement, à la vue de nos camarades, atrocement mutilés, gazés, méconnaissables, on se sent alors curieusement coupables, honteux presque d’être encore en vie ! Il faut du temps pour réapprendre à vivre normalement, pour faire des projets d’avenir, pour retrouver un peu de légèreté et de vraie gaîté. Je ne me sentais pas le droit de t’infliger le spectacle de ma morosité !
Au printemps de l’année suivante, j’ai eu la joie de recevoir des nouvelles de mon ami Pierre que je croyais disparu. Grand blessé de guerre en 1917, il venait seulement de rentrer dans ses foyers, tout près de chez toi, et il m’invitait à venir passer quelques jours chez lui. Ce fut un grand moment de retrouvailles. Il avait perdu un œil, un bras et une jambe au cours des combats. Une reconstruction partielle de son visage s’était également révélée nécessaire, entraînant une longue période de convalescence, ce qui expliquait son retour tardif chez les siens. Le premier moment de surprise passé, je fus saisi d’admiration devant le courage dont il faisait preuve. De plus, il avait gardé tout son sens de l’humour : « Allez, je ne m’en suis pas trop mal sorti, après tout », me disait-il, « Tu vois, je suis encore là, avec ma petite femme, alors ! » Qu’ajouter de plus ? Vivre était le bien le plus précieux pour moi comme pour lui et chacun se devait d’en faire usage dans les meilleures conditions possibles. A son contact, je me reprenais à envisager l’avenir de façon plus sereine et plus positive. J’avais eu la chance de revenir pratiquement indemne physiquement, en dehors de quelques blessures superficielles, je devais profiter à plein de cette chance offerte par le destin.
Au cours de la conversation, j’ai évoqué la correspondance échangée avec toi au cours de la guerre et mon souhait de te rencontrer avant mon départ. Ta cousine et mon ami se sont alors fait une joie de nous réunir chez eux pour partager un repas. Tu as semblé heureuse de me revoir. Nous avions bien changé, toi comme moi, rappelle-toi. J’avais mûri et acquis plus d’assurance : désormais, je me sentais capable de braver ou de contourner tout ce qui se mettrait en travers de mon chemin, et j’étais bien décidé à ne pas me laisser mener par ce qu’on nomme le destin. Tu avais occupé toutes mes pensées durant c

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