Métamorphoses

Sven Kellner

Description

Corinne a grandi dans l’ombre de parents humbles et malades, bercée par les dogmes catholiques de la pureté et de la virginité. Même après la disparition des siens, à l’heure où elle aurait pu s’ouvrir au monde en quittant les territoires de l’enfance, la jeune femme est restée intègre à ses principes, œuvrant scrupuleusement, consciencieusement, pour s’assurer un quotidien serein. Toutefois, la contrepartie de ce choix d’existence se nomme isolement, solitude. Un cercle que Corinne, confortablement installée, veut à présent rompre, et ce ne sont pas quelques mauvais souvenirs de rendez-vous qui vont l’en empêcher. Ainsi ose-t-elle pour la première fois faire un pas vers l’extérieur, vers les hommes, en déposant une annonce… Cependant, maintenant que la porte a été entrouverte, qui sait quel être va pénétrer dans son existence et la faire chavirer? Après "Le Chemin de duperies", Sven Kellner poursuit son exploration de la féminité qui se brise et se brûle les ailes au contact des hommes. Et dans "Métamorphoses", celle qui chute irrémédiablement, enivrée et trahie par son amant, c’est Corinne, qui devient allégorie tragique de l’innocence perdue, de l’amoureuse manipulée, de la femme en proie à la duplicité des hommes intéressés. Construite comme un long crépuscule qui tomberait sur son héroïne, cette œuvre livre une destinée féminine qui s’inscrit même dans la lignée d’une Emma Bovary.

Informations

• Publié par: publibook
• Date de parution: 30 décembre 2011
• Nombre de lectures: 8
• EAN13: 9782748372724
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Métamorphoses

Du même auteur Le Docteur Pascal de Zola, Rétrospective des Rougon- Macquart, Livre de documents et roman à thèse (thèse de doctorat), C.W.K. Gleerups(Suède), 1980(épuisé) Émile Zola et son œuvre. Critique, essai et analyse Les deux Colombes,1994 (épuisé) Les Mauvais Augures,La Société des Écrivains, 2000 Émile Zola et Paul Cézanne Deux artistes–Deux tempéraments,Publibook, 2002 Trahisons–Deux récits. Publibook, 2004. Gustave Flaubert et ses œuvres dans l’optique de la Corres- pondance.Publibook, 2006. Le Chemin de duperies.Publibook, 2010.

Sven Kellner Métamorphoses

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1. Si l’hiver avait été extrêmement rigoureux cette année- là avec des lacs et même des rivières gelés un peu partout et les plaines couvertes de neige tout autour du petit bourg où habitait Corinne avec ses parents, le printemps, par contre, s’était annoncé d’une clémence extraordinaire, étalant en quelques jours une végétation prodigieuse dans toute la plénitude de sa beauté. En fait, c’est dans la forêt, à quelques pas de la maison familiale, que Corinne préférait se promener à ses heures de loisir. Et c’est là, avec pour toute compagnie quelques oiseaux au plumage bariolé, qu’elle aimait cueillir des fleurs qui y poussaient abondamment. À cette époque de l’année, où la belle saison n’en était qu’à ses balbutiements, les flâneurs y trouvaient des ané- mones qui rivalisaient avec des muguets dans le sous-bois qui gardait les ronces sèches de l’enchevêtrement de l’hiver. Avec le temps, la jeune Corinne, fille blonde et menue d’un caractère très accommodant, droit et un peu mélanco- lique et, sous une certaine réserve, assez romanesque, devient de plus en plus rêveuse. Elle n’avait jamais rien fait dans la vie qui soit contraire aux désirs de ses parents un peu décrépits avec qui elle était toujours très attentionnée. Ces derniers, très croyants et pratiquants, ne transigeaient pas sur la morale et les bonnes mœurs. — Tu ne penses pas sortir t’oxygéner un peu ? » lui demanda son père, Martin Boyer qui, suite à bien des an- nées de travail dur dans une usine, avait le cœur fatigué.

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Après sa retraite, il s’était retiré avec sa famille dans une belle villa qu’il avait enfin pu acquérir à force d’années de sacrifices économiques. La maison, avec un grand jardin fleuri, se trouvait à la sortie du bourg où travaillait Corinne dans une petite mer- cerie. — Non, papa, aujourd’hui, j’aime mieux rester à la maison bouquiner car je n’ai pas mal de livres à lire », répondit-elle à la surprise de son père et non sans une cer- taine fierté de montrer sa passion pour la lecture. Corinne s’étant retirée dans sa chambre de jeune fille, M. Boyer glissa dans l’oreille de sa femme, elle aussi étonnée du comportement de leur fille : « Tu ne trouves pas un peu bizarre que Corinne s’isole de plus en plus souvent dans sa chambre ; elle qui s’est toujours plu à faire des randonnées dans la forêt ? » — Si. Le fait est qu’elle a changé depuis sa première communion et, figure-toi que l’autre jour, j’ai trouvé dans sa petite bibliothèque des livres sur l’histoire du catholi- cisme. Mais n’en faisons pas toute une affaire ; chaque âge a ses plaisirs et ses goûts ! Et puis, ça ne fait mal à per- sonne. L’essentiel c’est qu’elle ne se replie pas trop sur elle-même ! » Malgré ses paroles qui se voulaient rassurantes, M. Boyer ne pouvait se débarrasser de l’idée que leur fille allait s’isoler au point de ne plus vouloir fréquenter les quelques camarades qu’elle avait ou, pire encore, laisser tomber une carrière professionnelle sûre – pourquoi pas comme propriétaire un jour de la mercerie – pour autre chose, peut-être le couvent ? Les Boyer dont l’état de santé était fragile, depuis long- temps même précaire, lui cardiaque et elle souffrante de maux d’estomac continus, avaient toujours travaillé pour que leur fille pût mener sa vie convenablement.

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