Mur
202 pages
Français

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Description

Juan et Adrienne. Il est portoricain, anticlérical, sauvage, amoureux des femmes. Elle est française, fervente, solaire, à la recherche de l'amour unique. Ils se rencontrent à Madrid, en 2004. Autour d'eux, des personnages qui découvrent intensément la vie. Il est philosophe, elle est écrivain. La pensée les rassemble ; ils évitent l'amour. Mais petit à petit, les discussions les rapprochent, leurs corps se désirent, leurs cœurs se reconnaissent. A-t-on le droit de s'aimer quand on doit réaliser son ambition ? Peut-on faire confiance à ses sentiments ? Mur est le roman de cette rencontre et des questions de l'amour. C'est aussi une formidable réflexion sur les choix et leurs conséquences et sur notre capacité à construire notre vie par-delà les peurs et les différences.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 23 mars 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782334093743
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composér Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-334-09372-9

© Edilivre, 2016
Citation


« Les personnages de mon roman sont mes propres possibilités qui ne se sont pas réalisées. C’est ce qui fait que je les aime tous et que tous m’effraient pareillement. Ils ont, les uns et les autres, franchi une frontière que je n’ai fait que contourner. C’est cette frontière franchie (la frontière au-delà de laquelle finit mon moi) qui m’attire. Et c’est de l’autre côté seulement que commence le mystère qu’interroge le roman. Le roman n’est pas une confession de l’auteur, mais une exploration de ce qu’est la vie dans le piège qu’est devenu le monde. »
Milan Kundera – L’insoutenable légèreté de l’être
Dédicaces


A Mary & Gatsby,
A Juan, Alex et O.
L’effondrement
Il y a un brillant professeur de philosophie au centre de l’Estrade. On ne sait pas exactement quel âge il a.
A bien l’observer, on sent sa vocation. Elle n’est ni naissante, ni fanée. Elle est mûre, elle a atteint une forme de complétude. En même temps, ce qui est prégnant, c’est que ce qui la meut est la quête perpétuelle. Elle acquiert sa grâce et sa puissance lorsqu’elle est perdue et tâtonnante.
On sent sa vocation.
C’est la rentrée à l’Université de San Juan sur l’île de Porto Rico.
Au premier rang, il y a les étudiants étrangers qui se chahutent un peu entre eux, moins tendus, plus dilettantes que les locaux. Les Caraïbes, on leur a vendu l’endroit comme le confluent de tant de plaisirs et de soleil. Il ne manquerait plus qu’ils prennent au sérieux les fondements de la pensée de Michel Foucault. Les ailes des papillons magiques de l’île et le regard des jolies filles ont vite fait d’estomper les velléités laborieuses. La féerie et la sensualité, elles trouent les sages intentions, elles font tourner les têtes, elles ruinent les freins des cœurs. Il doit y avoir là quelque stratagème savamment ordonné par la nature. Ce serait criminel d’avoir tant d’impact pour rien, sans faire le bien.
Parmi ces étudiants, il y a une Française, brune, très mate de peau, plutôt ronde. Ça se remarque sa rondeur et sa matité, satinée par endroits. Elle a le regard plein de clarté et de fureur. Tout cela inspire la familiarité au brillant professeur. Il est troublé, il n’est pas décontenancé. Sa solide rationalité l’aide à ne pas flancher.
Il la regarde à son insu, essayant tant bien que mal de diriger les itinéraires de ses yeux vers les quatre coins de la salle. Personne ne remarque rien d’anormal. Ils sont tous ignorants du drame de sa vie. Allons donc, c’est ainsi. Les corps des autres sont des portes ténébreuses qui s’ouvrent sur des univers inexplorés, opaques pour nous, toujours. On peut en faire des milliers d’histoires. Mais les larmes et le sang laissés dans ces histoires, les joies parfois, la vraie matière qui ont nourri tout ça, on n’en sait rien. Nous, on ne récolte dérisoirement que les restes ou les effets, les scintillements ou les énervements qui transpercent dans les actes. Des fulgurances faites pour doter les autres de caractères jamais complètement saisis.
Il y a un brillant professeur de philosophie au centre de l’estrade.
Lorsque ses yeux rencontrent ceux de l’étudiante, le battement de paupières est plus hésitant. Il cherche à fixer le temps parce qu’il aimerait bien emprisonner puis démêler le mystère caché dans les yeux de la jeune fille.
La scène décrite ici permet d’introduire l’idée de chemin. Il est des vies ratées ou resplendissantes parce qu’elles ont suivi tel ou tel chemin. On suit des chemins par choix, en tapant du poing. Ou par hasard. Limailles éblouies, ivres de quelques illusions, heureux pour des choses qui n’existent pas, grisés par des sensations brouillées dès qu’elles nous arrivent.
Juan Peza, le brillant professeur, a emprunté un chemin il y a trente ans.
Je ne l’ai jamais revu depuis. Une vie est passée, des émiettements qui m’ont parfois paru des siècles. Souvent, je me suis contentée des lueurs qui se sont dispersées sur le déroulé du temps. En silence, j’ai souffert. La sérénité, ça me l’a tuée. Ça m’a étouffée et à petit feu. La cruauté de la lenteur est implacable. D’ordinaire, les yeux des autres sont les ennemis car ils ne captent que ce qui les arrange, fait d’armes, celles de la jalousie, et pas d’âme. Là, personne ne les a vues, personne n’a aperçu les gouttes de mon sang solitaire qui perlent malgré l’apparence enjouée de mon être.
Je ne l’ai jamais revu. Je ne l’ai jamais revu parce que je l’ai toujours aimé. C’est pas le fait d’une bravoure personnelle, ni d’un sacrifice que je pourrais revendre lors de mon entrée au Paradis. Non, c’est juste ma façon d’aimer. J’ai hésité mais c’est celle-là que j’ai choisie. Je ne voulais pas l’avoir. Je ne voulais pas l’avoir, non. Il est libre. Il le sera toujours pour moi. Je ne lui ai peut-être pas dit les mots attendus pour me soustraire aux enserrements des calculs. L’évidence de ma muette sensibilité, il l’avait comprise. Ligne de partage des sentiments. Les vrais sentimentaux ne sont peut-être pas les êtres captifs qui s’extasient du lyrisme. Ce sont ceux qui louent les délivrances et qui explorent la vie sans la segmenter, en la parsemant de leur désir de tout connaître.
J’ai eu le temps de devenir écrivain. La littérature, ça emporte tout, le temps, les gens. Même les souvenirs quand ils ne sont pas tenaces. C’est redoutable, la littérature ! Une prison ? Non. Ça tapisse juste toute votre vie intérieure. Et il y a des moments où l’on trépigne pour en sortir et pour mieux la retrouver. Univers. Voûte. Etendue. Une essence soigneuse. Soyeuse, oui, faudrait voir. Ça râpe parfois.
Juan Peza m’a fait un enfant. Je ne lui ai pas dit. S’il l’avait su, je me serais trompée magistralement. A quoi bon ? Il serait venu avec moi, ficelé par un devoir contraignant. Jamais le bonheur pur du désir, le vertige du plein été dans le cœur, jamais tout cela ne l’aurait conquis spontanément. Il aurait juste accolé sa vie à la mienne pour être père pendant que j’étais mère. C’est pas ça qui comptait. C’était l’homme téméraire, le jeune homme dépourvu de toute trace de tiédeur, l’homme de toute ma vie.
Je l’ai donc laissé libre de ne pas revenir vers moi. Il n’est pas revenu. En un sens, il m’a abandonnée. Pourtant, j’ai toujours été avec lui.
Il m’a attendue longtemps, en secret. Il n’a pas attendu autre chose que mon amour. Et maintenant, il est vieux, il est seul, il est fatigué, il est usé sans le montrer et il n’attend pas autre chose que mon amour. Seulement il a cessé d’espérer. Lâche peut-être devant l’éternel, châtié par un dieu qu’il nie mais qu’il connaît. Pour ne pas sombrer dans la violence, il se contente de regarder les fleurs et les immenses papillons des Caraïbes aspirés par des airs orageux et de ne pas penser à moi. Il n’y pense pas trop dans un ultime îlot de résistance. Chavirements dans l’intimité de son île ?
Il aimerait bien oublier. Il ne peut pas. Moi non plus, toujours pas. Il arrive que des êtres soient irremplaçables. Bannissez les vieux dictons qui disent le contraire : les vieux dictons sont faits pour rassurer les lâches. J’imagine leur lecture comme des aveux de faiblesse.
La jeune étudiante, elle s’approche de lui sur sa demande. Il a peur de son nom, il a peur de la réponse. Elle le lui dit, elle s’appelle Laura Verez.
Il sourit béatement, il est si content, il pourra peut-être même la séduire un soir dans son bureau. Il sourit comme une crapule, soulagé, revenant à des soucis charnels, légers, sans importance au fond. C’est petit comme tout et c’est pour ça qu’il maîtrise.
Puis le doute l’assaille à nouveau. Il lui demande quand même. Le subterfuge des origines lui fournit un tremplin : Verez c’est ton vrai nom, c’est espagnol ?
Et elle le massacre. Elle le massacre brusquement. Sans pitié. Son cœur écrabouillé diffuse une odeur insoutenable, entre la chair meurtrie et le sel des larmes.
– Laura Verez, c’est mon nom de mariage. Je suis mariée avec un espagnol. D’ailleurs, il va venir me rejoindre et j’ai hâte.
Sa confession est si fraîche, emplie d’impatience et d’amour. Comme il l’envie ! La belle vie que celle des amoureux. Leurs yeux d’éternel. Leurs désirs non courbés sur eux-mêmes. Pas encore.
– Mon vrai nom c’est Laura Cecilia Roye. Ma mère m’appelle même Cecilia la plupart du temps ! Elle adore ce prénom mais moi je préfère le sien, elle s’appelle Adrienne ma mère, c’est magnifique tout de même. Vous ne trouvez pas ?
Il est parti. Il est des paroles coupantes comme des haches et imprudemment, il nous arrive de les provoquer. On se donne des airs mais on atterrit, tranchés.
Juan Peza regarde sa fille Laura et se dit qu’il va mourir sans même lui dire. Car il ne dira rien. Il est trop tard.
Peut-être qu’elle l’a fait exprès Adrienne : c’est ça qu’il s’est dit.
Quand on a eu peur du bonheur, on trouve souvent des alibis dans la malveillance présumée des autres.
Adrienne : c’est moi. Non justement, je ne l’ai pas fait exprès. Elle a eu envie de partir Laura, je l’ai laissée faire comme je le fais avec tous ceux que j’aime. Juan ne m’en veut pas de toute façon. Il m’a aimée totalement en quelques secondes alors que tant de gens mettent des années avant de s’aimer un peu. Comment voulez-vous qu’il cesse maintenant ? Le poison est trop concentré, inoculé. L’éternité du poison.
Dans ce livre, je m’efforcerai de raconter le tissage de l’histoire et de montrer à quel point il est des vies sans signature, à la dernière page. Des vies désertes en quelque sorte, contaminées par la peur, délaissées par les rêves. Des vies fantômes même si, au premier abord, elles paraissent en mettre plein la vue. Elles s’éparpill

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