Portrait aux cerises
164 pages
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Portrait aux cerises , livre ebook

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Description

Dans ce recueil, l’auteur nous fait découvrir l’enfance de trois générations de femmes. Passant d’un point de vue à un autre, libre de toute notion de temps, ces femmes nous décrivent des moments de vie, comme un puzzle à reconstruire.
Sous la plume de l’auteur, qui par ses mots réussit à éveiller nos cinq sens, les paysages et les personnages prennent vie. Cette écriture tout en poésie nous permet de ressentir toute la sensibilité de ces enfants qui observent le monde. Ils nous font partager leur questionnement sur les attitudes des adultes, leurs angoisses face à l’inconnu, leurs peurs du futur, mais aussi leur enthousiasme face aux curiosités qui les entourent.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 19 juillet 2017
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414043149
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-04312-5

© Edilivre, 2017
Printemps
Dans son jardin d’enfance, le paradis d’un cerisier en fleurs
Ce monde à lui tout seul.
Cet éblouissant parasol
Cette féerie végétale
Quelques poules en liberté que, régulièrement poussée par un élan irrépressible, l’enfant s’évertue à attraper et à serrer dans ses bras. Elle a très envie de les voir, après une courte poursuite, s’aplatir en ouvrant légèrement leurs ailes comme pour lui faciliter la tâche. Elle éprouve une joie triomphante à sentir la douceur de leurs plumes sous ses doigts, à voir briller leur petit œil rond et surtout se réjouit de leurs jolies crêtes écarlates.
Avant que ne naisse et ne puisse s’assouvir cette pulsion soudaine, elle a observé un long moment, assise dans la fine poussière de terre chaude, presque à leur hauteur, leurs dures pattes gratteuses, le mouvement saccadé de leurs têtes à la recherche obstinée d’une quelconque nourriture et écouté les modulations de leurs pépiements incessants.
Elle aime être là, dans la lumière soyeuse d’un printemps établi, seule, tous ses sens en éveil, doucement enivrée par le parfum suave des pétunias.
Dans son jardin, il y a aussi le chat ; le chat noir roulé en boule dans le soleil, sa belle tête cornue bien rangée sur ses pattes. Le contempler dans son sommeil génère en elle une sorte de joie tranquille qui la comble, la rend à l’insouciance totale. Il est si calme, si détaché de tout.
Qu’il bouge, s’éveille, s’étire longuement et baille offrant au regard sa petite gueule rose vif hérissée de pointes aiguës ; qu’il tourne lentement ses yeux incomparables, ses yeux-joyaux, comme chargés d’un ailleurs ou tout serait limpide, sa grâce est égale et parfaite. Que la main, irrésistiblement flatte son petit crâne, son dos, son ventre d’une douceur de duvet, s’il est en bonne disposition, s’il en apprécie la qualité tactile, ses yeux clos en biais, les commissures de ses babines relevées disent son contentement et son profil réjouit ressemble à un sourire de prince satisfait.
Elle se sent une vive complicité avec ce petit être qui la capte toute entière ; elle se soumet à son charme avec bonheur et ne craint pas les épines acérées logées dans le velours-pompon des pattes. Sa fourrure aux fragrances de terre humide, de mousse, d’herbe amère, de foin nouveau ; à l’odeur d’eau de pierre fraîche lui procure un plaisir de tous ses sens.
Elle peut rester de longs moments, immobile, fascinée par la présence de l’être-chat.
Quelquefois, elle se couche sur le ventre, tout près de lui, à le toucher. Elle a envie de se faire chat ; se sent chat elle-même.
Mais elle aime aussi le mouvement, passionnément. Elle arpente le jardin en tous sens, s’arrêtant, repartant, découvrant sans cesse.
Elle jubile à écouter résonner ses pas sur le sol, à en entendre l’écho sourd. Parfois, s’asseyant brusquement, elle se met à gratter, à creuser la terre de ses ongles. Elle voudrait en connaître l’épaisseur et surtout ne se lasse pas de son odeur grisante. Elle se met à quatre pattes et colle son nez dessus pour sentir, sentir encore ; puis, fatiguée de ses efforts, elle s’allonge, y plaquant son corps, s’y rafraîchissant s’y reposant.
De la même façon qu’avec le chat, il y a ce désir en elle qui est de se confondre avec ce qu’elle sent comme faisant partie de sa nature profonde et en même temps qui lui révèle confusément la frustration, cette souffrance de l’impossible. Il lui apprend cette curieuse limite.
Les yeux au ras du sol, l’enfant voit un jardin miniature avec rochers, arbres touffus, petits bolides à pattes de toutes sortes glissant en tous sens, gravissant des tertres de toutes tailles, montagnes variées, douces collines fleuries de menthe violette et autres plantes minuscules ornées en leur centre d’un bijou végétal. Basculant sur le dos, elle découvre d’autres sortes de fleurs aux couleurs chatoyantes qui palpitent dans l’air bleu.
Un besoin impérieux de bouger à nouveau la fait se dresser tout à coup. Sa tête est pleine de sons, d’odeurs ; quelque-chose se met à gonfler en elle, quelque-chose de puissant qui l’inonde : toute cette vie fascinante, cet étonnant environnement mouvant et coloré, ces transpirations, ces respirations, ces ondes tièdes, ces frémissements…
Elle prend conscience de sa joie.
De sa joie d’être.
La vie. Être en vie, bouger, respirer, courir, aspirer l’air et le vent par le nez, par la bouche levés vers le ciel immense. La vie dans les mollets tendus, durs, impatients d’aller vers ailleurs ; vers cet arbre dont les branches s’agitent, se contorsionnent dans le souffle in-interrompu d’une brise porteuse de mille senteurs ; se planter sous ses hautes et larges ramures déployées en étoiles. Coller son corps au large tronc, humer l’écorce, la caresser, suivre de la pulpe de ses doigts cette grosse peau rugueuse et accidentée et entourer de ses bras trop courts cette haute colonne vivante dressée à la rencontre de l’astre et de la lumière.
Elle est envahie. Elle est la vie même. Le mouvement est danse, chant muet ; la course est une jouissance. Les bruits de cette course, les palpitations qu’elle entraîne l’enivrent. Elle les scande par les sons qu’elle module inlassablement et sur tous les tons, variant leur profondeurs, leurs résonances, leurs légèretés.
Son cœur bat dans sa gorge, dans son ventre.
Que fait-elle ici ? Parfois, elle fait un effort pour imaginer le néant : rien, ni terre, ni ciel, ni oiseaux, ni arbres, ni insectes, ni soleil, ni vent. Elle en arrive à une sorte de vertige, un flottement qui dure peu de temps, puis s’efface. Comment se représenter cet abîme, ce vide impossible ?
Elle reprend pied, regarde autour d’elle, lève les yeux vers les nuages, ces masses cotonneuses interminables, ces icebergs compliqués et fluctuants, cette neige fumeuse, cette mousse gigantesque dans laquelle elle voit se former d’énormes visages grimaçants ou hilares, des masques de vieux sages à longues chevelures, des chevaux emballés têtes levées, bouches béantes vers l’immensité au-dessus ; tout un troupeau de bêtes fabuleuses.
Certaines pattes pliées, comme à genoux ; d’autres ramassées sur elles-mêmes, tête collant au ventre, nouées dans un sommeil paralysant. Toutes ces créatures finissent par former des blocs tournant sur eux-mêmes, faisant varier doucement leurs masses, devenant des sphères presque parfaites. Puis se transformant encore, s’étirant, se morcelant, se délitant, perdant têtes et ventres, elles deviennent fumée épaisse s’évaporant jusqu’à n’être plus que voile léger, mousseline usagée troublant le bleu ardent de l’azur alentour.
Elle se fatigue à maintenir ainsi sa tête renversée et abandonne pour l’instant sa contemplation.
Elle a envie de chanter. De sa gorge jaillissent des exubérances, des enjouements, sortes de pépiements d’oiseaux ; puis comme des plaintes sourdant des profondeurs de son être. Elle s’arrête, reprend souffle et s’étonne de ces dernières notes. Elle les a perçues l’espace fugitif d’un quart de seconde et un quart de seconde de plus se demande d’ou elles viennent. La stridence d’une envolée de moineaux barre l’espace au-dessus d’elle. Levant de nouveau la tête elle voit la grosse boule orange, fluorescente du soleil qui descend imperceptiblement. Sa tête chavire un peu, son corps suit l’étourdissement. Elle tend les bras vers le haut, paupières closes. Un kaléidoscope éclatant et mouvant se forme sous elles. Fascinée, éblouie, elle laisse retomber ses bras à l’horizontale et commence lentement à tourner sur elle-même, puis plus vite, très vite et le rythme s’accélère, s’accélère. Elle entend le tambour de son cœur ; sa résonance s’amplifie. Elle n’entend plus que ça : sa régularité, sa perfection ce martèlement étonnant, persistant.
Elle n’entend plus que ça. Le seul bruit qu’elle perçoit dans ce jardin est le bruit de son cœur comme vibrant de sa vie propre, séparé d’elle. Elle ralentit un peu, haletante, perdant pied, trébuchant de droite et de gauche puis se stabilise peu à peu. Les jambes légèrement écartées, le regard perdu au loin par delà les limites de son univers, elle étale sa main gauche sur sa poitrine et le sent là, tout près, sous la peau, oiseau affolé, avec des frôlements d’aile contre son cou.
Et s’il s’arrêtait tout à coup ? Pourquoi ne s’arrêterait-il pas ? Comment peut-il taper ainsi nuit et jour sans se lasser ? Logiquement il devrait être épuisé ? Quel est donc ce drôle de moteur ?
L’enfant essaie d’imaginer l’intérieur de son corps. Il lui semble que cet intérieur vit indépendamment d’elle ; selon ses caprices, ses désirs ; que tout ce qui s’y passe n’a rien à voir avec ses désirs à elle, ses caprices à elle, sa vie et les pensées qu’elle a dans la tête. C’est inquiétant, c’est troublant. C’est si mystérieux !
Heureusement, il y a cette peau qui enveloppe tout, ces formes rondes et douces d’une jolie couleur fraîche, rassurante et dont l’odeur est plutôt agréable ; il y a ces ongles brillants et roses, du même rose que ces fleurs aux pétales tendres et nacrés qui commencent à s’épanouir, là-bas, contre le mur encore tout baigné de clarté.
Elle se sent fatiguée tout à coup. Elle voudrait se blottir et fermer les yeux. Dans le jour finissant, toutes ses pensées se calment. Elle va s’asseoir sur une marche d’escalier, repose son dos contre la façade de la maison.
A l’intérieur, sa mère peint. L’enfant la sait là, absorbée au fond de ce rectangle d’ombre que forme la fenêtre ouverte. Là ou elle se trouve, son regard embrasse l’ensemble du jardin qui semble lui aussi se reposer. L’air autour d’elle est infiniment léger et tiède. D’ultimes cris d’oiseaux, derniè

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