Samsara
190 pages
Français

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Description

À la fin du siècle dernier, dans l'ambiance austère et feutrée de la Commission européenne, un homme d'une cinquantaine d'années qui éprouve douloureusement la perte de ses repères culturels dans cette société en pleine mutation, découvre auprès d'une jeune Allemande venue travailler à Bruxelles afin d'échapper à d'anciens démons, les vertiges d'un amour improbable. À travers l'évocation du parfum que porte cette femme, l'homme, jusque-là tranquille, entreprend un voyage initiatique dans un monde étrange aux frontières du réel et de l'imaginaire. Lors d'un bref séjour en Allemagne, au moment même où il peut enfin espérer assouvir sa passion, il scellera lui-même son destin dans un acte de liberté inattendu.

Hymne à la femme et à l'amour, ce roman est aussi une réflexion sur le temps.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 24 juin 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782334118293
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composér Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-334-11827-9

© Edilivre, 2016
Citation


« Tous les hommes sont menteurs, inconstants, faux, bavards, hypocrites, orgueilleux et lâches, méprisables et sensuels ; toutes les femmes sont perfides, artificieuses, vaniteuses, curieuses et dépravées ; le monde n’est qu’un égout sans fond où les phoques les plus informes rampent et se tordent sur des montagnes de fange ; mais il y a au monde une chose sainte et sublime, c’est l’union de deux de ces êtres si imparfaits et si affreux. On est souvent trompé en amour, souvent blessé et souvent malheureux ; mais on aime, et quand on est sur le bord de sa tombe, on se retourne pour regarder en arrière, et on se dit : J’ai souffert souvent, je me suis trompé quelquefois ; mais j’ai aimé. C’est moi qui ai vécu, et non pas un être factice créé par mon orgueil et mon ennui. »
Perdican, dans On ne badine pas avec l’amour, d’Alfred de Musset
Prologue
Le jour était tombé. Au-dehors, le printemps perçait à peine sous les vestiges rigides de l’hiver et le silence régnait, comme si le temps était suspendu. Quelques lumières au loin signalaient l’existence d’habitations où, à cette heure de la journée, on pouvait deviner que les familles se retrouvaient comme chaque soir selon un même rituel. On s’embrassait, on échangeait quelques mots et des rires, on évoquait la soirée qui commençait.
À l’étage où se trouvait son bureau, Fabien était seul depuis quelques minutes. Il marchait sans cesse de l’armoire à la table, les mains dans les poches de son pantalon, les yeux fixés sur un objectif mal cerné. À travers la vitre rigide du bureau, il distinguait à peine la rue en contrebas, éclairée par quelques luminaires. Devant l’entrée du bâtiment, les taxis avaient fini par renoncer à attendre et s’en étaient allés quérir des clients ailleurs. Il se dit qu’il était bien seul. Et que cette solitude, il devrait la porter longtemps, bien au-delà de cette nuit pas comme les autres.
La journée avait été joyeuse, « gaie » comme on dit souvent en Belgique, au moins en apparence. Pour son dernier jour dans le service, Irène avait bien fait les choses. Une belle table avait été dressée dans la salle de réunion au sixième étage, peuplée de pains surprises, de fruits et de gâteaux qu’elle avait, comme de coutume, préparés elle-même avec un soin et un talent qui ne cessaient de surprendre. Plusieurs petits bouquets et paniers de fleurs avaient été dispersés dans les quatre coins de la pièce, apportant à l’événement une touche de gaieté et de couleur. Fabien avait été digne, selon son éthique propre, c’est-à-dire qu’il avait fait un discours convenu, constitué de compliments et de regrets, d’anecdotes amusantes et d’émotion vraie, cherchant toujours à montrer à quel point Irène avait imprimé sa trace dans le service au cours des deux dernières années. À la fin de son discours, elle l’avait embrassé tendrement, comme jamais auparavant, et le souvenir de l’accolade lui tenait encore chaud au cœur. Puis elle avait ouvert les cadeaux qu’il lui avait remis, minutieusement, goûtant dans un sourire le silence qui s’était emparé de la salle. Alors qu’elle levait les yeux vers lui comme pour le remercier, avant de se tourner vers les autres, il dut faire un effort pour ne pas trembler et se dit que, décidément, il traînerait durant toute sa vie un parfum d’Irène. Sur le moment, il ne se rappelait même plus la nature des cadeaux qu’il avait choisis seul, et avait oublié la somme d’efforts qu’il avait dû consentir pour bousculer son imagination, faire preuve d’originalité, démontrer par son audace esthétique qu’Irène resterait pour lui unique.
Lorsqu’à 21 heures 30, le gardien de l’immeuble vint cogner à la porte de son bureau afin de vérifier à quelle heure il comptait sortir, Fabien ne le remarqua pas. Le gardien répéta une phrase, en songeant que ce fonctionnaire était bien étrange, que son comportement dépassait tout ce qu’il avait pu voir jusqu’à présent, puis poussa l’audace jusqu’à toucher son épaule. Fabien ne tressaillit pas, comme si cette interférence était incapable d’abolir son rêve, de le ramener à la réalité de cette soirée silencieuse, de cet immeuble gris qu’avait abandonné toute trace de vie. Finalement, il dut consentir à comprendre que tous ses collègues étaient partis, que les rires de la fête s’étaient tus, que l’ambiance grouillante et fervente des journées de travail s’était évaporée, et surtout, qu’Irène, demain, ne serait plus là. Ne viendrait plus. Alors, il retint des larmes, se força pour sourire au gardien et, comme pour le rassurer, lui indiqua qu’il allait sortir lui aussi. Rentrer chez lui. Comme tous les soirs. Mais cette fois, Fabien s’en rendait compte, ce serait pour essayer de commencer une autre vie, une vie sans Irène mais avec le souvenir de sa voix, de ses yeux, de ses mains. Irène partie, son fantôme arrivait déjà, et avec lui une impression de vide effroyable. Alors qu’il s’apprêtait à quitter son bureau, il crut lire sur le visage du gardien la marque d’un soulagement. À cet instant, il y eut, entre les deux hommes enfouis dans leur solitude, comme un éclair de fraternité, une étrange communion. En libérant son bureau, Fabien libérait en même temps le gardien ; l’un allait rentrer chez lui défait, avec le sentiment insoutenable d’avoir été amputé d’une partie de soi, mais l’autre allait comme chaque soir retrouver les siens, une femme et des enfants qui l’attendaient, un petit bonheur paisible qu’il avait su construire avec patience et qu’il voulait honorer, lui qui avait autrefois cru tout perdre en s’exilant de l’Italie, fuyant la misère, et s’offrant à la Belgique pour y arracher une dignité.
Demain, il faudrait faire semblant de vivre. Puis réapprendre à sourire. Entamer un nouveau cycle. Renaître. En attendant, un jour peut-être, de transmigrer pour la retrouver.
1
Bruxelles est une ville singulière. Bien sûr, il y a le ciel bas, les nuages gris, la pluie battant le pavé, les immeubles récents qui ont ancré la capitale européenne dans la modernité mais ont en même temps largement écorné son âme, son authenticité. Mais surtout, il y a les gens, ces centaines de milliers d’hommes et de femmes qui cohabitent tout en appartenant à trois communautés linguistiques et à trois cultures différentes. Et puis, il y a ceux qu’on nomme, de façon un peu désuète mais persistante, les « fonctionnaires du Marché commun », ces quelque vingt mille ouvriers de l’Europe en construction qui donnent l’impression d’occuper Bruxelles, tant les médias résonnent chaque jour d’informations provenant de la Commission européenne et les rues grouillent de plaques minéralogiques de voitures « européennes » (couleur bleue sur fond blanc, commençant banalement par les lettres EUR), distinctes des plaques de voitures « belges » (couleur rouge sur fond blanc). Au fil des années, l’« occupant » s’est disséminé à travers la ville, maintenant une forte présence dans l’un des « centres », celui du rond-point Schumann, où le bâtiment Breydel abritant les commissaires et leur staff a remplacé provisoirement le bâtiment Berlaymont, condamné pour cause d’amiante, mais gagnant peu à peu la quasi-totalité de l’espace urbain. C’est ainsi qu’au début des années quatre-vingt-dix, une modeste avenue d’Auderghem, jadis méconnue et vouée au sort discret des petites artères périphériques bordées d’immeubles sans défaut majeur mais aussi sans caractère notable, est devenue un lieu de passage important, tant pour les fonctionnaires qui remplissent les nombreux bâtiments jouxtant cette avenue que pour la multitude des visiteurs d’un jour, lobbyistes ou contractants notamment, qui s’éjectent nerveusement des taxis dans un cirque quasi incessant.
C’est dans ces parages qu’est née cette histoire, le premier jour d’un mois de mai qui commençait sous la pluie, sans pour autant parvenir à noyer l’optimisme de jours meilleurs qui ne quitte jamais les habitants de Bruxelles. Ce jour-là, à peine remise d’un voyage en train au cours duquel la solitude soudaine qu’elle ressentit avait nourri des pensées de nostalgie et d’inquiétude, Irène avait eu le sentiment intense que sa vie allait basculer. Il ne s’agissait pourtant que de commencer un nouveau travail, une situation qu’elle avait déjà vécue plusieurs fois, mais là le travail en question impliquait une expatriation dans la capitale belge, lieu mythique pour beaucoup de citoyens, qui abrite les bâtiments des principales institutions européennes. En regardant l’immeuble de la Commission où elle s’apprêtait à entrer, elle sentit son cœur battre la chamade, comme pour célébrer le début d’une vie nouvelle et résonner des espoirs qu’elle portait en elle. L’Allemagne lui semblait encore proche, tant ses souvenirs y étaient ancrés, et pourtant déjà un peu loin, tant ce qu’elle découvrait à peine ne ressemblait en rien à ce qu’elle avait quitté la veille. Miracle des trains qui, en balayant l’espace de leur grondement assoupissant, vous arrachent à une vie et vous transvasent indifféremment dans une autre. Elle décida qu’il valait mieux de pas penser, affermir son pas et entrer. « On verra bien », se dit-elle, quelques mots qui traduisaient plus qu’un sentiment passager, une véritable attitude face à la vie qui ferait bientôt des adeptes. Elle poussa la porte coulissante et, en un instant, prit possession de son nouveau décor. Son regard s’attarda un moment sur les plantes vertes de la collectivité, leur fonction de cendrier, leur impact sur le cafard, à des années-lumière de la végétation luxuriante de sa région.
Après quelques formalités avec les gardiens de l’immeuble pour se faire remettre un badge provisoire

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