Santa Caterina
388 pages
Français

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Description

« Au retour, Francesco fut surpris de trouver l'abbé attablé avec le sacristain devant une cruche de vin. L'attente des deux prêtres l'émut et l'enchanta. Il avait passé de longues heures, la veille, à retoucher la posture et le visage de sa sainte, et à lui donner ce regard d'espérance qu'il avait noté sur celui de Catherine Espinay. Il était content de son travail, mais point assuré qu'il serait perçu comme celui d'un véritable maître, et ce n'est pas sans trouble qu'il présenta son tableau. Le silence est à la fois source de crainte et d'espérance. Celui qu'observa l'abbé ne fit qu'augmenter ce trouble. Puis, Francesco vit perler une larme dans les yeux du sacristain ; cette émotion le réconforta. L'abbé, après être resté un long moment immobile, joignit les mains et murmura : — Le Christ devait avoir ce regard... Qui donc vous inspire, mon ami... ? » Chronique de l'art tout autant que peinture de l'âme, "Santa Caterina" est avant tout un roman qui revisite un XVe siècle bouillonnant de génie. Après "Les Confessions du curé Colas" et "À bas l'impôt ! Vive le Roi !", Daniel Tharaud démontre une nouvelle fois son talent à ressusciter la France d'autrefois, signant autour de la muse Catherine une œuvre sensible et vibrante d'humanité.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 11 août 2016
Nombre de lectures 1
EAN13 9782342054774
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0075€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Santa Caterina
Daniel Tharaud
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Santa Caterina
 
Toutes les recherches ont été entreprises afin d’identifier les ayants droit. Les erreurs ou omissions éventuelles signalées à l’éditeur seront rectifiées lors des prochaines éditions.
 
 
 
Mes remerciements à Françoise Barbe-Gall pour ses judicieux conseils
 
 
 
1
 
 
 
Leur ballot sur l’épaule, Paolo et Francesco remontaient la rue des Cordeliers pour rejoindre la place du Marché Neuf. Plus ils avançaient et plus Paolo s’étonnait de rencontrer tant de monde dans la rue. Ces badauds, pour la plupart, allaient également vers la place, le nez au vent, d’un pas tranquille d’oisif. De nombreux boutiquiers avaient fermé leur porte. Il fallait qu’un événement important fût survenu pour que la ville n’eût pas son entrain ordinaire. Paolo avisa deux commères dont la mine futée le prévint d’un bon accueil.
— Eh ! mes aimables dames, sauriez-vous dire à deux étrangers le pourquoi de ces volets clos et de cet afflux de monde vers la place du Marché Neuf… ?
Son accent chantant de Transalpin fit sourire les femmes, et la plus âgée lui répondit vivement :
— Pour n’être pas du pays, vous n’en avez pas moins deux oreilles. Ce glas ne vous dit rien… ?
— Eh ! je commence tout juste à le percevoir ! Mon oreille n’est pas aussi fine que la vôtre. C’est vrai que les ans me sont plus à charge qu’à vous…
— Écoutez-moi ce flatteur ! On meurt ici comme chez vous, mon brave monsieur.
— C’est donc quelqu’un d’important, pour que tant de gens se pressent afin de faire parade au passage du cortège… ? Un grand seigneur, peut-être ?
— Non pas, c’est simplement la femme d’un homme riche, mais qui tient sa place, et dont on aime à se ménager les bonnes grâces. D’où venez-vous donc, vous êtes tout déguenillés par la route ?
— C’est que voilà près de quatre lunes que nous sommes en chemin. Nous venons de la lointaine Toscane, et il nous a bien fallu travailler pour vivre tout au long de la route…
— Tant de lieues pour venir jusqu’ici… Y venez-vous chercher un héritage ?
— Hélas, non !
— Une femme, peut-être… ?
— Ce ne serait pas une mauvaise idée, car j’en vois de fort jolies.
— Avec un si maigre bagage, les plus jolies ne vous accorderont pas un regard, si aimables que vous soyez !
Paolo se voulut mystérieux.
— Ne vous fiez pas à l’apparence, ma commère, notre trésor est à l’abri. Peut-être nous reverrons-nous, et alors, vous ne dédaignerez pas mes hommages. Souvenez-vous, je me nomme Paolo. À bientôt.
À mesure qu’ils se rapprochaient, le son des cloches devenait plus distinct, et la foule plus dense. Ils durent jouer des coudes pour atteindre la place. Francesco, qui était leste, confia son ballot à son compagnon et se haussa sur un rebord de fenêtre.
— En voilà un peuple ! Il faut que notre homme soit puissant pour soulever tant d’attention !
Paolo s’impatientait.
— Dis-moi ce que tu vois.
— Je vois des draps noirs plantés aux fenêtres d’un hôtel, de l’autre côté de la place.
— De l’autre côté, dis-tu ! Une grande bâtisse, avec un porche plus haut que tous les autres ?
— Exact ! Un cortège s’assemble, et les archers lui préparent un chemin dans la foule.
— Voilà qui ne me dit rien de bon ; et je sens que nos affaires sont en mauvaise passe. Nous n’arrivons pas au bon moment !
Paolo demanda à un gros bourgeois qui s’agitait à ses côtés, quel était donc ce veuf qui enterrait sa femme.
— Vous n’êtes pas au courant ? C’est Maître Espinay, notre échevin. Si la santé s’achetait, son épouse serait encore en vie ! Mais sa fortune ne lui a servi de rien, et tous les médecins de la ville ont eu beau jeu de lui soutirer de l’argent ; rien n’y fit !
Une vieille femme osa répliquer :
— Ils n’ont fait que lui reprendre un peu de tout cet or qu’il accumule en exploitant le pauvre peuple. Quoi que vous en pensiez, mon ami, il n’a pas dû faire grands frais pour sauver sa femme. On lui connaît d’autres vues !
Vexé, le bourgeois répondit :
— Arrêtez là vos commérages, vous ignorez tout des choses.
Puis, s’adressant à Paolo :
— Voyez comment on vit ici. Dès que vous gagnez un peu d’argent, vous êtes en butte aux médisances.
Paolo ne l’écoutait plus. Il était atterré par ce qu’il venait d’apprendre, et n’avait guère le cœur de prêter l’oreille aux ragots. De son côté, Francesco s’émerveillait de ce qu’il voyait. Des hommes vêtus de riches surtouts noirs et portant au cou de lourdes chaînes de métal brillant s’assemblaient pour mener le cortège. Au-devant, dix archers faisaient reculer le peuple. À l’arrière, il y avait quatre valets porteurs de torches et vêtus de pourpoints de velours vert et blanc. Puis venaient huit serviteurs dont la longue houppelande écarlate s’ouvrait sur une robe de couleur paille, et qui portaient un long bard de bois sur lequel était posée une litière où reposait la défunte, tête et bras découverts. Le veuf venait ensuite, drapé de noir, comme ceux qui précédaient ; et trois pas derrière lui, on voyait une enfant pâle au visage de madone, à côté d’une femme âgée aux traits durs et fermés. La demoiselle devait avoir seize ans tout au plus, sa robe blanche tranchait sur le noir de celle de sa compagne et la faisait paraître plus pâle encore.
Le cortège se mit en marche dès qu’un chapelain, flanqué de deux servants, se fut placé à sa tête, et traversa la place entre les rangs serrés de la foule silencieuse. Derrière la jeune fille, toute une maisonnée d’amis et de serviteurs était sortie de l’hôtel, et contenait difficilement la poussée de tout ce peuple tassé autour d’eux.
Francesco n’eut bientôt plus de regards que pour cette frêle demoiselle, qui remerciait d’un sourire triste, mais lumineux, tous ceux qui la saluaient. Quand elle éleva les yeux vers lui, il fit un grand geste et posa sa main sur son cœur en baissant le front. La jeune fille lui rendit son salut et, l’espace d’un court instant, leurs regards restèrent accrochés l’un à l’autre. Il n’en fallut pas davantage pour que Francesco s’enflammât. Sans se soucier de la mine austère de Paolo, il l’entraîna un peu en dehors de la foule.
— Vers quelle église vont-ils ? Tu dois savoir cela, puisque tu faisais un peu partie de la maison. Car c’est bien chez eux que nous allions ?
— Oui… mais peut-être vaudrait-il mieux…
— Quelle église ?
— Saint-Sauveur, sans aucun doute.
— Allons-y !
— Pour quoi faire ?
— Je veux savoir à quoi ressemble ce petit potentat…
— Je te l’ai dit.
— Viens !
Sans se soucier des récriminations de son compagnon, il l’entraîna à la suite de la foule.
— Non, par ici !
Paolo, connaissant le caractère entêté de son jeune ami, se résigna à lui donner satisfaction.
— Viens par là. Je connais la ville. Si le vieux Côme est encore en vie, nous pourrons même entrer dans l’église. Mais cela ne nous apportera rien.
Par les rues avoisinantes, ils contournèrent la place et les quartiers proches, et se retrouvèrent bientôt derrière l’église. Paolo frappa de façon particulière à la porte basse, mais, n’obtenant pas de réponse, il se mit à tambouriner fortement le panneau de bois. Un petit desservant en aube blanche vint entrebâiller la porte. Paolo se voulut humble.
— Mon petit, le père Côme est-il toujours en cette église ?
— Oui ! répondit l’enfant comme si le contraire eût été une chose impossible.
— Va lui dire que Paolo voudrait assister à l’office.
Ce fut Côme qui revint, tout effaré par la nouvelle.
— Mais c’est bien toi, mon petit Paolo ! Quelle surprise ! Sais-tu que tu ne reviens pas dans un bon moment ?
— Parbleu, oui ! Je viens de l’apprendre. Peut-on entrer ?
— Oui, bien sûr. Quel est ce beau garçon ?
— Mon neveu, Francesco ; mais son désir ne s’émeut que pour les filles. Ne le flatte pas, il ne sait que trop que Dieu l’a bien bâti ! Il en jouit plus qu’il ne faudrait ! Et il en subit les conséquences… !
— À chacun ses misères… murmura Côme en se signant. Voulez-vous vraiment assister à l’office ? Est-ce par piété, mon jeune ami ? Dieu est le prétexte à bien des accommodements… Venez, je vais vous placer derrière un pilier de l’abside. Soyez discrets, le cortège ne va pas tarder à entrer, et l’église sera pleine. Laissez ici votre bagage, et ne comptez plus me voir jusqu’à ce que la cérémonie soit close.
La nef était déjà à demi pleine, et les porteurs de torches attendaient à la porte. Le groupe des échevins fit une entrée solennelle, le chapeau à la main, et se plaça de part et d’autre devant le chœur. La litière fut amenée au milieu d’eux, et quand la famille Espinay fut en place, les échevins s’installèrent à leur tour. Francesco fit en sorte d’être à découvert entre deux colonnes, pour que la jeune fille pût le voir. Mais elle restait le regard obstinément baissé. Paolo, qui n’avait pas le cœur religieux, s’impatientait d’être là et de ne pas apercevoir de visages connus autres que ceux de la famille Espinay et de leurs gens.
Ce ne fut qu’à la fin de la messe, alors qu’elle jetait un dernier regard sur le visage de sa mère, que la petite Espinay aperçut Francesco. Elle en demeura tout étonnée et esquissa un sourire. Mais déjà les porteurs recouvraient la litière et emportaient Madame Espinay vers sa dernière demeure. Entraînée par la dame en noir, la jeune fille ne se retourna pas. Paolo bougonnait.
— Alors, à quoi cela t’a-t-il servi ? Es-tu mieux renseigné d’avoir vu de près cet homme éminent ?
L’air de contentement de Francesco lui fit comprendre qu’

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