Tombe, Victor !
152 pages
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Tombe, Victor ! , livre ebook

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Description

Issu d’un journal intime retrouvé, Tombe, Victor ! nous plonge au cœur de la fin des années 60, dans une petite ville du sud de la France.



À 14 ans, Paul partage son temps entre sa scolarité et des études de piano qui le mèneront, espère-t-il, à une carrière de concertiste.

Issu d’un milieu populaire, il croise la route de Victor, garçon volubile, volontiers bagarreur, archétype du fils de famille en rupture de ban, avec lequel il découvre sa sexualité différente.

Si, pour Victor, ces épanchements ne sont qu’un jeu, ils augurent, pour Paul, d’une part essentielle de sa future vie d’homme.

Victor, ce gamin gouailleur, fils de notable, sera son premier amour. Mais un ange noir veille et sera à l’origine d’un drame aux funestes conséquences.


Illustration : Boy on Wall par Jonathan Wateridge

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 29 juin 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782334159579
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composér Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-334-15955-5

© Edilivre, 2017
Tombe, Victor !

Est-ce que je sais qui je suis ?
Toutes ces questions qui m’assaillent…
Je suis un extra-terrestre peut-être, dans un monde que je ne comprends pas.
Le crissement de la craie sur le tableau m’agresse ; craie, laisse-moi au creux de mes pensées s’il te plaît !
Je ne pense qu’à Victor ; il me hante la nuit dans mon sommeil ; parfois, je crie et me réveille en sursaut ; soubresauts ; frayeur.
Ma mère ne sait pas me consoler.
Je voudrais une voix douce, rassurante ; au lieu de cela, elle cède à la panique, hurlant presque :
– Qu’as-tu, mon fils ? Pourquoi as-tu crié ? Tout va bien, pourtant ! De quoi pourrais-tu te plaindre ?
Lui dire « Je pense à Victor qui m’ignore, qui fait comme si la boulette de papier mâché que je lui ai lancée avec mon stylo-sarbacane ne l’avait pas atteint » ?
Impossible, inavouable, hérésie. Serais-je un monstre ?
Victor m’ignore. Ou il sait trop bien.
Mais alors, il me méprise, me hait peut-être ?
Je remarque tout, sa nouvelle chemise à petits carreaux verts, sa coupe de cheveux toute fraîche, la petite tâche sur le blazer, le lacet défait : attention, Victor, tu pourrais tomber !
Tombe Victor, oui tombe !
Ton genou saignera et moi je lècherai la plaie pour qu’elle ne s’infecte pas ; après, je soufflerai dessus pour que ça sèche et tu me souriras, et tu diras :
« Merci, comment je ferais si t’existais pas ? ».
Et alors tu m’embrasseras doucement sur la joue ; et il y aura une larme qui coulera ; et tu l’avaleras.
Craie, laisse-moi au creux de mes pensées, s’il te plaît !
De toutes les choses que je sais une seule m’est présente au cœur : je suis jeune, vivant, abandonné, corps de désir consumé.
Pier Paolo Pasolini | La meilleure jeunesse, Suite frioulane © poésie/Gallimard, 1995
1
« T’es vraiment une tapette, toi ! » Victor me regarde avec ses yeux noirs ; un mince sourire dévoile des dents de carnassier. C’est un homme, déjà. C’est dit sans méchanceté, comme un désir d’affirmer sa virilité. Je m’appelle Paul, j’ai bientôt quinze ans, je viens d’entrer en troisième et mon cœur bat pour Victor, seize ans, qui ne le saura jamais, je me le suis juré. Je pense malgré tout qu’il a compris mon attirance : lui qui semblait me mépriser depuis la cinquième, s’est rapproché de moi, se donne des airs de parrain, me protège de je ne sais quoi. Victor a redoublé la sixième, un affront pour ce fils de notable dont le père est un riche médecin qui se pique aussi de politique. Le docteur Panella s’est présenté aux dernières élections municipales. Mon père, gaulliste, n’a pas voté pour lui. Il a dit que c’était un pétainiste, et le docteur Panella a été battu. Sa défaite n’a pas eu de conséquence : il y a toujours foule dans la salle d’attente de son cabinet du boulevard Foch.
Quand ma mère a été malade, le mois dernier, je lui ai dit d’aller chez le père de Victor, que c’était le meilleur médecin de tout Antibes, et qu’elle pouvait lui dire que j’étais un camarade de classe de son fils.
Elle n’en fut pas moins reçue comme une patiente ordinaire, rapidement, sans que le docteur ne relève, m’a-t-elle dit, ma proximité avec son garçon. Victor me traite de tapette parce que je lui ai dit que j’avais acheté un 45 tours de Claude François, et que c’est un pédé ; il a lu ça dans Minute . Mais l’autre jour, quand j’étais en bermuda, Victor a dit que j’avais des jambes de fille, parce que vierges de tout poil.
Ce qui est bizarre, c’est qu’il a passé la main dessus doucement en disant « Oh la la ! Ces jambes de fille, c’est doux ! » Et puis, il s’est mis à rigoler.
J’ai rien dit, mais j’ai vraiment aimé ça.
J’y ai repensé le soir dans mon lit avant de m’endormir : il fallait surtout pas que je me fasse des idées : il a dû dire ça pour se marrer, c’est tout.
J’ai quatorze ans et demi. Je ressens des choses bizarres, mais je ne peux pas en parler à la maison, parce que ma mère déteste qu’on aborde ce genre de sujet. Elle dort dans la chambre de mon grand frère depuis qu’il est parti faire son service militaire ; je sais qu’elle n’aime pas beaucoup mon père : avant, quand ils dormaient dans le même lit, je les entendais se disputer la nuit. Après, elle allait dormir dans le canapé du salon et je crois bien qu’elle pleurait.
Je ne sais pas à qui je vais bien pouvoir dire ce qui me tourmente.
2
Les jours de liberté, nous allons à « l’amphithéâtre ». C’est le nom que j’ai donné à un coin tranquille au bord de la mer, une plage de béton en hémicycle où nous allons discuter de tout et surtout de rien, l’après-midi, quand il n’y a pas cours.
Victor dit qu’amphithéâtre, c’est nul, et qu’il faudrait dire « solarium ».
La dernière fois que nous y sommes allés, il a sorti de son cartable un magazine pour adultes qu’il a fauché à son grand frère.
Dans Les folies de Paris et Hollywood , il n’y a que des femmes nues ; sur toutes les pages. Il a dit qu’en réalité, les femmes ont des poils, pas comme dans la revue où elles ont la peau rose, orange, ou gris-clair quand les photos ne sont pas en couleurs.
Il caresse le papier lisse et dit : « tu verras, samedi je t’emmènerai voir une fille que je connais ; on la tâtera. »
Il parle tout le temps de cette fille, mais chaque samedi, il y a toujours un problème qui nous empêche d’y aller. Je n’en suis pas mécontent, au fond, car finalement, cette idée de toucher une fille avec des poils, ça me fait un peu peur.
Je préfèrerais caresser les cheveux de Victor qui sont très noirs, un peu rêches sans doute.
Ma bite est dure tout le temps, mais les femmes à poil sans poils de Paris et Hollywood n’y sont pour rien ; c’est d’être assis à touche-touche avec mon meilleur copain qui me fait cet effet.
L’an dernier, nous avons été séparés : Victor était en 4 ème B3, et moi en B4.
Je m’en veux d’avoir opté pour le latin et le grec. C’est à cause de ça que nous ne serons plus jamais ensemble. En cours, il m’est arrivé plusieurs fois de le chercher des yeux. Je finissais toujours par arrêter mon regard sur Darmstetter qui me déteste, je ne sais pourquoi. Ce garçon qui a un drôle de nom est beau, le plus beau de la classe, c’est sûr, mais moins que Victor, quand même.
Mais Darmstetter m’a pris en grippe dès les premiers jours de l’année scolaire.
Il y a quelque chose dans mon apparence, mon allure, ma voix peut-être, qui lui déplaît.
Je crois qu’il n’aime pas qu’on me demande toujours de chanter en cours de musique ; c’est une classe où il s’agite toujours, se cache sous son bureau pour émettre des gloussements qui font rire les autres ; il fait exprès de chanter très faux pendant le chœur, quand moi, je cherche à faire de mon mieux comme si ma vie en dépendait.
Je siffle aussi très bien, à longueur de journée ; quand je quitte la maison, sur la coursive, en filant dans les escaliers pour aller au collège, à travers les rues, je siffle ; en ce moment, c’est la musique de Et pour quelques dollars de plus , le western italien qu’on est allé voir trois fois au Capri avec mon copain Jean-Paul, celui dont le père est motard de la gendarmerie nationale.
Jean-Paul n’est pas beau : il a une bouille toute ronde et porte de grosses lunettes, alors que moi, les lunettes, je ne les mets qu’au cinéma, au dernier moment, quand la lumière s’éteint, parce qu’avec, je me trouve vilain.
Mais je cherche toujours des qualités dans les visages les moins charmants.
Ainsi, j’aime bien les joues de Jean-Paul qui sont aussi rebondies que les miennes sont creuses ; je trouve aussi qu’il a de grosses cuisses, et ça me plaît.
Mais Jean-Paul n’aime rien de ce que j’aime.
Il adore tout ce qui est militaire, les armes, les blindés, les treillis, tous ces trucs qui me laissent froid.
Le 14 juillet, il m’a invité à regarder le défilé chez lui, à la télé. Il commentait par-dessus la voix du journaliste :
– Tu vois, ça c’est un AMX, et regarde, voilà les « Mirage » de la patrouille de France…
Il jubilait quand la Légion Etrangère défilait de ce pas lent, caractéristique. Moi, j’ai juste dit : « Ils sont vachement beaux, en plus ! », et Jean-Paul m’a regardé bizarrement. J’ai pensé : « Encore un qui va me traiter de tapette si je fais pas gaffe. », et j’ai rectifié, hypocrite « Enfin, leurs uniformes, je veux dire. »
3
Comme tous les ans, nous irons passer le mois d’août chez ma grand-mère près de Montpellier, dans ce petit village où, les années passant, je m’ennuie de plus en plus. Les journées sont interminables. Avant de partir, je ferai provision de livres chez Bozi où on peut échanger, en rajoutant cinquante centimes, les romans qu’on a lus contre d’autres qui sentent toujours un peu le moisi. En vacances, j’aime bien lire des romans de cape et d’épée. Mon héros préféré, c’est Pardaillan, de Michel Zévaco : ça se passe pendant les guerres de religion, d’abord sous Henri II et ça va jusqu’au début du règne de Louis XIII. Le chevalier de Pardaillan est beau, c’est un séducteur qui tombe souvent amoureux, se bat en duel pour défendre les faibles ; il a pour ennemie jurée une méchante femme, la Fausta, qui fait penser à la Milady des Trois Mousquetaires , mais en bien pire. Je la hais. Le problème, c’est que je finis trop vite mes lectures. Quand je n’ai plus rien à lire, je parcours les revues que ma grand-mère entasse dans une vieille commode vermoulue : Point de vue Images du monde, Confidences , Modes et travaux ou encore La vie du rail que mon oncle cheminot apporte de Montpellier par paquets entiers.
Victor, lui, part très loin pendant les vacances, et souvent hors de France. Cette année, il est allé en Autriche d’où il m’a envoyé une carte postale. On y voit de très bea

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