Vider l Océan en 660 minutes
128 pages
Français

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Vider l'Océan en 660 minutes , livre ebook

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Description

Océan n'a jamais aussi bien porté son nom que le jour où il a tenté de vider les eaux troubles qui emplissent son âme.
Il a entraperçu le tourbillon salé et les vagues calmes, au bord du rivage de la mort.


Il n'avait cependant pas envisagé qu'il allait se réveiller de nouveau, à l'aube de cette journée où il aurait dû ne plus être de ce monde, et dans le corps d'un autre ! Commence alors pour Océan un périple extraordinaire, qui lui fera revivre de loin ses derniers instants, et ceux de son entourage, avant son geste fatidique. Heure par heure, il devra revivre tous ces événements qui l'ont poussé à commettre l'irréparable, avec une terrible question en tête : que se passera-t-il lorsque tout ce temps se sera écoulé ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 18 mai 2020
Nombre de lectures 0
EAN13 9791038101692
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Juliette Marrati
Vider l'océan en 660 minutes





Teen Spirit
Mentions légales
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Teen Spirit © 2020, Tous droits réservés
Teen Spirit est un label appartenant aux éditions MxM Bookmark.

Suivi éditorial © Marine Gautier et Fanny Sichel
Correction ©  Julie Girault
Contrôle qualité ©  Juliette Ruffin
Illustration de couverture © MxM Créations
Toute représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit est strictement interdite. Cela constituerait une violation de l'article 425 et suivants du Code pénal. 
ISBN : 9791038101692


L’heure H
Vendredi 8 septembre, 17 h 39
Je n’ai sûrement jamais aussi bien porté mon prénom que maintenant.
Tout mon être n’est qu’un océan de rêves et de désespoir. Il y a, en mon cœur, des torrents et des vagues, au milieu des remous et des marées, l’eau agitée qui jamais ne se repose. Comme un tourbillon, elle ressasse les mêmes pensées intimes, caverneuses, et aussi noires que le fond de mon âme.
Je sens les larmes couler le long de mes joues. J’entends les cris que poussent mes poumons. J’ai fait de mon mieux, mais les sombres profondeurs ont gagné. J’ai craint la mort pendant si longtemps que j’espérais pouvoir lui échapper facilement. Elle ne me prendrait pas si tôt, moi, cet Océan si jeune encore. Elle devrait attendre, comme pour les autres, une maladie, plus tard, peut-être un accident arrivé trop tôt, ou la vieillesse, loin, au bout du chemin, avec un peu de chance. Je croisais les doigts, les jours défilaient. Pas question d’en finir avant.
L’espoir crédule de la jeunesse ne m’a pas épargné. Enfant, on ne pense pas au bonheur. On ne comprend ni qu’il se perd ni qu’il se gagne. Je n’ai pas chéri les années et les moments passés. Je n’ai fait que prendre les mains que l’on me tendait. Ma famille, mes amis, le monde. Tant de sourires auxquels répondre, tant de rires à imiter.
Je pense à cet ami laissé sur la berge, à la blessure de ne plus voir de mains tendues. L’obscurité a peu à peu recouvert l’océan.
Les idées noires, les mauvaises notes, les disputes, l’ennui, la peur, la honte, le désespoir, la tristesse, la peine, la souffrance, les insomnies, le manque d’appétit, l’indifférence, la perte, les questions, toujours les mêmes. Félix. Sa présence brutale et acide. Une absence. L’océan s’est vidé.
Je hurle, ça fait mal.
Mes pleurs rejoignent l’eau douce qui monte jusqu’à mon menton.
J’ai peur du néant, de mourir, d’être ailleurs, quelque part où il n’y a plus rien. Je n’ai pas décidé de mettre fin à mes jours parce que j’envie la mort. Ce n’est pas elle que je recherche. Elle est terrifiante et dévastatrice. Un coup de patte, et elle vous terrasse. C’est à autre chose que j’aspire, des faveurs qu’elle est seule à pouvoir m’offrir. Je veux ses promesses, son silence, l’arrêt. L’arrêt de tout, de ces murmures qui grouillent dans ma tête, des pensées des autres, des regards, des soupirs, des mots. Je ne veux plus ressentir ce qui fait rage à l’intérieur de moi.
Je suis fatigué. Depuis tant de temps. Aujourd’hui, mes muscles sont plus lourds encore, mais ils bougent d’eux-mêmes, avides de pouvoir se reposer à jamais.
J’entends la lame du rasoir cliqueter en tombant sur le carrelage de la salle de bain. Je n’ai plus la force de le tenir. Mon poignet qui se vide glisse dans l’eau. Il flotte à la surface. L’autre a déjà coulé. Mes yeux pleurent, encore et encore. Ils sont tristes. C’est instinctif. J’ai peur, et moi aussi, je suis triste. Mais mon cœur se brise plus encore à l’idée d’affronter une journée de plus.
Je ferme les yeux, et je pourrais presque sentir mes pensées quitter mon corps. L’océan est asséché, mais on me laisse un peu de répit, sur la fin.
Ma fin. Mes dernières minutes.
Elles n’auront bientôt plus d’importance, tout comme moi. Je ne laisse pas grand-chose, pour ne pas dire rien. Ni lettre ni mot. Mon corps suffira. Mes affaires, j’aimerais qu’elles soient brûlées. Mes souvenirs envolés.
Je prie pour que ma vie ne défile pas devant mes yeux. Même pour une éternité de repos, je ne veux pas de quelques secondes d’une existence que je n’ai pas su vivre. J’évite de penser à la possibilité d’un enfer, ou d’un paradis. Je n’ai pas été assez bon pour en ouvrir les portes, ni assez mauvais pour rejoindre les braises. J’ai imaginé mes enfers, la vapeur des cendres sur ma peau, les craintes dans ma tête, et toutes ces choses qui me terrifient. Le royaume du diable m’a fait hésiter, j’ai redouté son invitation. J’ai tourné autour de cette crainte de le rejoindre pendant des semaines. Jusqu’à ce que la douleur de chaque instant soit trop forte. J’ai ri de moi, ri de ce temps accumulé qui a suffi à me terrasser. J’ai refoulé mes croyances, ainsi que celles qui ne m’avaient jamais convaincu, mais qui restaient près de moi, comme pour continuer à me faire douter, espérer.
Une question reste en suspens. Je n’ai pas de réponse. Que vais-je laisser ? Beaucoup rêvent de marquer l’Histoire, d’y laisser leurs empreintes. Leur nom, leur amour, leurs mots, leur aventure. Et moi ? Je n’ai rien vécu d’extraordinaire, je n’ai plus d’amis, et ma famille m’oublie. Je m’efface de ce monde depuis si longtemps que c’est presque comme si je n’étais déjà plus là.
Un nouveau sanglot se bloque dans ma gorge. La peau à l’intérieur de mes poignets me tiraille. Je n’ose pas regarder l’eau qui a sûrement pris une teinte rouge obscur. Ma bouche se ferme, je retiens un nouveau cri. L’océan est vide et pourtant les larmes ne tarissent pas. Elles roulent, et roulent, et roulent, sur ma peau pâle.
C’est bientôt fini.


H moins onze / Félix
Vendredi 8 septembre, de 6 h 34 à 7 h 28
Le tissu est mouillé contre mes tempes, et un cri est bloqué dans ma gorge. Mon corps se relève brusquement, des sanglots dans les poumons, une quinte de toux le secouant tout entier. Le réveil sur la commode hurle la dernière chanson à la mode et indique six heures trente-quatre. Je cligne plusieurs fois des yeux. La pièce est plongée dans la pénombre, un faible liseré de lumière perce au travers des volets. Le dos de ma main passe sur mes joues. Elles sont trempées, les larmes silencieuses et douloureuses roulent toujours. Elles descendent sur mon menton, tombent sur mon tee-shirt. Elles ont imbibé l’oreiller sur lequel ma tête reposait.
Le réveil est maintenant arrêté sur six heures trente-cinq, et je passe avec maladresse ma main dessus, appuyant sur différentes touches avant qu’il se taise. Je ferme les yeux, assailli d’images, de gestes et de paroles que mon corps cherche à exprimer. Je suis censé me lever et sortir de la pièce, prendre la première porte à droite et aller me doucher.
Pourtant, je le sens, quelque chose ne va pas. Je me sens étranger.
Mon souffle est rauque dans ma gorge. Après avoir chassé les ordres que mon esprit me récitait, assis en tailleur sur le lit, je cherche à calmer les battements affolés de mon cœur, et ses pleurs. Machinalement, mes mains passent sur la peau fine et intacte de mes poignets. L’ampoule au plafond s’allume, et mes yeux, de nouveau assaillis, se referment. J’entends une voix qui ne m’est pas inconnue, mais dont les intonations refusent d’arriver jusqu’à moi. Je ne comprends pas ce qu’elle me veut, et je garde les yeux fermés, jusqu’à ce que j’aie l’impression d’être de nouveau seul.
Mes ongles s’obstinent à parcourir la bande de peau à l’intérieur de mes bras. Elle est lisse comme la pierre immaculée. Un brouillard plane au-dessus de ma tête. Un brouillard d’images, de sensations. Je me souviens d’une chose qui paraît vieille comme le monde, comme l’instinct qui habite chaque être vivant, comme ces souvenirs qui passent les générations et coulent dans nos veines. Ce même sentiment que celui de penser à respirer, à ouvrir les yeux le matin, et à les fermer le soir. Je m’en souviens sans parvenir à le reconnaître.
Lorsque j’ouvre de nouveau les yeux, la lumière est toujours allumée et mes rétines s’y habituent. Le gris anthracite des murs contraste avec les couleurs vives des meubles, et les battements de mon cœur se calment en apercevant le désordre dans cette chambre d’adolescent.
Pourtant, aucune des choses qui se trouvent dans cette pièce ne m’a jamais appartenu. Ni les posters, les livres, la batte de base-ball, les chaussures abandonnées près de la porte, les jaquettes de jeux vidéo, les draps dans lesquels je me trouve.
Ni ce corps.
Je baisse les yeux sur la peau mate et sombre qui recouvre mes mains, mes bras, mes épaules, mes jambes, mes joues, mon torse. J’observe ces ongles rongés, une habitude que je n’ai jamais eue. Partout où je regarde, je ne me vois pas. Pourtant, j’ai cette impression d’être à ma place, dans mon environnement, et je suis serein, comme si tout était normal. Mais ça ne l’est pas. Ce n’est pas mon corps, il ne lui ressemble en rien. Et cette chambre n’est pas la mienne non plus.
Je me lève, pantelant, l’esprit embrumé, comme l’océan un jour de pluie. On martèle ma tête de milliers de petites gouttes qui s’évaporent dans l’étendue infinie. D’instinct – pas le mien – mes pas me font sortir de la chambre. C’est comme si mon âme était la marionnette de ce corps.
Nouvelle lumière, plus tamisée, celle du couloir. Des cadres aux murs ornent une peinture blanche immaculée. Des visages et des formes, des sourires et des grimaces. Ma main trouve la poignée de la porte et je m’enferme dans la salle de bain. J’allume, avant même de penser à chercher l’interrupteur.
Et j’observe ce visage et cet individu dans le miroir.
Je ne suis plus moi. Je ne suis plus le frêle Océan, aux cheveux ternes et aux yeux vides. Mais je connais ces traits, ce regard sombre, ces cheveux en bataille.
Je passe une main sur le creux de ma joue, cherche les muscles de ma mâchoire, ouvre la bouche, sors mes dents blanches,

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