N épouse pas une étrangère
268 pages
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N'épouse pas une étrangère , livre ebook

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Description

Dans sa chanson Le Masque sur le mur, Gérard Manset évoque un personnage qui, partant au bout du monde, ignore que de là-bas on ne revient pas. Cette image pourrait résumer à elle seule le roman de Christian Billon intitulé N'épouse pas une étrangère. Ne pas revenir, c'est ce qui est arrivé à Julien Viaud quand, tout juste sorti de l'université de Nantes, il est parti pour le Japon. Et cela fait maintenant quelque trente ans qu'il file le parfait amour avec son nouveau pays et aussi avec Tomoko, la belle et intelligente Tomoko. Ensemble, ils ont eu deux enfants qui ont maintenant quitté la maison. Tout va bien pour eux dans le meilleur des mondes et dans la jolie ville de Nara, jusqu'au jour où un grain de sable vient gripper l'idylle, et c'est comme si le train à grande vitesse Shinkansen Nara-Tôkyô avait déraillé. Mais qui est donc cette jeune femme que Julien nomme « Japonnette » ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 10 août 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342054682
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0090€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

N'épouse pas une étrangère
Christian Billon
Mon Petit Editeur

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Mon Petit Editeur
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
N'épouse pas une étrangère
 
 
 
Retrouvez l’auteur sur son site Internet :
http://christian-billon.publibook.com
 
 
 
Pour Gérard Manset.
 
 
 
Toute ressemblance avec des personnages ou des situations existant ou ayant existé ne serait que pure coïncidence et le fruit du hasard.
 
 
 
« N’épouse pas une étrangère, une femme qui ne soit pas de la tribu de ton père, car nous sommes les descendants des prophètes » (Tobie 4,12)
 
 
 
« Si vous partez à l’étranger, donnez de vos nouvelles !
Et faites attention à ne pas trop boire ! »
Nakahara Chûya, Poèmes , Éditions Philippe Picquier.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
N’épouse pas une étrangère
Le Protocole de Kyōto
 
 
 
J’avoue que je n’avais jamais été très enthousiaste à l’idée de tromper la femme de ma vie. Mais je n’avais pas le choix quand c’est arrivé. Je l’ai fait à mon corps défendant, si l’on peut dire. Et je l’ai payé cher. Mais il faut que je vous raconte cela. En commençant par le début.
 
 
 
1. Nantes
 
 
 
J’avais vingt-quatre ans quand je suis arrivé au Japon pour la première fois. Après un cursus des plus classiques à l’université, Lettres modernes, j’étais sur le point d’obtenir le poste de maître-assistant que je convoitais à la faculté des Lettres de l’Université de Nantes.
Ma voie était toute tracée. J’étais chargé de cours pour une durée hebdomadaire de quinze heures. Tous les vendredis je montais à Paris pour mon cours de japonais à l’institut des Langues Orientales qui ne s’appelait pas encore l’INALCO.
De temps en temps, des lecteurs et des lectrices nippons de passage y donnaient des heures, discussions à bâtons rompus autour d’un thème d’actualité. Avec interdiction de parler français. Nous terminions invariablement l’après-midi par une visite rituelle au petit jardin oriental adossé au musée Guimet où nous buvions du thé matcha .
Le japonais n’est pas une langue tonale et est donc d’un accès relativement facile pour un palais européen. Pour ma mémoire auditive cela avait presque été un jeu d’enfant que d’assimiler les expressions clés, les mots à tiroirs permettant de se débrouiller très vite dans les échanges de la vie courante. J’avais donc parlé le japonais bien avant de l’écrire.
Cet apprentissage de la langue d’un pays pour lequel – je ne saurais l’expliquer – j’éprouvais, en même temps qu’une sorte d’attachement irrationnel, une forme de fascination vénéneuse, était l’occasion de pouvoir démystifier pas mal d’idées reçues, généralement véhiculées en Europe, sur le frottement, la friction dans un même pays, de deux aspects considérés habituellement comme contraires et opposés : la modernité et la tradition. Cette vision était une « tarte à la crème » et ça n’était pas le moindre mérite de mon inscription aux cours de « Langues O » que de continuer ce travail de démystification déjà amplement ébauché grâce à mes lectures : Ôé Kenzaburô, Abe Kôbô, Kawabata Yasunari, Mishima Yukio, le poète Bashô. D’abord apprendre, mémoriser les sinogrammes, puis s’absorber des syllabaires auxquels les kanjis avaient donné naissance : le katakana et le hiragana . On garderait pour la fin le plus facile : la transcription des mots japonais dépourvus de kanji à l’aide de l’alphabet latin : bains turcs : toruko-buro , orchestre : okesutura , chocolat : chokoreto , passeport : pasupoto , alcool : arukoru . Le système de transcription Romaji était celui permettant aux étrangers de se repérer dans les lieux publics.
Les élèves japonais maîtrisaient à peu près 2 000 kanjis à l’issue de leurs années de collège ce qui autorisait une communication ordinaire et expliquait le taux d’alphabétisation de 100 %
Je m’étais interrogé, mais on ne devrait jamais s’interroger sur ce genre de phénomènes qui sont plutôt comme des apparitions, des Annonciations dans nos vies, sur mon attrait précoce et durable pour le Japon.
Au baccalauréat, à l’oral d’Histoire-Géographie, j’avais tiré le sujet : « Les raisons de l’expansion économique du Japon. »
C’est plus tard que j’ai établi un lien entre mon attirance pour ce pays et la passion que je nourrissais pour Vincent van Gogh. Il y avait bien ce livre que mes parents m’avaient offert pour mon treizième anniversaire et intitulé sobrement « Van Gogh », mais aussi le fait que, dès la classe de sixième ou de cinquième, Mademoiselle Peltre, notre professeure de français, avait planté en nous, ses élèves, cette graine qui n’avait fait depuis que croître et embellir en moi. Elle avait l’habitude d’apporter au lycée ses propres livres « d’art » et cela avait été pour moi un coup de tonnerre, un séisme, une déflagration dans mon jeune cerveau. Les tableaux de Vincent van Gogh et ceux aussi de Paul Gauguin avaient soudain ouvert devant moi un monde insoupçonné, un océan de beauté, vaste et profond.
Alors j’avais accroché aux murs de ma chambre la reproduction d’une japonaiserie du génie hollandais au format original 55 x 46 cm, intitulée Les Pruniers en fleurs , peint en 1887 et dont l’original était exposé au Rijksmuseum Vincent van Gogh d’Amsterdam. Vincent s’était inspiré pour peindre son tableau d’une estampe d’Hiroshige. J’avais voulu en savoir plus sur cet intérêt que Vincent portait à l’art pictural japonais et avais cru trouver l’explication par le fait qu’à la fin novembre 1885 le peintre avait loué au 194 rue des Images à Anvers, une chambre située au-dessus de la boutique d’un marchand de couleurs, qu’il avait décorée – mais n’était-ce pas le marchand de couleurs lui-même qui l’avait fait ? – d’estampes japonaises.
Je pencherais plutôt pour la première hypothèse, à moins que – mais comment le savoir avec certitude ? – ce ne soit le marchand de couleurs lui-même qui lui ait communiqué sa propre passion, et on retrouvait cette décoration dans l’œuvre intitulée Portrait du Père Tanguy peinte en 1887 (toile de 92x75 cm, musée Rodin de Paris), donc pendant la période de Paris, où le fond de la toile est composé de tableaux japonais, femmes en tenue traditionnelle, guerriers à l’allure martiale, paysages de rivières et de rizières, sommet de volcan enneigé.
Étaient-ce là les estampes qu’il s’était procurées dans la boutique parisienne de Samuel Bing qu’il fréquentait et qu’il évoque dans ses lettres à son frère Théo ?
Il faut croire que cette lumière du Japon, l’art de la composition des maîtres japonais, Hokusai, Utamaro, Hiroshige, avaient fait une forte impression sur Vincent car on retrouve chez lui, dans un tableau peint en 1888, époque d’Arles, et intitulé Verger avec abricotiers en fleurs , et aussi dans Arbres en fleurs , ou Pêchers roses (souvenir de Mauve) une grande toile de 73 x 59,5 cm exposée au Rijksmuseum Kröller-Muller d’Otterlo, la même façon de représenter les fleurs de ces arbres fruitiers.
Pour Vincent, il y avait toujours eu cette quête de la lumière et le contraste est saisissant entre les toiles de l’époque de Nuenen (1885) où la palette est sombre, où le dessin est précis, et, trois ans plus tard, les tableaux de l’époque d’Arles où l’explosion des couleurs a eu lieu, le dessin s’est épuré, dans lesquels Vincent va à l’essentiel. Je me souviens du tableau, Le Jardin de Daubigny avec un chat noir , peint en 1890, une toile de 56 x 101,5 cm qu’on peut admirer habituellement au Kunstmuseum de Bâle mais dont ce musée avait autorisé le prêt à l’occasion d’une exposition qui avait eu lieu à Mons (Cuesmes) en Belgique en 1979.
J’avais fait la route en Renault 4L, peu de temps avant de partir au Japon, pour voir enfin les peintures de mon héros. Ce qui m’avait frappé dans ce tableau peint par Vincent quelques mois avant sa mort, c’est ce chat noir qui traverse le paysage et qui n’est pas noir. Vincent a utilisé une couleur pure, peut-être le bleu de Prusse, pour représenter l’animal d’une manière très stylisée avec les oreilles, les pattes, la queue comme le font les enfants et les gens qui ne savent pas dessiner.
Si l’on compare cette toile à un dessin de 1882 intitulé Vue de la fenêtre de l’atelier de l’artiste, crayon, plume et pinceau rehaussé de blanc (Rijksmuseum Kröller-Muller d’Otterlo), on mesure le chemin parcouru.
Là le dessin est léché, la précision photographique, on dirait presque une bande dessinée. Tout y est : l’homme qui pousse une brouette, la perspective des bâtiments, le chemin qui fuit en haut à droite du dessin. Les feuilles des arbres qui bordent le chemin, la fermière qui étend son linge, celle qui porte un seau d’eau, les brouettes, les haies. Au fond un atelier de menuiserie où des hommes sont affairés. Pourtant ce dessin est d’un format réduit : 47 x 28,5 cm. Rien à voir avec la grande toile du jardin de Daubigny. Voilà, c’est cela, de 1882 à 1890 Vincent a voyagé vers la lumière et, dans ses lettres à son frère Théo, il écrit qu’après la Provence, c’est l’Afrique du Nord, celle des tableaux d’Eugène Delacroix, dont il voudrait apprivoiser la lumière. Son ami Paul Gauguin, lui, est parti en Polynésie, Tahiti et les Marquises, et j’aime à croire que s’il avait vécu, si ce tragique 29 juillet 1890 n’avait pas mis un terme à sa vie et à sa fulgurance de peintre, c’est vers le Japon que la recherche de la lumière parfaite de Vincent l’aurait conduit.
Quand j’ai mis pour la première fois le pied au Japon, quand j’ai vu Kyōto et ses jardins, c’est à Vincent que j’ai pensé et j’ai pleuré en pensant à lui.
Les jardin

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