Nos premières cruautés
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Nos premières cruautés , livre ebook

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Description

L’enfance. C’est ce temps qu’on n’en finit jamais de croire éternel. Il est très important pour le petit Pol Pohl, notre narrateur, d’être froidement cruel. Amoral, il nous raconte, sans complaisance mais sans concession non plus, ses petites histoires enfantines de cruautés. Et les cruautés les plus anciennes, les plus malingres, les plus rabougries sont aussi les plus cruciales, les plus suaves et les plus indélébiles. En ce temps-là, le petit Pol et ses pairs enfantins de la commune fictive d’Irénéville étaient moins cernés, moins policés, moins corsetés de rectitudes, en leur enfance d’autrefois et de là-bas. Ils vivaient une vie plus secrète, plus sauvage et plus fluide qu’aujourd’hui. En étaient-ils pour autant moins cruels ?


Professeur de linguistique au département d’Études françaises de l’Université York de Toronto pendant vingt et un ans, Paul Laurendeau, né en 1958, vit aujourd’hui dans la région des Basses-Laurentides (Québec) où il se consacre à l’écriture. Il a publié plusieurs nouvelles et romans ainsi que quelques recueils de poésie (en solo ou en collaboration avec Allan Erwan Berger).

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 14
EAN13 9782924550311
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

NOS PREMIÈRES CRUAUTÉS
PAUL LAURENDEAU
© ÉLP éditeur, 2017 www.elpediteur.com elpediteur@gmail.com
ISBN : 978-2-924550-31-1
Image de la couverture : Matias Garabedian :L'automne au Québec, sur Wikimedia Commons (CC BY-SA 2.0)
Avis de l’éditeur
Cet ouvrage d’ÉLP éditeur est pourvu d’un dispositif de protection par filigrane appelé aussi tatouage (watermarkanglais) et, par conséquent, n’est pas verrouillé par un DRM ( en Digital Right Management), soit le verrou de protection nécessitant l’ouverture d’un compte Adobe. Cela signifie que vous en êtes le propriétaire et que vous pouvez en disposer sans limite de temps ou sur autant d’appareils (liseuses, tablettes, smartphones) que vous voulez.
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ÉLP éditeur est une maison d’édition 100% numérique fondée au printemps 2010. Immatriculée au Québec (Canada), ÉLP a toutefois une vocation transatlantique: ses auteurs comme les membres de son comité éditorial proviennent de toute la Francophonie. Pour toute question ou commentaire concernant cet ouvrage, n’hésitez pas à écrire à : ecrirelirepenser@gmail.com
Du même auteur
Aux éditions Jets d’encre :
Femmes fantastiques, nouvelles, 2008
Contes factuels, érotiques et sardoniques, nouvelles, 2008
Chez ÉLP éditeur:
Poésie d’outre-ville, poèmes, 2009
Adultophobie, roman, 2010
Se travestir, se dévoiler, roman, 2011
L’Assimilande, roman, 2011
Le Pépiement des femmes-frégates, roman, 2012
Le cycle domanial,roman en trois vol., 2013
Quatre contes érotiques, nouvelles, 2014
Le Roi Contumace, roman, 2015
L’Islam et nous, les athées, essai, 2016
Lire Mein Kampf, essai, 2017
Nos premières cruautés Sont, de toutes, les plus suaves Et ce qu’elles ont teinté Plus jamais ne se lave
Et ce qu’elles ont fendu Plus jamais ne se scelle Et ce qu’elles ont perdu Plus rien ne le révèle.
Nos premières cruautés Nous ont fait devenir Ce qui nous fait pleurer Et ce qui nous fait rire.
Et ce qu’elles nous avouent Retombe au fond du puits Quand pend à notre cou La meule de notre vie.
Nos premières cruautés Ne céderont jamais. Elles vont persévérer De relais en relais.
Sur nos iris, elles bougent Comme autant de scotomes. Une feuille d’automne rouge Glissant des pages d’un tome.
Et, et… nos premières cruautés Seront toujours Le plus sublime atour De tous nos apartés.
Chapitre UN Un passage secret au fond d’un placard
La commune s’appelle Irénéville. Ses nouveaux dével oppements sont en ce moment en construction dans une ancienne érablière. Voilà qui donne à méditer la modestie ambiante. La maison familiale, elle, la maison Pohl , c’est un peu une manière de cabane. Elle est plantée sur l’intersection des rue s Leclerc et Mirandole, elles-mêmes nouvellement tracées. La maison est sur Mirandole e t… Leclerc nous emboutit, si vous voyez le tableau champêtre. Nous en reparlerons. Da ns l’autre direction, la rue Leclerc se perd dans la forêt et elle n’est pavée qu’à mi-p arcours. Outre le boisé environnant, ce qui domine les alentours de toute sa puissance, c’est le champ de Malakel, tout en ténèbres, en broussailles et en fardoches.
Ma chambre est au sous-sol de la maison familiale. J’adore ça car j’adore me cacher. J’imagine souvent que je suis un rat. Un ra t qui cherche du sang. J’aime le sang. J’aime manger et j’aime jouir. Mais je ne boi s pas vraiment de sang et je ne mange que de la nourriture saine. C’est pas par cho ix, c’est par appétence. Les pommes, les oranges, les carottes m’amusent beaucou p plus que les bonbons, les pâtisseries, les confiseries. J’aime la nourriture qu’on peut cacher, comme le ferait un écureuil de ses glands ou un rat de toutes nos aman des. Cette histoire nutritive marque un peu le début de mes aventures cruelles de ce jour car les pommes, les oranges, les carottes servent pour les repas réguli ers. Aussi, quand on les chaparde, on pige directement dans le garde-manger du tout-ve nant, pas dans quelque sac lointain de friandises qui ne sera revisité que lor s de quelque abstrait jour faste. Vous me suivez ? Piquer un bonbon est un caprice. Piquer une pomme est un larcin.
Me voici donc, ce soir-là, armé d’une carotte de bo nne proportion que je tiens serrée comme si elle était un gourdin car j’entends la dév orer par le gros bout. Il faut toujours manger la carotte par le gros bout, c’est là le seu l principe méthodologique constant dans la grande organisation de notre perception des mondes. Mais d’abord, une cachette. Ce sera ma chambre, naturellement. Mais i l faut descendre plus creux, plus loin. Ce sera le placard de ma chambre. J’adore y d isparaître. Je fais ça depuis que je suis tout petit. J’y tenais d’ailleurs beaucoup mie ux avant. Je me place de profil au fond du placard, les pieds repliés devant moi. Je passe un doigt dans un trou de nœud se trouvant au bas de la porte du placard et je la ferme vivement, de l’intérieur.
Je commence à grignoter ma carotte tranquillement, par le gros bout. Plus ma manducation avance, plus la carotte est tendre. Gus tation sensorielle et satisfaction philosophique vont parfaitement de concert. Ça manq ue un peu de place par contre. Cette position de profil au fond du placard n’est v raiment plus ce qu’elle a déjà été. C’est la carrure des épaules qui semble avoir pris juste un peu trop de volume. C’est comme une sorte de gonflette inattendue. Ah, là là, grandir, c’est ça aussi, je suppose. Je fortille (comme on dit chez nous) de gauche et d e droite, une épaule se frottant contre la porte du placard solidement fermée, une a utre contre le fond du placard qui, lui, flageole étrangement. J’arrive à finir de dévo rer ma fichue carotte.
Je veux maintenant bouger pour sortir de là. Je m’a ppuie l’épaule sur le fond pour pousser la porte. Je bande mes muscles et, dans un gros déclic ancien et mécanique, toc… c’est le fond du placard qui cède. Je déboule alo rs trois marches et me retrouve
sur un sol de terre tapée. Il fait plus froid et ça sent subitement la boîte à bois, si vous voyez ce que je veux dire. Je me retourne et touche le sol. Je me redresse et me tourne vers d’où je viens. Le trou de nœud du bas d e ma porte de placard me regarde dans le noir, comme un œil lumineux désormais un pe u surélevé, me disant que mon monde familier d’enfant est toujours en place et qu e je viens tout simplement de basculer vers autre chose.
Je me lève d’un coup sec et on dirait qu’une sorte de petit insecte me farfouille alors dans les cheveux. Je place ma main au-dessus de ma tête pour l’attraper. C’est une chaînette d’ampoule, assez longuette. Je la tire do ucement et la lumière jaillit. Je suis dans une sorte de corridor en terre tapée, soutenu par des triades de poutres en angle droit, genre couloir de mine. Un passage secret au fond de mon placard ! La jubilation étonnée que ceci me suscite pourrait tout simplemen t me faire étouffer. Il faut profiter au maximum de cette trouvaille mirifique. Plaisir i nsondable de rat et qui dit rat dit méthode. Les rats sont des animaux fort méthodiques . Je me place à quatre pattes et remonte les trois marches menant vers le placard de ma chambre. L’idée est que désormais le trou de nœud du bas de la porte de mon placard est un traître potentiel. J’imagine un des membres de ma famille entrant dans ma chambre et percevant ce trou lumineux au bas de ma porte de placard. Bien o ui, réfléchissez. Maintenant que j’ai allumé une ampoule dans l’espace secret, le trou de nœud fait passer de la lumière des deux côtés de sa petite béance traîtresse, déso rmais. C’est comme ça. On se refait pas. Je prends une paire de godasses sur le sol du placard et la place directement devant le trou de nœud. Le voici opacif ié dans mon sens, dans l’autre sens aussi donc.
Me revoici debout au pied des trois petites marches en madrier, raccordant mon placard à ce nouveau monde romanesque qui m’attend patiemment. Maintenant, seconde méditation. Ce fond de placard qui vient de céder. Il a cédé comment ? Le voici justement devant moi. Il joue comme s’il étai t une seconde porte de faux fond. En tâtonnant je lui repère des pentures qui miaulent u n peu quand je les fais jouer, pas trop d’ailleurs, ce qui est rassurant. C’est une se conde porte, donc, sans plus. Un double fond. Je n’ai rien défoncé ou brisé. Bon, vo yons maintenant comment tu te fermes, gentille. En cette porte en bois strié, il y a une poignée qui est de notre côté, au passage secret et à moi. Rien de sophistiqué, hein. Une simplehandle de fer en poignée de valise, sans loquet ni bec de cane. Comm ent ça tient fermé alors, ce faux fond ? Je le rabats doucement, ma main et ma joue c ontre lui, puis il se ferme dans un autre petittoc. Il y a visiblement une pincette quelque part. Un peu inquiet qu’elle ne tienne trop solidement sa prise, je tire sur la poi gnée, et le faux fond se rouvre gentiment, en couinant juste un peu. Le tout foncti onne comme une vulgaire porte de poulailler mais en desservant mon côté, pas celui d u fond du placard. L’autre côté de cette porte dissimulée apparaît donc comme un fond de placard parfaitement lisse et sans poignée.
Maintenant rassuré au sujet du faux fond de mon pla card, je le referme doucement, retoc, et je concentre désormais toute mon attention jub ilante vers le passage secret lui-même. À environ trois mètres vers le fond du co uloir, il y a une autre ampoule au plafond, éteinte celle-là. Je marche en sa directio n en longeant le mur qui est fait d’épais madriers identiques à ceux qui servirent à confectionner le petit escalier de trois marches menant vers mon placard. Il fait plus frais ici. Ce sera très agréable de
s’y cacher l’été, pour le coup. Le plafond au-dessu s de ma tête, c’est le plancher de la maison, en fait, et, si je me fie à l’orientation é lémentaire, je dirais que je suis en train de me diriger vers le devant de la maison, par en d essous, naturellement.
Je parcours les trois mètres menant à la seconde am poule plafonnière. Me voici maintenant au tout devant de la maison. Sur ma gauc he, il y a un orifice carré à la hauteur de mes yeux. J’y perçois comme un frisson o u un mouvement. J’y colle un œil mais ne distingue rien. Le col est trop étroit et t rop long. L’orifice s’assombrit vite, malgré une source lumineuse discernable de l’autre bord. Des voix sont discernables aussi, du reste. Je retire mon œil du petit orifice et y colle mon oreille. J’entends une voix étouffée.Pol est encore allé fouiller dans les carottes. J’y suis. Ces deux membres de ma famille contrariés sont dans la chambre froid e, au sous-sol, au-devant de la maison, eux aussi, mais plus loin sur bâbord. Ceci confirme que le passage secret est ici bel et bien rendu sous la façade de notre résid ence.
La seconde ampoule plafonnière est sans chaînette. Luxe des luxes, je localise un interrupteur sur la section de béton, juste sous le petit orifice regardant vers la chambre froide. S’il y a des gens encore dans cette dernièr e, verront-ils la lumière s’allumer ? Improbable. L’orifice percé dans le béton est, redi sons-le, trop long, trop étroit. J’allume donc.
Une série d’une dizaine d’ampoules s’illumine alors , dans un corridor souterrain assez long qui semble bifurquer évasivement vers tr ibord. Tout ce jus s’alimente à l’électricité de notre maison, en plus. Confirmatio n, si nécessaire, que ce passage secret souterrain est à moi et à moi seul. Je m’y a vance donc, grelottant presque, tant à cause de la fraîcheur du lieu que de l’extase. Il y en a alors bien pour une trentaine de mètres, d’un couloir d’allure solide dont la pre stance de corridor de mine est amplifiée par le fait que le plafond-plancher de la maison a disparu, remplacé par de grandes masses de granit. Il est assez certain que je suis en train de passer sous la rue Mirandole, la rue à laquelle notre maison fait face, en direction de ce grand champ dépenaillé qui s’étend sur tribord avant de notre résidence. J’accélère le pas.
Je finis par me heurter à une nouvelle porte en boi s strié, analogue à celle formant faux fond dans mon placard. Je la pousse, elle rési ste. Je la tire. Elle ouvre, dans un tocrouillé. Il fait noir dans ce nouveau réduit, visi blement le point d’arrivée du passage secret. Je cherche un interrupteur. J’en trouve bie n un de mon côté du passage secret. Il est analogue à celui sous la maison. Mais il éte int la ligne d’ampoules du long corridor que je quitte. Et là, c’est le noir intégr al. Non, merde, je rallume. Le nouvel espace n’est plus alimenté en jus. Tant mieux, rema rquez. Il y a quand même des limites à éclairer ainsi à nos frais tout l’Irénévi lleunderground. Me voici douloureusement freiné dans mon élan exploratoire.
Bon, la barbe, restons rat et restons empreint de l a saine méthode. Je rebrousse chemin sans rien éteindre. Je repasse le passage so us la rue Mirandole, puis le segment du passage sous notre maison. Me revoici de vant le faux fond de mon placard. Je l’ouvre et sors dudit placard. Je sors ensuite de ma chambre. Je passe à l’établi de l’atelier et me munis d’une bonne lampe de poche. Retour dans ma chambre, puis dans le placard. Ouverture du faux fond. Ferme ture du placard. Escalier de madrier aux trois marches. Couloir sous la maison. Couloir sous la rue Mirandole. Me revoici devant mon problème initial. Je rouvre la p orte de bois strié. Et j’allume ma lampe de poche.
Ilyadevantmoi,desbarilsdeboisempilés.Ilssemblentfortlourds.Enfait,
Il y adevant moi,desbarilsdebois empilés.Ils semblentfortlourds.Enfait, vérification faite, c’est du béton qui a été coulé en leur intérieur. Je me faufile facilement entre deux piles de barils qui ont l’air de deux solides colonnes. Je dois maintenant refermer la porte par laquelle j’entre e n ce nouveau résidu. Il faut que je la tire vers moi. En inspectant la porte avec la lampe de poche, je trouve un clou innocemment planté au rebord du battant. En tirant par le clou faisant poignée,toc, la porte par laquelle je suis venu se referme. Et je p eux inspecter le résidu. Bondance, que tout ceci est bien conçu.
C’est une sorte de cave de granit, partiellement bé tonnée et dont le béton s’effrite fort. Elle n’est pas très spacieuse et tout semble y être vermoulu et oublié. Un escalier montant vers son plafond trône en son centre. Il y a des barils, des vieux râteaux, des pelles, des fagots de bois sec dont les cordeaux d’ attache tombent en poussière. Le premier moment intéressant, c’est quand je me suis retourné depuis le milieu du résidu et ai inspecté la porte d’où je viens. Dissimulée p ar les piles de barils, elle se confond avec un large panneau de bois strié qui fait tout l e fond de la cave. Il y a des piles de barils faisant colonnes disposées de façon régulièr e dans tout le fond du résidu. En d’autres termes, il est parfaitement possible de de scendre ici, s’y cacher, y faire tout ce qu’on a envie d’y faire sans jamais se douter qu’un passage secret se rend ici depuis la vieille maison de la famille Pohl.
Pour ne pas tomber moi-même dans le piège visuel as sez savoureux que je viens de détecter, j’inspecte méthodiquement tous les murs d e cette cave. Elle est à peu près carrée et, sauf pour le fond d’où je suis venu, c’e st donc du granit poissé de béton défraîchi et effrité. Il ne semble pas y avoir d’au tre corridor souterrain. Ceci est mon terminus.
L’escalier devient alors le principal objet d’intér êt. Il est donc disposé au centre de l’espace et il est en granit. Costaud. On a dû entr eposer ici des marchandises qui faisaient leur poids et ce, en s’arrangeant bien po ur que l’escalier ne cède pas sous les convoyeurs en action. Je le monte et me heurte à un e trappe à deux battants, chevillée dans le plafond du résidu. Je crains bien qu’elle s oit verrouillée de l’extérieur. Erreur. Je pousse, il y a bien une sorte de poids flasque q ui résiste un peu, puis qui se tasse en bruissant. Ce sont des branchages. La trappe s’o uvre et je sors.
Le soir est tombé depuis un bon moment. Il y a une petite brise et les grillons grésillent. Je m’éloigne de la trappe, sans la refe rmer. Je l’inspecte. Elle est encastrée dans des blocs de granit bien au ras du sol, et des branchages morts la recouvrent en partie. C’est passablement bien dissimulé. J’éteins ma lampe de poche et m’efforce d’inspecter l’horizon. Sans surprise, je suis assez loin au milieu du champ de Malakel. La maison Pohl, ma maison familiale, est visible à quelque trente mètres d’où je me trouve. À deux mètres devant moi, quand je tourne l e dos à la maison Pohl, il y a un gros tilleul qui sera très facile à repérer… dès de main.
Je reprends l’escalier, ferme la trappe sur moi et rebrousse chemin. Je descends l’escalier de granit et me retrouve au fond de la c ave, fond qui, du reste, est bien sec. Tout ceci est certainement parfaitement drainé car il a plu la veille et le champ de Malakel est gorgé d’humidité. Il me faut un certain temps pour retrouver le petit clou du mur de bois derrière les barils. Même quand on conn aît le secret, ça reste sacrément bien dissimulé. Je pousse.Toc. Je rentre dans le passage, ferme ma porte secrète . Tocampe de poche allumée à la main,. J’éteins tout de suite le premier interrupteur. L je traverse alors le corridor sous la rue Mirandole . Me revoici sous notre résidence. Extinction de ma lampe de poche devenue inutile dep uis un petit moment. Je traverse
le segment du passage secret se trouvant sous notre maison. Je me guide maintenant sur l’ampoule qui est proche de mon placard, celle qui s’allume avec la chaînette. Astucieusement, seul quelqu’un empruntant le passag e via mon placard dans un sens ou dans l’autre pourra allumer ou éteindre cette am poule à chaînette. Pas de danger de se retrouver dans le noir complet donc. Subtil. Sur ce, je quitte mon passage secret par mon placard, fais ma toilette et vais dormir.
Le lendemain, je me rends par voie de surface au ch amp de Malakel. Je repère assez facilement le grand tilleul et je retrouve la trappe, fermée mais découverte de ses branchages. Je la recouvre pieusement, la renda nt derechef invisible. Magnifique. Tout ça, c’est comme un rêve et pourtant c’est supe rbement vrai. Bon, pour le moment, je ne sais pas lire mais dans trois ou quatre ans d ’ici, je passerai une intéressante journée à la petite bibliothèque communale, pour y retracer les aventures d’un certain Sol Malakel (1890-1961), citoyen canadien émigré as sez abruptement aux États-Unis et qui, pendant des années, fut soupçonné par les a utorités fédérales de faire la contrebande du rhum de Jamaïque vers Montréal et To ronto, en parsemant et dissimulant des caches tout au long de nos belles v allées verdoyantes.
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