Où allez-vous Gaspard ?
490 pages
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Description

« Et ainsi, chaque fois que Gaspard terminait une histoire, il lui trouvait un couronnement, ou bien elle se prolongeait dans un silence qui la suivait et qu'il rompait avec la jovialité affectée et la pudeur de ceux qui abrègent ce temps de recueillement quasi pontifical succédant à une période plus ou moins doctorale. Mais on rencontre peu cette inclination chez les narrateurs in vivo. Je pressentis cette fois qu'il allait croire devoir s'en expliquer, ou s'en excuser. Je prévins cette précaution inutile : — J'apprécie beaucoup l'art que vous avez de faire déboucher les cours divers de vos aventures dans des mers de réflexions où la pensée s'étale. Je vous suis très bien, parfois je crois même vous avoir précédé. » Il y a dans ce roman de formation composé sous la forme d'un dialogue – voire même de confidences par endroits – plus que le dit de l'enfance et de la jeunesse de Gaspard, avec ce que celles-ci peuvent avoir de beau et de tragique, de doux et de traumatique. En effet, il y a encore dans ce texte un sourd et sensible hommage à la littérature. Du personnage qui se raconte et n'est pas sans rappeler une figure de conteuse comme Shéhérazade aux références littéraires, des passages quasi rousseauistes à l'élégance de la plume, cette œuvre, ample et majestueuse, ne cesse finalement de clamer l'amour des mots.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 12 février 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342048650
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0090€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Où allez-vous Gaspard ?
Robert Souriaud d'Albret
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Où allez-vous Gaspard ?
 
Toutes les recherches ont été entreprises afin d’identifier les ayants droit. Les erreurs ou omissions éventuelles signalées à l’éditeur seront rectifiées lors des prochaines éditions.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Première partie
 
 
 
 
 
 
Amas de souvenirs agrégés aux maux du xx e  siècle.
 
À la suite de la douzaine d’entretiens – les premiers – que j’ai eus avec Gaspard René Sannon, j’ai regroupé un certain nombre de ses réflexions que je notais de mon mieux en regagnant mon hôtel après chacune des premières soirées de Vierzon.
 
C’était, au milieu des confidences que je pouvais encore moins ordonner que ses souvenirs d’enfance, l’expression de sentiments que rien ne pouvait empêcher de jaillir, comme fusent les étincelles dans l’âtre.
 
Je lui devais bien ce rapport de pensées spontanées, spontanéité de création possible pour lui ; il a eu parlé de Mémoires d’un imparfait , de Cris d’un indomptable , de Bêlements impuissants d’un mouton noir , dont il aurait pu laisser une trace édifiante, mais qu’il a toujours laissés en projet.
 
Cela, qui devrait être une suite, j’ai cru bon de le placer avant, « comme il ne se doit pas », me dira-t-on. Qu’on ne me demande donc pas pourquoi. Ne peut-on vraiment rien faire sans raison ?
 
 
 
I. Les apophtegmes de Gaspard
 
 
 
Ma vie fut dès le début un combat entre l’instinct de l’indiscipline et le besoin de l’ordre. La force de l’un m’a permis de sauvegarder un minimum de liberté, l’enracinement génétique de l’autre m’a permis d’accepter et de choisir des chaînes.
Entre deux maux, je choisis toujours celui qui se rapproche le plus du bien.
Les forces du bien passent par des voies rebelles au sondage dont les noms varient selon… Il est inutile de dire selon les époques et les continents, les consciences collectives avec leurs rites civils et religieux. C’est trop évident. Et il en va de même pour les forces du mal. J’ose dire en revanche que le bien, passant par une au moins des formes de la foi, ses chemins sont longs et difficiles ; si leur nom ne s’inscrit pas facilement sous nos yeux, il est écrit ailleurs, dans un ciel où le cœur voit clair, un ciel où vit toujours un Petit Prince. Ainsi vit tout le bien que nous pouvons aimer.
Ainsi prend vie tout le bien que nous souhaitons. Ainsi « tout ce que nous croyons existe », dit Maxime Gorki. Ainsi, quant à moi, je tiens la partie de la vie passée dans le royaume du rêve pour la plus importante.
Mais il est encore vrai qu’invoquer n’importe quel ange ou n’importe quel démon, c’est entrer en contact avec une réalité. C’est appeler une force et c’est l’utiliser si l’on croit en ce que l’on fait. Un ressort n’existera jamais dans le bien pur et véritable : c’est le fanatisme. Et c’est le fanatisme d’un certain mieux qui sera l’ennemi du bien, et peut-être l’ami du mal. À part cela, où finit le bien, où commence le mal de la « charité bien ordonnée » qui « commence par soi-même » ?
Indécis, nous voyons se déplacer cette limite une fois que nous avons été séduits par « l’égoïsme supérieur » de Proust, le « culte du moi » ici et là, et les Souvenirs d’égotisme de Stendhal. Et voilà qu’indifférents à cette question, nous avons oublié le Toâ de S. Guitry.
 
Après le xvii e  siècle où la règle d’or fut « le moi est haïssable » de Pascal, le xviii e a fait grand usage de la première personne singulièrement – de ses polémiques à ses confessions, en passant par ses romans faits de lettres. Le xix e après cela voit fleurir « l’expression rythmée des sentiments personnels » dans le lyrisme des plus grands poètes. Mais voilà que parmi ces « enfants de siècle », un mousquetaire rouge, un homme dont le sérieux a pu être rapproché du tragique de Baudelaire, le seul à la fois familier des Muses et de la philosophie – pardon Monsieur Hugo –, voilà qu’Alfred de Vigny écrit dans Le Journal d’un poète : « Le mot de la langue le plus difficile à prononcer et à placer convenablement, c’est moi. » Et pourtant… l’univers est en soi. Socrate aurait dit : « L’univers est en toi. » Mais non pas « l’univers est en moi ».
C’est l’anonymat du « soi » et l’universalité du « toi » qui font le philosophe. Mais il ne faut pas que « le serviteur des Onze 1  » m’éloigne de l’auteur de Servitude et grandeur militaires .
Le premier, voix de la sagesse, ne pouvait laisser à Platon que des sentences impersonnelles, intemporelles. Mais que dis-je ? Je m’éloigne encore et sacrifie au « je » pour avouer une tentation tenace : ajouter quelque chose au parallèle. Que faisait Jean-Jacques entre Socrate et Jésus qui, prophète s’engage en son nom : « En vérité, je vous le dis… » Et c’est sans les quitter qu’on peut revenir à Vigny, par un simple et commun constat : la nécessité d’introspection qu’implique la règle socratique : «  Gnothi seauton 2  » semble être la clef préalable à toute ouverture sur le monde : un cosme dort en soi, qu’il convient d’explorer.
 
De rêverie en réflexion, de réflexion en méditation, de méditation en ivresse : voilà l’ivresse que nomme le poète, venue du vin de la pensée qui enivre les rêveurs. L’eau de la source est l’eau retrouvée à l’embouchure. Si le cours n’en a pas été celui d’un fleuve d’oubli, l’exploration opportune de ses rives peut avoir permis cette introspection nécessaire à la sagesse que Marc Aurèle et Maeterlinck associent à la destinée.
 
Le sage connaît ses limites. À chaque instant, dans l’action ou le repos, il en prend acte. Il sait que son avoir tendra toujours à être inférieur à son vouloir ; c’est dans son destin. Pour lui, savoir raison garder, c’est se persuader que ce qu’il a n’est que ce qu’il a voulu.
Ainsi voudrait-il vouloir de moins en moins. Et, sans préjudice pour une juste ambition et pour ce qu’il exige de lui-même, il se construit une félicité à l’échelle de ce qu’il a.
 
Edgar Poe disait : « On ne peut être heureux qu’autant qu’on a souffert. » Si l’on invente l’allégrimètre de la joie, ce sera la douleur qui le graduera. Nul – ou presque – ne peut prendre la mesure de la souffrance sans l’avoir expérimentée. « Presque » : sauf le sage. Il reste vrai pour chacun que le secret des heureux est de savoir donner un prix à la douleur.
 
Balzac écrit 3 : « Ici bas rien n’est complet que le malheur. » Malgré cet absolu du malheur, on peut entendre dire. « Chacun son malheur. » L’esprit de géométrie 4 fait équivaloir à cela : « Chacun son absolu. » Mais l’esprit de finesse 5 rappelle l’écart que créent entre deux malheureux le pessimisme et ses nuances. Assumer l’absolu pour relativiser le bonheur.
 
« L’argent n’a pas d’odeur. » Boutade que personne ne cherche à expliquer ; son sens implicite « saute aux yeux ». Pas besoin d’explication. Que pourrait… il peut ôter à l’amour son parfum d’âme.
C’est alors « l’amour » monnayé qui n’a plus d’« odeur » – qui n’a plus de parfum. L’argent désunit trop souvent ce que l’amour unifie. Quand l’argent ne construit pas, il détruit. Sages sont ceux qui font leur bonheur avec l’argent – ou malgré lui.
 
Si l’amour à la chair donne une intelligence, à l’âme le désir donne un corps sans génie.
 
Il existe quelque part un monde fait de la seule beauté. C’est l’étoile des poètes, de Paul Delmet.
 
Comment évaluer exactement nos actes ? Après vingt siècles de christianisme, on peut déplorer que tel démon avec lequel un honnête homme d’aujourd’hui se bat – et se débat – était il y a deux à trois mille ans un dieu.
 
Il y a des jours où la perspective de la mort rassure. Pour le chrétien, Dieu est un, au masculin singulier (cf. Credo in Unum Deum ) et n’est plus qu’une partie de lui-même quand Il laisse engrosser la pauvre femme du pauvre charpentier par l’esprit, dont les missions sont rares et discrètes (cf. les flammes de Pentecôte sur les crânes des Onze). Il est encore bien plus honteusement non assistant à personne en danger quand ce Fils, pauvre Dieu déchu et humain, dit une première fois, sur le Golgotha : « Père, faites que ce calice s’éloigne de moi », et quand sur la croix d’un brave il dit en araméen : «  Eli, Eli, lamma sabacdani ?  » (Père, Père, pourquoi m’as-tu abandonné ?) Décidément, de mystère ou paradoxe et en invraisemblance, ces trois personnes, dont chacune est au masculin, obligent le plus fin limier de l’exégèse à renoncer à toute l’enquête sérieuse sur cette famille (y compris la pauvre Marie) qu’une astuce d’esprit byzantin a fait appeler Trinité, glorieux féminin. Comme Renan, je vous avertis : cela ne correspond pas forcément au genre des noms en hébreu et en grec.
Pas forcément, mais vérifiez. Puis, ne pensez pas trop aux « Écritures » : la Bible écrite par des hommes, Jésus, visage pâle peint en blond par les plus grands maîtres, alors que Juif, il est brun et ne risquez pas une inflammation des méninges en vous demandant qu’eût été Dieu si la Bible avait été écrite par une – par des – femme(s). Une seule personne à trois visages ?
 
Rien du tout cela ne m’empêche de croire en Dieu, qui n’a pas besoin des hommes pour être défendu, qui n’a rien d’anthroposophique comme la colère (péché), la vengeance (antipode de la miséricorde) et l’initiative réparatrice d’erreur (injure à l’esprit parfait de l’être). Il n’a pas besoin de « gloire » : l’infini de l’ancré ignoré ne grandit pas.
Mais si on veut l’aimer tant mieux : c’est la

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