Paris perdu
158 pages
Français

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Paris perdu , livre ebook

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Description

L’argument choc de l’agent immobilier : « Ici, vous n’êtes qu’à une heure de Paris » avait fait long feu ; il devait résonner sans fin dans la tête de mes parents. Nous aurions tout aussi bien pu nous trouver à Tombouctou ou Zanzibar. Une heure de Paris, c’était si loin ! »
Jeune garçon de 10 ans, Alexandre est contraint de quitter Paris pour suivre ses parents en quête d'une nouvelle vie à la campagne. Commence alors une odyssée adolescente foisonnante qui nous entraîne au cœur des années 80, dans un monde rural qui ne dort que d'un œil…

Informations

Publié par
Date de parution 11 avril 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782304045550
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0017€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Paris perdu


Stanislas Marin

Le Manuscrit 2016
ISBN:9782304045550
Cet ebook a été réalisé avec IGGY FACTORY. Pour plus d'informations rendez-vous sur le site : www.iggybook.com
Table des matières

I
II
III
IV
V
VI
VII
VIII
IX
X
XI
XII
XIII
XIV
XV
XVI
XVII
XVIII
XIX
XX
XXI
XXII
XXIII
XXIV
XXV
XXVI
XXVII
XXVIII
XXIX
XXX
TRAGÉDIE DANS LES PYRÉNÉES
À Lucrecia, Aliénor, Victoria et Léonard
On se cherche des retraites à la campagne […] Mais c’est parfaitement idiot puisqu’à tout moment on peut se retirer en soi-même. Et nulle retraite n’offre plus de calme et moins de préoccupations que sa propre âme.
                                                      MARC AURELE
I
 

 
Ils riaient ! Ils riaient ! Cela faisait presque une heure que nous avions quitté Paris et l’euphorie de mes parents montait crescendo dans la voiture. Quitter Paris, un aller simple… C’était fait. Le stress de la grande ville, l’enfer urbain : oublié tout ça. Place à la vraie vie, celle au contact de la nature, loin du bruit et de la pollution. Ainsi pensaient-ils naïvement…
Le camion de déménagement était arrivé la veille et nous le rejoignions dans notre 504 blanche chargée jusqu’à la gueule. À côté de moi, mon grand frère ne disait rien ; il regardait le paysage défiler par la fenêtre d’un air indifférent, son walkman greffé sur les oreilles. Nous aurions dû arriver depuis une bonne demi-heure déjà lorsque mon père explosa ; il se mit à engueuler copieusement Maman, chargée du rôle ingrat de copilote :
—   Mais t’es demeurée ou quoi, ma pauvre vieille ? C’est pourtant pas compliqué de savoir regarder une carte, merde !
—   Si tu continues, je rentre à Paris illico ! asséna Maman.
Philippe éteignit son walkman le temps d’en placer une :
—   On arrive bientôt ? J’ai grave les crocs là.
—   Oh, la paix, hein ! répliquèrent mes parents de conserve.
Ambiance.
Pour ma part, tout allait bien ou presque. J’étais plongé dans un bon Lucky-Luke extrait de ma collection, qui tombait en lambeaux comme tous les autres à force de les avoir trop lus. Mon père avait oublié de contrôler la pression des pneus et nous flottions un peu sur la route ; le tangage faisait danser la bande dessinée devant mes yeux et un épouvantable mal au cœur finit par me submerger. Mon père guettait dans son rétroviseur :
—   Alexandre, arrête de lire. Tu vas être malade !
—   T’inquiète Papa. Tout va bien.
—   Écoute ton père. On est déjà suffisamment énervés comme ça sans qu’en plus, on ait à s’occuper des problèmes de…
Maman n’eut guère le temps de finir sa phrase que je vomis copieusement mon solide petit-déjeuner anglais qu’elle nous avait préparé avec amour. À cette époque, Maman portait les cheveux longs. Je ne sais trop pourquoi, ses cheveux recouvraient en partie l’appui-tête et tombaient en cascade à l’arrière du siège. Le jet unidirectionnel m’épargna totalement… Il fallut une demi-heure à Maman pour se laver les cheveux à qui mieux mieux sur le bas-côté de la route, à l’aide d’une minuscule bouteille d’eau en plastique. Mes parents avaient fini de rire pour la journée. L’odeur de vomi ne nous quitterait jamais complètement, jusqu’à la vente de la 504 l‘année suivante. Mon père aurait d’ailleurs un mal fou à masquer « l’odeur bizarre » flairée par les acquéreurs potentiels.
C’était stupide mais par trois fois nous avions raté le panneau. À une allure d’escargot, mon père ne laissa pas passer sa chance à nouveau. « Chardon de Croth ; 3,5 km » pouvait-on lire enfin.
Rien de bien engageant en perspective, pensais-je en découvrant le nom du patelin. J’étais loin d’imaginer ce dans quoi nous allions mettre les pieds !
Une invisible départementale cachée dans une bordée d’arbres menait à Chardon de Croth. La route serpentait sur deux bons kilomètres dans le maquis d’une jeune hêtraie. À mesure que nous nous y enfoncions, la forêt très dense arrêtait le regard à quelques mètres seulement ; je me figurai que nous étions des explorateurs d’un nouveau genre, en quête de notre terra incognita . Au mieux, une voiture et demie passait dans la largeur de la route, ce qui laissait peu d’options en cas de croisement d’une autre voiture… ou mieux, d’un camion ! Sortis de ces bois oppressants, nous débouchâmes sur une espèce de promontoire depuis lequel nous pûmes apercevoir pour la première fois le « pueblo », niché dans une cuvette en contrebas : plusieurs centaines de maisons aux toitures en ardoises ou en tuiles brunes se détachaient du patchwork vert, jaune et marron des champs cultivés alentour.
Nous allions entrer dans le bourg que je ne pus m’empêcher de penser à Lucky Luke :
Chardon de Croth. 2 012 habitants. Sa prison, son croque-mort prospère.
Étranger, tu n’es pas le bienvenu alors, pour ton bien, passe vite ton chemin !
Arrivés à proximité du centre de Chardon, mon père gara la voiture devant un grand portail de bois blanc. De part et d’autre du portail, de hauts murs mettaient notre nouveau chez-nous à l’abri des regards, seul restait visible depuis la rue le fronton triangulaire de la bâtisse, percé d’un large œil-de-bœuf. En pénétrant dans la cour pavée, flanquée de deux ailes en U, j’eus l’étrange impression que nous nous jetions dans les bras d’un monstre cyclopéen. La maison de l’Amiral — c’est ainsi que l’on appelait notre maison à Chardon de Croth sans que personne ne sache bien pourquoi : de mémoire, aucun amiral digne de ce nom n’y avait jamais élu domicile — était fidèle aux photos que mes parents avaient exhibées pour nous « vendre » notre nouvelle vie en perspective : c’était une demeure du 19e siècle d’une quinzaine de pièces distribuées sur trois étages. Les hautes fenêtres parfaitement alignées sur une façade classique contrastaient avec la mesquinerie de petites ouvertures irrégulières découpées dans les murs des fermes environnantes. En outre, le blanc de la pierre de tuffeau détonnait au milieu de l’architecture dominante, composée de briques d’un rouge sombre et sale. Côté jardin, devant l’autre façade, une pelouse parfaitement entretenue s’étendait en pente douce jusqu’à la limite de notre propriété, juste marquée par le cours d’un ruisseau.
Pendant que mes parents arpentaient les acres de leur domaine, nous montâmes à l’étage avec mon frère pour jeter un œil à nos chambres. S’approchant d’une fenêtre, les yeux exorbités, Philippe s’exclama :
—   Putain ! Ils ne peuvent pas nous faire ça. JE NE VEUX PAS VIVRE DANS CE TROU !
Il avait hurlé cette dernière phrase, rendu temporairement sourd à cause de la montée en puissance des «  Hell’s bells   » d’AC/DC dans ses écouteurs.
Acclimatation
II
 

 
Mais que venaient-ils donc faire dans cette galère ?
Je me suis souvent interrogé quant à la motivation profonde de mes parents dans cette aventure d’exil normand. Ce couple de citadins si parisien, nom d’une crotte de chien ! Avec la montée en puissance de la crise, combinée à la déception palpable des premières années de mitterrandisme, mes parents avaient certainement trouvé là un bon prétexte pour fuir la pression urbaine. Il leur fallait surtout entraîner leur esprit ailleurs , hors de portée des premiers doutes existentiels qui aiguillonnent les couples dont les enfants sont déjà grands…
En outre, en achetant la maison de l’Amiral, mes parents venaient de faire leur première vraie acquisition de richesses et se joignaient ainsi aux autres baby-boomers qui, quelques décennies après s’être insurgés contre la société de consommation, opéreraient presque malgré eux un coupable glissement sémantique de libertaires à libéraux ; ils se mêlaient aux autres enfants de 68 qui finiraient par grossir les rangs d’une ploutocratie fringante et opiniâtre et qui troqueraient chemise Mao et Belle du seigneur contre un polo Lacoste (puis Ralph Lauren) et un roman de Sulitzer ou peut-être la dernière tentative de BHL

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