Petite histoire de l'orthographe française

Marc Wilmet

Description

"Dans l’histoire du langage, l’écriture arrive en second et se règle donc sur la prononciation. Pour qu’elle soit dite « phonétique », il suffit qu’à chaque phonème corresponde un seul et même graphème. L’idéal... Quasi réalisé en latin, approché en italien et en espagnol, mais largement inaccessible en français. Pourquoi ?

La cause essentielle tient à l’accroissement du nombre de phonèmes sans augmentation concomitante du nombre de graphèmes. S’ajoutent, au Moyen Âge, le souci ornemental d’étoffer les mots trop courts et, à la Renaissance, des préoccupations étymologiques d’érudits (parfois mal informés).

C’est aussi au XVIe siècle qu’apparaissent les premières velléités de réformes. Les volumes successifs du Dictionnaire de l’Académie auront beau adopter quelques propositions simplificatrices, elles se raréfient d’une édition à l’autre, surtout à partir de l’enseignement obligatoire, dont l’orthographe devient le fer de lance. La dernière tentative en date remonte à 1990. Ses allures de croisade valent qu’on s’y attarde.

Marc Wilmet est professeur émérite à l’Université libre de Bruxelles et membre de l’Académie royale de Langue et de Littérature françaises. Professeur invité de nombreuses universités étrangères, il fut aussi président de la Société internationale de linguistique romane.

Sujets

• Linguistique
• Langue
• Littérature

Informations

• Publié par: Académie royale de Belgique
• Nombre de lectures: 5
• EAN13: 9782803104550
• Langue: Français

Extrait

PETITE HISTOIRE DE L'ORTHOGRAPHE FRANÇAISE
Marc Wilmet
Petite histoire de l’orthographe française
Académie royale de Belgique
rue Ducale, 1 - 1000 Bruxelles, Belgique
www.academieroyale.be
Informations concernant la version numérique
ISBN : 978-2-8031-0455-0

© 2014, Académie royale de Belgique
Collection L’Académie en poche
Sous la responsabilité académique de Véronique Dehant
Volume 51
Diffusion
Académie royale de Belgique
www.academie-editions.be
Crédits
Conception et réalisation : Laurent Hansen, Académie royale de Belgique
Illustration de couverture : © Lena Livaya, shutterstock.com
Publié en collaboration avec
Bebooks - Editions numériques
Quai Bonaparte, 1 (boîte 11) - 4020 Liège (Belgique)
[e-mail]
www.bebooks.be

Informations concernant la version numérique
ISBN 978-2-87569-164-4
 
A propos
Bebooks est une maison d’édition contemporaine, intégrant l’ensemble des supports et canaux dans ses projets éditoriaux. Exclusivement numérique, elle propose des ouvrages pour la plupart des liseuses, ainsi que des versions imprimées à la demande.
Avant-propos
Ce livre reprend la première des deux conférences prononcées les 23 et 30 septembre 2014 au Collège Belgique de l’Académie thérésienne sous le titre global, emprunté au Petit Nicolas de René Goscinny : « Silence ! a crié la maîtresse. Si vous continuez tous comme ça, nous allons faire de la grammaire. » L’exposé liminaire s’intitulait Petite histoire de l’orthographe française , le second exposé Il y a grammaire et grammaire .
Qu’on ne s’y trompe pas, la boutade initiale cachait une intention doublement sérieuse. Mon but, dans les pages qui suivent, reste d’identifier la source des difficultés graphiques du français, avant de montrer à quel point les hantises orthographiques propres à notre culture ont entrainé la dénaturation de l’enseignement grammatical, imposé trop tôt — et mal — à de jeunes élèves, et, le comble, abandonné au moment où il pouvait, mieux conçu, devenir efficace.
Sans même parler du dommage intellectuel irrécupérable, les conséquences d’une telle situation pour l’acquisition, le maniement et le perfectionnement de l’outil linguistique ne sauraient être assez dénoncées.
Néanmoins désireux que le lecteur parcoure le présent opuscule avec sérénité et si possible un certain plaisir, j’ai essayé de conserver à l’écrit un peu de la spontanéité du langage parlé, fait d’excursus (ici renvoyés en note), de phrases nominales, d’incidentes, de parenthèses…, et à la démarche d’ensemble une allure buissonnière qui n’ajoute pas le chemin de croix au chemin des écoliers.
Chapitre 1
Le temps des jongleurs
Élément fondamental à ne jamais perdre de vue : dans l’histoire de l’Humanité, l’écriture n’est apparue que plusieurs centaines de milliers d’années après la parole. À notre échelle aussi nous parlons avant d’écrire. L’écriture, seconde, devrait donc en théorie se régler sur la parole, première. Il faudrait et il suffirait à cet effet que pour une langue donnée un et un seul signe note chaque son.
Rabattons immédiatement l’exigence. Le mot son s’applique à toute sorte de sonorités. Des bruits non humains, qu’imitent approximativement les onomatopées : le souffle du vent, l’écrasement d’un piano sur la chaussée, le bourdonnement des abeilles, le ronron du chat… Ou des bruits humains mais inarticulés : les grognements, les borborygmes, les soupirs… Même limités aux manifestations de l’appareil phonatoire avec intention de communiquer, les sons varient d’un énonciateur à l’autre en fonction de la constitution physique (les poumons, les cordes vocales, le larynx…) et des dictions régionales, locales ou particulières.
Les phonéticiens ont alors construit la notion de phonème , c’est-à-dire un son abstrait, débarrassé des accidents individuels, bref un « commun dénominateur » dont les variations ne produisent aucune différence sémantique. Que l’on prononce rire en grasseyant le r ou en le roulant, le sens du mot ne change pas. Mais remplacez la première consonne de rire par la première consonne de loi ou de ...